mercredi 31 mai 2023

Le développement de compétences liées à l’apprentissage autonome

Au cours de leur scolarité, la plupart des élèves reçoivent assez peu d’informations sur le fonctionnement de leur cerveau ou sur la meilleure façon d’étudier en fonction de la matière concernée. 

Les élèves mobilisent souvent trop régulièrement des stratégies sous-optimales comme recopier, relire ou surligner un texte. Ils ne savent pas qu’il existe de bien meilleures façons d’étudier et ils sous-utilisent ou négligent complètement certaines stratégies correspondantes. Ils pensent, souvent à tort, qu’ils font ce qu’ils peuvent.

(Photographie : yuki-haura)



Comprendre l’enjeu d’apprendre à étudier et ses implications


L’étude ou l’apprentissage autonome peuvent être définis pour un élève comme la tentative consciente et délibérée d’apprendre des connaissances et des compétences scolaires, généralement en dehors des murs de l’école et des heures de cours. 

Pour de nombreux élèves, étudier de manière autonome représente un réel défi. 

Étudier efficacement et avec succès est un enjeu important d’épanouissement et de réussite personnelle.

Si l’autonomie parait une finalité, elle n’est que partielle, soumise à des influences et pour une part autodéterminée. Lorsque nous parlons d’apprentissage autonome ou autorégulé, de nombreuses dimensions viennent se compléter et s’influencer : cognitives, métacognitives, motivationnelles, sociales, émotionnelles ou comportementales.  

Ces dimensions se résument une seule et même histoire à l’échelle d’un individu. Au cours de sa scolarité, un élève s’inscrit dans un processus auquel il participe activement avec plus ou moins d’engagement. Il développe peu à peu des compétences personnelles et prend des responsabilités. L’enjeu à terme est d’être capable d’apprendre de manière autonome, de poser des choix appropriés quant à ses engagements et à ses ressources, envies et possibilités, et de concrétiser ses projets. 

Il est important de poser un constat :

Les élèves n’apprennent pas optimalement l’apprentissage autorégulé simplement en l’expérimentant en autonomie. Le supposer constitue un problème de justice sociale :
  • Si les élèves doivent découvrir par eux-mêmes comment étudier, nous pouvons supposer que cela ne se passera pas d’une manière efficace, sauf pour certains élèves qui pourraient disposer d’un accompagnement informé dans leur sphère familiale.
  • Dès lors, laisser les élèves découvrir la manière d’étudier risque d’étendre les inégalités. Il est probable que cela se traduise pour bon nombre d’élèves par une perte d’apprentissage et par une baisse progressive de leur sentiment d’efficacité personnelle face aux attentes de l’école. 
Ce constat à des implications sur la manière dont nous pouvons concevoir le soutien à apporter aux élèves en ce qui concerne le développement de leurs compétences en apprentissage autonome.

C’est d’autant plus le cas que la psychologie cognitive et plus particulièrement la science de l’apprentissage ont bien documenté les stratégies et les connaissances utiles à acquérir pour soutenir un apprentissage autonome.

Dans cette perspective, trois dimensions de l’apprentissage autonome sont étroitement liées et s’influencent mutuellement :
  • Un apprentissage de l’apprentissage autonome :
    • Être capable d’apprendre de manière autonome suppose pour l’élève l’apprentissage et la consolidation d’un corpus de connaissances et de compétences liées à la mémorisation et aux stratégies (cognitives, métacognitive ou organisationnelles) qui la soutiennent.
  • Une littératie de l’apprentissage autonome : 
    • La littératie désigne tous les apprentissages de base qui sont enseignés aux élèves, afin de leur donner les fondamentaux qui leur permettront d’évoluer dans la société.
    • Il existe une littératie de l’apprentissage autonome développée dans le cadre de la science de l’apprentissage. Les connaissances et stratégies de base liées à l’apprentissage autonome sont fonction de l’âge de l’élève et de la matière concernée. Il est donc nécessaire que la formation à l’apprentissage autonome soit adaptée aux besoins des élèves et directement mobilisable par ces derniers.
  • Un enseignement explicite de l’apprentissage autonome :
    • La nécessité d’un apprentissage autonome étant établie, de même que ces contenus, un enseignement efficace de ces derniers s’impose.
    • Un enseignant peut former ses élèves aux connaissances et compétences liées à l’apprentissage autonome qui leur permettront d’apprendre efficacement par le biais d’un enseignement explicite.



Comprendre le processus cyclique de la métacognition


Une manière globale d’appréhender le développement de compétences en apprentissage autonome est de concevoir la métacognition comme un processus cyclique. 

La métacognition représente la connaissance que les élèves développent d’eux-mêmes en tant qu’apprenants. Elle est en lien avec les tâches dans lesquelles ils s’investissent et avec les différentes stratégies qu’ils peuvent mobiliser ou développer pour mieux apprendre.

La cognition s’intéresse à la manière dont le cerveau traite les informations et apprend. Elle se manifeste par les stratégies d’apprentissage que les élèves mobilisent effectivement pour traiter ces informations, à la fois en classe et lors de leur temps d’étude. 

Les manières dont les élèves planifient, suivent, ajustent et évaluent leur processus d’apprentissage sont des exemples de compétences ou de stratégies métacognitives. La métacognition se nourrit du retour d’information sur expérience. L’individu devient son propre sujet de réflexion.

Du point de vue cognitif, l’acquisition des stratégies est importante et a des implications sur leur intégration et leur mobilisation préalable en classe.

Cependant dans l’apprentissage autonome, chaque individu se régule et le processus impose une prise de responsabilité des élèves selon trois étapes d’un cycle : la planification, le suivi et l’évaluation. La motivation vient elle-même jouer un rôle dans ce processus.

Le processus cyclique de métacognition est nécessaire, mais pas toujours suffisant, pour développer de bonnes habitudes d’étude. 



La planification dans le processus cyclique de métacognition


La planification représente la manière d’atteindre certains objectifs d’apprentissage en conjuguant ressources et stratégies.

Les élèves planifient la manière dont ils vont aborder la tâche (une production ou l’étude de contenus) en se posant le type de questions suivantes : 
  • Quel est l’objectif que je me fixe en lien avec cette tâche scolaire ?
  • Comment est-ce que j’aborde habituellement avec succès des tâches similaires ? 
  • Combien de temps puis-je consacrer à cette tâche scolaire ? 
  • Quelle stratégie d’étude devrais-je mobiliser pour réaliser cette tâche scolaire ? 
  • Quelle est la probabilité que j’atteigne mon objectif avec la stratégie choisie et dans le temps dont je dispose ? 



Le suivi des apprentissages dans le processus cyclique de métacognition


Le suivi représente toutes les actions et démarches menées par l’élève lors du processus d’étude, qui portent sur la vérification de l’avancement et les éventuels ajustements estimés nécessaires.

Au cours du processus d’apprentissage, les élèves mettent en œuvre certaines stratégies cognitives et d’organisation pour permettre l’apprentissage, traiter le contenu et contrôler leurs progrès : 
  • Est-ce que je suis efficace dans l’usage que je fais de mon temps ?
  • Est-ce que mon environnement de travail est propice à mon avancement ?
  • Est-ce que les stratégies mobilisées me permettent d’avancer comme prévu vers mon objectif d’apprentissage ? 
  • Est-ce que je me rapproche de mon objectif d’apprentissage en respectant la planification escomptée ? 
  • Est-il opportun d’opter pour une autre stratégie d’apprentissage potentiellement plus adaptée ? 
  • Dois-je adapter ma planification et consacrer plus de temps ou moins de temps à cet objectif d’apprentissage ?



L’évaluation dans le processus cyclique de métacognition


L’évaluation porte sur le fait d’évaluer au terme de l’apprentissage le niveau d’atteinte de l’objectif prédéterminé. Nous nous engageons dans un bilan réflexif. Nous utilisons tout retour d’information disponible pour déterminer comment aborder une tâche similaire la prochaine fois. Pouvons-nous précéder ou devrons-nous agir différemment ?

Les élèves ont intérêt à utiliser ces informations et ce processus de réflexion pour adapter leur processus d’apprentissage au fil du temps. Poser ce bilan régulièrement leur permet de mettre à jour leurs connaissances métacognitives sur ce qu’est un apprentissage efficace dans leur contexte personnel.

Lorsque la tâche est terminée, ils évaluent si l’objectif d’apprentissage a été atteint et s’ils ont utilisé les stratégies les plus appropriées : 
  • Ai-je atteint mon objectif de départ ? 
  • Est-ce que mon objectif de départ avait été correctement défini ?
  • Que dois-je faire différemment la prochaine fois en matière de planification, de suivi et de stratégies mobilisées ? 
  • Est-ce que je maîtrise suffisamment les contenus en lien avec l’objectif d’apprentissage ? 
  • Est-ce que d’autres objectifs d’apprentissage (liés à des lacunes détectées) méritent d’être poursuivis en matière de remédiation ou d’approfondissement ?
  • Est-ce que les stratégies que je mobilise présentent des lacunes qui justifieraient un accompagnement ?



La motivation dans le processus cyclique de métacognition


Cependant, étudier efficacement ne consiste pas seulement à utiliser des stratégies cognitives et métacognitives. L’autonomie et la responsabilisation qu’impose l’étude demandent que les élèves manifestent des stratégies de motivation. 

Les élèves doivent être capables de persévérer, notamment face aux difficultés qui peuvent se présenter. Des priorités annexes ne doivent pas venir interférer avec la poursuite d’objectifs personnels d’apprentissage.

Les élèves doivent pouvoir garder à l’esprit une récompense à long terme (une réussite scolaire) plutôt que d’opter pour une récompense à court terme (se laisser distraire ou s’adonner à un loisir). Différentes pistes peuvent être utilisées pour lutter contre la procrastination. L’une d’elles est la technique Pomodoro.



L’importance d’ancrer l’enseignement explicite de l'apprentissage autonome au sein de chaque matière


Au fur et à mesure de leurs expériences scolaires, les élèves peuvent améliorer et enrichir leur panoplie de stratégies d’apprentissage autonome, principalement dans les domaines cognitifs et métacognitifs. 

Cependant, les biais cognitifs et le caractère non intuitif de nombreuses approches efficaces font qu’elles vont bénéficier d’un enseignement explicite, d’une pratique délibérée et distribuée, accompagnée d’un retour d’information.

De plus, connaitre une stratégie d’apprentissage efficace ne signifie pas qu’un élève va forcément prendre la peine de la mobiliser, qui plus est à bon escient. 

Les composantes cognitives, métacognitives, motivationnelles, sociales ou comportementales ne peuvent être considérées isolément. Elles s’influencent constamment les unes les autres. C’est ce qui permet de parler de la mise en œuvre d’une culture de l’apprentissage en classe qui prend en compte la globalité de ces dimensions. 

Prises ensemble et associées, ces composantes peuvent conduire à un processus d’apprentissage dans lequel les élèves peuvent apprendre ensemble ou en autonomie, très régulièrement, des stratégies cognitives et métacognitives efficaces, toujours liées au contexte ou à la tâche. 

Le fait qu’ils rencontrent de multiples opportunités de pratique, de rétroaction et des occasions de succès en s’engageant dans ces démarches contribue parallèlement à leur motivation.

Un facteur clé de tout le processus est sa contextualisation dans le contexte spécifique de l’enseignement en classe au sein des différentes matières :
  • La métacognition est spécifique à la tâche et souvent plus développée chez les élèves qui ont des connaissances préalables plus spécifiques au domaine. Un enseignant peut donner une rétroaction judicieuse sur l’utilisation d’une stratégie dans le cadre des contenus spécifiques appartenant à sa matière.
  • Il n’y a pas non plus de transfert automatique de ces compétences d’autorégulation entre différentes matières ou différents domaines. Un exemple crucial peut être la faculté à générer un guide d’étude sous forme de flashcards. La démarche sera différente d’un cours à l’autre au-delà de principes communs si elle veut rencontrer une pleine efficacité. Si un élève a appris cette stratégie dans le cadre d’un cours de mathématiques, il ne sera peut-être pas capable de la transférer seul dans un cours d’histoire.
  • De plus, le fait de rencontrer les mêmes stratégies dans différents contextes augmente la potentialité de développer de bonnes habitudes de travail générales en lien avec celles-ci. 
Pour ces raisons, il est si important que les élèves apprennent ces stratégies en fonction du contexte et que leur enseignement relève de la responsabilité des enseignants dans chacune des disciplines concernées.



Conditions d’un enseignement explicite de l’apprentissage autonome intégré à chaque matière


Pour qu’un enseignant puisse accompagner efficacement ses élèves en classe sur le sujet de l’apprentissage autonome, trois éléments sont importants :
  1. Le développement des compétences de l’enseignant en ce qui concerne les contenus et les objectifs d’un enseignement de l’apprentissage autonome fondé sur des données probantes.
  2. Un enseignement explicite et délibéré de la part de l’enseignant qui se fonde sur la modélisation de stratégies fondées sur des données probantes. 
    • Par exemple, les pistes suivantes peuvent être explorées à partir de la conception et de l’usage d’un résumé de type Cornell : 
      • L’enseignant montre comment créer un résumé dans la cadre d’une prise de notes Cornell.
      • L’enseignant souligne les avantages de l’autoévaluation pour la mémorisation dans ce cadre.
      • L’enseignant raisonne à voix haute tout de la mise en pratique de la stratégie dans un cas concret en lien avec son cours.
      • L’enseignant met en garde les élèves contre d’éventuelles conceptions erronées liées à la relecture et contre de mauvaises utilisations de la stratégie. 
  3. Une pratique délibérée des stratégies dans la cadre des contenus de matière enseignés en classe. L’enseignant donne aux élèves des occasions de s’exercer, il leur délivre un soutien et un retour d’information, en les aidant à apprendre de leurs erreurs. 
Une implication est qu’une démarche générique sur l’apprentissage des stratégies d’apprentissage autonome n’est pas très utile. Un cours dédié à la méthode de travail a peu d’impact effectif.

Les principes et les connaissances métacognitives qui peuvent être appliquées de manière générique sont relativement rares. De plus, l’acquisition de nouvelles stratégies implique un apprentissage qui se fonde sur des éléments théoriques et une application pratique. 

Toutefois, ces éléments génériques existent, mais ils ne feront pleinement sens que complètement contextualisés : 
  • Comment le cerveau apprend, se souvient et oublie-t-il ?
  • Pourquoi la pratique espacée fonctionne-t-elle bien ?
  • Pourquoi l’autoévaluation est-elle une stratégie d’apprentissage efficace ?
  • Pourquoi la réussite est-elle une question d’efforts fournis et de stratégies adéquates mobilisées ?
En aidant à transférer ces connaissances aux contenus d’apprentissage que les élèves doivent traiter, nous leur enseignons une meilleure manière d’apprendre ce que nous leur enseignons. 

De cette façon, dans différents contextes, appliqués à différents éléments d’apprentissage, les élèves peuvent développer des habitudes d’étude précieuses. Celles-ci leur permettent d’atteindre leurs objectifs et d’être récompensés pour leurs efforts, ce qui permet de démarrer un cercle vertueux de la motivation et plus particulièrement de leur sentiment d’efficacité personnelle.



Mis à jour le 04/01/2024


Bibliographie


Hoof, T., Surma, T., & Kirschner, P. A. (2021). Leer studenten studeren met succes. Antwerpen: Thomas More-hogeschool.

Hoof, T., Surma, T., & Kirschner, P. A. (2021). Studeren met succes. Antwerpen: Thomas More-hogeschool.

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