L’importance du développement de bonnes habitudes de travail

Pourquoi la formation à l’apprentissage autonome doit-elle se penser comme le développement de bonnes habitudes ?

(Photographie : Mériol Lehmann)

L’effet néfaste répété de mauvaises habitudes pour l’apprentissage autonome

Les mauvaises habitudes constituent un engrenage dans lequel nous tombons sans nous rendre compte que leurs effets néfastes s’additionnent et s’accumulent au fil du temps.

Nous allons décrire deux exemples :

Utiliser son smartphone comme réveil

Il peut être tentant au moment de se coucher d’emporter son téléphone portable avec soi dans la chambre et de programmer une alarme afin de s’en servir comme réveil. Il est alors assez tenant et naturel, tout en se glissant peu à peu dans les bras de Morphée, de s’en saisir de manière réflexe. Sans trop réfléchir, pour satisfaire notre curiosité, nous consultons distraitement différentes applications liées aux réseaux sociaux ou de messagerie, sans réellement nous en rendre compte.

Cette utilisation peut se poursuivre jusqu’à ce que le sommeil prenne le dessus. Cet acte peut facilement devenir une routine, une habitude qui se traduit en un réel un impact négatif conséquent sur notre temps de sommeil journalier.

Malgré nous, notre environnement nous incite et nous amène à perpétuer cette habitude, elle se produit presque automatiquement sans que nous y pensions. Son coût, lui, reste bien réel.

Des stratégies d’apprentissage mal utilisées

Les élèves peuvent avoir développé des habitudes d’étude improductives en mobilisant des pratiques inefficaces. Ces habitudes correspondent généralement au fait de privilégier des stratégies de l’ordre de la relecture, du surlignement ou du fait de recopier ses notes de cours ou le manuel.

Il peut ne pas être facile pour eux de se défaire de ces habitudes même s’ils sont sensibilités aux pièges qu’elles représentent et de leurs limites, car elles sont confortables. 

L’effet bénéfique accumulé des bonnes habitudes pour l’apprentissage autonome

À l’opposé, il y a tout à gagner à soutenir l’acquisition d’habitudes pérennes et avantageuses à long terme. 

Imaginons qu’un élève a pu établir la routine d’une mise au travail chaque soir, rapidement après être rentré de l’école, bien avant le repas familial. Ce comportement hautement bénéficiaire ne lui demande plus d’efforts spécifiques, car c’est une habitude. Il rentre et se met au travail. Au fil des années, les exigences de travail autonome vont s’accroitre et il aura déjà pris le pli de se mettre au travail directement et efficacement.

Une fois installées, des habitudes qui peuvent paraitre très exigeantes au départ vont sembler normales et naturelles pour les élèves qui en ont fait des routines. Elles forment une base évolutive productive qui peut s’adapter au fil du temps en fonction de l’évolution des exigences. 

Par conséquent, il y a un enjeu important à se concentrer sur l’apprentissage et l’adoption de bonnes habitudes.

L’acquisition de bonnes habitudes d’étude prend spécifiquement trois étapes : 

1. L’adapter l’environnement 
2. La pratiquer de manière délibérée
3. La renforcer positivement 

Prendre en compte l’environnement de travail pour développer de bonnes habitudes d’apprentissage autonome

L’attention joue un rôle clé dans l’apprentissage.  Stephen Chew (2021) la décrit comme un goulet d'étrangement pour l'apprentissage et prescrit l'évitement des distractions et du multitâche.  

Pour pouvoir apprendre quelque chose :

• Nous devons diriger notre attention sur les contenus importants.
• Nous devons résister aux distractions qui détournent notre attention.

Il n’est pas raisonnablement possible d’apprendre efficacement dans un environnement où la concurrence se manifeste à travers le téléphone portable, la radio, la télévision, les réseaux sociaux ou la messagerie instantanée. Nous ne sommes jamais aussi efficaces en mode multitâche.

Pour favoriser un apprentissage aussi efficace et efficient que possible, il est préférable d’aménager intelligemment le lieu d’étude en éliminant les éléments qui font potentiellement obstacle à l’apprentissage.  Un endroit neutre, minimaliste, calme et sans bruit s'impose.

Ce type d'environnement facilite le développement de bonnes habitudes de travail. C'est d'autant plus intéressant qu'un comportement habituel s’immunise contre les distractions en se fondant sur des automatismes appropriés. Ce faisant, il diminue le besoin de ressources cognitives, d’effort ou de volonté. 

Les élèves qui apprennent et développent de solides habitudes d’étude ont moins besoin de résister consciemment aux tentations et d’utiliser leur volonté chaque fois. Ils se placent dans un cadre propice et se reposent sur leurs automatismes qui les protègent des distractions et des tentations.

La difficulté est qu’installer une nouvelle routine efficace demande de rompre avec un comportement habituel moins efficace, ce qui est difficile, coûteux et prend du temps. Si on y arrive cependant, le bénéfice est double.

Pratiquer de manière délibérée et (se) renforcer pour développer de bonnes habitudes d’étude

En adaptant notre environnement, nous faisons en sorte que le choix du comportement souhaité devienne l’option la plus facile, évidente et aisée. 

Si nous prenons le cas du smartphone, cela consiste à placer le smartphone en mode silencieux dans une autre pièce que celle où l’étude a lieu. 

Pendant la pause, par exemple après 2 x 25 minutes d’étude, nous pouvons nous récompenser en sortant de la pièce pour nous dégourdir les jambes et consulter notre téléphone. 

De cette manière, nous associons une action que nous devons entreprendre et qui est difficile (étudier) à quelque chose que nous voulons faire et qui est agréable (consulter les médias sociaux). C’est l’effet de Premack.

Une autre technique est d’associer une nouvelle habitude bénéfique de manière complémentaire à des habitudes que nous possédons déjà. 

Supposons qu’un élève étudie uniquement en relisant ses notes ce qui est une habitude ancrée. Il peut associer cette habitude à l’auto-explication, avant ou après avoir relu, il cache la feuille et s’explique oralement le contenu au départ de questions. En pratiquant régulièrement l’auto-explication liée à la relecture, il peut en prendre l’habitude ce qui améliorera l’efficacité de son étude. Cela lui permet de se familiariser avec la pratique de récupération. Une fois celle-ci devenue elle-même habituelle, il peut tenter d’en faire sa stratégie par défaut avant la relecture qui devient une phase de vérification et de rétroaction.

Prendre conscience des enjeux de l’amélioration pour développer de bonnes habitudes d’étude

Le processus lié au changement des habitudes doit être conscient et bénéficier d’un pilotage, ce qui demande une évaluation, une rétroaction et une adaptation. 

Tout comportement appris et routinier répond à un besoin ou à une récompense qui le renforce et se différencie en fonction de la nature de la motivation sous-jacente. Une motivation extrinsèque par exemple est plus dépendante de récompenses immédiates tandis qu’une motivation intrinsèque se fonde plus sur une récompense à long terme.

Par conséquent, nous devons bien identifier l’objectif ou le résultat visé. Voulons-nous éviter une conséquence négative ou atteindre un résultat positif ? 

Les opportunités de réussites sont importantes, car elles renforcent la confiance en soi, le sentiment d’efficacité personnelle et nous motivent à persévérer. À ce titre, il est important de bien prendre conscience du fruit de nos efforts et de nous récompenser mentalement dans l’adoption de nouvelles pratiques efficaces.

L’exemple de la pratique de récupération

En tant qu’enseignants, nous pouvons aider nos élèves à développer de bonnes habitudes d’étude par un enseignement explicite des stratégies d’apprentissage autonome. 

Par exemple, nous pouvons souhaiter voir nos élèves privilégier la pratique de récupération dans le cadre d’une étude distribuée dans le temps. 

Pour ce faire, nous devons intégrer cette stratégie dans notre pratique de classe de manière continue, mais de différentes manières, afin qu’elle soit répétée souvent et que les élèves aient de nombreuses occasions de s’exercer. 

Cela peut se faire en commençant régulièrement le cours par la question « Que vous rappelez-vous de la leçon précédente ? » ou par un petit quiz comportant trois questions sur le cours précédent. 

De même, il nous faut expliquer pourquoi utiliser si souvent cette stratégie d’apprentissage et attirer leur attention lorsque ses bénéfices se manifestent. 

Créer des environnements d'apprentissage exempts de smartphone

Nous pouvons prouver aux élèves par une activité en classe qu’ils ne peuvent pas être multitâches et que son usage dans un contexte d'apprentissage est délétère. Or le téléphone portable est la principale source de multitâche dans un contexte d'apprentissage. 

Lorsque les élèves utilisent leur téléphone portable ou tout autre écran pour communiquer, regarder des vidéos ou utiliser les médias sociaux, tout en étudiant ou en s'engageant dans un travail scolaire, ils gaspillent une partie conséquente de leur temps d’étude disponible. Ils apprennent moins, plus superficiellement et moins duablement. Parallèlement, ils commettent davantage d’erreurs et en retiennent certaines.

Amez & Baert (2020) relatent une étude dans deux universités sur l’utilisation du smartphone. Les chercheurs y ont montré que les étudiants en ayant une utilisation supérieure à la moyenne de leur smartphone, obtenaient en moyenne inférieure à leurs examens, de 1,1 point sur 20, que les étudiants en ayant une utilisation inférieure à la moyenne.

Dès lors, il est utile de soutenir autant que possible les élèves dans la mise en place d’un espace d’étude qui est exempt de gadgets électroniques dont ils n’ont pas vraiment besoin pour étudier. Cela signifie également que dans cet espace d’étude, ils doivent désactiver et éloigner leur téléphone de leur lieu de travail et couper tout accès à la messagerie électronique et aux médias sociaux sur leur ordinateur portable ou tablette. 

En tant qu’enseignants, nous souhaitons que nos élèves mettent leur téléphone portable à l’écart lorsqu’ils étudient. 

Ils semble par conséquent évident que nous devons commencer par bannir le téléphone portable de nos cours, de manière à limiter les stimuli distrayants déjà dans l’espace de notre classe. De cette façon, nos élèves s’habituent à travailler sur notre matière sans prendre l’habitude de faire usage de leur téléphone portable. 

Nous posons le cadre, habituons nos élèves à travailler de cette manière et nous prenons la peine de les renforcer. Nous ne devons pas sous-estimer notre rôle dans cette étape. 

Quelque chose d’apparemment simple comme un encouragement ou un sourire sincère, la mise en évidence de leur progrès dans un environnement sans smartphone, et le fait de faire en sorte que les élèves se sentent valorisés, sont souvent une récompense en soi. 

Mettre en route un cercle d’amélioration vertueux pour l’apprentissage autonome

Avons-nous réussi à étudier sans notre téléphone portable à proximité aujourd’hui ? Avons-nous préparé surtout en nous testant avant de relire ? Ces questions auxquelles tous les élèves devraient devenir capables de répondre positivement doivent être célébrées pour renforcer la probabilité de leur répétition et de leur transformation en bonnes habitudes !

L’enjeu du processus est qu’en développant des habitudes d’étude plus efficaces, les élèves puissent constater qu’ils rentabilisent leur temps de travail de manière plus significative. Ils réussissent mieux, ils peuvent mieux suivre en classe. Ils s’améliorent, se sentent mieux et gagnent en motivation. 

La satisfaction est un facteur de motivation important. Elle permet de nourrir le sentiment d’efficacité personnelle qui en lui-même est un moteur d’amélioration. Le degré de confiance que nous avons dans vos propres capacités influe également sur votre motivation et sur notre engagement.

Si nous avons le sentiment de pouvoir traiter la matière du prochain test, ou de mener à bien une tâche, nous serons plus motivés pour persévérer. 

Malheureusement, l’inverse est également vrai. Si nous avons l’impression que nous ne pouvons pas faire quelque chose, cela peut nous rendre peu sûrs de nous et nous causer davantage de stress ou d’anxiété face aux tests. La façon dont nous nous sentons par rapport à notre propre apprentissage est importante.  

À ce titre, le développement de bonnes habitudes de travail dans le cadre de l’apprentissage autonome est un enjeu doublement essentiel en matière de soutien à la réussite scolaire et de développement de la confiance en soi.

Mis à jour le 05/01/2024

Bibliographie

Hoof, T., Surma, T., & Kirschner, P. A. (2021). Leer studenten studeren met succes. Antwerpen: Thomas More-hogeschool. 

Amez, S., & Baert, S. (2020). Smartphone use and academic performance: A literature review. International Journal of Educational Research, 103, 101618. 

Chew, S. L. (2021, June 17). An Advance Organizer for Student Learning: Choke Points and Pitfalls in Studying. Canadian Psychology/Psychologie canadienne. Advance online publication. http://dx.doi.org/10.1037/cap0000290