(Photographie : Mark Mahaney)
La notion de divergence dans l’autorégulation
L’autorégulation est déclenchée par la détection d’un écart entre l’état actuel d’un système et un état cible. Le comportement ultérieur vise à réduire cet écart.
L’autorégulation n’est pas spécifique à l’homme, mais est une caractéristique du vivant. Dans le contexte de l’enseignement, elle est assez immédiate. Dès que des élèves sont confrontés à un enseignement ou à ses objectifs pédagogiques, une divergence apparait.
Cette divergence découle de l’écart perçu entre l’état de maitrise actuel du contenu du cours perçu par l’élève et ses attentes en matière de réussite du cours.
Les élèves peuvent différer dans leurs connaissances préalables. Ils peuvent avoir des attentes différentes en matière de réussite, de sorte que l’ampleur des divergences perçues sera variable et donnera lieu à des modes d’autorégulation différents.
La divergence est nécessaire pour entamer la régulation. En absence de divergence, il n’y a pas d’apprentissage.
Il existe différentes implications sur les notions de divergence et d’autorégulation :
- Comment les élèves s’engagent-ils dans l’autorégulation pour réduire les écarts perçus ?
- Comment déterminer si l’autorégulation mise en œuvre par les élèves est optimale ?
- Pourquoi certains élèves sont-ils plus aptes à réguler leur comportement (et donc plus susceptibles d’atteindre les objectifs qu’ils recherchent) que d’autres ?
- Si l’autorégulation de certains élèves est considérée comme étant sous-optimale, quels sont les facteurs qui la limitent ?
Apprentissage autorégulé : composantes et enjeux
Une définition simple de l'apprentissage autorégulé
Dans une situation d’apprentissage autorégulé, un élève va s’engager dans un comportement qui inclut un traitement cognitif. Ce traitement cognitif lui permet de réduire l’écart entre :
- Un état perçu actuel
- Un objectif pertinent pour la performance ou l’apprentissage.
Des compostantes de l'apprentissage autorégulé
Cette définition possède diverses implications importantes pour l'apprentissage autorégulé :
- Il est orienté vers un but :
- Ce but est la réduction d’une divergence entre deux états internes :
- Un état perçu
- Un objectif pertinent.
- L'existence d'une divergence entre ces deux états internes n’est pas suffisante pour stimuler l’autorégulation :
- Il y a souvent de nombreux objectifs non atteints.
- Tous les objectifs ne peuvent pas tous être poursuivis en même temps.
- Lorsqu’un élève s’engage dans la réalisation d'une tâche donnée en lien avec un but de réduction de la divergence, c’est l’état perçu et l’objectif qu’il adopte qui déclencheront et stimuleront l’autorégulation.
- Il nécessite souvent une planification :
- Les élèves devront généralement planifier pour atteindre leurs objectifs, à moins que leurs objectifs ne soient simplement de réussir des tâches faciles.
- L’autorégulation est possible sans planification, elle peut également se réduire à étudier toute une nuit la veille de l’examen.
- Toutefois, l’apprentissage des élèves sera souvent plus efficace s’il est guidé par une réelle planification.
- Il mène à des activités :
- Il inclut toute activité visant à atteindre un objectif d’apprentissage, qu’il s’agisse d’un objectif de maitrise ou de performance.
- Les activités peuvent comporter des sous-objectifs.
- Il implique la mise en oeuvre de stratégies :
- Se fixer des objectifs
- Assister aux cours
- Prendre des notes
- Réaliser des activités en classe
- Utiliser des stratégies de compréhension et de mémorisation
- Étudier en collaboration
- Répartir le temps d’étude
- Auto-évaluation
- Poser des questions
- Demander l’aide de pairs ou de l’enseignant
- Faire ses devoirs à la maison
- Etc.
- Il concerne également l’atteinte d'objectifs plus généraux :
- Ces objectifs généraux sont par exemple le fait de réussir scolairement.
- Il nécessite la coordination de nombreuses activités interdépendantes au fil du temps.
- La réussite d’activités préalables est souvent nécessaire pour rencontrer par la suite le succès.
La notion d'échec de planification lié à l'autorégulation
Si l'apprentissage autorégulé se veut efficace, il implique une maitrise de la planification des activité dans le temps. Quand il est mal maîtrisé, il peut amener à l’échec de la planification :
- Si l’élève présente diverses négligences sur plusieurs aspects et activités liées à l’autorégulation, il peut se retrouver dépassé par des écarts croissants et rencontrer de plus en plus de difficultés à établir des priorités.
- Une planification réussie impose de bien utiliser le temps, de fournir des efforts et de mobiliser des stratégies pertinentes. Il est attendu en général, à ce que les élèves obtiennent des résultats insuffisants lorsque le temps d’étude est régulé de manière sous-optimale. Dunlosky et Thiede (2004) ont démontré que ce dérèglement provenait de l’absence de planification ou des difficultés à la mettre en oeuvre une fois qu'elle est élaborée :
- Certains élèves ne se fixent pas d’objectifs clairement définis.
- Certains élèves oublient quels sont leurs objectifs ou évitent d'y penser.
- Certains élèves n'élaborent pas de planification pour atteindre leurs objectifs mais fonctionnent au jour le jours.
- Certaines élèves élaborent des planifications inefficaces.
- Certaines élèves ne mettent pas en oeuvre correctement leurs planifications.
- Différents autres facteurs peuvent contribuer à un mauvais apprentissage autorégulé, comme :
- Un manque de motivation et d'efforts
- Des connaissances préalables inadéquates
- Une méconnaissance ou un mauvais usages de stratégies d'apprentissage
- Des déficiences en intelligence fluide ou en capacité en mémoire de travail.
Dimension métacognitive de l’apprentissage autorégulé
Les processus métacognitifs comprennent le suivi et le contrôle de la cognition réalisée sur lui-même par un individu. Ces processus jouent un rôle important dans l’apprentissage autorégulé. Ils influencent les décisions prises concernant l’allocation du temps d’étude, ce qui peut se traduire en une amélioration du bilan des apprentissages.
L’autorégulation elle-même n’exige pas que les régulateurs soient conscients de leurs efforts en cours. Cependant, nous pouvons supposer qu’une grande partie de l’apprentissage autorégulé des élèves peut impliquer la conscience de soi et la réflexion, et par conséquent des processus métacognitifs explicites.
Selon Zimmerman (2001), les élèves sont autorégulés dans la mesure où ils participent activement, sur le plan métacognitif, motivationnel et comportemental, à leurs propres processus d’apprentissage.
La dimension métacognitive n’est pas indispensable à l’apprentissage autorégulé. Cependant, les processus conscients de suivi et de contrôle sont utiles à la réduction des écarts entre les états perçus et les objectifs. Ils améliorent le rendement des apprentissages.
En surveillant explicitement leurs progrès en cours pour évaluer leur état de connaissance actuel, les élèves peuvent prendre des décisions de contrôle pertinentes pour mieux progresser.
Par exemple, un élève peut se rendre compte qu’il ne progresse pas dans la compréhension d’un concept dans son cours de physique. Par la suite, il peut s’engager dans un contrôle de son apprentissage :
- En faisant plus d’exercices et en étudiant plus de problèmes résolus.
- En demandant de l’aide à son enseignant
- Ou en posant des questions à leurs camarades de classe sur le concept qui lui pose un problème de compréhension.
Ces activités impliqueront également une interaction entre les processus de surveillance et de contrôle, les élèves s’investissent dans ces processus en vue d’atteindre un objectif d’apprentissage plus large.
Le succès et la valeur ajoutée de l’apprentissage autorégulé dépendront de la coordination des processus métacognitifs et cognitifs ainsi que de l’orientation motivationnelle d’un élève donné.
Privilégier les contenus plus faciles ou les contenus plus difficiles
Un phénomène intéressant quand un apprenant à différents contenus à étudier de degrés de difficultés différents est de voir lesquels il tend à privilégier.
En général, l’autorégulation et la métacognition vont nous amener à prioriser l’étude de contenus plus faciles ou que nous connaissons en partie. Dans certains contextes, elles peuvent nous faire privilégier les contenus plus difficiles.
La tendance à privilégier l’étude de contenus plus faciles à apprendre est plus susceptible de se produire :
- Lorsque les personnes disposent d’un temps limité pour étudier que lorsqu’elles disposent d’un temps illimité.
- Lorsque les éléments sont présentés simultanément que séquentiellement.
Deux facteurs font que cette préférence pour les contenus faciles n’est pas nécessairement absolue. Un élève peut disposer d’un temps plus large lorsqu’il commence à travailler à l’avance avec une perspective de maitrise. De même régulièrement, les contenus plus difficiles sont présentés séquentiellement et intercalés de contenus plus faciles. Il faut alors soit les apprendre, soit passer à la suite avec le risque dans certaines matières à haut degré d’interactivité des éléments de passer à côté de connaissances importantes.
De plus, l’étude à un rythme autonome manifeste moins d’effets de préférence pour les contenus les plus faciles. Lorsqu’ils étudient à leur propre rythme, d’une manière non dictée par des contraintes extérieures, les élèves passent généralement plus de temps à étudier les éléments les plus difficiles à apprendre que les éléments les moins difficiles.
Le cadre de régulation basé sur la planification
Le cadre de régulation basé sur la planification (agenda) est une théorie de la régulation. Il suppose que la régulation de l’étude est orientée vers un objectif. Une hypothèse critique est que lorsque les apprenants développent une planification, ils le font pour maximiser la probabilité d’atteindre efficacement leurs objectifs.
Selon le cadre de régulation basé sur la planification, les apprenants développent une planification portant agenda sur la façon d’allouer du temps à divers éléments d’étude. Ils se réfèrent à cette planification lors de la sélection des éléments à étudier.
Une planification décrit les critères utilisés pour décider quels éléments choisir pour l’étude ou combien de temps étudier un élément donné. Les critères sont choisis en fonction d’un certain nombre de caractéristiques de l’apprenant et de contraintes de la tâche.
Exemples :
1) Un élève s’est mis au travail la veille d’une évaluation importante et se rend compte rapidement qu’il n’aura pas assez de temps pour être en mesure de réussir haut la main.
Dès lors, il se fixe un nouvel objectif, celui de réussir coûte que coûte et de ne pas se retrouver en échec. Il choisit des critères susceptibles d’atteindre cet objectif compte tenu du temps d’étude limité.
Dans ce cas, le critère de choix des contenus à étudier peut inclure :
- Les contenus qui sont les plus susceptibles d’être testés.
- Les contenus qui peuvent potentiellement être appris à un rythme rapide durant le temps restant.
2) Un autre élève peut avoir prévu plusieurs séances d’étude avant l’évaluation importante, afin d’obtenir une note très élevée.
Lors d’une première session d’étude, le critère de sélection de cet élève peut inclure toutes les sections susceptibles d’être testées.
Pour les sessions d’étude suivantes, le critère peut ne retenir que les sections qui n’ont pas encore été maitrisées.
Dans ces exemples :
- Le premier élève se concentre sur les éléments les plus faciles (rentables) pour ne pas échouer.
- Le second élève passe le plus de temps à étudier les sections plus difficiles dans le but d’atteindre une maitrise d’ensemble.
Ces deux cas illustrent la flexibilité de l’allocation du temps d’étude des élèves. En fonction de leurs capacités, de leurs objectifs et des contraintes liées aux tâches, un nombre illimité de planifications pourrait être construit.
Ce cadre à l’avantage d’explorer :
- Comment les élèves peuvent-ils optimiser l’allocation de leur temps d’étude de manière à ce que les critères d’étude correspondent aux capacités de l’apprenant et aux contraintes de la tâche ?
- Pourquoi l’allocation des élèves peut-elle ne pas être optimale :
- Les élèves peuvent ne pas construire de planification sur la manière d’utiliser leur temps d’étude.
- Les élèves peuvent construire des planifications sous-optimales.
- Les élèves peuvent construire des planifications optimales, mais ne pas parvenir à les mettre en œuvre correctement.
Mis à jour le 09/01/2024
Bibliographie
Dunlosky, J., & Ariel, R. (2011). Self-regulated learning and the allocation of study time. In B. H. Ross (Ed.), The psychology of learning and motivation: Advances in research and theory (pp. 103–140). Elsevier Academic Press.
Dunlosky, J., & Thiede, K. W. (2004). Causes and constraints of the shift-to-easier-materials effect in the control study. Memory & Cognition, 32, 779–788.
Zimmerman, B. J. (2001). Theories of self-regulated learning and academic achievement: An overview and analysis. In B. J. Zimmerman & D. H. Schunk (Eds.), Self-regulated learning and academic achievement: Theoretical perspectives (pp. 1–37). (2nd ed.). Mahwah, NJ: Erlbaum.
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