Quels sont les différents facteurs qui interviennent lorsqu'un élève s'investit dans un processus de planification dans le cadre de l'apprentissage autonome ?
(Photographie : noco3n)
Liens entre le cadre de régulation basé sur la planification et le modèle de traitement de l’information de Cowan
Le cadre de régulation basé sur la planification (agenda-based regulation) est une théorie de la régulation. Pour rendre compte de la manière dont les apprenants répartissent leur temps d’étude, il intègre la construction et l’exécution de la planification selon le modèle de traitement de l’information de Cowan (1995).
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Ce modèle décrit comment l’attention sélective est limitée par la nature du système de mémoire et par la capacité de traitement limitée de l’exécutif central (aussi appelé contrôleur exécutif ou administrateur central) :
- Le modèle de Cowan commence par l’entrée d’un flux d’informations dans notre mémoire sensorielle.
- Si des stimuli reçoivent de l’attention, leurs représentations en mémoire à long terme peuvent être activées en mémoire à court terme.
- L’exécutif central peut sélectionner un sous-ensemble de ces souvenirs activés pour qu’ils soient dans le focus attentionnel.
- La capacité du focus attentionnel est limitée : une personne ne peut être consciente que d’une quantité limitée d’informations à un moment donné.
- L’attention est susceptible d’être détournée par des stimuli non pertinents pour l’objectif, qui peuvent être :
- Externes (par exemple, un bruit fort)
- Internes (par exemple, des pensées non pertinentes).
- Lorsque des stimuli non pertinents pour l’objectif capturent l’attention, l’exécutif central doit les inhiber et réactiver les informations pertinentes pour l’objectif. Sans cela, l’objectif d’apprentissage actuel risque de ne pas être atteint.
L’échange d’informations entre l’exécutif central et la mémoire définit deux composantes majeures de la métacognition (métamémoire) :
- La surveillance : l’exécutif central reçoit des informations du système de mémoire.
- Le contrôle : l’exécutif central peut utiliser ces informations pour modifier l’état de ce système. Par exemple, il va concentrer l’attention sur des informations actuellement non activées dans l’environnement, et utiliser des critères pour prendre des décisions sur la durée (ou le contenu) de l’étude, etc.
De cette manière, l’exécutif central et le système de mémoire fonctionnent comme le métaniveau et le niveau objet (respectivement) dans le modèle de métacognition de Nelson et Narens (1990).
Cette interaction entre la surveillance et le contrôle contribue également à la flexibilité de l’allocation des ressources en attention.
Les apprenants commencent une session d’étude avec un objectif particulier. Cela ne signifie pas qu’ils vont poursuivre cet objectif avec ténacité si le retour d’information du contrôle indique que les progrès ne sont pas suffisants ou que l’objectif donné ne peut pas être atteint.
Dans les deux cas, les apprenants peuvent arrêter d’exécuter les actions en cours en vue d’un objectif et en concevoir de nouvelles pour cet objectif ou un autre.
Selon le cadre de régulation basé sur la planification, l’allocation du temps d’étude sera déterminée par de multiples sources :
- La construction de la planification
- L’exécution de la planification
- Les habitudes
- La métacognition : surveillance et contrôle
L’influence de la construction de la planification sur l’allocation du temps d’étude
Lorsque les apprenants construisent une planification, l’exécutif central surveille l’environnement externe et interne à la recherche d’informations pertinentes pour la tâche.
Certaines informations potentiellement pertinentes sont :
- Les objectifs d’apprentissage
- Les critères d’évaluation
- Le temps disponible
- Les échéances
- La récompense à la clé.
Bien qu’elles soient caractérisées comme étant externes à l’apprenant, certaines de ces informations sont générées en interne ou par des interactions entre des stimuli externes et d’autres informations stockées dans sa mémoire à long terme.
Par exemple, lors de la préparation d’un examen pour un cours donné, un élève peut se fixer un objectif d’apprentissage personnel à partir d’une analyse de ses résultats antérieurs. Il peut également se référer à ses croyances quant à sa capacité à réussir cet examen.
Par exemple, il se peut qu’un élève ait obtenu des résultats relativement moyens jusqu’à l’examen final pour différentes raisons :
- Un manque de connaissances préalables ou de capacité
- Un sentiment d’efficacité personnelle peu élevé
- Le fait d’attendre systématiquement la veille pour commencer à étudier
Cet élève peut se fixer un objectif d’apprentissage peu élevé (par exemple, obtenir au moins la moitié) ou plus élevé (progresser de manière nette par rapport à ses résultats antérieurs). Cet objectif sera activé dans sa mémoire à court terme au fur et à mesure que l’apprenant se construit un programme pour l’atteindre.
Pour atteindre un objectif peu élevé de manière efficace, l’élève peut élaborer un programme visant à se concentrer sur les contenus les plus faciles et les plus susceptibles d’être testés.
Toutefois, un objectif de faible apprentissage pourrait probablement être atteint en utilisant une variété de planifications.
Pour atteindre un objectif élevé de manière efficace, les contraintes pour l’élève seront plus élevées en matière de temps, de stratégies mobilisées, de soutien à obtenir, d’efforts et de planifications.
Le succès de l’apprenant à atteindre l’objectif qui s’est fixé dépendrait en partie de la qualité de la planification et de la façon dont elle est exécutée.
L’influence de l’exécution de la planification sur l’allocation du temps d’étude
Pour exécuter une planification particulière, les apprenants devraient au moins maintenir l’activation des critères correspondant au centre de leur attention. Ils doivent contrôler volontairement leurs actions vers la sélection des contenus appropriés pour l’étude.
L’apprenant maintient son attention sur les critères de la planification et sur le contenu à étudier. Il utilise ces informations pour contrôler la sélection des éléments.
Si la planification comprend des critères relatifs à la durée de l’étude de chaque unité de matériel, l’apprenant devra également maintenir l’activation de ces critères pendant l’étude à son propre rythme.
L’exécution de la planification décidée peut être imparfaite. Étant donné que la construction et l’exécution de la planification se produisent dans le centre de l’attention, les limitations de capacité peuvent influencer l’utilisation efficace de la planification. Les apprenants qui ont des processus exécutifs centraux déficients peuvent avoir des difficultés à construire et à exécuter leur planification.
De telles difficultés surviennent lorsque les apprenants n’inhibent pas les pensées non pertinentes pour la tâche ou lorsque le nombre de contraintes pertinentes pour la tâche et les critères de la planification dépasse leurs capacités.
Dans les deux cas, les informations pertinentes pour la planification ne sont pas maintenues au centre de leur attention, ce qui compromet l’atteinte des objectifs.
L’influence des habitudes sur la planification sur l’allocation du temps d’étude
Même un programme relativement simple (par exemple, « choisir les contenus les plus faciles à étudier ») peut être difficile à exécuter. En effet, des informations non pertinentes pour l’objectif peuvent surgir de l’intérieur (par exemple, le vagabondage de l’esprit) ou de l’environnement (une notification sur un smartphone).
Lorsque les limites de l’exécutif central ont été dépassées, les réponses habituelles peuvent prendre le contrôle de l’allocation du temps d’étude.
Les réponses habituelles sont déclenchées par l’environnement du stimulus et ne sont pas contrôlées volontairement.
Koriat et Nussinson (2009) ont proposé que le temps consacré à l’étude soit déterminé plus par les données plutôt que par les objectifs que se donne un apprenant.
Un élément à apprendre normativement difficile peut recevoir plus de temps d’étude. La raison peut être que l’élément prend simplement plus de temps à traiter par l’apprenant. Ce n’est pas nécessairement parce que l’apprenant a nécessairement développé une planification pour étudier volontairement les éléments difficiles plus longtemps que les éléments plus faciles.
L’apprenant va naturellement passer plus de temps sur les éléments plus complexes parce que ça correspond à ses habitudes de travail. Un élément peut ainsi déterminer l’allocation du temps.
Cependant, le cadre de régulation basé sur la planification suppose que les réponses habituelles à d’autres stimuli environnementaux peuvent également influencer l’allocation du temps d’étude. Bien qu’il s’agisse d’une hypothèse, les apprenants peuvent passer plus de temps à étudier :
- Des documents qu’ils ont l’impression de mal comprendre ou qui leur paraissent peu structurés.
- Dans des conditions où le bruit ambiant ou les distractions visuelles nuisent à l’attention sélective qu’ils portent à leur étude.
- Des documents dans l’ordre dans lequel ils apparaissent dans les notes ou dans un manuel, sans tenir compte de leurs importances différentielles pour atteindre un objectif.
Les apprenants peuvent élaborer un programme qui tienne compte de ces facteurs. Si leur objectif est de maîtriser tout le matériel présenté en classe, ils peuvent décider que la meilleure façon d’atteindre cet objectif est de commencer par le début. Si le temps manque, il leur faudra poser des choix judicieux et pragmatiques.
Toutefois, dans ce contexte, le cadre de régulation basé sur la planification prévoit que les réponses habituelles influenceront l’allocation du temps d’étude. Elles sont susceptibles de nuire au cadre de régulation basé sur la planification.
Ces réponses habituelles devraient avoir une plus grande influence lorsque la capacité de l’exécutif central est dépassée.
Dans ce cas, on s’attend à ce que les apprenants oublient leur programme ou leur objectif d’apprentissage et reviennent à leurs réponses habituelles.
L’influence de la surveillance et du contrôle de la planification sur l’allocation du temps d’étude
Les apprenants peuvent surveiller leur état d’apprentissage afin de contrôler la sélection des items et l’étude à un rythme autonome. Un apprenant surveille afin d’évaluer si le ou les objectifs actuels ont été atteints :
- S’ils l’ont été, l’apprenant passera au contenu à apprendre suivant ou à la tâche suivante.
- S’ils n’ont pas été atteints, l’apprenant peut prendre un certain nombre de décisions de contrôle :
- Continuer à étudier
- Changer la stratégie utilisée pour étudier l’élément en cours
- Changer l’objectif en cours
- Etc.
Puisque le contrôle est en partie utilisé pour contrôler l’allocation du temps d’étude, la précision du contrôle est liée à l’efficacité du contrôle.
Les apprenants qui contrôlent plus précisément leur apprentissage allouent plus efficacement le temps d’étude et atteignent des niveaux plus élevés de performance aux tests.
Les techniques qui augmentent la précision du contrôle mènent également à une meilleure allocation et à un meilleur apprentissage.
Le cadre de régulation basé sur la planification suppose que les apprenants peuvent utiliser la surveillance de différentes manières pour contrôler la sélection des éléments et l’étude à un rythme personnel. Par exemple, lors de l’étude à un rythme soutenu, les apprenants peuvent utiliser la surveillance pour évaluer l’état actuel de l’apprentissage ou le rythme de l’apprentissage.
Mis à jour le 10/01/2024
Bibliographie
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Hoof, T., Surma, T., & Kirschner, P. A. (2021). Leer studenten studeren met succes. Antwerpen : Thomas More-hogeschool.
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Koriat, A., & Nussinson, R. (2009). Attributing study effort to data-driven and goal-driven effects: Implications for metacognitive judgments. Journal of Experimental Psychology: Learning, Memory, and Cognition, 35(5), 1338–1343. https://doi.org/10.1037/a0016374
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