La pratique de récupération répétée est un outil d’apprentissage performant pour promouvoir l’apprentissage à long terme, mais les élèves utilisent cet outil de manière inefficace lorsqu’ils régulent leurs apprentissages.
Il y a par conséquent un enjeu à améliorer l’utilisation autorégulée de la pratique de récupération répétée par les élèves.
(Photographie : Nadia Saccardo)
Le pari d’un enseignement explicite des stratégies d’apprentissage autonome
L’application de techniques cognitives soutenues empiriquement pour améliorer les résultats scolaires des élèves exige :
- Que dans un premier temps les enseignants puissent leur enseigner explicitement comment utiliser ces techniques.
- Qu’ensuite, les élèves les adoptent spontanément pour apprendre le contenu du cours.
Difficultés et enjeux de la pratique de récupération répétée
Certaines recherches sur le sujet de la pratique de récupération répétée ont semblé indiquer que les élèves préfèrent ne pas utiliser de stratégies de récupération. Ils préfèrent plutôt utiliser des stratégies alternatives comme la réétude.
De plus, même lorsqu’ils utilisent une stratégie de récupération, ils le font de manière inefficace. Typiquement, ils vont abandonner l’étude des contenus après les avoir récupérés une fois au cours d’une seule session d’étude.
C’est contre-productif, car une récupération répétée et réussie est ce qui favorise pleinement un meilleur apprentissage, bien plus qu’une seule tentative de récupération correcte.
Il existe en effet une ligne directrice soutenue empiriquement pour l’utilisation de la pratique de récupération afin de maximiser la rétention à long terme. Les élèves doivent se souvenir correctement des informations au moins trois fois pendant une session d’étude. C’est ce qu’on appelle la pratique de récupération répétée.
Dès lors, peut-on apprendre aux élèves à utiliser plus efficacement la pratique de récupération pour réguler leur apprentissage ?
Comprendre les conceptions erronées liées à la pratique de récupération répétée
Les élèves en général semblent croire que la pratique de la récupération est utile pour contrôler la mémoire, mais ils ne parviennent pas à saisir les avantages mémoriels qu’elle procure. Par exemple, ils déclarent souvent à tort que la réétude est plus efficace pour l’apprentissage que le fait de se tester.
Cette conception contamine également des enseignants qui utilisent également les tests principalement comme outil d’évaluation dans leurs classes et non comme outil d’apprentissage.
Ces différentes croyances métacognitives inexactes pourraient nuire à l’utilisation efficace par les élèves de la pratique de récupération pendant l’étude, les amenant à choisir de ne pas s’engager dans la pratique de récupération répétée des contenus.
Certaines recherches sur le sujet ont montré que les élèves ne se contrôlent pas de façon répétée. Ils préfèrent plutôt réétudier la matière et, lorsqu’ils procèdent à des autoévaluations, ils abandonnent la matière après se l’être rappelée une fois.
L’utilisation par les élèves d’une stratégie de récupération unique est pleinement cohérente avec la conception de la pratique de récupération comme d’un outil d’évaluation.
Malheureusement, elle est sous-optimale en matière d’apprentissage.
Cette conclusion est cohérente avec les théories de l’étude autorégulée, telles que la théorie de la réduction des écarts ou la théorie de la région proximale d’apprentissage. Elles proposent que les décisions des apprenants concernant le matériel à apprendre sont influencées par le suivi de leurs apprentissages. Une hypothèse clé des deux approches théoriques est que les apprenants n’étudieront pas le matériel qu’ils pensent déjà connaître.
Le suivi de l’apprentissage est un processus heuristique qui consiste à déduire la qualité de la mémoire en fonction des indices dont dispose l’apprenant au moment de son jugement sur l’apprentissage.
La pratique de la récupération fournit à l’apprenant des indices qui sont généralement plus diagnostiques de la performance ultérieure de la mémoire que les indices dont il dispose lorsqu’il étudie l’information.
Le fait de simplement réétudier peut conduire les élèves à surévaluer les indices basés sur la récupération, tels que l’accessibilité et la fluidité de la récupération, lorsqu’ils surveillent leur apprentissage. Cela peut les amener à abandonner prématurément certains éléments lors de l’apprentissage.
Karpicke (2009) a observé que la fluidité de la récupération gonflait simultanément les jugements sur l’apprentissage et augmentait la probabilité que le contenu soit abandonné pendant l’apprentissage.
Favoriser l’usage de la récupération répétée et améliorer les compétences métacognitives
Nous pouvons postuler que lorsque les élèves utilisent la pratique de la récupération de manière inefficace, cela s’accompagne d’un exercice inapproprié de leurs compétences métacognitives.
Par conséquent, former explicitement à l’adoption de la pratique de récupération répétée a toutes les chances d’améliorer leurs compétences métacognitives et la précision de leur jugement sur l’apprentissage.
Tullis et ses collaborateurs (2013) ont constaté dans une série d’expériences que les gens avaient des difficultés à attribuer l’amélioration de l’apprentissage à l’utilisation d’une stratégie de pratique de récupération. Ils en ont conclu que l’apprentissage de l’efficacité des pratiques de récupération se fait uniquement par l’expérience et la découverte personnelle.
Au départ de cette constatation, il semble qu’une intervention pédagogique peut être justifiée. Une façon potentiellement facile de corriger les connaissances métacognitives inexactes et de promouvoir l’utilisation spontanée des stratégies est d’avertir les élèves de l’efficacité d’une stratégie donnée.
L’enseignement de la stratégie est plus efficace lorsque les apprenants reçoivent des instructions détaillées sur la façon de mettre en œuvre une stratégie et sur les raisons pour lesquelles cette stratégie est efficace.
L’enseignement explicite peut être plus efficace pour l’acquisition initiale d’une stratégie que d’autres approches qui reposent sur la découverte expérientielle. Les élèves n’ont pas besoin de générer initialement la stratégie appropriée par eux-mêmes.
De plus, l’enseignement explicite est aussi efficace que les approches d’apprentissage fondées sur la découverte expérientielle pour promouvoir le transfert de l’utilisation des stratégies à de nouveaux contextes d’apprentissage (McDaniel & Schlager, 1990).
Un enseignement explicite de la pratique de récupération répétée
Ariel et Karpicke (2018) ont évalué l’efficacité d’une intervention minimale visant à améliorer les habitudes d’étude des apprenants en corrigeant leurs connaissances métacognitives inexactes sur l’efficacité de la pratique de récupération comme technique d’apprentissage.
Pour corriger les connaissances métacognitives inexactes des élèves sur les avantages mémoriels de la pratique de récupération, nous pouvons leur indiquer que la pratique de récupération répétée est plus bénéfique pour l’apprentissage que l’étude répétée.
Dans le cas de cette intervention, les étudiants ont également reçu des instructions détaillées sur la façon d’utiliser la pratique de récupération répétée pour maximiser la rétention du contenu. Plus précisément, on leur a demandé d’apprendre les éléments jusqu’à un critère de trois rappels corrects avant d’arrêter la pratique à leur sujet.
L’intervention consistait à dire aux étudiants que la pratique de récupération répétée est plus efficace lorsque les éléments individuels à apprendre sont rappelés trois fois ou plus pendant l’apprentissage.
Les instructions mettaient l’accent sur les avantages mnémoniques de la pratique de récupération par rapport à une stratégie moins efficace (réétudier). Elles indiquaient aux élèves comment utiliser la pratique de récupération répétée pour maximiser leur performance — en particulier, qu’ils devaient se rappeler correctement une traduction trois fois pendant l’apprentissage.
Les chercheurs leur ont également fourni une illustration qui soulignait l’efficacité de la récupération répétée par rapport aux stratégies d’étude répétées.
Dans leurs expériences, ils ont constitué deux groupes :
- Un groupe a bénéficié de cette intervention stratégique minimale.
- Un groupe témoin n’a pas suivi cette instruction stratégique.
Les deux groupes ont alors été autorisés à réguler leur apprentissage de mots de vocabulaire en langue étrangère en utilisant un environnement d’apprentissage informatisé de type flashcard.
Les étudiants ont régulé leur apprentissage en prenant la décision d’étudier, de se tester ou d’abandonner la pratique du vocabulaire.
Dans la première expérience, les élèves ont étudié et ont été testés dans la foulée. Dans la seconde expérience, les élèves ont à nouveau étudié et été testés, mais après un délai d’une semaine.
Des preuves suggèrent que les gens sont susceptibles de rechercher un retour d’information après une pratique de récupération (Dunlosky & Rawson, 2015). Même si les personnes recherchent un retour d’information, elles peuvent échouer à utiliser une stratégie de récupération répétée. En effet, elles éprouvent des difficultés à garder la trace du nombre de fois où elles ont réussi à se rappeler des éléments. Elles peuvent également éprouver une confiance excessive dans leur capacité à se souvenir des traductions après seulement un ou deux essais de récupération corrects.
Un autre obstacle est que l’expérience de la récupération répétée d’informations est subjectivement plus difficile que la réétude répétée d’informations (Tullis et coll., 2013). Cela pourrait amener les élèves à ne pas tenir compte de nos instructions stratégiques, car celles-ci contredisent leurs expériences métamnésiques typiques.
Résultats de l’enseignement explicite de la récupération répétée
Les résultats de Ariel et Karpicke (2018) ont montré que l’enseignement explicite de la récupération répétée en a favorisé une utilisation autorégulée plus efficace. De même, cela a entrainé une meilleure rétention des traductions par rapport à un groupe témoin qui n’a reçu aucune instruction.
Les étudiants ayant bénéficié de cette intervention ont spontanément utilisé la pratique de récupération répétée une semaine plus tard pour apprendre de nouveaux contenus.
Ces expériences confirment que la formation des étudiants à l’utilisation de la pratique de récupération répétée pour améliorer leurs résultats d’apprentissage autorégulé par le biais d’un enseignement explicite est efficace.
Les étudiants qui ont bénéficié de cette intervention étaient moins susceptibles de mettre fin à l’apprentissage des éléments après leur première récupération réussie que les étudiants qui n’ont reçu aucune instruction sur la stratégie. Ils ont continué à utiliser une stratégie de pratique de récupération répétée lors de l’apprentissage d’une nouvelle matière lors d’une deuxième session une semaine plus tard. Cela s’est fait, sans recevoir d’instructions de stratégie ou de rappels lors de la deuxième session.
Enjeux de l'enseignement explicite de la pratique de récupération répétée
Un enseignement explicité ciblé, contextualisé et offrant des occasions de pratiques pour la récupération répétée semble pouvoir promouvoir un apprentissage autorégulé plus efficace pour leurs élèves.
Il importe de :
- Mettre l’accent sur les avantages mnémoniques de la pratique de récupération pour contrer les croyances métacognitives inexactes des élèves.
- Délivrer un enseignement explicite sur la façon d’utiliser une stratégie de pratique de récupération répétée pour réguler leur apprentissage.
Pour apprendre l’efficacité d’une stratégie à partir de l’expérience, une personne doit surveiller les gains d’apprentissage, attribuer ces gains à une stratégie spécifique et mettre à jour ses connaissances sur l’efficacité de la stratégie.
Le fait est que les élèves considèrent souvent le fait de se tester comme d’un outil pour contrôler l’apprentissage. Ils le voient bien moins comme une occasion de s’engager dans un apprentissage basé sur la récupération, il est peu probable qu’ils attribuent les gains d’apprentissage à l’acte de récupération lui-même.
Dès lors les interventions stratégiques qui reposent uniquement sur l’expérience ont peu de chances d’enseigner aux élèves l’efficacité de la pratique de récupération répétée pour l’apprentissage. Il importe par conséquent que les élèves apprennent les mécanismes sous-jacents qui expliquent l’efficacité de la pratique de récupération répétée.
Bibliographie
Ariel, Robert & Karpicke, Jeffrey. (2017). Improving Self-Regulated Learning With a Retrieval Practice Intervention. Journal of Experimental Psychology: Applied. 24. 10.1037/xap0000133.
Hoof, T., Surma, T., & Kirschner, P. A. (2021). Leer studenten studeren met succes. Antwerpen: Thomas More-hogeschool.
Karpicke, J. D. (2009). Metacognitive control and strategy selection: Deciding to practice retrieval during learning. Journal of Experimental Psychology: General, 138, 469–486. http://dx.doi.org/10.1037/ a0017341
Tullis, J. G., Finley, J. R., & Benjamin, A. S. (2013). Metacognition of the testing effect: Guiding learners to predict the benefits of retrieval. Memory & Cognition, 41, 429–442. http://dx.doi.org/10.3758/s13421- 012-0274-5
McDaniel, M. A., & Schlager, M. S. (1990). Discovery learning and transfer of problem-solving skills. Cognition and Instruction, 7, 129–159. http://dx.doi.org/10.1207/s1532690xci0702_3
Dunlosky, J., & Rawson, K. A. (2015). Do students use testing and feedback while learning? A focus on key concept definitions and learning to criterion. Learning and Instruction, 39, 32–44. http://dx.doi.org/ 10.1016/j.learninstruc.2015.05.003
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