jeudi 8 juin 2023

Accompagner et guider les élèves dans la définition et la régulation d’objectifs d’apprentissage autonome

Nous pouvons agir en renforçant l’auto-efficacité des élèves en leur offrant des opportunités de réussite. Nous pouvons également soutenir la motivation de nos élèves en les aidant à comprendre les enjeux liés à la définition d’objectifs personnels. Ce second point est l’objet de cet article.


(Photographie : Andrés Mediina)



Distinguer les objectifs d’approche et d’évitement dans la dynamique de l'apprentissage autonome


Considérons un élève assis chez lui à son bureau face à un cours de mathématiques. Comment aborde-t-il ce cours, dans quel but étudie-t-il ? 
  • Peut-être étudie-t-il parce qu’il souhaite obtenir une bonne note pour lui-même dans l’ensemble ? Peut-être qu’il trouve le contenu de l’apprentissage intéressant et cherche à en développer une maitrise ? Dès lors, il investit pas mal de temps, dans la réalisation de synthèses et la pratique d’exercices divers. Il se trouve alors dans une logique d’approche de la maitrise.
  • Peut-être souhaite-t-il éviter d’échouer ou de faire moins bien que les autres ? Dans ce cas, viser et atteindre la réussite de justesse lui permet de ne pas rater et cultiver l’image de quelqu’un pour qui le cours de mathématiques ne présente pas d’intérêt. Il ne compte pas rater, mais ne veut pas non plus se fatiguer. Il se trouve alors dans une logique d’approche d’évitement.
  • Peut-être veut-il se mettre en avant et réussir mieux que les autres dans une optique de compétition ? Il veut réussir pour les autres ou pour ses parents, pas tellement pour lui-même ou pour la valeur de l’apprentissage. Il se trouve alors dans une logique d’approche de performance.
Un premier point important est qu’en matière d’apprentissage, il est mieux que l’élève adopte une stratégie d’approche de maitrise ou de performance, plutôt qu’une stratégie d’évitement.

Il est important d’être dans un état d’esprit où il veut bien faire le nécessaire pour bien réussir plutôt que de simplement éviter de rater et se satisfaire d’une réussite de justesse. 

Une stratégie d’approche se traduit en règle générale par un plus grand engagement, de meilleurs résultats.
 
Un deuxième point est qu’il est important de se donner des objectifs de maitrise et de compréhension de la matière qui mettent l’accent sur un apprentissage durable. Ce type d’objectif est plus utile et profitable que de simplement viser des objectifs de performance. Vouloir prioritairement un bon score à la prochaine évaluation peut amener à privilégier des stratégies qui maximisent un apprentissage à court terme, pour le test.



Comprendre le pilotage de l'apprentissage autonome dans la logique du modèle de la région d’apprentissage proximal


Nous pouvons comprendre le pilotage métacognitif de l’apprentissage et les décisions induites sur la suite des actions liées à l’apprentissage prises par les élèves. Pour cela, nous pouvons nous baser sur le modèle de la région d’apprentissage proximal (Metcalfe et Kornell, 2005).

Comment les élèves déterminent-ils leur priorité en fonction des différents contenus à apprendre ? Selon quel principe décident-ils d’arrêter d’étudier un contenu spécifique ?  

Trois implications sont évidentes :
  • Lorsqu’un élève pense connaitre un contenu, il choisira de ne pas l’étudier ou de ne pas continuer à étudier :
    • Toutefois, lorsque les élèves ont bien intégré le modèle de la mémoire, ils peuvent saisir le risque de cette démarche, car la performance à un moment donné n’immunise pas contre l’oubli. Seules des occasions de récupération régulières le peuvent. 
    • Une priorité pour l’enseignant dans une démarche de formation à l’apprentissage autonome est d’aider les élèves à prendre conscience de ces dimensions dans nos pratiques de classes. Nous leur offrons des opportunités de pratique de récupération, nous leur expliquons et nous leur faisons prendre conscience de ces mécanismes.
  • Face aux différents contenus à étudier, un élève privilégier ce qu’il connait déjà en partie ou ce qui lui semble facile :
    • Il va commencer par les parties d’une matière qui semblent lui permettre un rendement d’étude plus élevé. Les parties les plus complexes, plus difficiles et moins comprises ont tendance à être postposées. 
    • C’est une tendance naturelle, mais il est fondamental qu’elle s’accompagne d’une excellente gestion du temps disponible. Les élèves doivent se poser des questions de planification : 
    • Quel temps d’étude prévoir pour cette matière ? 
    • Quand et à quelle fréquence ? 
    • Est-ce que le temps qui y est consacré est suffisamment productif ?
  • Un facteur clé du modèle est la persévérance :
    • À quel moment est-ce qu’un élève va baisser les bras face à une difficulté qui ralentit son apprentissage ? Quelles stratégies alternatives va-t-il alors mettre en œuvre ? 
    • L’idée est que l’élève persévère tant qu’il continue à apprendre et demande ou trouve de l’aide de façons appropriée lorsque son rendement d’apprentissage devient trop faible. 
    • L’enjeu pour l’enseignant est de créer un cadre d’enseignement et d’apprentissage dans lequel les élèves ne baissent pas les bras, mais bénéficient d’une forme d’étayage approprié lorsqu’ils se retrouvent dans une impasse.



Planifier à partir d’objectifs d’apprentissage concrets


Étudier demande du temps et des efforts. Sans surprise, la recherche montre que les élèves qui consacrent plus de temps à l’étude obtiennent de meilleurs résultats.

Mais la manière d’utiliser ce temps est importante. Le fait de se planifier des objectifs d’apprentissage concrets l’est également. 

Cela doit nous amener à nous investir dans un questionnement stratégique. En tant qu’apprenants nous pouvons nous contenter de prendre un support de cours devant nous sur un espace de travail. Nous pouvons le lire et l’étudier de la première à la dernière page en une session de manière indifférenciée. Il est improbable que l’apprentissage qui en résultera soit pleinement efficient et satisfaisant. 

Notre objectif principal est d’étudier le cours, pour rendre cet objectif global plus concret, nous pouvons : 
  • Examinez la structure du cours, sa table des matières et son organisation.
  • Recueillir et passer en revue les objectifs pédagogiques, sous forme d’objectifs d’apprentissage concrets et de critères de réussite sous forme d’exemples.
  • Recueillir des exemples de test pratiques pour s’autoévaluer.
  • Déterminer les stratégies de traitement appropriées pour chaque contenu d’apprentissage.
  • Déterminer les stratégies cognitives appropriées pour chaque objectif d’apprentissage.
  • S’investir dans des stratégies métacognitives portant sur l’autorégulation :
    • Estimer le temps nécessaire pour la réalisation chaque objectif.
    • Planifier le travail sur les différentes sessions réparties dans le temps.
    • Contrôler la progression de l’apprentissage au fil du temps.
Ce questionnement porte à la fois sur la nature du contenu à apprendre (le quoi) et sur le processus d’apprentissage (le comment).  

Les stratégies d’organisation peuvent porter sur l’observation de la structure du cours, la réalisation de synthèses, de cartes conceptuelles et de flashcards. Elles participent à l’établissement de la compréhension.

Nous passons alors aux stratégies cognitives qui vont pouvoir permettre l’apprentissage à proprement parler. 

Des sous-objectifs liés à la compréhension et à l’apprentissage sont à intégrer dans la planification, ce qui permet de démarrer et de gérer la session d’étude beaucoup plus facilement. De cette manière, nous savons toujours exactement là où nous sommes et où nous voulons aller. 



Soutenir la planification à partir d’objectifs d’apprentissage concrets


Une manière de soutenir la réflexion sur l’apprentissage de notre matière par nos élèves est de complètement mobiliser la vérification de la compréhension, le dialogue formatif et la rétroaction comme moteurs. Les erreurs et les difficultés des élèves dans le cadre d’un enseignement explicite qui s’allie à la science de l’apprentissage deviennent des opportunités d’apprendre mieux. 

En nous concentrant sur la compréhension et l’apprentissage des élèves durant le cours, nous pouvons mettre en évidence des conceptions erronées ou des lacunes dans les schémas existants. Nous pouvons leur donner la possibilité d’ajuster et de réorganiser leurs schémas.

Dans ce processus, il est également important que les objectifs d’apprentissages et les critères de réussite soient aussi clairs que possible pour nos élèves.

Les élèves apprennent mieux lorsqu’ils ont une idée claire de ce que signifie la réussite, par exemple en disposant d’exemples concrets ou d’un plan étape par étape qui leur montre le chemin de la réussite. Communiquer les objectifs permet donc de rester concentré et de savoir là où ils en sont, c’est vrai pour nous en tant qu’enseignant, comme ce l’est pour l’élève. 

Deux autres points essentiels à l’initiative de l’enseignant sont de favoriser l’échelonnement de l’étude et l’utilisation de l’auto-évaluation.

Une bonne planification présente encore plus d’avantages comme la limitation du stress et le fait d’avoir une vision d’ensemble. Par exemple, le simple fait de décider de traiter la même matière en trois sessions plus courtes au lieu d’une seule session plus longue garantit que nous nous souviendrons plus longtemps et plus facilement de la matière.

La forme que prendra la planification des élèves [planification quotidienne ou hebdomadaire, ventilée par heure ou par demi-journée] est d’une importance secondaire. 

Ce qui compte vraiment c’est le respect des principes sous-jacents qui conditionnent son efficacité et qui bénéficient d’un accompagnement et des conseils de l’enseignant :
  • Le fait de prévoir plusieurs périodes de répétition au cours desquelles le même contenu est d’abord étudié puis fait l’objet de récupérations avec auto-évaluations par la suite.
  • Le fait d’utiliser des stratégies d’étude efficaces et appropriées. 
  • Le fait de découper le temps de travail en des sessions d’étude courtes, mais intenses. Celles-ci sont entrecoupées de courtes pauses et peuvent durer de 15 à 25 minutes [en cas de difficulté de concentration] jusqu’à de 75 à 90 minutes [si la capacité de concentration est là]. 
  • Le fait de prendre soin de son corps et de son mental :
    • Faire de l’exercice régulièrement
    • Manger sainement
    • Dormir suffisamment. 
  • Le fait de lutter contre la procrastination. La procrastination serait en lien avec l’impulsivité. Pour le contrer, il est utile d’imaginer le sentiment de bien-être que procure le fait de terminer une tâche par rapport au sentiment de culpabilité que procure la procrastination. Une autre piste est d’essayer de voir l’accomplissement de vos tâches comme une forme de compétition avec vous-même. La méthode pomodoro peut être un précieux allié contre la procrastination.



L’importance du sommeil


Le sommeil, contrairement à la croyance populaire, n’est pas une simple période de repos pour notre cerveau. Les neuropsychologues ont découvert que le sommeil fait partie intégrante de notre algorithme d’apprentissage humain. C’est une période privilégiée pendant laquelle notre cerveau rejoue les expériences et les souvenirs accumulés dans une sorte de boucle par un facteur d’amplification de 10 à 100.

Ainsi, répartir les moments d’apprentissage dans le temps est une bonne chose, mais prévoir une nuit de repos entre ces moments d’apprentissage répartis est encore mieux. Une nuit de sommeil entre chaque session est un facteur clé de l’efficacité de la pratique distribuée.


Mis à jour le 07/01/2024

Bibliographie


Hoof, T., Surma, T., & Kirschner, P. A. (2021). Leer studenten studeren met succes. Antwerpen : Thomas More-hogeschool. 

Metcalfe, J., & Kornell, N. [2005]. A region of proximal learning model of study time allocation. Journal of Memory and Language, 52 [4], 463–477.

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