lundi 1 mai 2023

Promouvoir une évaluation formative informelle en classe

Les observations et les interactions en classe constituent des moments fréquents et privilégiés d’évaluation formative informelle. 

L’enjeu est de vérifier la compréhension des élèves, puis d’agir en conséquence pour soutenir leurs apprentissages. Voici une synthèse de la question explorée par Fagnant (2023).

(Photographie : kokosan263745)



Sources de preuves pour l’évaluation formative informelle


La plupart des choses que les élèves et l’enseignant font en classe peuvent être considérées comme des opportunités évaluatives pour collecter des éléments à propos des apprentissages des élèves et de leur compréhension. 

Cette évaluation informelle peut se réaliser sous différentes modalités permettant de recueillir différents types de traces d’apprentissage (Ruiz-Primo, 2011) : 
  • Des traces orales :
    • Les questions posées par les élèves
    • Les réponses fournies par les élèves aux questions qui leur sont posées
    • Les dialogues entre élèves lors de travaux de groupes
    • Un dialogue entre l’enseignant et un élève singulier lors de la pratique autonome 
  • Des traces écrites :
    • Les notes prises par les élèves dans le cadre de résolutions d’exercices ou de tâches
  • Des traces non verbales :
    • Le langage corporel
    • La façon de se comporter en classe
    • Le niveau d’engagement dans les tâches demandées



La nécessité d’une régulation en lien avec l’évaluation formative informelle


Pour que l’on puisse parler d’évaluation formative, les preuves d’apprentissage récoltées en classe doivent être interprétées et utilisées pour orienter le cours de la leçon. Ce processus doit tenir compte du contexte dans lequel elles interviennent et des objectifs d’apprentissage visés.

En accord avec le modèle d’Allal (2007, 2020), les régulations liées aux interactions enseignant-élèves peuvent se produire :
  • En groupe classe
  • Avec un petit groupe d’élèves
  • Avec un seul élève

Dans toutes les situations, un étayage qui prend en compte la charge cognitive véhiculée par la rétroaction doit être mis en œuvre. L’enjeu est de soutenir les apprentissages des élèves concernés. 



Le discours monologique ou dialogique de l’enseignant


Les recherches ont montré que l’enseignant parle entre 70 % et 80 % du temps scolaire ; elles indiquent également qu’il parle de plus en plus au fur et à mesure que l’on progresse dans la scolarité (Hattie, 2013).
 
L’enseignant parle ainsi bien plus que les élèves. La question qui se pose est de voir comment l’enseignant pourrait mieux initier des démarches de dialogue formatif en vue de favoriser les apprentissages de tous les élèves.

C’est dans ce cadre que la distinction entre discours « monologique » et « dialogique » intervient (Hattie, 2013) :
  • L’enseignant monologique :
    • Il est essentiellement concerné par la transmission de connaissances.
    • Il se sent responsable de l’atteinte des objectifs fixés.
    • Il utilise fréquemment une forme de discussion de type « récitation/question/réponse » de façon à vérifier qu’au moins quelques élèves ont acquis une compréhension (généralement superficielle) des connaissances transmises. 
    • Les questions posées nécessitent généralement des réponses composées de deux ou trois mots, guère plus. 
    • L’erreur n’a pas vraiment sa place dans le processus et les élèves craignent de ne pas bien répondre. 
  • L’enseignant dialogique :
    • Il vise à promouvoir une réelle communication entre lui et ses élèves aussi bien qu’entre élèves. 
    • Il cherche à faire prendre conscience à l’élève de l’importance de son point de vue ainsi que de celui de ses pairs.
    • Il essaie d’aider les élèves à construire collectivement les connaissances visées et à leur donner du sens. 
    • Les élèves posent fréquemment des questions ; ils n’hésitent pas à donner leur point de vue et à proposer des réponses partielles, voire erronées, puisque celles-ci trouvent légitimement leur place dans le processus collectif. 

Mercer et Littleton (2007) dressent les caractéristiques de ces deux types de configurations interactives :

Dans les classes où le discours est à dominante monologique, il y a beaucoup :
  • De récapitulation des contenus : les élèves sont invités à répéter ou à synthétiser ce qui a été vu juste avant
  • De rappels factuels : l’enseignant pose des questions brèves qui font appel à une information factuelle précise
  • De reformulations : l’enseignant ou un élève paraphrase la réponse d’un autre élève en vue de la préciser pour le reste de la classe
  • D’incitations indéterminées : l’enseignant invite les élèves à réfléchir à ce qui s’est dit précédemment.

Dans les classes où le discours est à dominante dialogique, il y a beaucoup :
  • De démarches collectives : les tâches d’apprentissage sont réalisées ensemble
  • De soutien aux élèves : la classe cherche à explorer diverses idées, sans crainte de commettre des erreurs
  • De démarches cumulatives : les connaissances sont construites en s’appuyant sur les diverses idées partagées
  • De démarches orientées : le cours est guidé par des objectifs d’apprentissages précis.
 
Les deux types de discours peuvent avoir leur intérêt et trouver leur place dans les classes selon les moments de la leçon et les objectifs d’apprentissage visés. Cependant, les premiers occupent très majoritairement le temps de parole dans de nombreuses classes alors que les seconds semblent davantage porteurs d’apprentissages pour les élèves (Hattie, 201), et en phase avec un dialogue formatif.



Le dialogue formatif en classe


Le format le plus fréquent du dialogue formatif en classe reste celui des interactions menées avec le groupe-classe entier, lors des phases de mise en commun d’un travail ou lors de corrections collectives d’exercices notamment. 

Ce dialogue formatif est potentiellement l’un des moyens les plus puissants par lesquels les enseignants peuvent contribuer à la régulation de l’apprentissage des élèves.

Le processus de recherche nécessaire pour analyser l’effet de ces évaluations informelles est lourd et complexe. Peu d’études ont pu mettre en évidence les effets positifs des liens entre la qualité des interactions et les apprentissages des élèves (Ruiz-Primo, 2011). La plupart des études répertoriées ont été menées sur de petits effectifs ou constituent des études de cas. Même si ces études ne permettent pas de généraliser les résultats, elles apportent un éclairage sur le processus d’interaction. Un certain nombre de caractéristiques de ces pratiques d’évaluations informelles semblent pouvoir porter leurs fruits.

Il est essentiel que l’enseignant adopte un état d’esprit caractérisé par la volonté [Ruiz-Primo, 2011] : 
  • De se renseigner continuellement sur l’apprentissage des élèves en examinant :
    • Les variations dans les réponses des élèves
    • La façon dont ils résolvent les problèmes
    • Les types d’erreurs qu’ils commettent
  • D’utiliser régulièrement les informations récoltées pour décider que faire ensuite :
    • Comment répondre à l’incompréhension des élèves ?
    • Quelles explications donner ?
    • Quels exercices proposer ensuite ?
  • D’examiner comment les pratiques pédagogiques soutiennent l’apprentissage des élèves :
    • Comment les tâches sélectionnées soutiennent-elles la compréhension des élèves ?
    • Comment le cours soutient-il l’élève vers ce qu’il est important d’apprendre ?
  • D’encourager et de prendre en compte une variété de réponses :
    • Quelle est la compréhension des élèves ?
    • Dans quelle mesure, les élèves se sentent-ils autorisés à partager leur réflexion et à discuter celle des autres ? 



L’alignement curriculaire comme support aux fonctions du dialogue formatif


Pour que le dialogue formatif puisse s’avérer efficace face aux évaluations formatives informelles dans ses différentes fonctions, il est nécessaire qu’elles soient guidées par les objectifs d’apprentissage. 

Ces objectifs d’apprentissage doivent donc être précis et explicités auprès des élèves. ; ces derniers doivent aussi comprendre les critères de réussite qui correspondent à l’atteinte de ces objectifs. 

Le dialogue formatif a différentes fonctions : 
  • Il est un outil d’étayage qui soutient les apprentissages individuels des élèves grâce aux interactions avec l’enseignant ou avec des pairs plus avancés.
  • Il est un outil de soutien aux interactions sociales et la construction collective des connaissances.
  • Il est un outil d’enculturation qui permet d’immerger les élèves dans le langage et les habitudes culturelles d’une discipline. 

Cet alignement nécessite également que l’enseignant dispose de bonnes connaissances didactiques qui sont les connaissances pédagogiques de contenu définies par Shulman (1986, 2007). De cette manière, il peut interpréter les réponses des élèves et y réagir de façon rapide et contingente (Ruiz-Primo, 2011). 



La dimension cyclique des actions liées au dialogue formatif


D’après Ruiz-Primo (2011), le dialogue formatif se met en place selon un modèle cyclique :
  1. Rappel et clarification des objectifs d’apprentissage et des buts visés par les activités réalisées
  2. Réalisation de liens avec ces objectifs durant les interactions
  3. Collecte d’informations par des questionnements en lien avec les connaissances
  4. Demandes de clarifications, des confirmations, des justifications, et interprétation
  5. Décisions sur les actions à mener en conséquence.

Il n’est pas facile d’interpréter les réponses des élèves et d’y réagir dans le feu de l’action. Ruiz-Primo (2011) identifie une série de stratégies que l’enseignant peut employer pour impliquer les élèves dans la conversation évaluative, sans porter directement un jugement sur leurs réponses :
  • Inviter les élèves à reformuler, clarifier, synthétiser ou répéter leur réponse
  • Faire des liens entre leur réponse et celles fournies par d’autres élèves
  • Confronter les réponses fournies par plusieurs élèves, par exemple en les notant sous une forme schématique pour en discuter ensuite
  • Reposer des questions à l’élève pour l’inviter à poursuivre son raisonnement
  • Inviter d’autres élèves à réagir en renvoyant la balle d’un élève à l’autre.

Une fois l’interprétation posée, l’enseignant peut entreprendre différentes actions et s’engager dans différentes stratégies : 
  • Donner des explications complémentaires
  • Fournir une rétroaction
  • Comparer les réponses fournies par plusieurs élèves en identifiant les forces et les faiblesses, les points communs et divergences
  • Faire des liens explicites entre des éléments de la discussion et les objectifs d’apprentissage visés. 



Intégrer l’évaluation formative informelle à une évaluation formative formelle 


Il est important que les enseignants intègrent et combinent en fonction de leur matière et de leurs profils d’élèves :
  • Les dimensions informelles de l’évaluation formative : 
    • Vérifier en direct en classe la compréhension et l’apprentissage des élèves. C’est l’un des fondements de l’enseignement explicite.
  • Les dimensions formelles de l’évaluation formative :
    • Concevoir un format d’évaluation ou demander à un élève une production de plus grande ampleur et les analyser de manière différée.
Comme l’écrit avec Allal (2020), les évaluations formatives informelles, qui s’accompagnent de régulations interactives orchestrées par l’enseignant dans le feu de l’action, ne sont pas suffisantes pour assurer un enseignement de qualité. 

Les évaluations formatives informelles doivent s’accompagner d’évaluations formatives plus formelles sous forme de tests ou de tâches spécifiquement pensées à cette fin. Les évaluations formelles permettent un meilleur diagnostic sur un ensemble plus intégré de connaissances et de compétences. De cette façon, d’autres formes de régulations utiles peuvent être déployées :
  • Rétroactives : par exemple des remédiations ciblées sur les difficultés identifiées au terme d’une séquence
  • Proactives : par exemple en anticipant différentes formes de soutien qui pourraient être mises en place dans une nouvelle activité. 

Mis à jour le 27/12/2023

Bibliographie


Fagnant, A. (2023). Les pratiques d’évaluation en classe : des compétences professionnelles pour soutenir l’apprentissage des élèves. Cnesco-Cnam. 

Ruiz-Primo, M.A. (2011). Informal formative assessment: The role of instructional dialogues in assessing students’ learning. Studies in Educational Evaluation, 37, 15–24. 

Allal, L. (2007). Evaluation: lien entre enseignement et apprentissage. In V. Dupriez & G. Chapelle (Eds.). Enseigner (pp. 139-149). Presses universitaires de France. 

Allal, L. (2020) Assessment and the co-regulation of learning in the classroom, Assessment in Education: Principles, Policy & Practice, 27(4), 332–349.

Hattie, J. (2013). Visible learning for teachers: Maximizing impact on learning. Routledge. 

Mercer, Neil & Littleton, Karen. (2007). Dialogue and the Development of Children’s Thinking: A Sociocultural Approach. Dialogue and the Development of Children’s Thinking: A Sociocultural Approach. 10.4324/9780203946657.

Shulman, L. S. (1986). Those Who Understand: Knowledge growth in teaching. Educational Researcher, 15(2), 4–14. 

Shulman, L. S. (2007). Ceux qui comprennent : Le développement de la connaissance dans l’enseignement. Éducation et Didactique, 1 (1), 97-114. 

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