mercredi 3 mai 2023

Cinq principes pour séquencer exemples et contre-exemples dans un enseignement explicite

Que nous apporte l’instruction directe sur la manière d’utiliser les exemples pour soutenir l’apprentissage des concepts et favoriser le transfert ultérieur ?

(Photographie : Peter Mandelkow



L’enjeu du modelage par l’exemple


Une conception erronée courante sur l’enseignement explicite et de l’instruction directe est que ces approches ne conviennent que pour des connaissances spécifiques et fondamentales. Au contraire, ces approches œuvrent méthodiquement pour que les élèves soient capables de comprendre et assimiler les concepts abstraits, et de transférer aisément ce qui leur est enseigné de cas spécifiques vers des cas plus généraux. 

Dans cet objectif, l’ordre, la clarté et la séquence des exemples sont très importants dans le modèle de l’instruction directe.

Les cinq principes décrits dans cet article sont issus du modèle Direct Instruction et constituent plus particulièrement un élément clé de la conception du programme.

L’enjeu principal pour l’enseignant est de développer une communication claire et conçue pour minimiser toute ambiguïté pour les élèves et faciliter leur apprentissage. 

Une grande partie de l’acte d’enseigner implique une communication entre l’enseignant et ses élèves. La clarté de cette communication va selon sa qualité, soit entraver, soit favoriser l’apprentissage. Il y a des avantages évidents à créer des séquences de communication aussi claires que possible, c’est l’enjeu du séquençage des exemples.



L’enjeu de l'enseignement explicite de stratégies généralisables en résolution de problèmes


Direct Instruction promeut l’enseignement de stratégies généralisables que les élèves pourront mobiliser par la suite pour résoudre un large éventail de problèmes. 

L’identification de stratégies généralisables que les élèves peuvent utiliser pour résoudre une grande variété de problèmes est la base d’un programme Direct Instruction. 

La première étape pour élaborer un enseignement sur cette base est de concevoir une séquence qui communique ces stratégies et permet aux élèves de déployer des compétences générales dans toute la gamme des situations appropriées. 

L’enjeu est d’éviter d’enseigner un ensemble de cas spécifiques discrets. Nous visons à enseigner une vue d’ensemble cohérente sur le cas général.

La conception de l’enseignement vise à communiquer clairement et sans ambiguïté une et une seule signification, qui permettra aux élèves de faire preuve d’une réponse généralisée.

La conception de l’enseignement du cas général est basée sur des principes de conception logique dans le cadre d’une séquence d’enseignement. 

La démarche permet la conception d’un enseignement efficace et efficient, adapté à l’élève. Pour enseigner un cas général, il est nécessaire de montrer aux élèves un ensemble d’éléments comprenant des exemples et des contre-exemples disposés de manière à ce que les similitudes et les différences soient aisément visibles. 

Les aspects non pertinents de l’enseignement doivent être maintenus constants pour minimiser les risques de confusion. Les aspects pertinents doivent être soigneusement manipulés pour mettre clairement en évidence les différences importantes.

Engelmann et Carnine (1982) ont développé cinq principes pour séquencer et ordonner les exemples afin de communiquer clairement en fonction de la nature du concept enseigné : 



Le principe de formulation


Pour rendre la séquence aussi claire que possible, nous devons utiliser la même formulation pour tous les éléments (ou une formulation aussi similaire que possible). 

Cette formulation permet de focaliser l’attention des élèves sur les détails des exemples en réduisant la distraction ou la confusion qui peut être causée par les variations du langage de l’enseignant. 

Si des différences de formulation infimes ou même substantielles peuvent sembler anodines pour l’enseignant, elles peuvent avoir des effets catastrophiques pour les apprenants novices.




La figure montre une paire d’éléments à gauche qui suivent le principe de formulation. Les enseignants utilisent presque la même formulation pour les deux items. 

La figure montre également une paire d’éléments à droite qui ne suivent pas le principe de formulation. Les enseignants ajoutent une confusion potentielle par une variation excessive dans leur formulation. 

Comment l’appliquer : 
  • Se mettre d’accord sur les définitions des différents concepts au sein d’une même branche et les standardiser.
  • Avant d’enseigner des concepts, prendre le temps d’écrire ce que va être dit exactement pour vérifier la cohérence des termes et des expressions utilisées. 
  • Éviter les synonymes pour un concept, du moins dans un premier temps.
  • Éviter d’utiliser un langage inutilement technique.
  • S’assurer que tous les éléments de la communication sont nécessaires, sinon les épurer.
  • Vérifier que l’explication n’est pas sinueuse ou inutilement prolongée.
  • S’assurer que le contenu de la communication ne sera pas contredit par des exemples ultérieurs.



Le principe de configuration


Les exemples et les contre-exemples sélectionnés pour l’enseignement initial d’un concept doivent partager le plus grand nombre possible de caractéristiques non pertinentes. 

Les exemples et les contre-exemples ne doivent varier que d’une seule manière, tous les autres aspects et caractéristiques restant constants. Ce faisant, nous créons une situation où les interprétations et les déductions sont contrôlées, garantissant qu’une seule interprétation est possible. En gardant les propriétés non pertinentes invariantes, nous attirons l’attention sur ce qui varie.




Les éléments de la colonne de gauche ne diffèrent que d’une seule manière, ce qui signifie qu’un élève ne pourrait logiquement déduire qu’une seule signification de « dessus ». Ce n’est qu’en montrant un non-exemple que nous commençons à comprendre ce que signifie « dessus ».

Dans la figure, la paire d’éléments de droite ne respecte pas le principe de configuration. Les deux éléments diffèrent à plusieurs égards, de sorte qu’il existe de nombreuses interprétations possibles. Étant donné qu’un élève pourrait faire n’importe laquelle de ces déductions, le principe d’organisation a été violé et la présentation serait considérée comme inutilement ambiguë.

Les élèves naïfs pourraient penser que l’étiquette « sur » signifie :
  • Rectangulaire
  • Formes avec des coins
  • Gris
  • Horizontal
  • Dessus 
Toutes ces interprétations sont possibles, et il n’y a aucun moyen de déterminer quelle interprétation les élèves feront. Du point de vue de Direct Instruction, cette ambiguïté est considérée comme une mauvaise communication. 

La paire de gauche de la figure suit le principe de configuration. Les éléments sont exactement les mêmes, sauf en ce qui concerne l’aspect critique d’être (ou de ne pas être) dessus. Les autres interprétations (rectangle, ayant des coins, gris, horizontal) sont éliminées, car ces caractéristiques sont partagées par l’exemple et le contre-exemple. 

Cette paire formée d’un exemple et d’un contre-exemple ne diffère que par une seule caractéristique, de sorte qu’une seule interprétation est possible. 

Dans Theory of Instruction (1982), Engelmann et Carnine parlent de stipulation. La stipulation est l’idée que la présentation implique que toutes les caractéristiques de ces exemples sont nécessaires à l’identification du concept. 

Si l’apprenant est confronté à des variations de l’une ou l’autre de ces caractéristiques, il ne traitera pas l’exemple de la même manière. 

Après avoir étudié les exemples qui suivent la colonne de gauche, un élève risque de déduire que « dessus » ne concerne que les objets rectangulaires. Pour éviter cela, des séquences successives suivront, dans lesquelles la configuration sera modifiée, peut-être en utilisant des formes, des objets ou des surfaces différents, afin de montrer que « dessus » est un concept très large. Par la suite, d’autres exemples seront donc utilisés pour élargir la portée du concept. Il sera démontré que le concept est valable pour tous les objets et toutes les formes.



Le principe de différence


Afin d’illustrer les limites ou les frontières de validité d’un concept, nous devons montrer des exemples et des contre-exemples qui sont similaires les uns aux autres. Le seul élément différent concerne la caractéristique critique et les contre-exemples sont indiqués comme tels.




Le principe de différence est plus efficace lorsque les éléments sont juxtaposés. C’est-à-dire qu’ils sont montrés les uns à côté des autres ou consécutivement dans une série, ce qui rend les similitudes et les différences plus évidentes. 

Nous devons choisir comme contre-exemples des quasi-exemples, des représentations limites, qui sont presque des exemples, mais ne le sont pas. Cela aide à centrer l’attention sur la différence.

Dans la figure, les éléments juxtaposés du côté gauche suivent le principe de différence. Le contre-exemple (non horizontal) est très similaire. Il est juste assez différent pour transformer un exemple du concept (horizontal) en un contre-exemple du concept (non horizontal). Pour démontrer ce que signifie horizontal par l’exemple, nous devons montrer un exemple positif d’un « objet horizontal », puis montrer une ligne presque horizontale et préciser qu’il ne s’agit « pas d’un objet horizontal. »

Dans la paire qui ne suit pas le principe de différence, l’élément qui n’est pas horizontal est très différent. Le contre-exemple ne fournit pas d’informations claires quant à la délimitation entre l’horizontal et le non horizontal, la différence d’orientation s’étendant sur 90 degrés. L’exemple de droite montre un exemple et un contre-exemple, mais le contre-exemple est tellement éloigné de l’exemple qu’il ne montre pas la limite de ce qui constitue un objet horizontal.

En ne respectant pas le principe de différence, les élèves ne disposent que d’informations limitées sur le point auquel un exemple n’est plus horizontal. Les élèves peuvent supposer qu’un objet doit être très incliné pour ne pas être horizontal. 

Comme pour le principe de configuration, nous devons considérer la stipulation. C’est l’idée qu’un élève pense que les exemples d’une séquence englobent toute la gamme du concept et que d’autres exemples, différents, n’en feront donc pas partie. Des séquences ultérieures suivront où les exemples seront modifiés démontrant toute l’étendue d’un concept.



Le principe de similitude


Pour montrer l’étendue de la variation du concept, nous devrions juxtaposer des exemples du concept qui diffèrent autant que possible les uns des autres, mais correspondent à la même signification. 

Cette séquence a pour but de favoriser la généralisation à des exemples de concepts non familiers qui se situent à l’intérieur de la gamme démontrée. 

Si nous essayons d’enseigner le concept de chien, nous devons choisir des exemples qui représentent la plus grande variété possible de chiens. 

Dans la figure, la série d’exemples du haut démontre le principe de similitude. Elle présente une séquence d’exemples très différents les uns des autres, mais traités de la même façon, c’est-à-dire qu’ils sont tous appelés chiens. 

La série d’exemples du dessous ne montre pas l’éventail des variations possibles. 


Présenter aux élèves une série d’exemples très similaires les uns aux autres peut leur suggérer que le concept chien ne s’applique qu’aux exemples très similaires à ceux présentés. Ainsi, les élèves risquent de ne pas réagir de manière généralisée à toute la gamme des exemples possibles. 

En prenant un ensemble d’exemples plus diversifiés, nous montrons la variation du concept de chien.

Une application de ce principe dans un cadre d’enseignement intervient également dans le cadre de l’élaboration des questions.

Nous voulons que les élèves comprennent l’étendue des situations et des questions qui mènent à la mobilisation d’un concept particulier. Si nous posons les questions toujours de la même manière, nous ne les aidons pas. Nous devons varier les approches et les questions posées pour que les élèves développent des stratégies généralisables.



Le principe du test


Pour tester l’acquisition, nous devons juxtaposer des exemples nouveaux, non enseignés, et des contre-exemples dans un ordre aléatoire. 


La partie gauche de la figure montre un ordre aléatoire qui permet de tester la compréhension des élèves du concept de fraction impropre. 

La partie droite de la figure montre un ordre alterné. Cet ordre pourrait être prévisible. Il est possible pour les élèves d’obtenir toutes les réponses correctes en répondant simplement de manière alternée « non » puis « oui ». 

Par conséquent, la partie de droite ne représente pas un bon test. Les enseignants pourraient recevoir des informations inexactes sur la compréhension des élèves qui sont capables de donner des réponses correctes sans réellement avoir compris le concept évalué. 



L’enjeu d’une séquence d’exemples et de contre-exemples en enseignement explicite


Ces cinq principes issus de l’instruction directe sont présentés ici sous forme de directives isolées. 

Dans le cadre d’un enseignement explicite, l’enjeu pour l’enseignant est la création de séquences de modelage de concepts par le biais d’une association d’exemples et de contre-exemples. Cette séquence doit intégrer et associer ces principes de manière réfléchie et les accompagner d’une pratique guidée.

Cette démarche permet d’éviter que les élèves commettent des erreurs ou fassent des déductions erronées. Elle veille également à ce que les élèves apprennent non seulement le moment précis où quelque chose cesse d’être valide, mais aussi qu’ils apprennent qu’un concept peut contenir d’innombrables variétés et différences.

Mis à jour le 28/12/2023

Bibliographie


Engelmann S., & Carnine, D. W. (1982). Theory of instruction: Principles and applications. New York : Irvington. 

Watkins, C. L., & Slocum, T. A. (2003). The Components of Direct Instruction, Journal of Direct Instruction

Needham, Tom (2018), Insights from DI part 6: Five Principles for Sequencing and Ordering Examples, https://tomneedhamteach.wordpress.com/2018/06/18/insights-from-di-part-6-five-principles-for-sequencing-and-ordering-examples/

Ben Gordon (2019), Applicable Engelmann, the five principles for examples and non-examples, https://teachinnovatereflectblog.wordpress.com/2019/04/11/applicable-engelmann-the-five-principles-for-examples-and-nonexamples/

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