dimanche 7 mai 2023

Optimiser l’usage des problèmes résolus dans le cadre d’un enseignement explicite

L’étude de problèmes résolus est la meilleure approche pour apprendre à résoudre de nouveaux types de problèmes. Mais comment s’y prendre concrètement pour intégrer leur usage dans l’enseignement et la pratique des élèves ?

(Photographie : Miranda Lichtenstein)



Un aperçu général de l’usage des problèmes résolus


Une utilisation standard des problèmes résolus consiste à donner un problème résolu à étudier et en parallèle proposer un problème du même type à résoudre. L’analyse de la résolution du premier indique comment procéder pour le second.

L’avantage des problèmes à compléter est qu’ils réduisent la charge cognitive parce que les schémas peuvent être acquis en étudiant l’exemple résolu. Le fait d’exiger de l’apprenant qu’il résolve un problème similaire garantit mieux qu’il le traitera l’étude du premier en profondeur.

Une autre piste d’utilisation est de demander à l’élève d’expliquer ou de s’expliquer un problème résolu. Alternativement, nous pouvons lui soumettre un problème résolu incorrect en lui demandant d’identifier, d’expliquer et de corriger l’erreur.

Par conséquent, de manière pratique pour rendre l’enseignement plus efficace, nous pouvons remplacer certains problèmes de pratique auxquels nous soumettons les élèves par des problèmes résolus suivis de problèmes du même type à résoudre. 

Pour les problèmes plus complexes, il est utile d’aller par étapes. Plutôt que de donner un problème résolu et un problème à résoudre, nous intercalons des problèmes à compléter. 

Par étapes, nous passons d’un problème résolu à un problème à résoudre par l’intermédiaire des problèmes à compléter. Nous proposons en parallèle des problèmes à compléter ou au départ seule la dernière étape est à réaliser et puis progressivement de nouvelles étapes sont demandées à l’apprenant jusqu’à la réalisation d’une résolution complète.

L’utilité de cette démarche pour des problèmes plus complexes vient du fait qu’elle permet d’alléger encore mieux la charge cognitive.

(Source : Clark et coll., 2006)



Une utilité temporaire des problèmes résolus lors de l’apprentissage


Le but du jeu est de gérer la charge cognitive des apprenants novices que sont généralement les élèves. 

Nous préservons la capacité de la mémoire de travail pour les aider à se construire de nouveaux schémas par l’étude de problèmes résolus.

Cependant, à mesure que les élèves acquièrent de l’expertise au cours de leur formation, les problèmes résolus finissent par devenir préjudiciables. Progressivement, au fur et à mesure que leur maîtrise se développe, les élèves ont intérêt à suivre des leçons dans lesquelles ils travaillent tous les problèmes. C’est l’effet d’inversion de l’expertise.

Une fois qu’un élève a acquis un schéma de base pour la compétence ou le concept, il apprend mieux en appliquant le schéma aux problèmes, plutôt qu’en investissant des efforts redondants dans l’étude de problèmes résolus.



Un processus d’effacement à rebours des problèmes résolus sous forme de désétayage

 
La meilleure façon d’accommoder les apprenants au fur et à mesure qu’ils acquièrent de l’expertise est de recourir à un processus d’effacement progressif des problèmes résolus. Dans cette optique, les problèmes résolus sont progressivement remplacés par des problèmes pratiques qui coïncident avec l’amélioration des compétences de l’apprenant. 

Très présents au moment de l’introduction d’une nouvelle matière, ils disparaissent au fur et à mesure que les élèves développent les schémas nécessaires à la résolution autonome de problèmes. Les techniques d’effacement permettent de tenir compte d’un processus d’apprentissage graduel. 

Au début, les apprenants doivent consacrer la plus grande partie possible de la capacité de leur mémoire de travail à la construction d’un schéma qui permettra de mettre en œuvre les nouvelles compétences. Pour ce faire, ils étudient et assimilent des problèmes résolus.

Au fur et à mesure qu’ils acquièrent de l’expertise, la compréhension est favorisée par le fait qu’ils prennent en charge une partie de plus en plus importante de la réflexion avec les problèmes à compléter. 

Aux stades plus avancés de l’apprentissage, les élèves atteignent des niveaux de compétence élevés en résolvant eux-mêmes de nombreux problèmes. 

Dans l’effacement à rebours, les problèmes à compléter évoluent des problèmes résolus vers des problèmes à résoudre, en augmentant progressivement le nombre d’étapes que l’apprenant doit accomplir. D’autres paramètres peuvent également changer comme la complexité du problème, la difficulté des calculs ou le contexte dans lequel il s’inscrit. 

Un cours typique commence par un exemple complet de problème résolu pour lequel l’enseignant effectue un modelage auprès de ses élèves. Les quelques exemples suivants sont des problèmes à compléter dans lesquels l’apprenant doit effectuer de plus en plus de travail. À la fin de la leçon, des problèmes complets sont assignés. Durant ce basculement, un autre a également lieu en classe puisque nous passons d’une pratique guidée à une pratique autonome. 

Le principe de l’effacement à rebours commence par demander aux élèves d’effectuer les dernières étapes du problème et peu à peu la contribution de l’élève s’étend jusqu’aux premières étapes. C’est une forme de désétayage.



La recherche d’un équilibre entre étayage et désétayage dans le cadre de l’étude des problèmes résolus


Un bon pilotage de l’usage des problèmes résolus impose que l’enseignant et une bonne compréhension de la manière dont les contenus qu’ils enseignent s’apprennent. C’est ce qui correspond à la connaissance du contenu pédagogique. De même, l’enseignant doit régulièrement évaluer la compréhension et l’apprentissage de ses élèves, ce qui correspond à l’usage d’une évaluation soutien d’apprentissage. 

Lorsque ces deux conditions sont vérifiées, l’enseignant peut s’assurer que ses élèves retirent le bénéfice escompté de l’usage des problèmes résolus. 

Kalyuga et ses collègues (2001) ont démontré les avantages de passer des problèmes résolus aux problèmes à résoudre au fur et à mesure que les apprenants acquièrent de l’expertise. Dans leurs expériences :
  • Les leçons par paires de problèmes résolus et de problèmes à résoudre ont permis un apprentissage plus efficace au cours des étapes initiales de l’apprentissage. 
  • Au fur et à mesure que les apprenants acquièrent de l’expérience, les leçons avec tous les problèmes à résoudre deviennent plus efficaces. Ils permettent un apprentissage équivalent ou meilleur avec moins d’efforts une fois que suffisamment de connaissances sont acquises. 

Par conséquent, les différents niveaux d’expérience des apprenants et leurs progrès au fil du temps doivent être pris en compte lors de la conception d’un enseignement utilisant des problèmes résolus.

Une série de problèmes résolue devrait être présentée en premier. Une fois que les élèves se sont familiarisés avec le domaine, la résolution de problèmes (ainsi que les environnements d’apprentissage exploratoires) peut être utilisée pour améliorer et étendre les compétences acquises. Les méthodes pédagogiques qui gèrent efficacement la charge pour les novices ne sont plus nécessaires lorsque les apprenants acquièrent plus d’expertise. 

Atkinson, Renkl et Merrill (2003) ont comparé l’efficacité de l’apprentissage de paires de problèmes résolus/problèmes à résoudre avec des problèmes à compléter en utilisant un effacement à rebours. Les résultats des tests ont montré que les leçons avec des problèmes à compléter en commençant par la dernière étape et en remontant jusqu’à la première ont permis un meilleur gain d’apprentissage. Il était inférieur dans les leçons avec des paires associant problème résolu et problème à résoudre. L’ampleur de l’effet est de 0,23 pour les éléments du test de transfert proche et de 0,27 pour le transfert lointain.

Ces recherches suggèrent que les apprenants novices, qui sont les plus susceptibles de subir une surcharge cognitive, bénéficieront le plus de problèmes résolus. Au fur et à mesure que les apprenants acquièrent de l’expertise, les problèmes résolus finissant par freiner l’apprentissage. Il faut plus d’effort mental à un apprenant expérimenté pour étudier un problème résolu que pour résoudre simplement un problème lui-même. 

Un apprenant qui a construit un schéma pour résoudre des problèmes peut mieux approfondir et renforcer son schéma en l’exerçant. Une fois le schéma établi, le fait de devoir étudier un problème résolu devient une activité mentale superflue et l’apprentissage est perturbé. 



Une liste de vérification pour l’usage des problèmes résolus


De manière générale, nous pouvons faire les recommandations suivantes concernant les problèmes résolus :
  • Commencer par enseigner une nouvelle matière en proposant des problèmes résolus présentés dans le cadre d’un modelage suivi de problèmes à résoudre dans la cadre d’une pratique guidée.
  • Dans le cas de problèmes plus complexes dont la présente de plusieurs étapes risque de provoquer une surcharge cognitive chez les élèves, il s’agit de privilégier des problèmes à compléter. Un problème résolu est présenté dans le cadre d’un modelage, suivi de problèmes à compléter dans lesquels les premières étapes sont réalisées et les étapes finales sont laissées à la responsabilité des élèves. Au fur et à mesure de la pratique guidée, de nouvelles étapes à compléter sont ajoutées en partant toujours de la fin.
  • Lorsque les élèves comprennent et démontrent un bon taux de réussite lors de la pratique guidée, nous pouvons terminer l’enseignement en leur donnant une série de problèmes à résoudre dans le cadre d’une pratique autonome.
Cette transition du problème résolu à la résolution de problèmes par le biais de problèmes à compléter à rebours permet aux élèves de passer en douceur du stade de novice à celui d’expert. Pratiquer des paires problème résolu/problème à résoudre ou des problèmes à compléter permet un apprentissage plus efficace que la résolution de problèmes.



L’usage des problèmes résolus, une stratégie d’enseignement experte


Cette technique pédagogique nécessaire une bonne connaissance du contenu pédagogique et l’exercice d’une évaluation soutien d’apprentissage, accompagné d’une vérification de la compréhension. 

Un problème résolu ou à compléter qui est mal conçu ou proposé trop tôt peut entrainer une charge cognitive superflue et annuler ses avantages potentiels. 

Pour être efficaces, les problèmes qu’ils soient résolus ou à compléter, doivent être formatés de manière à minimiser la charge cognitive. 

Dans une première phase d’apprentissage, pour l’enseignant ce qui compte n’est jamais que les élèves soient directement capables de résoudre un problème. Par conséquent, cette tâche ne leur est pas proposée.

Notre priorité est que les apprenants novices construisent des schémas solides en associant des problèmes résolus à des problèmes pratiques. Nous nous assurons qu’ils étudient les problèmes résolus en utilisant des problèmes à compléter. L’usage de techniques de vérification de la compréhension et de dialogue formatif le permet. 

Nous passons progressivement des problèmes résolus aux problèmes à résoudre, au fur et à mesure que les apprenants acquièrent de l’expertise. Nous utilisons des problèmes à compléter avec un effacement à rebours pour passer des problèmes résolus à la pratique. 

De même, nous appliquons dans la conception des problèmes d’autres principes issus de la théorie de la charge cognitive et de la théorie cognitive de l’apprentissage multimédia. Ces principes sont par exemple l’effet de modalité, de l’effet de l’attention partagée ou du principe de redondance, pour gérer la charge cognitive.


Mis à jour le 29/12/2023

Bibliographie


Clark, Ruth & Nguyen, Frank & Sweller, John & Baddeley, Melissa. (2006). Efficiency in Learning: Evidence-Based Guidelines to Manage Cognitive Load. Performance Improvement. 45. 10.1002/pfi.4930450920. 

Ben Gordon, The evolution of my examples, 2019, https://teachinnovatereflectblog.wordpress.com/2019/07/02/the-evolution-of-my-examples/

Kalyuga, S., Chandler, P., & Sweller, J. (2001). Learner experience and efficiency of instructional guidance. Educational Psychology, 21(1), 5–23.

Atkinson, R.K., Renkl, A., & Merrill, M.M. (2003). Transition from studying examples to solving problems: Effects of self-explanation prompts and fading worked out steps. Journal of Educational Psychology, 95(4), 774–783.

0 comments:

Enregistrer un commentaire