(Photographie : Brandon Lozano)
La perspective de la théorie de la charge cognitive collaborative sur la conception d’un apprentissage collaboratif
L’objectif est de permettre une prise de décision éclairée concernant la conception d’environnements d’apprentissage collaboratif efficaces. Elle soutient que sans cette considération, les résultats des environnements d’apprentissage collaboratif resteront imprévisibles et mitigés.
La théorie de la charge cognitive collaborative indique que les possibilités et les limites des membres du groupe de collaboration doivent être prises en compte.
Des environnements d’apprentissage collaboratif ne peuvent être conçus efficacement que si les activités transactives et leur charge cognitive concomitante sont prises en compte.
Des facteurs qui influencent la charge cognitive imposée sont par exemple :
- La taille de l’équipe : le nombre d’élèves par équipe.
- La composition de l’équipe : le niveau d’expertise des membres de l’équipe.
- L’expérience antérieure de collaboration des membres de l’équipe entre eux.
Ces facteurs peuvent être contrôlés par des décisions pédagogiques afin de promouvoir une charge cognitive productive pour l’apprentissage collaboratif.
Un enseignant informé des principes de la charge cognitive collaborative qui utilise l’apprentissage collaboratif comme intervention pédagogique doit penser explicitement :
- Aux propriétés cognitives de ses élèves : novice ou expert dans le domaine et dans le travail collaboratif
- Aux caractéristiques de la tâche : par exemple, faible ou forte complexité
- À la composition du groupe : par exemple, hétérogène ou homogène
En fonction de l’objectif d’apprentissage, l’enseignant peut prendre une décision éclairée qui augmentera les chances d’atteindre les objectifs d’apprentissage. Cette décision pourrait très bien être de ne pas utiliser l’apprentissage collaboratif et de privilégier un enseignement explicite.
Agir sur la conscience de groupe et la représentation individuelle
Nous pouvons aider les membres du groupe à établir une conscience de groupe en :
- Améliorant leur connaissance du fonctionnement du groupe et de la répartition de l’expertise à l’intérieur de celui-ci.
- Les formant en matière de communication de leurs représentations individuelles pour les aider à expliciter leurs revendications et à partager leurs arguments.
Cette prise de conscience du groupe et de la représentation individuelle :
- Réduit les efforts des membres du groupe pour coordonner leurs actions
- Augmente l’efficacité du groupe
- Réduit le risque d’erreurs.
- Diminue la fréquence des activités translatives improductives
- Limite la charge cognitive.
Minimiser la charge extrinsèque des activités transactives
La part de charge cognitive entraînée par les transactions peut être classée comme extrinsèque. Les coûts de transaction encourus ont un impact négatif et ne sont pas efficaces pour l’apprentissage parce qu’ils favorisent les erreurs, les conflits, la duplication inutile, etc.
La charge cognitive extrinsèque ou improductive doit être minimisée pour que l’apprentissage collaboratif soit efficace.
Si ces coûts ne sont pas contrôlés et minimisés, la capacité de la mémoire de travail libérée au niveau individuel et collectif pourrait être utilisée pour des communications non essentielles ou non liées à l’apprentissage. Dès lors, elle n’est plus utilisée pour construire des schémas cognitifs de haute qualité.
Tous les apprenants doivent connaître leur rôle dans l’entreprise collective. S’ils ne savent pas comment collaborer ou si on leur attribue une activité qu’ils ne peuvent pas remplir, l’acte de collaboration impose une charge cognitive extrinsèque contreproductive.
L’avantage de pouvoir partager la charge cognitive que provoque une tâche complexe pourrait être annulé par des coûts de transaction trop élevés.
La théorie de la charge cognitive prédit une meilleure performance collaborative (c’est-à-dire plus efficace) et plus efficiente :
- Dans les tâches de haute complexité plutôt que dans des tâches à faible complexité
- Avec des groupes d’apprenants ayant déjà travaillé en équipe dans des tâches similaires. C’est le principe de l’expérience collaborative antérieure.
Les activités transactives imposent une charge, car les apprenants doivent traiter à la fois :
- Des informations essentielles à la résolution de la tâche
- Des informations sans rapport qui peuvent contribuer à l’apprentissage individuel et collectif.
C’est le cas lorsque deux membres ou plus effectuent des calculs communs, et qu’un troisième membre ne comprend pas comment ils sont arrivés à cette réponse. Il leur demande une explication. Il met ainsi à jour ses calculs mentaux en les comparant à l’explication de ses pairs.
Bien que la charge cognitive de ces interactions transactives ne soit pas intrinsèque à la tâche, elles sont productives. Elles sont liées à la réalisation de la tâche d’apprentissage et à l’apprentissage ultérieur. De cette manière, le troisième membre du groupe acquiert de nouvelles connaissances ainsi qu’une meilleure structure de connaissances sur la tâche.
Le contexte de l’apprentissage collaboratif peut être considéré comme l’interaction entre :
- Les caractéristiques des tâches d’apprentissage
- Les caractéristiques des apprenants individuels et celles de l’équipe.
Le principe de l’expérience collaborative antérieure
L’avantage d’avoir travaillé en groupe dans le cadre d’une tâche similaire signifie que le groupe peut avoir acquis un schéma de groupe sur la façon d’interagir pour résoudre un problème analogue. C’est le principe de l’expérience collaborative antérieure.
Dans cette situation, les apprenants peuvent savoir comment :
- Partager les informations essentielles à la tâche
- Se répartir des tâches intermédiaires pour chaque étape de la résolution
- Contrôler le temps consacré aux sous-tâches
- Demander des clarifications sur les calculs ou les résultats obtenus
- Vérifier si chaque membre effectue les calculs correctement
- S’assurer d’obtenir un résultat approprié en fonction des connaissances spécifiques au domaine, etc.
Un groupe qui n’a pas eu d’expérience préalable de collaboration pour résoudre une tâche dans un domaine spécifique investira davantage de ressources de mémoire de travail. Par exemple, il aura besoin de plus de ressources pour des interactions d’organisation et de coordination afin de réaliser la tâche.
On peut s’attendre à ce que les groupes n’ayant pas d’expérience collaborative antérieure aient une performance plus faible. Les membres de ces groupes doivent apprendre à collaborer tout en essayant de réaliser la tâche d’apprentissage et en tirant des leçons de leurs efforts.
Un groupe ayant une expérience antérieure de la collaboration pour résoudre une tâche dans un domaine spécifique devrait avoir de meilleures performances, car les ressources de sa mémoire collective sont investies dans des activités transactives productives pour l’apprentissage.
L’impact des caractéristiques des tâches d’apprentissage sur l’efficacité de l’apprentissage collaboratif
Une tâche d’apprentissage collaboratif est une expérience d’apprentissage concrète, authentique et globale qui doit être réalisée dans un laps de temps donné et en collaboration avec d’autres apprenants.
La complexité de la tâche
La tâche peut prendre plusieurs formes, par exemple, un devoir, un problème à résoudre ou un projet à réaliser.
Elle peut également être convergente ou divergente et peut être bien structurée, mal structurée ou même méchante. Quel que soit le type, la complexité de la tâche est essentielle.
La collaboration est efficace lorsqu’une tâche est suffisamment complexe pour justifier le temps et les efforts supplémentaires qu’impliquent les activités transactionnelles nécessaires.
Si une tâche n’est pas suffisamment complexe, les activités transactives inutiles entraîneront une charge cognitive superflue et seront donc préjudiciables à l’apprentissage. Il vaut mieux dans ce cas que la tâche soit effectuée individuellement.
Le soutien et le guidage de la tâche
La réalisation d’une tâche d’apprentissage dans toute situation d’apprentissage nécessite un bon soutien et une bonne orientation.
C’est d’autant plus vrai dans les situations d’apprentissage collaboratif, car les recherches sur ce sujet ont montré à plusieurs reprises que les apprenants ne s’engagent généralement pas dans des processus de collaboration efficaces sans accompagnement.
L’orientation est généralement axée sur le processus pour aider les apprenants à aborder systématiquement la tâche d’apprentissage. Elle les guide à travers les phases.
Des scripts de collaboration peuvent être utilisés pour guider les activités des apprenants dans les contextes.
Le soutien peut être :
- Orienté vers le produit : par exemple, des problèmes résolus.
- Orienté vers le processus : par exemple, l’attribution de rôles.
Le soutien ou guidage est destiné à aider les apprenants à effectuer une tâche d’apprentissage qui ne pourrait pas être réalisée sans cette aide.
La quantité et le type de guidage ou de soutien offerts aux apprenants affecteront leur capacité à réaliser la tâche et donc la charge cognitive qu’ils ressentent.
Imaginons que les apprenants sont confrontés à de nouvelles situations et à de nouveaux environnements de collaboration. Plus la tâche fournit d’indications et de soutien pour l’apprentissage collaboratif, plus la charge extrinsèque causée par les activités transactionnelles est faible.
L’impact des caractéristiques des apprenants individuels sur l’efficacité de l’apprentissage collaboratif
Du point de vue de la théorie de la charge cognitive, les principales différences entre les individus qui ont des répercussions sur la conception pédagogique de l’apprentissage collaboratif sont :
- Les connaissances préalables spécifiques au domaine que les apprenants possèdent par rapport à la tâche.
- Leur degré d’expertise dans les mécanismes de la collaboration.
Les connaissances préalables spécifiques
Plus les connaissances préalables et l’expertise des membres de l’équipe dans le domaine de la tâche sont grandes, plus la charge extrinsèque causée par les activités transactives est faible. Les membres de l’équipe se comprennent mieux et se représentent mieux ce à quoi aboutir. Au plus ces connaissances sont développées au plus les membres de l’équipe ont intérêt à résoudre le problème individuellement plutôt que collaborativement.
Lorsque les équipes sont composées d’apprenants ayant un faible niveau de connaissances spécifiques au domaine, il y a un plus grand potentiel pour une augmentation plus importante de la charge extrinsèque soumise à la mémoire de travail collective. Ces novices se retrouvent impliqués dans la résolution de problèmes cognitivement exigeants. Cela peut se révéler contreproductif pour l’apprentissage lorsque la charge cognitive devient trop élevée.
Compétences de collaboration
La disponibilité des compétences de collaboration parmi les membres de l’équipe diminuera la charge extrinsèque causée par les activités transactives.
Les aptitudes de collaboration générales au domaine sont biologiquement primaires et donc peu susceptibles d’être affectées par l’enseignement.
Les aptitudes de collaboration spécifiques à la tâche sont biologiquement secondaires. Elles peuvent être influencées et enseignées.
Ces compétences concernent les capacités des membres de l’équipe à s’orienter correctement dans le cadre des étapes d’une tâche spécifique.
En ce qui concerne les activités transactives et leurs coûts concomitants, il faut s’attendre à ce que la disponibilité de ces compétences collaboratives réduise les coûts. Les équipes dont les membres possèdent ces compétences auront moins besoin de communiquer et de coordonner ouvertement leurs activités que celles où ces compétences n’ont pas été acquises.
En matière de charge cognitive, si les apprenants n’ont pas acquis ces compétences avant de commencer la tâche collaborative, la charge induite ici pourrait être si élevée qu’elle entraverait l’apprentissage collaboratif.
L’impact des caractéristiques de l’équipe sur l’efficacité de l’apprentissage collaboratif
En ce qui concerne l’apprentissage collaboratif au niveau de l’équipe, quatre caractéristiques semblent importantes, à savoir :
- La taille de l’équipe
- Les rôles que les apprenants peuvent ou doivent tenir
- La composition de l’équipe (hétérogène ou homogène)
- L’expérience antérieure des membres de l’équipe à travailler ensemble.
Taille de l’équipe
La taille d’une équipe joue un rôle dans la manière dont les membres de l’équipe interagissent entre eux et dans l’efficacité et l’efficience du processus de travail en équipe.
En général, lorsque le nombre de membres d’une équipe travaillant sur une tâche d’apprentissage augmente, la fréquence des activités transactives augmente, le processus de collaboration devient plus complexe. La charge extrinsèque causée par les activités transactives augmente.
L’augmentation du nombre de membres augmente le risque de paresse sociale, de parasitisme et, en fin de compte, d’échec de l’équipe.
Ces phénomènes peuvent être partiellement compensés par une charge intrinsèque plus faible résultant de l’effet de la mémoire de travail collective si la tâche est suffisamment complexe.
Rôles dans l’équipe
Les rôles au sein de l’équipe précisent clairement qui est responsable de quoi et, par conséquent, réduisent la charge extrinsèque causée par les activités transactives.
Les rôles (par exemple, président, maitre du temps, rapporteur, etc.) favorisent la cohésion et la responsabilité de l’équipe. Ils indiquent clairement qui est responsable de quoi.
Lorsque les rôles sont soit préassignés par l’enseignant, soit choisis par les apprenants eux-mêmes, ils devraient réduire les activités de coordination des membres de l’équipe.
En ce qui concerne la charge cognitive, en réduisant les activités de coordination, les rôles devraient réduire la charge cognitive induite par les activités transactives.
Composition de l’équipe
La composition d’une équipe en matière de connaissances ou d’expertise spécifiques au domaine des membres de l’équipe joue également un rôle.
Plus la répartition des connaissances entre les membres de l’équipe travaillant sur une tâche d’apprentissage est hétérogène (en matière de niveau de connaissances), plus la charge externe causée par les activités réactives est élevée.
Selon Zhang (et coll., 2016) :
- Les équipes hétérogènes pourraient être favorables aux apprenants ayant des niveaux de connaissances préalables plus faibles.
- Lorsque les équipes sont homogènes :
- S’il s’agit de novices, les novices participent à la résolution de problèmes exigeants sur le plan cognitif et basés sur la recherche de solutions.
- S’il s’agit d’apprenants bien informés, l’homogénéité peut ne présenter aucun avantage puisque ces apprenants peuvent probablement traiter les problèmes en utilisant leur base de connaissances disponible.
- Lorsque les participants ont une connaissance pertinente de la tâche, les apprenants individuels surpassent marginalement les équipes homogènes et hétérogènes.
En ce qui concerne la charge cognitive, si les apprenants disposent de connaissances pertinentes pour réaliser une tâche, les activités de communication et de coordination peuvent être inutiles, voire contreproductives à leur apprentissage. Lorsqu’il y a peu de connaissances spécifiques au domaine, la charge cognitive encourue par les transactions pourrait avoir un impact positif sur l’apprentissage.
Expérience antérieure de collaboration en équipe sur des tâches similaires
Une expérience antérieure de travail sur des tâches dont la structure est similaire à celle d’une nouvelle tâche d’apprentissage est utile. Elle permet aux apprenants d’acquérir des compétences de collaboration spécifiques à la tâche. Celles-ci sont associées à une efficacité (c’est-à-dire une performance) et une efficience (c’est-à-dire une combinaison favorable de performance et d’effort mental) pédagogiques plus élevées.
En ce qui concerne la charge cognitive, les équipes dont les membres ont de l’expérience les uns avec les autres sur des tâches similaires à la tâche d’apprentissage auront besoin de moins d’activités transactionnelles. Ils savent comment les autres travaillent, ce que les autres savent, et partagent des modèles mentaux. Ainsi, la charge imposée par ces activités sera moins importante que celle des équipes non expérimentées.
Mis à jour le 03/01/2024
Bibliographie
Kirschner, P. A., Sweller, J., Kirschner, F. et al. From Cognitive Load Theory to Collaborative Cognitive Load Theory. Intern. J. Comput.-Support. Collab. Learn 13, 213–233 (2018). https://doi.org/10.1007/s11412-018-9277-y
Zhang, L., Kalyuga, S., Lee, C., & Lei, C. (2016). Effectiveness of collaborative learning of computer programming under different learning group formations according to students’ prior knowledge: A cognitive load perspective. Journal of Interactive Learning Research, 27(2), 171–192 Retrieved from http://www.learntechlib.org/p/111825.
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