vendredi 21 avril 2023

L’impact de la qualité du temps consacré à la réalisation des devoirs

Les devoirs, les préparations ou les révisions faites à domicile ont le potentiel d’améliorer l’apprentissage scolaire. Ces activités prolongent le temps d’apprentissage au-delà de la classe et amorcent un traitement cognitif actif pour l’apprentissage. Elles sont des tâches assignées aux élèves par les enseignants.

(Photographie : Alex Berger)




Nous pouvons nous interroger sur l’impact de la qualité de l’engagement dans ce type d’activité pour la réussite scolaire.



Des preuves en faveur d’un impact progressif des devoirs dans la scolarité


La relation qui existe entre les devoirs à domicile et les résultats scolaires suscite l’intérêt et des débats depuis longtemps. Une difficulté particulière à laquelle se confronte la recherche est que son évaluation n’est pas aisée. Comme les devoirs sont réalisés en dehors du cadre scolaire, leur étude se fonde pour une part importante sur des mesures d’auto-évaluation des élèves et étudiants. 

De fait, la plupart des travaux de recherche sur la question s’appuient sur des enquêtes et des déclarations des étudiants sur leurs habitudes d’étude, ce qui peut en limiter la fiabilité. 

Credé et Kuncel (2008) ont réalisé une méta-analyse de 10 inventaires d’habitudes, d’aptitudes et d’attitudes d’étude et ont constaté que les devoirs avaient une validité progressive pour prédire les performances scolaires. 

Hattie (2009) a signalé une taille d’effet moyenne de 0,29 en faveur des devoirs à la maison, sur la base de cinq méta-analyses portant sur 295 tests expérimentaux et plus de 100 000 élèves. 

Il existe un résultat intéressant et convergent concernant les tendances que montrent ces recherches. La corrélation positive entre les devoirs et la réussite est plus importante pour les élèves plus âgés (p. ex., les élèves du secondaire) que pour les élèves plus jeunes (p. ex., les élèves du primaire). 

Le temps que les élèves choisissent de consacrer à une tâche peut être considéré comme une mesure de l’engagement des élèves (van Gog, 2013).

L’engagement des élèves pendant l’apprentissage est au cœur des théories portant sur l’apprentissage significatif. Celles-ci regroupent la théorie de la charge cognitive, la théorie cognitive de l’apprentissage multimédia, la théorie de l’auto-efficacité et celle des attributions.

Les caractéristiques de l’enseignement (telles que l’interactivité et la personnalisation) et les caractéristiques des élèves (telles que l’auto-efficacité et l’intérêt) peuvent amorcer le niveau d’effort des élèves pendant l’apprentissage. 

Un objectif important de la recherche sur la conception pédagogique consiste à identifier les caractéristiques pédagogiques qui incitent l’apprenant à faire des efforts pour apprendre.

Un objectif important de la recherche sur la motivation scolaire consiste à identifier les croyances motivationnelles qui incitent l’apprenant à faire des efforts pour apprendre. 

L’effort d’apprentissage consenti peut conduire à de meilleurs résultats d’apprentissage, comme l’indiquent les mesures de la réussite. L’engagement est un mécanisme qui affecte les résultats.



L'impact du temps d'apprentissage engagé et productif sur la réussite


Rawson et ses collègues (2016) ont réalisé une étude sur les devoirs. L’enjeu était de déterminer l'impact de l'usage du temps consacré à des activités de résolution de problèmes à la maison et la note obtenue dans un cours d’introduction à l’ingénierie. 

Les participants étaient trois cohortes d’étudiants de premier cycle en ingénierie de l’Université de Californie, Riverside. La recherche a impliqué au total 300 étudiants. 

Une difficulté de ce type de recherche est qu'elle se base sur un travail à domicile des étudiants qui déclarent la quantité de temps qu'il consacrent à la pratique de résolution de problèmes, ce qui pose deux problèmes :
  • Leurs déclarations peuvent être inexactes.
  • Une partie du temps consacré à la pratique peut avoir été détournée par des distractions.
Rawson et ses collègues (2016) ont contourné l’obstacle de l’autodéclaration en utilisant la technologie du stylo intelligent (smartpen) pour évaluer objectivement l’exécution des devoirs. 

Cette technologie permet de savoir quand et comment un étudiant travaille effectivement sur un devoir. Les chercheurs ont eu accès au temps réel que les élèves ont passé à travailler sur leurs problèmes de devoirs, y compris l’heure à laquelle ils ont commencé et terminé chaque session. 

L’approche smartpen permet de conserver une écriture manuscrite plutôt que de passer par une interface numérique avec clavier. 

Selon l’hypothèse du temps consacré à la tâche (van Gog, 2013), l’apprentissage d’une nouvelle matière est lié au temps pendant lequel un élève s’engage dans une activité d’apprentissage productive. 

Les activités d’apprentissage productives sont celles qui amènent l’élève à s’intéresser au contenu pertinent, à l’organiser mentalement et à le relier à des connaissances antérieures en lien. Consacrer du temps aux devoirs est un moyen d’augmenter le temps d’apprentissage productif au-delà du temps en classe. 

Le temps consacré aux tâches peut être compté parmi les facteurs les plus importants affectant l’apprentissage et la réussite des élèves. Cette idée est enracinée dans les études classiques d’Ebbinghaus sur l’apprentissage verbal, qui ont montré que le temps passé à étudier une liste de mots est lié à la quantité apprise.

Dans une revue des méta-analyses, Hattie (2009) a trouvé une taille d’effet moyenne de 0,38 pour le temps passé à la tâche sur la base de quatre méta-analyses examinant 136 comparaisons expérimentales. 



Définir le concept de temps d’apprentissage engagé et productif


Le concept de temps consacré à la tâche a évolué pour refléter l’accent mis sur le temps d’apprentissage engagé. Le temps d’apprentissage engagé est le temps pendant lequel l’apprenant déploie activement des efforts pour accomplir une tâche plutôt que sur le temps d’apprentissage alloué. Une partie du temps d’apprentissage alloué peut être capturé par des tâches distractives ou des tâches organisationnelles non directement en lien avec l’apprentissage.

De plus, dans le cadre du temps d’apprentissage engagé, les chercheurs en sont venus à se concentrer sur le temps d’apprentissage productif. Le temps d’apprentissage productif représente la période pendant laquelle l’apprenant fait des efforts pour apprendre sur une tâche académique appropriée en employant une stratégie appropriée.

Van Gog, Ericsson, Rikers et Paas (2005) soulignent le rôle de la pratique délibérée. Le fait de passer de longues périodes à s’efforcer de réaliser des tâches d’un niveau de difficulté approprié permet une amélioration continue. 

Un apprentissage significatif nécessite un traitement cognitif actif dans la mémoire de travail pendant l’apprentissage. Celui-ci inclut l’attention portée aux informations pertinentes, leur organisation mentale en une structure cohérente et leur mise en relation avec des connaissances antérieures pertinentes activées dans la mémoire à long terme (Mayer, 2011). 

Le temps d’apprentissage productif conduit à la construction de nouvelles connaissances et compétences. 

Rawson et ses collègues (2016) ont élargi le concept de temps d’apprentissage productif pour examiner également sur la qualité du temps consacré aux devoirs. Combien de temps est consacré et quand ce temps est-il attribué par rapport à la date de remise du devoir ?

Les travaux d’Oviatt, Arthur et Cohen (2006) suggèrent que les environnements de travail naturels sont essentiels à la performance des élèves. Ces chercheurs ont examiné les interfaces informatiques permettant de résoudre des problèmes de géométrie. Ils ont constaté que plus les interfaces s’éloignaient des pratiques de travail familières, plus les élèves subissaient une charge cognitive importante. En conséquence, leur performance se détériorait sur le plan de la vitesse, de la concentration attentionnelle, du contrôle métacognitif, de l’exactitude des solutions et de la mémoire.

D’une manière similaire, Anthony, Yang et Koedinger (2008) ont constaté que les interfaces d’écriture manuscrite étaient plus bénéfiques que les interfaces de clavier pour les systèmes de tutorat en mathématiques. 



L'impact des facteurs qualitatifs liées à la réalisation des tâches d'apprentissage autonome



Rawson et ses collègues (2016) ont établi les résultats suivants concernant l'engagement dans des tâches d'apprentissage autonome données par l'enseignant : 
  • Le temps réel passé à travailler sur des tâches de résolution de problèmes (similaires à ceux pratiqués au cours) lors des devoirs était positivement corrélé avec les notes du cours.
  • Le temps autodéclaré passé sur des problèmes de devoirs n’était pas corrélé avec les notes du cours.
  • Le temps consacré aux devoirs entre minuit et 4 heures du matin n’était pas corrélé avec les notes du cours. Le travail de nuit n’a pas semblé avoir d’influence.
  • Le temps consacré aux devoirs dans les 24 heures précédant la date limite était négativement corrélé avec les notes du cours. 
  • Le fait de répartir le temps consacré aux devoirs en plusieurs sessions était positivement corrélé avec les notes du cours. 
  • Les notes de cours étaient positivement corrélées avec le nombre total de traits de stylo, d’équation, de diagramme, de rature, la quantité d’encre utilisée, le total de problèmes tentés et le temps par problème. 
  • Les notes de cours n’étaient pas systématiquement corrélées à la vitesse moyenne du stylo ou à la résolution de problèmes dans le désordre. 
Bien qu’aucune conclusion causale ne puisse être tirée, ce travail attire l’attention sur un mécanisme causal potentiel menant à l’apprentissage, à savoir la quantité d’activité d’apprentissage productive. Il est important de noter que la quantité du temps consacré aux devoirs et la qualité de l’utilisation du temps consacré aux devoirs sont liées aux résultats. 

Une utilisation de meilleure qualité du temps se traduit par le fait de faire les devoirs longtemps avant leur échéance et de diviser les travaux en plus petites sessions. L’effort consacré aux devoirs se reflète dans le nombre de coups de crayon, l’encre totale produite et le nombre de problèmes tentés. 

L’une des principales contributions de ce projet est de permettre des mesures plus détaillées de l’effort ou de l’engagement de l’étudiant — qui est proposé comme étant le mécanisme sous-jacent à l’apprentissage académique. 

Bien que corrélationnelle, cette étude offre des preuves préliminaires du potentiel des devoirs en tant qu’aide à la réussite des élèves, en particulier lorsque les élèves travaillent sur leurs devoirs en temps opportun et avec effort. De même, elle suggère que faire ses devoirs juste avant leur échéance n’est peut-être pas une stratégie efficace, mais on ne peut pas tirer de conclusions causales. 


Mis à jour le 25/12/2023

Bibliographie


Rawson, K., Stahovich, T. F., & Mayer, R. E. (2016). Homework and Achievement: Using Smartpen Technology to Find the Connection. Journal of Educational Psychology. Advance online publication. http://dx.doi.org/10.1037/edu0000130 

Richard E. Mayer, How to be a successful student, 2019, Routledge

Credé, M., & Kuncel, N. R. (2008). Study habits, skills, and attitudes: The third pillar supporting collegiate academic performance. Perspectives on Psychological Science, 3, 425– 453. http://dx.doi.org/10.1111/j.1745- 6924.2008.00089.x 

Hattie, J. A. C. (2009). Visible learning: A synthesis of over 800 meta-analyses relating to achievement. New York, NY: Routledge.

van Gog, T. (2013). Time on task. In J. Hattie & E. M. Anderman (Eds.), International guide to student achievement (pp. 432–433). New York, NY: Routledge. 

van Gog, T., Ericsson, K. A., Rikers, R. M. J. P., & Paas, F. (2005). Instructional design for advanced learners: Establishing connections between the theoretical frameworks of cognitive load and deliberate practice. Educational Technology Research and Development, 53, 73– 81. http://dx.doi.org/10.1007/BF02504799 

Mayer, R. E. (2011). Applying the science of learning. Upper Saddle River, NJ: Pearson. 

Oviatt, S., Arthur, A., & Cohen, J. (2006). Quiet interfaces that help students think. Proceedings of the 19th Annual ACM Symposium on User Interface Software and Technology—UIST ’06 (pp. 191–200). New York, NY: ACM Press. 

Anthony, L., Yang, J., & Koedinger, K. R. (2008). Toward next-generation intelligent tutors: Adding natural handwriting input. IEEE MultiMedia, 15, 64–68. http://dx.doi.org/10.1109/MMUL.2008.73

0 comments:

Enregistrer un commentaire