mardi 25 avril 2023

Évaluer le défi ou la menace d’une situation d’apprentissage

Pour une part parfois conséquente, l’interprétation qu’un élève se fait d’une situation d’apprentissage donnée peut influencer son engagement et sa persévérance. En retour ce phénomène contribue à déterminer son rendement scolaire.

(Photographie : Luca Tombolini)




Liens entre identité et motivation dans un contexte scolaire


Le degré de motivation d'un élève est en lien avec son identité dans un cadre scolaire. Un enseignant peut décrire ses élèves comme plus ou moins motivés.

L’identité représente l’ensemble des attributs personnels et sociaux possédés par un élève :
  • Ces attributs personnels et sociaux le différencient des autres élèves et le relient à eux. 
  • Ces attributs personnels et sociaux incluent qui les élèves sont, de même qui ils veulent ou ne veulent pas être. 
Les effets de l’identité d’un élève sur sa motivation dépendent : 
  • De l’influence du contexte
  • De la manière dont l’élève interprète ce contexte. 
Bien qu’un contexte scolaire donné puisse sembler offrir une situation identique à tous les élèves qui le composent, il peut en fait être vécu de manière très différente par des élèves ayant des identités différentes. 

L’identité des élèves dépend des capacités intellectuelles de l'élève dans leur influence sur sa réussite scolaire, mais également d'autres facteurs. 

Il existe une relation bidirectionnelle entre la motivation d'un élève et son identité dans un cadre scolaire : 
  • L’identité des élèves façonne la motivation et est également façonnée par cette dernière. 
  • La motivation évolue continuellement dans le temps et est entrelacée avec l’identité. 
La motivation peut se déployer positivement lorsque les élèves sentent que leur identité soutient leurs objectifs scolaires et qu’elle est valorisée à l'école. Lorsque les élèves sentent en phase avec l’école, ils peuvent mieux réaliser leur plein potentiel. 

Dans une perspective sociocognitive, la motivation est vue comme un ensemble de réponses interconnectées qui poussent les individus à accomplir des tâches ou à s’investir plus ou moins fort dans des activités particulières. 

Ces réponses impliquent des dimensions :
  1. Liées à la cognition : des croyances en matière d’efficacité, de mentalité, d’objectifs personnels, d’attributions, etc.
  2. Liées au traits personnels : la persistance, l’effort, le choix, l’intérêt, la curiosité, etc.
  3. Affectives et émotionnelles.



Aborder un apprentissage scolaire comme un défi personnel ou comme la menace des stéréotypes


Lorsqu’un élève est amené à faire face aux objectifs d'apprentissage et aux enjeux liés à la réussite d'un cours, il peut les trouver exigeants et incertains. Il peut estimer que sa réussite n’est pas établie d’avance, mais dépendra de différents facteurs internes et externes. Il peut se situer quelque part entre deux extrêmes. Un élève peut se sentir menacé face à un risque potentiel d'échec à venir, ou se sentir prêts à relever les défis qui se présente, prêt à fournir coute que coute tous les efforts nécessaires. 

Cette lecture nuancée de la situation n'est pas sans impact sur sa motivation, sur sa persévérance et sur les efforts qu'il sera prêt à investir :
  • Si l’élève laisse la menace prendre le dessus, il risque d’être démotivé, de faire moins d’efforts et se retrouver victime d’un stéréotype en obtenant de mauvais résultats. Il peut penser que les dès sont déjà jetés et que sa marge de manoeuvre est réduite.
  • Si l’élève se sent mis au défi, il est plus susceptible d’être motivé, de fournir plus d’efforts et d’obtenir de meilleurs résultats scolaires. Il peut penser que la réussite dépend essentiellement de lui et de sa faculté de se dépasser.
La seconde option est largement avantageuse. Par conséquent, un élève a tout intérêt à ne pas croire àdes  stéréotypes négatifs lorsqu’il s’agit de fournir des efforts pour améliorer ses apprentissages. L’idée que l’élève se fait de lui-même en tant qu’apprenant est un facteur important qui contribue à sa motivation à apprendre et à sa réussite. 

Le fait de céder à la menace du stéréotype favorise l’autosabotage, la procrastination et les stratégies d'évitement. Cela revient à rendre la tâche d’atteindre la pleine réussite scolaire plus improbable. L’élève peut par exemple égarer ses notes de cours par manque de soin ou en finalement pas travailler en cédant la procrastination. Il peut renoncer à demander de l'aide. Sans réellement s’en rendre compte, il peut chercher à se trouver une excuse toute prête en ne travaillant pas assez, pour de mauvais résultats qu’il pense inévitables. 

De cette manière, céder aux stéréotypes négatifs peut amener à l’échec.



Le modèle biopsychosocial du défi et de la menace


Dans le cadre d’un enseignement explicite, de la science de l’apprentissage ou de l’évaluation formative, l’intention de mettre l’élève au défi est régulière.

Le défi est pensé comme ni trop facile et ni trop difficile, pour pouvoir moyennant un effort investi par l’élève se traduire en un succès. En ce sens, il correspond à la notion de défi dans le modèle biopsychosocial du défi et de la menace.

Le modèle biopsychosocial de défi et de menace est un modèle de motivation. Il délimite deux types de réponses organisées à des situations de performance motivées : le défi et la menace. Ceux-ci reposent sur des fondements physiologiques hormonaux clairs. 

Les schémas de réponse au défi et à la menace découlent directement des processus d’évaluation cognitive qui évaluent les exigences situationnelles et les ressources d’adaptation perçues :
  • Les défis se manifestent lorsqu’une personne estime qu’elle dispose des ressources nécessaires pour répondre aux exigences
  • Les menaces se manifestent lorsqu’une personne estime que les exigences dépassent ses ressources. 
La recherche conceptualise fréquemment les états de défi et de menace comme étant respectivement positifs et négatifs. 

Un exemple clair de limite à ce partage est l’expérience de la colère :
  • La colère est clairement évaluée négativement et liée à la menace, mais elle peut également être motivée par l’approche d’un défi.
  • Lorsque l’on examine les processus d’évaluation et les réponses physiologiques des individus qui éprouvent de la colère, ceux-ci semblent similaires aux réponses des individus qui sont stimulés. Il y a concordance de l’orientation de la motivation entre la colère et le défi positif.
L’accent mis sur la motivation dans le modèle biopsychosocial de défi et de menace le rend idéal pour une intégration avec les processus de régulation des émotions.

Ce qu’il faut regarder c’est que les évaluations et les réponses de défi et de menace sont liées à l’attitude prise par la personne : 
  • Le défi est lié à une orientation d’approche de la tâche ou des facteurs de stress
  • La menace est liée à une orientation d’évitement de la tâche ou des facteurs de stress.  
En contexte scolaire, les orientations d’approches sont fondamentales pour l’apprentissage tandis que les approches d’évitement sont contreproductives.

De plus, les réponses physiologiques associées aux états de défi orientés vers l’approche sont considérées comme bénignes par rapport aux états de menace orientés vers l’évitement en raison :
  • Des niveaux plus élevés d’hormones anaboliques par rapport aux hormones cataboliques liées au stress (cortisol)
  • De la dilatation des vaisseaux périphériques
  • Du retour rapide à l’homéostasie après le stress.
Les modèles de réponse au défi et à la menace découlent directement des processus d’évaluation cognitive qui évaluent les exigences situationnelles et les ressources d’adaptation perçues.

Le défi se manifeste lorsqu’un individu estime qu’il dispose des ressources nécessaires pour répondre aux demandes. La menace est marquée par le schéma inverse, les demandes dépassent les ressources. 

La relation entre les évaluations des ressources et de la demande est censée servir de médiateur entre les situations de performance motivées et les réponses physiologiques, motivationnelles et comportementales. 

Un élève qui perçoit une menace dans un contexte d’apprentissage risque de ne pas pouvoir utiliser toutes ses ressources alors qu’un élève qui perçoit un défi sera au contraire stimulé. Il est donc important de concevoir les situations de défi avec précaution et de prendre en compte également la perception de l’élève (sentiment d’efficacité personnelle). Ce n’est que lorsque ces deux dimensions se rencontrent que le bénéfice du défi pour l’apprentissage peut se manifester.


Mis à jour le 26/12/2023


Bibliographie


Jamieson, J. P. (2017). Challenge and threat appraisals. In A. J. Elliot, C. S. Dweck, & D. S. Yaeger (Eds.), Handbook of competence and motivation (2nd ed; pp. 175–191). New York: Guilford.

Master, A., Cheryan, S., & Meltzoff, A. N. (2016). Motivation and identity. In K. R. Wentzel & D. B. Miele (Eds.), Handbook of motivation at school (2nd ed; pp. 300–319). New York: Routledge.

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