(Photographie : Donna J. Wan)
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Caractéristiques et formes du harcèlement scolaire
Caractéristiques
Le harcèlement scolaire comme comportement d’intimidation reste difficile à définir (Volk et coll., 2017) ce qui peut mener à des identifications tardives ou hâtives du phénomène.
Olweus (1994) a mis en évidence trois caractéristiques du harcèlement :
- L’intentionnalité
- La répétition
- Le déséquilibre de pouvoir
Ces caractéristiques sont parfois remises en question et il existe une tendance à définir le harcèlement scolaire comme (Volk et coll., 2017) :
- Un comportement orienté vers un objectif plutôt qu’intentionnel
- En mettant l’accent sur le préjudice perçu (subjectif) plutôt que sur la fréquence des brimades
Formes du harcèlement scolaire
Olweus (1994) a établi une distinction préliminaire entre :
- Brimades directes : formes d’agression relativement ouvertes comme les coups, les insultes ou les menaces.
- Brimades indirectes : formes moins visibles de brimades comme l’exclusion délibérée d’un groupe ou la manipulation sociale.
Les nouvelles technologies de communication ont apporté leur propre ensemble de formes d’intimidation désignées sous le terme de cyberintimidation (Brighi et coll., 2012). La recherche s’accorde toutefois pour les estimer comme beaucoup moins fréquentes que les formes traditionnelles d’intimidation.
Ces trois sous-types d’intimidation sont associés de manière différentielle à divers facteurs tels que :
- L’empathie
- Le genre
- Les conséquences sur la santé psychosociale
- La probabilité d’intervention de l’enseignant.
La dimension sociale du harcèlement
Au-delà, les brimades sont intimement liées à la dynamique sociale du groupe de pairs. Il a été suggéré que les auteurs de brimades y trouvent un moyen pour eux d’atteindre des objectifs de statut et une position dominante dans la hiérarchie du groupe de pairs.
Les brimades se produisent le plus souvent en présence de spectateurs, leur rôle clé dans l’amélioration ou le découragement du comportement des brimades a été reconnu.
Différents rôles de participants spectateurs en dehors de la dyade intimidateur-victime ont été identifiés :
- Les assistants participent à l’intimidation sans en prendre l’initiative.
- Les soutiens ou renforçateurs affichent des comportements encourageants, comme le rire ou les encouragements.
- Les spectateurs (ou outsiders) ne sont pas directement impliqués dans l’intimidation et l’observent passivement ou s’en éloignent.
- Les défenseurs qui apportent leur soutien à la victime ou tiennent tête à l’intimidateur.
Il existe certaines critiques face à cette catégorisation, car les rôles d’intimidateur, d’assistant et de renforçateur peuvent s’avérer trop fortement corrélés pour être considérés comme des rôles distincts.
Ampleur des conséquences du harcèlement
Des variations considérables ont été constatées entre les études mesurant la prévalence des brimades.
Les brimades varient dans une certaine mesure en fonction des caractéristiques de l’échantillon :
- L’âge
- Le sexe
- Le pays
Une partie de la variation est probablement due à la façon dont les brimades sont opérationnalisées et mesurées.
Au niveau international, la prévalence globale des brimades et de la victimisation (le fait d’être victime de brimades) a été estimée à 35 % chacun dans une méta-analyse de 80 études (Modecki et coll., 2014).
La recherche a mis en évidence des preuves irréfutables des conséquences négatives des brimades. Les victimes sont confrontées à de nombreuses difficultés d’adaptation et présentent un risque accru de dépression et d’autres problèmes de santé mentale à l’âge.
Dans une moindre mesure, être témoin de brimades peut également avoir un impact négatif sur les spectateurs.
Les intimidateurs, à leur tour, présentent un risque accru d’inadaptation ultérieure et de problèmes d’externalisation.
Les difficultés de l’évaluation des programmes anti-harcèlement
De nombreux programmes anti-harcèlement ont été développés.
Les méta-analyses et les examens systématiques suggèrent que les résultats des programmes de lutte contre les brimades sont globalement mitigés.
Bien que les méta-analyses les plus favorables suggèrent une réduction de 20 % des brimades en moyenne, l’ampleur de l’effet varie considérablement d’une étude à l’autre. De nombreux programmes n’ont pas donné de résultats positifs.
Deux programmes, plus particulièrement, ont montré des effets positifs sur les brimades ou la victimisation : KiVa, ViSC.
Comment l’expliquer les difficultés d’agir contre le harcèlement ?
Ces difficultés s’expliquent au niveau de faiblesses méthodologiques mises en évidence au sujet de la recherche sur le harcèlement.
Les chemins médiateurs hypothétiques expliquant le harcèlement ne sont pas testés :
- La plupart des études d’évaluation d’interventions sur le harcèlement ne mesurent pas l’impact des différents facteurs ciblés pour avoir un impact final sur les brimades. Cela empêche la mise en évidence d’effets dus à un facteur particulier.
- La plupart des études d’évaluation d’interventions sur le harcèlement évaluent généralement uniquement les résultats comportementaux attendus. Cela se fait au détriment des médiateurs hypothétiques. En conséquence, nous ne savons pas lesquels de ces effets passent par les médiateurs attendus.
- Un effet sur les brimades peut facilement passer inaperçu, car il est trop faible pour être détecté ou parce qu’un effet concurrent dans la direction opposée masque l’effet.
Par exemple, une intervention peut viser à améliorant l’empathie cognitive, qui est la capacité à comprendre les émotions d’une autre personne. En toute bonne fois, nous pourrions imaginer que l’effet ne peut être que positif. Cependant, cette intervention pourrait en fait faciliter l’intimidation effective en augmentant les compétences de manipulation des intimidateurs. Pour ce type de raison, l’impact de chaque élément devrait pouvoir être analysé de manière particulière avant d’être étudié en combinaison.
Dès lors, la grande difficulté d’une recherche qui s’intéresse à des programmes d’interventions anti-harcèlement complexes est que leurs différentes composantes ne sont pas évaluées dans le cadre d’interventions distinctes :
- Les programmes anti-harcèlement sont généralement évalués dans leur ensemble. Cependant, ils contiennent généralement de nombreuses composantes ciblant divers facteurs associés à l’intimidation.
- Par conséquent, nous ne connaissons pas la contribution unique de chaque composante. Nous ne savons pas quels en sont les ingrédients efficaces ou inefficaces et quelles sont les interactions productives ou improductives.
Pour progresser, la recherche portant sur le harcèlement doit déterminer l’effet unique de chaque composante séparément pour améliorer la compréhension globale des programmes de lutte contre les brimades.
Un dernier facteur d’importance est que la mise en œuvre des interventions n’est pas prise en compte
- Dans la plupart des études d’évaluation, les résultats représentent l’effet global d’un programme donné. Or, les effets des programmes fluctuent fortement entre les classes et, dans une moindre mesure, entre les écoles.
- Ces variations sont probablement liées aux fluctuations naturelles de la mise en œuvre, c’est-à-dire la façon dont les programmes sont mis en pratique. Des facteurs liés à la mise en œuvre et au contexte sont en action.
- Ce phénomène se remarque d’autant plus que les programmes sont dispensés par les enseignants, ce qui est souvent le cas en matière de prévention de l’intimidation.
- Il est probable que les enseignants ne mettent pas nécessairement en œuvre les programmes comme prévu par les développeurs.
- Les études d’évaluation du harcèlement scolaire ont rarement évalué la mise en œuvre, ou seulement à un niveau très général. Par conséquent, il y a un manque de connaissances sur les ingrédients essentiels d’un programme anti-harcèlement et sur les risques de mutations létales dans la mise en œuvre qui hypothèque les effets escomptés.
Mis à jour le 22/12/2023
Bibliographie
Tolmatcheff, Chloé. Opening the black box of anti-bullying programs: an investigation of the effects, mediating roles, and implementation of moral disengagement and class norms as anti-bullying program components. Prom.: Galand, Benoit; Roskam, Isabelle (2021)
Volk, A. A., Veenstra, R., & Espelage, D. L. (2017). So you want to study bullying? Recommendations to enhance the validity, transparency, and compatibility of bullying research. Aggression and Violent Behavior, 36, 34–43. https://doi.org/10.1016/j.avb.2017.07.003
Olweus, D. (1994). Bullying at school. In Aggressive behavior (pp. 97–130). Springer, Boston, MA.
Brighi, A., Ortega, R., Scheitauer, H., Smith, P. K., Tsormpatzoudis, C., Barkoukis, V., Del Rey, R., & Thompson, J. (2012). European bullying intervention project questionnaire (EBIPQ). University of bologna.
Modecki, K.L., Minchin, J., Harbaugh, A.G., Guerra, N.G., & Runions, K.C. (2014). Bullying prevalence across contexts: A meta-analysis measuring cyber and traditional bullying. Journal of Adolescent Health, 55, 602–611. http://dx.doi.org/10.1016/j.jadohealth.2014.06.007
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