La conception universelle de l’apprentissage est une tendance majeure en éducation. Elle constitue une approche de plus en plus populaire dans les établissements d’enseignement primaire et secondaire, tout en faisant des incursions dans les universités et l’enseignement supérieur.
(Photographie : Ulf Lundin)
Origine de la conception universelle de l’apprentissage
La conception universelle de l’apprentissage (CUA) est la traduction d’Universel Design for Learning (UDL). Il s’agit d’un cadre pédagogique développé pour la première fois à la fin des années 1990 par le Centre for Applied Special Technology (https://www.cast.org/).
La conception universelle de l’apprentissage est née de recherches et réflexions sur les aménagements pour les personnes handicapées dans les écoles primaires et secondaires. L’idée était de supprimer les obstacles empêchant les enfants handicapés de participer à l’enseignement donné dans des classes ordinaires.
La conception universelle est la conception de tout aménagement, produit, équipement, programme ou service qui puisse être utilisé par toute personne, sans nécessiter ni d’adaptation ni de conception spéciale, et ce quels que soient son sexe, son âge, sa situation ou son handicap (Wikipedia, 2022).
Le concept de conception universelle trouve son origine dans l’architecture. Il fait référence à la planification intentionnelle de structures afin qu’elles soient accessibles aux personnes de toutes capacités.
En architecture, l’exemple par excellence de la conception universelle consiste à planifier des bâtiments sans escalier plutôt que de les équiper de rampes pour fauteuils roulants.
L’utilisation de la conception universelle pour améliorer l’accès à l’éducation des élèves handicapés est nécessaire sur le plan éducatif, éthique et juridique. Nous devons fournir aux élèves des supports pédagogiques qu’ils peuvent traiter et avec lesquels ils peuvent apprendre.
La conception universelle est une métaphore de l’accessibilité dans l’enseignement et l’apprentissage. Selon cette métaphore, les expériences d’apprentissage doivent être accessibles aux élèves de toutes capacités. Dans le domaine de l’éducation, l’exemple par excellence de la conception universelle consiste à fournir des sous-titres pour les vidéos afin que les élèves malentendants puissent accéder au contenu.
Principes pédagogiques de la conception universelle de l’apprentissage
La conception universelle de l’apprentissage répond à des objectifs en matière d’éducation inclusive. L’enjeu de la conception universelle de l’apprentissage est de créer un environnement d’apprentissage flexible de manière à fournir un soutien optimal à l’apprentissage de chaque élève, indépendamment des nombreuses différences qui existent entre les individus. Les partisans de conception universelle de l’apprentissage affirment aujourd’hui qu’elle peut améliorer l’apprentissage de tous les élèves dans tous les contextes.
La conception universelle de l’apprentissage préconise une révolution dans la pédagogie par :
- La reconnaissance de la variabilité de l’apprenant.
- L’intégration généralisée, sinon complète, de la technologie et des modes multiples de représentation et d’évaluation.
L’objectif de conception universelle de l’apprentissage est de concevoir des expériences éducatives qui s’adressent à tous les jeunes. Elles leur permettent d’adapter leurs méthodes d’apprentissage personnelles à des modes variés d’engagement, de représentation de l’information et d’expression. La conception universelle de l’apprentissage tente de séparer l’expression de l’apprentissage des exigences de format spécifiques en fournissant de multiples modes d’action et d’expression.
À ce titre, la conception universelle de l’apprentissage repose sur les éléments suivants :
- La représentation :
- La conception universelle de l’apprentissage implique de proposer aux élèves plusieurs représentations de la même information, parmi lesquelles ils peuvent ensuite choisir celle qui leur convient le mieux pour créer du sens.
- Le contenu d’apprentissage est accessible dans plusieurs formats et l’enseignement propose plusieurs approches pédagogiques. Par exemple, les points abordés par le biais du texte peuvent également être abordés au moyen d’images ou de vidéos. En ce qui concerne les vidéos, les élèves doivent pouvoir régler la vitesse, le son et le sous-titrage des celles-ci.
- En proposant plusieurs moyens de représentation, l’apprentissage devient possible pour les élèves qui traitent l’information de manière différente, peut-être en raison d’un handicap, et pour les élèves qui ont des antécédents culturels et éducatifs différents.
- L’engagement :
- Bien que les objectifs d’apprentissage restent les mêmes pour tous les élèves, la poussée émotionnelle qui incite les élèves à progresser vers ces objectifs varie. Par conséquent, nous offrons aux élèves de multiples modes d’engagement pour motiver leur apprentissage. Nous les incitons ainsi à apprendre de manière appropriée et motivante.
- Les élèves doivent pouvoir s’impliquer dans les cours de différentes manières, en faisant appel à leurs différents intérêts.
- Avec plusieurs modes d’expression disponibles, les élèves choisissent celui qui correspond le mieux à leurs capacités et à leur intérêt. Les élèves doivent pouvoir effectuer le travail en fonction de leur propre rythme d’apprentissage.
- Les élèves choisissent également de travailler en collaboration ou individuellement. Les élèves présentant des handicaps qui affectent leur tolérance à la routine et à l’interaction sociale bénéficient de modes d’engagement multiples, tout comme les élèves dont les motivations comportementales varient selon des paramètres normaux.
- L’action et l’expression :
- Comme les élèves apprennent des matières représentées selon des modalités multiples, ils peuvent ne pas être en mesure de démontrer cet apprentissage si le mode d’évaluation ne correspond pas à leurs capacités d’expression. Par conséquent, les élèves devraient se voir proposer différentes manières de montrer ce qu’ils ont appris.
- Les élèves décident de la manière de démontrer leur apprentissage par un travail écrit, une vidéo, un poster ou tout autre moyen. Par exemple, le fait d’exiger une production écrite peut ne pas montrer avec précision ce qu’un élève a appris s’il s’exprime mieux à l’oral.
- Le fait de permettre aux élèves d’exprimer leur apprentissage par différents modes permet d’accommoder les élèves handicapés qui ne peuvent pas se déplacer ou communiquer de certaines manières. Cela peut aider les élèves qui ont plus de compétences dans un mode d’expression que dans d’autres.
La conception universelle de l’apprentissage, une théorie plus philosophique que scientifique
La conception universelle de l’apprentissage a été décrite (Assistive Technology Act of 1998) comme une philosophie destinée à faciliter la conception de produits et de services éducatifs.
Comme Pedro de Bruyckere et ses collègues (2019) le mettent en évidence, historiquement les principes qui forment le cadre de la conception universelle de l’apprentissage ont été définis avant que ne soit posée la question de la validité du modèle.
Du fait, nombre de recherches d’origine utilisées pour justifier la conception universelle de l’apprentissage sont uniquement en rapport distant avec l’un ou l’autre principe général du cadre.
D’une certaine manière, le ver est dans le fruit, car cette démarche ne respecte pas le principe de falsification de Popper. Ce principe exige des chercheurs qu’ils fassent des efforts pour découvrir des éléments susceptibles de contredire une théorie scientifique.
La conception universelle de l’apprentissage a pris le contrepied de cette méthodologie. Dans un sens où la démarche a été de recueillir des éléments de preuve parcellaires favorables à la conception universelle de l’apprentissage, pas l’inverse. C’est-à-dire qu’il y a eu évitement des éléments susceptibles de la contredire. Dès lors, il n’y avait dans cette démarche qu’une simple recherche de confirmation et aucun intérêt manifeste pour l’éventualité d’une contradiction.
En adoptant de genre de démarche, la conception universelle de l’apprentissage accumule potentiellement des casseroles, car en occultant les recherches défavorables à certains de ses principes ou à l’association de ceux-ci.
Le cas de l’effet de redondance et de la conception universelle de l’apprentissage
L’effet de redondance est une des casseroles qui colle à la conception universelle de l’apprentissage. Il a été ignoré, ce qui ne l’empêche pas d’être une épine dans le pied.
Imaginons que nous suivons la logique de la conception universelle de l’apprentissage dans une classe où l’un des élèves a des difficultés d’audition et où nous devons passer une vidéo. Dans ce cas, la logique de la conception universelle de l’apprentissage induit que nous allons ajouter des sous-titres, afin que l’élève malentendant puisse suivre comme les autres. Intuitivement, cela semble logique, bénéfique pour certains élèves et anodin pour d’autres.
En réalité, la démarche sera contre-productive. La théorie cognitive de l’apprentissage multimédia, la théorie de la charge cognitive et la théorie du double codage démontrent clairement toutes les trois que la capacité d’apprentissage des autres enfants de la classe en pâtira. Leur mémoire de travail sera surchargée lorsqu’ils devront traiter une combinaison de texte parlé et de texte écrit. Ce phénomène est connu sous le nom d’effet de redondance.
En ne considérant que des recherches qui soutiennent des principes préétablis, comme le fait la conception universelle de l’apprentissage, nous ne pouvons pas découvrir comment ces principes interagissent entre eux de manière positive ou négative entre eux.
Dans ce cadre, nous pouvons nous demander quelle est l’assise scientifique de la conception universelle de l’apprentissage et s’il y en a seulement une. Sur quelles données probantes repose-t-elle ?
Fondements de la conception universelle de l’apprentissage
Les promoteurs de la conception universelle de l’apprentissage présentent l’approche comme étant :
- Fondée sur les neurosciences
- Fondée sur des preuves.
Boysen (2021) trace une parallèle édifiant entre la conception universelle de l’apprentissage et les théories des styles d’apprentissage en relevant cinq points problématiques.
- Les styles d’apprentissage et la conception universelle de l’apprentissage manquent tous deux de preuves montrant que leur mise en œuvre améliore l’apprentissage des élèves.
- L’opérationnalisation des styles d’apprentissage et de la conception universelle de l’apprentissage rend difficile l’évaluation de leurs résultats, alors même que le soutien direct des approches nécessite des recherches dans des contextes éducatifs.
- Les styles d’apprentissage et la conception universelle de l’apprentissage soulignent tous deux l’importance de la diversité, plutôt que de l’universalité, dans la manière dont les gens apprennent. L’accent est mis sur la diversité de l’apprentissage plutôt que sur des principes d’apprentissage universels.
- Les styles d’apprentissage et la conception universelle mettent l’accent sur la diversité de l’apprentissage, ils affirment tous deux que l’enseignement doit correspondre aux modes d’apprentissage spécifiques des élèves. Il est supposé que l’adaptation de l’enseignement à la manière unique d’apprendre des élèves entraîne d’emblée un meilleur apprentissage.
- Les styles d’apprentissage et la conception universelle s’appuient sur des généralisations excessives issues des neurosciences pour justifier l’existence des besoins d’apprentissage uniques des élèves.
La conception universelle de l’apprentissage, une théorie en manque de preuves
Il existe peu de preuves empiriques sur l’efficacité de la conception et sur la mise en œuvre de la conception universelle de l’apprentissage.
En 2017, Matthew James Capp a publié une méta-analyse de 18 études. Ces études avaient explicitement pour sujet un ou plusieurs principes de la conception universelle de l’apprentissage et contenaient également un prétest et un post-test. Sur la base de ces recherches, Capp a conclu que la conception universelle de l’apprentissage pouvait être efficace.
Mais cette méta-analyse présentait de sérieux problèmes. Seules 2 des 18 études avaient travaillé avec un groupe de contrôle. Les recherches sur la conception universelle de l’apprentissage présentent de manière générale des défauts de conception. Au-delà de l’absence de groupe de contrôle, il n’y a souvent pas d’examen des données démographiques, ni de mesures comparatives avant ou après l’intervention ou de mise à l’essai de solutions de rechange. Une des deux études ayant un groupe de contrôle ne comprenait que six enseignants dans le groupe d’intervention et trois dans le groupe de contrôle.
En fin de compte, cette méta-analyse de Matthew James Capp (2017) ne permettait aucune conclusion véritable.
Il y a certainement un bon nombre de preuves à l’appui de certains des principes sous-jacents de la conception universelle de l’apprentissage. Cependant, la recherche visant à confirmer l’efficacité du cadre dans son ensemble est actuellement plus que limitée. De plus, comme le rapporte Edyburn (2020), un nombre important d’études sur la conception universelle de l’apprentissage ne concernent que des étudiants handicapés alors que la prétention est de s’adresser à tous les apprenants.
Les approches pédagogiques fondées sur des données probantes exigent des preuves empiriques qui montrent qu’elles améliorent l’apprentissage. De plus, pour montrer qu’une pratique éducative devrait être adoptée plutôt qu’une autre, la recherche doit démontrer qu’elle est plus efficace pour améliorer l’apprentissage que la pratique standard.
Actuellement, il n’existe pas de preuves claires que l’enseignement basé la conception universelle de l’apprentissage en augmente l’efficacité. Or des preuves expérimentales sont nécessaires pour démontrer l’efficacité de la conception universelle de l’apprentissage.
Une opérationnalisation inadéquate de la conception universelle de l’apprentissage et des styles d’apprentissage
Les styles d’apprentissage et le cadre de la conception universelle de l’apprentissage contiennent tous deux des prédictions intéressantes et plausibles sur l’efficacité de l’éducation. Cependant, leurs prédictions sont difficiles à tester en raison de problèmes d’opérationnalisation.
L’un des problèmes est la complexité des approches, qui les rend difficiles à tester.
Bien que l’idée des styles d’apprentissage soit simple, le nombre et la complexité des théories générées par cette idée sont énormes. Il existe actuellement jusqu’à 100 théories distinctes sur les styles d’apprentissage. Chacune de ces théories a des prédictions uniques sur la nature et le nombre de styles d’apprentissage. Par conséquent, les enseignants peuvent mettre en œuvre les styles d’apprentissage en classe de dizaines de façons qui ne se chevauchent pas.
Dans cette absence de cadre, il n’existe pas de définition claire de ce à quoi devrait ressembler un enseignement efficace utilisant les styles d’apprentissage. L’absence d’une conceptualisation unifiée de ce qui constitue un style d’apprentissage et l’enseignement des styles d’apprentissage a rendu les tests d’efficacité difficiles.
Tout comme les styles d’apprentissage, la conception universelle de l’apprentissage présente des problèmes d’opérationnalisation.
Il existe pour la conception universelle de l’apprentissage un ensemble de lignes directrices descriptives qui comprennent les trois principes fondamentaux de représentation, d’action/expression et d’engagement. Les principes sont divisés en trois niveaux conceptuels représentant les moyens d’aider les élèves à accéder aux objectifs d’apprentissage, à s’appuyer sur eux et à les intérioriser.
Ces facteurs produisent une matrice 3 x 3 dont chaque cellule représente une ligne directrice de la conception universelle de l’apprentissage. Chacune de ces neuf lignes directrices comporte de deux à cinq points de contrôle. Les points de contrôle représentent la définition la plus spécifique de ce que signifie la mise en œuvre de la conception universelle de l’apprentissage.
Ce cadre rivalise avec la complexité de toute théorie sur les styles d’apprentissage et représente des centaines de prédictions sur la façon dont les élèves apprennent.
Avec un cadre aussi complexe, il n’est tout simplement pas évident de savoir ce qui est considéré comme une conception universelle de l’apprentissage et ce qui ne l’est pas.
Il est concevable qu’une variété stupéfiante de pratiques éducatives puisse être appelée conception universelle de l’apprentissage.
Il n’y a aucun consensus sur le nombre de points de contrôle qui doivent être respectés. Il n’existe actuellement aucune opérationnalisation claire de ce que signifie la mise en œuvre de la conception universelle de l’apprentissage. Le cadre ne dispose pas d’une opérationnalisation acceptée des résultats de la conception universelle de l’apprentissage.
L’un des principes de la CUA est que les élèves doivent pouvoir choisir le mode de démonstration de leur apprentissage. Le fait de disposer de plusieurs mesures de l’apprentissage dans le cadre d’une seule intervention rend dès lors difficile la détermination de l’efficacité de la conception universelle de l’apprentissage.
En outre, la conception universelle de l’apprentissage présente aux étudiants de multiples modes de représentation et d’engagement. Ainsi, les démonstrations d’efficacité doivent tenir compte du fait que les mises en œuvre contiendront intrinsèquement de « multiples interventions simultanées » et de multiples résultats.
Un accent excessif sur la diversité de l’apprentissage pour la conception universelle de l’apprentissage et les styles d’apprentissage
Les recherches sur la mémoire humaine et l’apprentissage font partie de la psychologie depuis ses débuts. La recherche sur la mémoire humaine et l’apprentissage a permis d’identifier certains principes fondamentaux sur la façon dont les gens apprennent.
Néanmoins, tant les styles d’apprentissage que la conception universelle de l’apprentissage mettent l’accent sur la diversité de l’apprentissage plutôt que sur des principes universels d’apprentissage.
Au cœur de la théorie des styles d’apprentissage quelle que soit la complexité du modèle, l’implication pédagogique est la même : l’enseignement doit varier en fonction du style d’apprentissage de l’élève.
La conception universelle de l’apprentissage met l’accent sur la diversité de l’apprentissage dans une mesure encore plus grande que les théories du style d’apprentissage. En fait, les partisans de la conception universelle de l’apprentissage rejettent les styles d’apprentissage parce qu’ils trouvent trop limitatif de se concentrer sur un seul style.
Selon la conception universelle de l’apprentissage, il n’y a pas d’étudiant moyen et l’apprentissage serait aussi unique que leurs empreintes digitales.
Par conséquent, la conception pédagogique doit tenir compte de la variabilité des étudiants afin de devenir universellement efficace. La conception universelle de l’apprentissage pousse la diversité de l’apprentissage à son extrême en affirmant que l’expérience éducative de chaque étudiant doit tenir compte de ses besoins d’apprentissage spécifiques.
La méthode utilisée par la conception universelle de l’apprentissage pour adapter l’éducation à chaque élève consiste à offrir de multiples modes de représentation, d’action/expression et d’engagement.
Cependant, l’affirmation selon laquelle l’éducation est plus efficace si elle met l’accent sur la diversité plutôt que sur l’universalité est une hypothèse qui peut être testée empiriquement.
Dans le cas des styles d’apprentissage, les avantages supposés de la mise en valeur de la diversité des styles d’apprentissage n’ont pas été confirmés par la recherche. En ce qui concerne la conception universelle de l’apprentissage, l’hypothèse n’a pas encore été testée de manière convaincante et ne dispose dès lors pas de données probantes.
Bien qu’elle n’ait pas été testée, il y a des raisons de douter de la prédiction de la CUA selon laquelle les élèves choisiront des modes d’enseignement qui augmentent leur apprentissage :
La recherche ne soutient pas l’idée que les élèves connaissent la meilleure façon d’apprendre. En fait, même lorsqu’on leur présente des méthodes d’apprentissage efficaces et inefficaces, les gens peuvent mal percevoir laquelle conduit à un meilleur apprentissage (Bjork et coll., 2013).
L’affirmation selon laquelle les étudiants sont les mieux informés et peuvent choisir eux-mêmes les activités qui conviennent le mieux à leur style d’apprentissage est problématique. Elle a été rejetée de façon retentissante comme étant un neuromythe (Kirshner et van Merrienboer, 2013).
En outre, même lorsque les étudiants connaissent les méthodes d’apprentissage les plus efficaces, ils peuvent choisir des méthodes moins efficaces. Elles peuvent être pratiques ou sélectionnées dans le cadre d’une planification inadéquate (Blasiman et coll., 2017).
Une autre affirmation problématique est qu’il faut fournir à chaque élève de multiples moyens et modalités d’engagement dans l’apprentissage, soutenus par la technologie. En nous concentrant non pas sur les besoins individuels des élèves, mais sur une variabilité attendue au niveau de la population, « nous n’avons même pas besoin de connaître nos élèves particuliers pour planifier la gamme de variabilité dans une dimension donnée » (Meyer et coll., 2014). Ce plaidoyer constant en faveur des classes alimentées d’écrans individuels ignore les recherches démontrant une compréhension réduite lorsque les élèves lisent sur des écrans par rapport à des supports papier (Halamish et Elbaz, 2020).
Dans l’ensemble, la CUA affirme que les élèves apprendront davantage s’ils peuvent choisir parmi les options pédagogiques. Cette hypothèse d’appariement n’a pas été soutenue par la recherche sur les styles d’apprentissage. Elle n’a pas encore été soutenue par la recherche sur conception universelle de l’apprentissage et est contredite par la recherche sur la façon dont les gens perçoivent et choisissent leurs stratégies d’apprentissage.
Des généralisations excessives de la recherche en neurosciences pour la conception universelle de l’apprentissage et les styles d’apprentissage
Comme en ce qui concerne les théories sur les styles d’apprentissage, la conception universelle de l’apprentissage repose du des généralisations excessives de la recherche en neurosciences.
Les neurosciences sont utilisées pour justifier la conception universelle de l’apprentissage. Nous en revenons à l’idée que comme les empreintes digitales de chaque personne, chaque cerveau est remarquablement unique dans son anatomie, sa chimie et sa physiologie.
À chacun des trois principes de la conception universelle de l’apprentissage correspondrait un réseau cérébral correspondant :
- Le processus sensoriel et la reconnaissance se produisent dans les zones postérieures du cerveau. Ces réseaux de reconnaissance justifieraient le principe de représentation.
- Les lobes frontaux sont impliqués dans les fonctions exécutives, la planification et l’action sur les plans. Ces réseaux stratégiques justifieraient le principe d’action/expression.
- Le système limbique régit les réactions émotionnelles. Ces réseaux affectifs dicteraient les pulsions comportementales et les jugements sur ce qui est important dans l’environnement et justifie l’engagement.
Respectivement, les réseaux de reconnaissance, stratégiques et affectifs expliqueraient le « Quoi ? », le « Comment ? » et le « Pourquoi ? » de l’apprentissage selon la CUA.
L’hypothèse des trois réseaux et leur relation avec l’apprentissage sont considérées comme un fait établi dans le cadre de la conception universelle de l’apprentissage et non comme une hypothèse.
Le problème est qu’elles soient simples ou complexes, les justifications des pratiques pédagogiques fondées sur l’anatomie du cerveau ne sont pas pertinentes. La performance scolaire implique de nombreuses régions du cerveau, ainsi que les connexions entre ces régions (Chaddock-Heyman et coll., 2018 ; Westfall et al., 2020). En d’autres termes, l’apprentissage est une activité du cerveau tout entier, et l’implication de régions cérébrales spécifiques n’offre aucun déterminant sur la manière dont les élèves devraient être enseignés.
Le dernier problème avec les justifications de la CUA basées sur le cerveau est qu’il n’y a pas d’intervention éducative qui a émergé directement des neurosciences (Dougherty & Robey, 2018). La recherche sur le cerveau est tout simplement trop rudimentaire pour informer l’éducation (Bruer, 1997). Au contraire, les pratiques éducatives censées être fondées sur le cerveau proviennent en fait de la recherche cognitive et comportementale (Bowers, 2016 ; Bruer, 1997 ; Dougherty & Robey, 2018).
Willingham et Lloyd (2007) mettent en garde contre ce type d’affirmation désinvolte sans étude approfondie, car elle peut souvent conduire à des affirmations exagérées. La base neurologique de la CUA est en dès lors une hypothèse et non un fait tangible.
Un bilan sur la conception universelle de l’apprentissage
Les sceptiques d’une innovation peuvent souvent être réduits au silence lorsqu’on leur présente des preuves solides de son succès. Dans le cas de la conception universelle de l’apprentissage, ces preuves ne sont pas présentées et leur collecte n’est pas considérée comme une priorité par ses défenseurs.
L’absence de preuve d’efficacité du cadre de la conception universelle de l’apprentissage n’équivaut pas à un rejet.
Les lignes directrices de la conception universelle de l’apprentissage comprennent certaines pratiques de l’enseignement efficace telles que la définition d’objectifs clairs, l’étayage, l’encouragement de la collaboration et la rétroaction.
Toutefois, le bilan actuel de la CUA est négatif. Comme le souligne Murphy (2020), aucune recherche rigoureuse publiée n’a démontré une quelconque amélioration d’une intervention éducative conçue selon les principes de la conception universelle de l’apprentissage. En outre, la communauté de pratique autour de la conception universelle de l’apprentissage semble hostile aux questions concernant la rigueur de l’analyse utilisée pour promouvoir leurs interventions.
Les études sur les approches de la conception universelle de l’apprentissage ne suivent pas les meilleures pratiques en matière de conception de la recherche, et sollicitent souvent des anecdotes plutôt que de tester l’efficacité de l’approche.
L’efficacité de cette théorie n’ayant pas été prouvée, il n’y a aucune raison pour que la conception universelle de l’apprentissage soit présentée comme fondée sur des preuves.
La seule conclusion fondée sur des preuves que l’on puisse tirer de la conception universelle de l’apprentissage est qu’une étude plus approfondie est nécessaire, car ses principales affirmations restent non prouvées.
Les établissements scolaires devraient faire preuve de prudence avant de consacrer des ressources importantes à la mise en œuvre de la conception universelle de l’apprentissage.
Mis à jour le 11/06/2023
Bibliographie
Pedro De Bruyckere, Paul A. Kirschner and Casper Hulshof, More Urban Myths About Learning and Education: Challenging Eduquacks …, 2019, Routledge
Edyburn. D.L. (2020). Universal design for learning and the landfill of revolutionary educational innovations. In S. L. Gronseth & E. M. Dalton (Eds.), Universal access through inclusive instructional design: International perspectives on UDL (pp. 332–342). NY: Routledge.
Murphy, Michael PA (2020). Belief without evidence? A policy research note on Universal Design for Learning. Policy Futures in Education, 147821032094020—. doi:10.1177/1478210320940206
Greg Ashman, 2021, Universal Design for Learning (UDL) is the new Learning Styles
https://fillingthepail.substack.com/p/universal-design-for-learning-udl
Boysen, Guy. (2021). Lessons (Not) Learned: The Troubling Similarities Between Learning Styles and Universal Design for Learning. Scholarship of Teaching and Learning in Psychology. 10.1037/stl0000280.
Conception universelle. (2020, juin 26), Wikipédia, l’encyclopédie libre. Page consultée le 07:47, juin 26, 2020 à partir de http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Conception_universelle&oldid=172359477.
Matthew James Capp (2017) The effectiveness of universal design for learning: a meta-analysis of literature between 2013 and 2016, International Journal of Inclusive Education, 21:8, 791–807, DOI: 10.1080/13603116.2017.1325074
Bjork, R. A., Dunlosky, J., & Kornell, N. (2013). Self-regulated learning: Beliefs, techniques, and illusions. Annual Review of Psychology, 64 (November 2012), 417–444. https://doi.org/10.1146/annurev-psych-113011-143823
Blasiman, R. N., Dunlosky, J., & Rawson, K. A. (2017). The what, how much, and when of study strategies: Comparing intended versus actual study behaviour. Memory, 25(6), 784– 792. https://doi.org/10.1080/09658211.2016.1221974
Chaddock-Heyman, L., Weng, T. B., Kienzler, C., Erickson, K. I., Voss, M. W., Drollette, E. S., Raine, L. B., Kao, S. C., Hillman, C. H., & Kramer, A. F. (2018). Scholastic performance and functional connectivity of brain networks in children. PLoS ONE, 13(1), 1–16. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0190073
Westfall, D. R., Anteraper, S. A., Chaddock-Heyman, L., Drollette, E. S., Raine, L. B., Whitfield-Gabrieli, S., Kramer, A. F., & Hillman, C. H. (2020). Resting-state functional connectivity and scholastic performance in preadolescent children: A data-driven multivoxel pattern analysis (MVPA). Journal of Clinical Medicine, 9(10), 3198. https://doi.org/10.3390/jcm9103198
Dougherty, M. R., & Robey, A. (2018). Neuroscience and education: A bridge astray? Current Directions in Psychological Science, 27(6), 401–406. https://doi.org/10.1177/0963721418794495
Bowers, J. S. (2016). The practical and principled problems with educational neuroscience. Psychological Review, 123 (5), 600–612. https://doi.org/10.1037/rev0000025
Bruer, J. T. (1997). Education and the brain: A bridge too far. Educational Researcher, 26(8), 4– 16. https://doi.org/https://doi.org/10.3102/0013189X026008004
Willingham DT and Lloyd JW (2007) How educational theories can use neuroscientific data. Mind, Brain, and Education 1(3): 140–149.
Meyer A, Rose DH and Gordon D (2014) Universal Design for Learning: Theory and Practice. Wakefield, MA: CAST.
Kirshner PA and van Merrienboer J (2013) Do learners really know best? Urban legends in education. Educational Psychologist 49(3): 169–183.
Halamish V and Elbaz E (2020) Children’s reading comprehension and metacomprehension on screen versus on paper. Computers & Education 145: 1–11.
0 comments:
Enregistrer un commentaire