La crédibilité de l’enseignant est l’une des variables les plus importantes qui influent sur la relation enseignant-élève. Les enseignants considérés comme crédibles exercent une influence bénéfique sur leurs élèves et leurs résultats.
Dès lors, il parait crucial pour un enseignant d’établir sa crédibilité en classe.
(Photographie : Maria Oliveira)
L’importance de la crédibilité dans la communication en classe
La crédibilité et l’authenticité de l’enseignant sont essentielles. John Hattie (2017) place la crédibilité de l’enseignant au onzième rang des 252 prédicteurs les plus efficaces pour l’apprentissage des élèves.
Hattie affirme que si un enseignant n’est pas perçu comme crédible, les élèves se désintéressent de lui. Il existe une relation étroite entre la perception qu’ont les élèves de la crédibilité d’un enseignant et la quantité d’informations qu’ils apprennent de cet enseignant.
Dans différents contextes de communication, la crédibilité joue un rôle essentiel dans la persuasion. L’enseignant face à une classe est l’un de ces contextes.
Pour une explication efficace en classe, la relation entre le communicateur et le récepteur — l’enseignant et l’élève — compte.
L’apprentissage pour les élèves recouvre un double enjeu :
- Pouvoir apprécier la valeur intrinsèque de la matière étudiée.
- Se convaincre de la valeur de l’effort et de la persévérance.
Ces deux dimensions sont prononcées au cours des premières étapes de l’apprentissage dans une nouvelle discipline, ce qui est particulièrement le cas lors de la scolarisation.
Un médiateur de ce processus est la confiance que les élèves vont accorder à leurs enseignants. Dans cette perspective où nous nous engageons, toute explication que nous leur délivrons devient également un acte de persuasion.
La notion de crédibilité, la qualité d’être convaincant et digne de confiance, est centrale dans cette relation.
Cadre rhétorique de la communication en classe
Un parallèle peut être fait entre les explications pédagogiques et la rhétorique.
La perspective rhétorique est un paradigme du processus de communication pédagogique :
- La communication pédagogique est principalement considérée comme un processus persuasif centré sur l’enseignant qui est considéré comme la principale source d’information et les élèves comme les principaux récepteurs/apprenants.
- Si les enseignants doivent transférer du sens aux élèves pour améliorer l’apprentissage, les élèves doivent percevoir leurs enseignants comme des sources d’information crédibles.
La perspective rhétorique s’oppose à un autre paradigme, celui de la perspective relationnelle. Cette dernière positionne les enseignants et les élèves en tant que co-créateurs d’un sens partagé dans le contexte d’une relation interpersonnelle.
Éthos, logos et pathos dans le cadre de la communication
Selon Aristote, la rhétorique repose sur trois piliers :
- L’éthos : la manière dont nous établissons notre crédibilité et créons un lien avec notre public.
- Le logos : la manière dont nous influençons les autres par la raison et la logique.
- Le pathos : la manière dont nous provoquons et anticipons les émotions de notre public.
Ce sont les moyens par lesquels un orateur peut faire appel à son public et qui constituent l’épine dorsale de la persuasion orale.
La dynamique d’une classe est bien plus complexe, mais les idées d’Aristote mettent en évidence la manière dont un enseignant peut construire sa crédibilité, en particulier au cours des premières semaines de l’année scolaire.
Voici une mise en contexte de ce processus :
- Éthos : Nous incarnons le rôle de l’enseignant en classe dans notre posture et dans notre discours. C’est par exemple : « Bonjour à tous, installez-vous et prenez votre livre à la page… ».
- Logos : Nous expliquons l’enjeu du cours en matière de contenus enseignés et les démarches qui seront suivies pour cela. C’est par exemple : « Bonjour, aujourd’hui nous allons nous consacrer à l’objectif d’apprentissage suivant, par conséquent, veuillez prendre votre livre à la page… ».
- Pathos : Nous pouvons jouer sur les aspects émotionnels, autant au niveau de la proximité que sur celui de la menace. C’est par exemple : « Bonjour, activez-vous, prenez votre livre à la page… pour que nous puissions commencer le cours dans de bonnes conditions et rapidement ».
Dans la pratique, ces trois dimensions sont concurrentes, elles ont lieu en même temps et se complètent. L’idée est de les optimiser toutes les trois.
Les meilleurs enseignants semblent combiner les trois :
- Ils sont authentiques et crédibles et ont développé des attentes élevées et sont respectés pour cela.
- Ils ont installé un climat productif de coopération sereine et les élèves leur font confiance pour mener l’enseignement et leurs apprentissages.
- Ils ont développé un bon relationnel avec leurs élèves qu’ils renforcent et soutiennent dans leurs difficultés ou succès.
Ces trois dimensions ne sont pas innées, mais correspondent à des compétences qui s’acquièrent et peuvent se développer dans le cadre d’une pratique délibérée.
La dimension de l’éthos dans la communication en classe
Nos élèves ont besoin de savoir que nous sommes dignes de confiance et justes. Ils doivent percevoir que nous avons à leur sujet des attentes élevées concernant leur capacité à apprendre. Cette confiance que nous exprimons doit s’étendre à tous les élèves de la classe, particulièrement ceux rencontrant des difficultés d’apprentissage ou de comportement.
Nous y parvenons en gardant notre calme, en posant un cadre, en explicitant nos attentes et en faisant preuve de fermeté face aux écarts de conduite des élèves.
Nous montrons que nous apprécions leur enseigner notre matière et comment cela fait sens pour nous.
La dimension du logos dans la communication en classe
Le logos se réfère aux contenus enseignés, à leur raison d’être et à leur logique interne.
Une manière d’activer l’attention du logos est de commencer l’année scolaire avec un processus d’ancrage. Nous enseignons une matière que nous maitrisons parfaitement, en l’expliquant de manière claire et détaillée et engageant les élèves dans la réflexion par une vérification de la compréhension et un dialogue formatif stimulant.
De cette manière, nous nous montrons à la fois exigeants auprès des élèves et sources de soutien face à leurs difficultés ou leurs erreurs.
Nous montrons comment notre matière peut faire sens dans le monde qui nous entoure et nous permet de mieux le comprendre
La dimension du pathos dans la communication en classe
Le pathos ne se limite pas à de la pitié, à de l’empathie ou à des menaces. Il regroupe tout le registre émotionnel. Logos et pathos ont tous les deux une influence profonde sur la perception de l’éthos, c’est-à-dire sur notre crédibilité aux yeux de nos élèves.
Si la proximité avec les élèves favorise la coopération, nous devons garder suffisamment de distance et ne pas installer une relation de copinage/amitié avec eux. Nous sommes l’adulte de référence, leur enseignant.
Une classe remplie d’élèves est toujours un réservoir d’émotion et les adolescents peuvent parfois être des bombes à retardement à ce niveau. Nous devons y naviguer du mieux que nous pouvons en réfléchissant aux émotions que nous choisissons d’exprimer et à leurs impacts potentiels ou probables.
Nous voulons amener nos élèves à se dépasser tout en développant leur sentiment d’efficacité personnelle dans notre matière.
Nous devons veiller à ne jamais laisser réduire nos attentes envers nos élèves, malgré les difficultés qu’ils peuvent rencontrer. Nous pouvons augmenter notre soutien, mais limiter nos attentes tendrait à les desservir.
Trois dimensions de la crédibilité
Finn et ses collaborateurs (2009) ont réalisé une méta-analyse qui a examiné les résultats de 51 études (N. = 14 378) portant sur les associations entre la crédibilité des enseignants, leurs comportements et les résultats des élèves.
Ils ont détaillé trois dimensions de crédibilité :
- La compétence :
- Elle va au-delà de sa connaissance de la matière enseignée.
- La compétence dépend de notre capacité à maitriser et à communiquer efficacement nos connaissances.
- Nous pouvons y parvenir en planifiant et en présentant nos cours de manière organisée et détaillée, et en étayant nos propos par des preuves et des arguments pertinents.
- Les recherches (Haskins, 2000) suggèrent également que :
- Les enseignants qui font moins de fautes de grammaire, d’énonciation et de prononciation sont perçus comme étant plus compétents.
- Le fait de partager des expériences et des histoires personnelles dans le domaine d’étude peut améliorer la perception de nos compétences par nos élèves.
- La fiabilité (être digne de confiance) :
- La confiance qu’un étudiant acquiert pour son enseignant se gagne par le processus d’enseignement lui-même.
- Pour gagner la confiance de nos élèves, nous devons viser la sincérité et l’honnêteté dans nos actions, faire preuve de vigilance et démontrer comment nous établissions notre jugement dans les différentes dimensions des activités en classe.
- Il a également été démontré que la confiance est un processus réciproque : plus nous accordons de confiance aux élèves dans le processus d’apprentissage, plus nous sommes susceptibles de la recevoir en retour (Haskins, 2000).
- La bienveillance : bonne volonté dont nous faisons preuve à l’égard de nos élèves (Teven, 2007)
- Les enseignants qui utilisent des messages bienveillants, tant verbaux que non verbaux, sont considérés comme plus compétents et dignes de confiance par leurs élèves.
- À l’inverse, les enseignants qui sont perçus comme incompétents, confus, ennuyeux, sont ceux qui font preuve d’un manque de connaissances. Ils donnent trop ou trop peu d’informations. Ils s’écartent trop du programme ou ils emploient un volume sonore inapproprié, qu’il soit trop fort ou trop faible.
- Il est également crucial que l’attitude de l’enseignant ne soit jamais condescendante ou dominatrice. Au contraire, il offre un équilibre confortable entre soutien et défi.
- Nous montrons dans nos actes et nos paroles que nous nous intéressons au contenu que nous expliquons et aux élèves à qui nous l’expliquons.
- De cette manière, nos élèves nous verront comme un enseignant crédible et, en retour, ils seront plus enclins à apprendre de nos leçons. La bonne volonté est un processus donnant-donnant.
Dans leur méta-analyse, des tailles d’effet globales similaires ont été observées pour la compétence, la fiabilité et la bienveillance.
Lorsque les trois dimensions de la crédibilité sont la compétence, la fiabilité et la bienveillance. Lorsqu’elles sont considérées collectivement, les preuves cumulatives indiquent une relation modérée et significative entre la crédibilité de l’enseignant et les résultats globaux des élèves.
La crédibilité de l’enseignant joue un rôle clé dans la facilitation d’interactions réussies entre l’enseignant et ses élèves et, en fin de compte, dans l’apprentissage en classe. Dans la mesure où les enseignants communiquent de manière compétente, digne de confiance et bienveillante, ces efforts sont susceptibles de renforcer la participation de leurs étudiants aux activités d’apprentissage. Plus la crédibilité est élevée, plus l’apprentissage sera facilité.
Leurs résultats soulignent les contributions uniques de la bienveillance perçue au concept de crédibilité de l’enseignant. La bienveillance perçue et une dimension clé de la crédibilité de l’enseignant. Plus les élèves perçoivent que leur enseignant s’intéresse à eux, plus les élèves s’intéresseront à la classe, et plus ils seront susceptibles d’être attentifs en classe et, par conséquent, d’apprendre plus de matériel pédagogique.
Les enseignants peuvent faire preuve d’empathie, de compréhension et de réactivité à l’égard de leurs élèves. Les enseignants peuvent leur faire comprendre qu’ils ont les intérêts de réussite de leurs élèves en tête. Dans cette mesure, leurs efforts sont susceptibles d’accroître l’intérêt des élèves pour le cours, leur participation aux activités et aux devoirs en classe et, en fin de compte, leurs apprentissages.
Mis à jour le 08/12/2023
Bibliographie
Tharby, Andy. How to Explain Absolutely Anything to Absolutely Anyone, Crown House Publishing, 2019
John Hattie, visiblelearningplus.com, 2017
Amber N. Finn, Paul Schrodt, Paul L. Witt, Nikki Elledge, Kodiane A. Jernberg & Lara M. Larson (2009) A Meta-Analytical Review of Teacher Credibility and its Associations with Teacher Behaviors and Student Outcomes, Communication Education, 58:4, 516–537, DOI: 10.1080/03634520903131154
William A. Haskins, Ethos and Pedagogical Communication: Suggestions for Enhancing Credibility in the Classroom, Current Issues in Education 3(4) (2000): 1–6.
Jason J. Teven, Teacher Caring and Classroom Behavior: Relationships with Student Affect and Perceptions of Teacher Competence and Trustworthiness, Communication Quarterly 55(4) (2007): 433–450.
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