mercredi 25 janvier 2023

Soutenir chez les élèves le développement de bonnes habitudes liées à l’apprentissage autonome

Nous souhaitons que nos élèves profitent pleinement des enseignements auxquels ils assistent. Pour y arriver, il leur faut être présents au cours, écouter activement, s’engager dans les tâches qui leur sont confiées et persévérer faire de leur mieux. Cet investissement doit être complété d’un travail à domicile qui se déroule dans le cadre d’un apprentissage autonome.

(Photographie : Paula Prats)




Constats et pistes de soutien de soutien liés à l'apprentissage autonome des élèves


La situation dans laquelle se trouvent les élèves est loin d’être toujours parfaite. Leur comportement ou leur désengagement face aux apprentissages scolaires sont une source d’inquiétude dans presque toutes les écoles.

Certaines questions paraissent pertinentes pour un grand nombre d’enseignants :
  • Comment obtenir une atmosphère de travail calme, productive et coopérative dans chaque classe ? 
  • Comment empêcher certains élèves d’influencer négativement l’apprentissage des autres ?
  • Comment stimuler l'engagement des élèves en classe dans  les activités d'apprentissage ?
  • Comment motiver les élèves à vouloir apprendre de manière autonome et autorégulée, en moblisant des stratégies cognitives efficaces ?
Nous avons tendance à considérer la résistance au changement comme un problème propre aux élèves. Souvent, cependant, les élèves se retrouvent eux-mêmes dans une situation conflictuelle. Ils veulent s’améliorer, mais se retrouvent découragés par leur situation et leurs émotions. Ils manquent de perspective et de recul sur les stratégies à mobiliser car ils sont toujours dans des situations de défis, la complexité des attentes scolaires en matière d'apprentissage ayant tendance à s'accroitre au fil de la scolarité.

Lorsque nous souhaitons aider nos élèves à développer leur capacité d’apprentissage autonome, il y a trois grandes questions auxquelles nous devons apporter une réponse :
  • Axe de l'amélioration de l'organisation :
    • Comment motiver mes élèves à apprendre à s'organiser, à mobiliser, à planifier et à réserver le temps nécessaire et les ressources pour y parvenir ?
  • Axe de l'apprentissage de connaissances stratégiques : 
    • Comment puis-je soutenir mes élèves à autoréguler leurs propres apprentissages en leur apprenant l’usage de stratégies cognitives et métacognitives appropriées ?
  • Axe du développement de bonnes habitudes :
    • Comment puis-je aider les élèves à développer personnellement face au travail de bonnes habitudes liées à la réussite ?



Démarches pour soutenir le développement de compétences liées à l’apprentissage autonome


Afin de soutenir le développement de compétences en apprentissage autonome, l’enjeu est de combiner les apports des sciences du comportement, de l’apprentissage et de la motivation. Nous visons à ce que nos élèves acquièrent des habitudes de réussite, en mobilisant et en pilotant à bon escient une diversité de stratégies complémentaires de manière intégrée et efficiente. 

Il existe différents niveaux d’actions pour faciliter l’apprentissage d’un maximum d’élèves. Si nous pouvons nous contenter d’une ou deux approches, nous bénéficions à les activer toutes :
  1. Nous pouvons raisonner nos élèves, les faire réfléchir sur l’importance de l’apprentissage autonome et leur donner des conseils généraux sur sa mise en œuvre. Si cela peut influencer certains élèves, ce n’est certainement pas tous et compter sur la bonne volonté des élèves touche rapidement à ses limites.
  2. Nous pouvons agir par le biais d’un système de récompenses et de punitions. Elles sont susceptibles d’être des leviers puissants, surtout par le biais d’un renforcement positif. Cependant, elles peuvent représenter un travail complexe à mettre en œuvre et ne vont pas apporter de solution à toutes les situations :
    • Si l’élève ne répond pas au renforcement, nous sommes dans une impasse et il nous faut passer à des punitions qui peuvent susciter du ressentiment et se révéler essentiellement contreproductives.
    • Nous ne pouvons renforcer qu’un comportement qui existe déjà. Si l’élève ne sait pas comment s’y prendre, ne possède pas les stratégies adéquates ou le cadre adéquat hors de l’école, les récompenses ne peuvent pas avoir d’impact. 
  3. Nous pouvons rendre le changement plus facile et en aidant les élèves à se définir des objectifs d’apprentissage personnels de niveau adéquat et à les considérer comme des engagements personnels. 
  4. Nous pouvons enseigner explicitement des stratégies cognitives et métacognitives. Les effets peuvent ne pas se maintenir et les stratégies ne pas être adoptées durablement, car elles peuvent être victimes de biais défavorables. Pour y remédier, cette démarche doit être poursuivie sur le long terme en continuant à informer les élèves, également en ce qui concerne leurs démarches d’autorégulation et de gestion du temps. De plus, ces stratégies doivent être intégrées également dans les pratiques d’enseignement en classe et soutenues par une majorité d’enseignants.
  5. Nous pouvons chercher à stimuler la motivation en leur donnant des opportunités de réussite notamment dans le cadre de l’évaluation formative et de la pratique de récupération. 
  6. Nous devons accepter que certains élèves évoluent plus rapidement que d’autres dans le développement de compétences d’apprentissage autonome et certains auront besoin de plus de soutien et de suivi parfois personnalisés.
Nous pouvons également mobiliser et combiner toutes les étapes présentées ci-dessous dans l’optique d’accompagner les élèves dans le développement de nouvelles habitudes de réussite. Les habitudes promettent un changement durable. Ces approches sont également utiles dans le cadre du décrochage scolaire pour aider les élèves à mieux faire face aux exigences scolaires.



Stimuler la motivation des élèves, une porte d'entrée peu effective pour améliorer l'apprentissage autonome


Les élèves démotivés ressentent de l’ennui. Ils tendent à s’engager moins durablement. En résultat, ils apprennent moins bien. 

Essayer de motiver les élèves à travailler et à s’engager de manière générale peut sembler logique. Il s’agit de les exhorter à travailler plus de manière autonome pour améliorer leurs résultats.

Cependant, motiver chaque élève pour chaque cours est impossible dans l’absolu. Aucun être humain n’est motivé en général. Nous sommes motivés pour des thèmes ou des raisons spécifiques.

Peu de tâches ou de sujets scolaires pourront réellement motiver tous nos élèves et encore moins durablement. 

La motivation est fluctuante. Elle tend à diminuer pour des tâches constantes et monotones. Elle tend à régresser quand les difficultés sont récurrentes. Elle s’étiole face à des activités annexes plus stimulantes. Les raisons de se lasser sont liées à l’absence de défi, ou à un défi trop conséquent ou à des activités concurrentes dans l’environnement immédiat.

Cherche à augmenter efficacement et durablement la motivation des élèves de manière générale est illusoire. Cette croyance mérite d’être reconsidérée :
  • Même si les élèves les plus performants nous paraissent également plus motivés, cela ne signifie pas que la motivation soit la cause de leur réussite. 
  • En réalité, la recherche a constaté la causalité inverse :
    • Lorsque les élèves réussissent en mathématiques, leur motivation augmente (mais pas l’inverse).
    • S’ils lisent bien, ils choisissent de lire davantage (mais pas l’inverse).
  • La poursuite de notre motivation peut nous inciter à choisir des tâches et des sujets plus faciles et plus agréables, en négligeant des alternatives plus gratifiantes, mais plus difficiles
Il est important d’essayer de motiver les élèves, mais la motivation est trop inconstante et transitoire pour constituer la cible parfaite pour mener à la réussite de tous les élèves. Notre principal objectif reste l’apprentissage lui-même. Ce n’est que lorsque les élèves s’engagent avec succès dans des tâches d’apprentissage que leur motivation augmente en retour. L’objectif est dès lors de poser un cadre qui peut leur assurer ces occasions de réussite par le travail et soutenir le développement de bonnes habitudes d’apprentissage autonome.

 

Les limites à la métacognition dans l’apprentissage autonome


L’autorégulation ou la métacognition facilitent l’engagement des élèves dans un apprentissage autonome efficace.

L’autorégulation ou la métacognition permettent aux élèves : 
  • De mieux choisir comment aborder une tâche.
  • De mieux suivre leurs progrès et de s’adapter en conséquence.
Toutefois, l’atteinte d’un bon niveau d’autorégulation est difficile. Nous ne pouvons pas raisonnablement espérer qu’il soit à la portée de tous les élèves. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas soutenir le développement des capacités des élèves dans ce domaine, mais il est illusoire de miser la réussite de tous sur cette dimension.

Gérer l’autorégulation de son travail présente une charge cognitive élevée. Cela impose de déjà accomplir une tâche avec suffisamment d’aisance que pour surveiller la qualité et la pertinence de nos différentes actions. 

Par conséquent, l’autorégulation exige également une expertise substantielle. Les élèves doivent déjà avoir bien appris l’approche mobilisée et ses éventuelles alternatives s’ils veulent faire preuve efficacement de métacognition, s’ils veulent détecter leurs erreurs et choisir leurs meilleures options en fonction du retour d’information.

Pour s’autoréguler efficacement, les élèves doivent déjà être assez performants. Les élèves commencent à développer leurs capacités d’autorégulation alors qu’ils sont déjà en situation de réussite.



L’importance des habitudes pour soutenir la réussite


Une grande partie du comportement quotidien des élèves est routinier. Les élèves sont confrontés à des situations similaires chaque jour. Naturellement, leurs réponses tendent à devenir de plus en plus automatiques. 

Ces différentes habitudes peuvent se révéler :
  • Positives :
    • Quand je suis bloqué, je demande de l’aide !
    • Dès que l’échéance liée à une nouvelle tâche est communiquée, je planifie anticipativement sa réalisation !
  • Négatives : 
    • Quand je suis bloqué, je laisse tomber et je fais autre chose !
    • Je m’y prends systématiquement au dernier moment pour les échéances des différentes tâches qui me sont données, car seul le stress de dernière minute m’anime !
Certains élèves arrivent à l’école avec des habitudes productives, mais aucun élève n’est parfait. Certains autres élèves, par contre, arrivent avec des habitudes qui compromettent leur réussite. 

Nous pouvons compter sur les habitudes : si les élèves vérifient systématiquement leur travail, ils le feront même s’ils sont fatigués. C’est plus fort qu’eux. L’habitude se manifestera, même s’ils travaillent de manière autonome, et même s’ils sont sous le coup de l’anxiété et du stress lors d’un examen. Les bonnes habitudes sont une valeur sûre. Elles permettent aux élèves d’apprendre et de continuer à le faire.

Pas contre compter sur la bonne volonté des élèves et une condamnation à la déception.

Les bonnes habitudes sont le moyen le plus sûr de maintenir les élèves dans l’apprentissage et de les amener à la réussite.

Les élèves qui réussissent ont de bonnes habitudes de travail et ce sont ces habitudes productives qui les mènent sur le chemin de la réussite. 

Une habitude est une réponse automatique à une situation donnée. Un élève agit par habitude quand par exemple : 
  • Il commence toujours sa phrase par une majuscule.
  • Il rend toujours ses devoirs complétés pour le jour de leur échéance.
  • Il relit et vérifie toujours son travail lorsqu’il l’a terminé. 
Cette automaticité distingue les habitudes des actions motivées ou autorégulées. 

Un élève peut vérifier son travail :
  • Parce qu’il est actuellement motivé à bien faire
  • Parce qu’il a un bon niveau d’apprentissage qui lui permet de mieux contrôler ses actions. 
Mais lorsqu’il acquiert une habitude, il vérifie son travail automatiquement : il n’a plus besoin de décider ou d’être motivé, pour le faire. Il le fait par défaut.

La motivation est inconstante, l’autorégulation demande des efforts. Nous ne pouvons compter ni sur l’une ni sur l’autre pour que les élèves apprennent de manière cohérente. 

La persuasion et l’application ne suffisent pas toujours à surmonter les obstacles et les émotions. Nous devons apprendre à rendre le changement plus facile et plus tentant et proposant des défis stimulants et accessibles qui aident à progresser.

Les habitudes aident les élèves à concentrer leurs efforts sur les éléments essentiels. Un élève qui a l’habitude de planifier son travail peut se concentrer sur la qualité de sa planification. Il n’a pas besoin de se demander quoi faire et quand, ou s’il sera suffisamment motivé. 



Soutenir le développement de bonnes habitudes d’apprentissage chez les élèves


Nous pouvons nous sentir mal à l’aise en prévoyant d’influencer les habitudes des élèves. Si nous ne le faisons pas, nous les abandonnons à leurs habitudes existantes et nous renonçons à une part non négligeable de notre impact sur leur apprentissage. 

Dès lors, il parait essentiel d’aider les élèves à acquérir de bonnes habitudes pour qu’ils apprennent.

L’enjeu est d’inciter les élèves à s’engager dans l’apprentissage en rendant le changement plus facile et plus tentant. Cela nous permet d’aboutir à notre objectif réel qui est de créer chez eux des habitudes de réussite. 

Les enseignants doivent relever cinq défis pour encourager les comportements souhaitables de leurs élèves :
  • Choisir les changements à privilégier
  • Convaincre les élèves de changer
  • Encourager les élèves à s’engager dans la mise en œuvre du changement
  • Faciliter l’initiation du changement
  • S’assurer que les élèves poursuivent leurs efforts jusqu’à l’établissement des nouvelles habitudes de réussite.

Trois pistes pour favoriser la démarche consistent à :
  • Établir quelques normes liées à un bon comportement et encourager les élèves à les suivre et à les adopter. 
  • Sélectionner un ou deux objectifs. Il est difficile de changer beaucoup de choses à la fois et les rendements sont décroissants. Il vaut mieux s’attaquer à un ou deux objectifs à la fois.
  • Expliquer comment y parvenir, modeler, soutenir, faire pratique, renforcer et donner une rétroaction. Les individus sont plus susceptibles de faire quelque chose s’ils savent quand et comment le faire.
  • Faire appel aux liens sociaux, à la solidarité et à la responsabilité pour favoriser l’engagement. Comme les adultes, mais plus encore, les élèves suivent leurs pairs.

Imaginons qu’un élève arrive en retard à l’école

En toute logique le membre du personnel va le recevoir, ils vont :
  • Lui notifier son retard
  • Lui demander la raison de son retard et en discuter avec lui
  • Éventuellement le sanctionner
  • Attirer son attention sur la fréquence de ces retards et sur les conséquences potentielles.

En se fondant sur des principes de la science du comportement, le membre du personnel aurait pu ajouter les interventions suivantes :
  • Susciter un engagement en lui demandant à quelle heure il compte arriver le lendemain.
  • Préparer une incitation en lui demandant s’il peut régler l’alarme de son réveil sur son téléphone pour le lendemain et le faire dès maintenant.
  • Vérifier le lendemain qu’il est à l’heure et le renforcer positivement pour cela. 
  • Mettre l’accent sur une norme sociale. Lui signaler que tous les élèves de sa classe sont arrivés à l’heure en ce jour et qu’il serait bien qu’il en soit de même pour lui le lendemain.

Si l’habitude d’explorer ces pistes est acquise par les enseignants, l’impact généré au niveau de l’école peut être substantiel.

Toutes les personnes sont plus susceptibles d’agir s’ils ont un objectif clair, s’ils prennent l’habitude, s’ils savent que l’on compte sur eux et s’ils constatent que leurs camarades agissent de même.


Mis à jour le 26/11/2023

Bibliographie


Harry Fletcher-Wood, Habits of success, 2021, David Fulton

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