jeudi 22 décembre 2022

Quatre prémisses pour un enseignement efficace

Être sensible aux progrès, aux intérêts et au développement de 20 à 30 élèves différents et créer des activités d’apprentissage valables qui suscitent l’intérêt et l’apprentissage de chacun est un challenge.

(Photographie : kln2)



C’est d’autant plus vrai que nous œuvrons dans un climat où l’ennui est un état aversif régulièrement craint par les élèves. Nous les voudrions naturellement engagés et à défaut nous nous employons à les stimuler. Ils gardent toutefois une position critique face aux défis que nous leur proposons. 

Lorsque nous visons un enseignement pleinement efficace, nous sommes amenés à nous atteler avec nos élèves à des tâches réellement difficiles. Celles-ci ne peuvent être entreprises seules ou sans un soutien. L’enseignement efficace est un réel challenge. Voici quatre prémisses que propose Graham Nuthall (2007) à son sujet :



Se sentir efficace en tant qu’enseignant


En général, nous nous sentons efficaces en tant qu’enseignants lorsque nos élèves apprennent ce que nous voulons qu’ils apprennent (ou d’une moins une bonne part, de manière suffisante pour qu’ils réussissent confortablement).

Ces contenus et attitudes que nous voulons les voir acquérir sont de l’ordre des connaissances, de l’auto-efficacité, des nouvelles compétences, des attitudes différentes, ou des stratégies cognitives ou métacognitives, un mélange de tout cela. 

Pour être certains d’avoir été efficaces et d’avoir une forme de plus-value, nous devons avoir un moyen de savoir ce que nos élèves savaient préalablement. Que pouvaient-ils faire dans notre domaine avant que nous ne leur enseignions ? Que connaissent-ils de plus après ? Pour cette raison, les évaluations diagnostiques, formatives et sommatives sont indispensables.

L’apprentissage est une question de changement. Si nous ne savons pas ce qui a changé dans l’esprit de nos élèves, au niveau des connaissances, des compétences et des attitudes, nous ne pouvons pas vraiment savoir si nous avons été efficaces.

Il y a également une grande part de subjectivité :
  • Est-ce que nos élèves réussissent comme nous le voulons ? 
  • Est-ce que nous exprimons des attentes suffisamment élevées ? 
  • Quel est notre point de comparaison ?



L’acquisition de connaissances par les élèves est pour une part aléatoire


La tâche de l’enseignant est compliquée. Graham Nuthall (2007) explique que ses recherches ont montré que les élèves démarrent un cours avec des niveaux de connaissances divers. En moyenne, environ 50 % de ce qu’un enseignant souhaite faire apprendre à ses élèves par le biais d’une unité ou d’un sujet du programme scolaire peut déjà être connu par l’ensemble des élèves. C’est largement compréhensible dans la mesure où ce que nous leur enseignons intègre déjà des connaissances préalables qui sont réactivées ou reconsolidées dans le processus.

Le problème est que ces 50 % ne sont pas répartis de manière égale. Les élèves ne savent pas tous la même chose, et tous ne savent qu’environ 15 % de ce que l’enseignant veut qu’ils sachent.

Ainsi, à tout moment, un enseignant sera probablement confronté à une classe dans laquelle :
  • Environ 20 % des élèves connaissent déjà l’élément qu’il essaie de leur enseigner.
  • Environ 50 % savent quelque chose sur ce que l’enseignant essaie de leur enseigner.
  • Environ 20 % ont peu ou pas d’idée sur le sujet ou possèdent des conceptions erronées. 

Le challenge dans cette situation pour un enseignant est d’enseigner efficacement à tous ses élèves. Nous ne voulons pas ennuyer ceux qui comprennent tout directement avec facilité. Nous ne voulons pas perdre complètement ceux qui manquent de connaissances préalables ou rencontrent des difficultés. 



Première prémisse : les élèves apprennent lorsqu’ils sont pleinement engagés



Les élèves apprennent et deviennent experts dans ce qu’ils font jour après jour en classe. 

Imaginons dans une classe typique, les élèves sont assis à leur bureau, ils prennent des notes synthétiques de ce que l’enseignant écrit au tableau ou leur dicte entre deux explications orales.

L’enseignant s’attend à ce qu’ils apprennent par cœur chez eux ses contenus et s’en servent pour répondre à un test sommatif à la fin de l’unité. 

Ce qu’ils apprennent ici, c’est ce que nous les voyons faire : 
  • Prendre des notes
  • Recopier
  • Supporter l’ennui sans se plaindre.

Avec ce type de fonctionnement, plus tard, chez eux, avant le test, ils vont mémoriser une structure de cours, des énoncés et des détails qu’ils ne comprennent parfois que partiellement. 

Les élèves oublient la plupart du contenu de leurs notes mémorisées par cœur d’une seule traite avant un test. Si en outre, ils ne pratiquent qu’assez peu en classe, ils vont finalement apprendre assez peu.

Dans ce contexte d’ennui, les élèves peuvent être tentés de rendre leur vie plus intéressante en convainquant quelqu’un d’autre à leur prêter leurs notes ensuite. De même, ils peuvent se dire que ce n’est pas indispensable d’être attentif d’un bout à l’autre du cours. Cela leur permet pendant ce temps en classe de faire autre chose, de bavarder ou d’essayer de nouvelles façons de taquiner et de détourner l’attention de leurs voisins. Ce sont ces habitudes qu’ils vont assez rapidement apprendre. Ces habitudes vont rendre dans leur ensemble le cours moins utile.

L’enseignant va devoir intervenir d’une manière ou d’une autre s’il ne veut pas voir son climat de classe se dégrader.

Nous pouvons avoir tendance à séparer symboliquement la gestion du comportement en classe de la matière que nous enseignons. Nous nous attendons à ce que nos élèves nous respectent par défaut. En réalité, ces deux éléments ne sont jamais séparés dans le fonctionnement des élèves et nous courrons le risque de débordement et d’une perte d’efficacité de notre enseignement si nous ne prenons pas suffisamment en compte.

Si cet exemple peut être accentué, tout enseignant considère l’aspect gestion de classe, il doit servir à bien comprendre là où est notre priorité en tant qu’enseignant. Elle est de maximiser l’apprentissage de nos élèves en classe. Ce résultat ne peut être atteint que par une complète prise en compte de la dimension de la gestion de classe dans le sens de la coopération et de l’engagement des élèves. 

Lorsque nous concevons des activités d’apprentissage, nous devons nous rappeler que les activités dans lesquelles les élèves s’engagent lorsqu’ils rencontrent le contenu d’un programme scolaire deviennent inextricablement liées dans leur esprit à ce contenu. 

L’intérêt et le plaisir que ressentent les élèves en classe doivent être liés à la réalisation des activités d’apprentissage en classe et à leur capacité à relever les défis que nous leur donnons. Ces tâches, ces défis doivent être directement en lien avec les intentions d’apprentissage et les mettre en œuvre.

Si les élèves ne perçoivent pas cette connexion, il y a toutes les chances que leur attention se dispersera dans des activités annexes. 



Deuxième prémisse : les relations sociales déterminent l’apprentissage


Une grande partie de ce que les élèves font en classe est déterminée par leurs relations sociales. C’est d’autant plus vrai pour les adolescents. Les élèves sont plus continuellement et plus profondément impliqués dans leurs relations avec leurs amis et leurs concurrents que dans leurs engagements avec leurs enseignants. 

Même dans le propre territoire de l’enseignant, la classe, le principal public de l’élève est constitué par ses pairs. 

La culture des pairs peut créer la croyance que faire ce que l’enseignant veut est ennuyeux, compromettant ou même avilissant. Cela peut mener au désengagement et au rejet du cours par les élèves.

Lorsqu’il y a un conflit pour des élèves entre la culture des pairs et les procédures de gestion de l’enseignant, la culture des pairs l’emporte en règle générale. C’est ce qui se passe lors de la formation d’un cercle coercitif.

L’élève sera toujours plus perméable à la culture et à la communication au sein de son groupe de pairs, qu’à la culture de l’école ou à celle que l’enseignant tente d’instaurer en classe.

Le paradoxe veut qu’un enseignement réussi à long terme implique de travailler avec la culture des pairs ou du moins à en tenir compte. Nous devons jouer sur l’établissement de relations dans un cadre positif pour mettre en place une culture de l’apprentissage en classe compatible.

Un atout certain est que les enseignants gagnent à récolter des informations préalables sur leurs élèves par l’intermédiaire des collègues qui les ont eus en classe précédemment. Il est utile de savoir qui fait partie de quels groupes d’amis, qui veut être apprécié et par qui, qui a un statut, qui est rejeté. Ils doivent également connaître les types de croyances et de culture, concernant surtout la réussite scolaire, l’apprentissage, la coopération entre autres, qui maintiennent les relations entre les élèves. 

Nous devons partir du principe que le nombre d’interactions qu’ils partagent a un impact certain sur leurs apprentissages. Une partie non négligeable de ce que les élèves apprennent sur le contenu du programme, ils l’apprennent les uns des autres par le biais d’échanges.

Par conséquent, comprendre, travailler avec et utiliser la culture des pairs est un moyen précieux dont nous disposons pour soutenir cette partie importante de leur apprentissage. 

Toutefois, cela ne signifie pas d’accepter la culture des pairs comme culture dominante en classe. Nous devons installer un cadre et une culture scolaire compatibles au sein de leur classe. Elle prend la forme d’une culture de respect mutuel et de coopération. C’est une culture dans laquelle chacun est censé trouver sa place dans un aspect important des activités de la classe sans renier la culture des pairs.



Troisième prémisse : les activités efficaces sont à construire autour des questions essentielles


Nous veillons à être attentifs à la conception d’activités d’apprentissage efficaces, de manière à ce que nos élèves soient continuellement engagés dans un comportement d’apprentissage ciblé.

Parallèlement, nous voulons contrôler par l’intermédiaire de celles-ci ce qu’ils comprennent et apprennent au fur et à mesure qu’ils s’engagent dans ces activités.

Ce processus nous demande du temps et des ressources pour la conception et la réalisation de ces activités, hors classe et en classe. Cela signifie également que nous ne pouvons pas couvrir raisonnablement tout le programme scolaire de cette manière.

Par conséquent, nous devons nous assurer que les résultats de ces activités d’apprentissage sont vraiment importants, non seulement dans le programme du cours, mais également pour le futur des élèves. Nos élèves ne vont de toute façon jamais retenir durablement l’entièreté de nos cours, nous devons cibler plus particulièrement les éléments essentiels et nous assurer que les activités et les interactions d’apprentissage mises en place les renforcent.



Quatrième prémisse : les activités efficaces sont finalement gérées par les élèves eux-mêmes


L’activité d’apprentissage idéale répond aux caractéristiques suivantes :
  • Elle se concentre sur la résolution d’une question ou d’un problème majeur, significatif pour le programme et pour le futur des élèves.
  • Elle engage continuellement les élèves dans un travail intellectuel approprié en lien avec les intentions pédagogiques. Cela signifie que la question ou le problème majeur doit être décomposé en morceaux plus petits ou en étapes. Ceux-ci sont progressivement liés entre eux de manière à développer la capacité de résolution d’un problème entier.
  • Elle donne aux enseignants l’occasion, à mesure que les élèves s’engagent dans la résolution des petits problèmes liés, de suivre l’évolution de leur apprentissage. Cela permet aux enseignants de donner en retour une rétroaction qui informe les élèves sur les prochaines étapes à suivre.
  • Il permet le transfert progressif vers les élèves de la responsabilité de l’apprentissage. En effet, un objectif parallèle de l’activité d’apprentissage efficace est que les élèves intériorisent les procédures de sorte qu’elles fassent partie de leur mode de pensée naturel.

Ces caractéristiques sont pleinement en accord avec les modèles de l’enseignement explicite, de l’évaluation formative et de l’apprentissage génératif. 


Mis à jour le 07/11/2023

Bibliographie


Graham Nuthall, The Hidden lives of learners, 2007, NZCER Press

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