jeudi 8 décembre 2022

Mettre les cartes conceptuelles et les organisateurs graphiques au service de la construction de schémas

La cartographie conceptuelle et l’organisation graphiques des concepts ou connaissances impliquent que les apprenants créent, reçoivent ou s’engagent dans des processus de représentation et de création de liens. Ces processus sont l’objet même du développement des schémas et symbolisent l’apprentissage.

(Photographie : luckymentalityflower)


L’importance des schémas dans l’organisation et l’intégration des connaissances


Les schémas (parfois appelés modèles mentaux) sont des structures qui nous permettent d’organiser nos connaissances en mémoire de travail. 

Lors de l’apprentissage, l’esprit relie les nouvelles informations à apprendre à ses connaissances préalables et ses compétences préexistantes, développant ainsi les schémas existants par des processus d’assimilation et d’accommodation. 

S’ils veulent être efficaces, les enseignants vont souhaiter développer, affiner, corriger ou enrichir les conceptions antérieures de leurs élèves. Ils vont éviter d’enseigner quelque chose d’entièrement nouveau de manière déconnectée, sans s’inquiéter de ce à quoi cela s’accrochera. Si c’est le cas, l’apprentissage sera peu intégré et très sensible à l’oubli. 

Lorsqu’un élève rencontre de nouvelles expériences d’apprentissage, ses schémas existants sont révisés et restructurés pour s’adapter aux nouvelles informations apprises.

Les schémas sont empruntés à d’autres personnes et deviennent personnels, car nous les adaptons à nos connaissances existantes. Cet emprunt est suivi d’une réorganisation qui devra être évaluée avec rétroaction afin de l’ajuster. Par conséquent, le développement des idées d’un apprenant est un processus actif impliquant la construction de connaissances à partir des connaissances et de la compréhension préexistantes de l’apprenant, puis leur développement. L’enseignant joue un rôle essentiel dans un processus d’évaluation formative et de rétroaction.

Les approches qui permettent de comparer, organiser et cartographier les concepts tentent de rendre les schémas clairs et visibles. Les cartes conceptuelles et les organisateurs graphiques sont censés aider les apprenants à organiser et à développer leurs idées.



Trois constats sur les schémas dans une perspective d’enseignement


Premièrement, agir sur des schémas peut s’avérer difficile pour les enseignants :
  • Les schémas se forment dans l’esprit des élèves lorsqu’ils font le lien entre un nouveau contenu et leurs connaissances antérieures. Les schémas sont donc façonnés par les connaissances préalables et le développement personnel de la compréhension de chaque individu. Tout le monde ne va pas apprendre la même chose au même moment.
  • Les enseignants doivent tenir compte de la manière dont les connaissances préalables peuvent influencer positivement l’organisation des nouvelles connaissances ou négativement si elles correspondent à des conceptions erronées.

Deuxièmement, les schémas ne sont jamais fixes dans leur contenu ou leur agencement. Ils se reconsolident au fil du temps au fur et à mesure qu’ils sont mobilisés ou oubliés. Par conséquent, il est peu probable que les enseignants sachent exactement comment l’esprit de leurs élèves a organisé le nouveau contenu à un moment donné. 

Troisièmement, les schémas ont une nature flexible. Cela signifie que des stratégies d’enseignement et d’apprentissage spécifiques qui concernent tous les élèves peuvent être en mesure de favoriser un ordre plus souhaitable pour les connaissances préexistantes et celles en développement chez eux. Un enseignement simultané est possible.

Il existe plusieurs approches pour travailler avec les schémas, dont beaucoup se concentrent sur l’organisation, la comparaison et la catégorisation des idées des élèves pour développer des structures mentales plus complexes.

Il existe différentes manières de travailler avec des schémas. Nous pouvons en fonction des circonstances et de la recherche d’un apprentissage optimum :
  1. Organiser les informations
  2. Comparer les informations
  3. S’engager dans l’information par un traitement élaboratif

Nous allons maintenant nous intéresser au premier point sur l’organisation des schémas. Deux autres articles exploreront les points restants.



Deux modes d’usage des cartes conceptuelles et des organisateurs graphiques


Il existe une grande différence entre deux modes pédagogiques de l’approche des cartes conceptuelles et organisateurs graphiques :
  • La position usuelle en enseignement explicite est que les cartes conceptuelles et les organisateurs graphiques peuvent être donnés d’emblée aux élèves et avoir été conçus préalablement par des enseignants.
  • La position usuelle dans le cadre d’une pédagogie constructiviste est de demander aux élèves de créer par exemple une carte mentale et donner une rétroaction corrective sur sa réalisation

Dans tous les cas, a priori, utiliser ou créer des cartes conceptuelles ou des organisateurs graphiques peut aider les élèves à s’approprier, organiser et étendre les connaissances schématiques d’un sujet de manière efficace. Ils encouragent la formation de liens entre les éléments d’apprentissage connexes et leurs connaissances. 


S’engager dans la réalisation d’une carte conceptuelle ou mentale n’est pas efficace en soi pour l’apprentissage


 Cependant, certaines données suggèrent que la cartographie et l’organisation des concepts peuvent être plus efficaces lorsque les cartes sont générées par les enseignants plutôt que par les élèves. L’exception est peut-être la situation où les élèves ont déjà de bonnes connaissances préalables dans un domaine. 

Chang et al. (2002) ont constaté que la correction des cartes conceptuelles, mais pas leur génération, était efficace auprès d’élèves de 10-11 ans. 

Ritchie et al. (2013) ont constaté que la pratique de récupération était plus efficace que l’engagement dans la cartographie conceptuelle auprès d’élèves de 8-12 ans et que l’ajout d’une carte conceptuelle n’apportait aucun avantage supplémentaire.

Merchie et Van Keer (2016) ont examiné l’efficacité dans leur étude deux approches pédagogiques du mind mapping, utilisé comme stratégie de méta-apprentissage auprès d’élèves de 10-12 ans. 

Les élèves ont été affectés à trois conditions :
  • Les cartes mentales sont fournies par le chercheur
  • Les cartes mentales sont générées par les élèves
  • Une condition de contrôle sans aucune instruction spécifique où l’enseignant faisait usage de ses pratiques habituelles. 

Les enseignants des conditions expérimentales ont intégré une approche pédagogique spécifique de la cartographie conceptuelle. Celle-ci a lieu une fois par semaine sur une période de dix semaines dans leurs cours de sciences sociales et de sciences pendant les heures de cours normales.

Les élèves amenées à générer des cartes mentales ont obtenu des scores significativement plus bas après la première phase (prétest à post-test) que les deux autres groupes, qui ne différaient pas significativement entre eux. 

Le fait de devoir générer les cartes mentales semble avoir imposé une lourde charge cognitive aux élèves et réduit les résultats d’apprentissage.

Les résultats du groupe qui a reçu les cartes mentales étaient similaires à ceux de l’approche de contrôle sans que cela se soit traduit par un apprentissage supplémentaire. 

Si l’écart entre les tâches sont proposées et leur niveau de connaissances préalables est trop élevé, le fait de demander à des élèves de cartographier peut avoir des effets négatifs. En créant eux-mêmes des cartes, les élèves peuvent subir une surcharge cognitive en essayant d’organiser et d’utiliser simultanément le contenu. 

Les approches générées par les élèves risquent de présenter une charge cognitive excessive ou d’être inefficaces. Le temps est consacré à l’organisation plutôt qu’à l’engagement actif dans le contenu.

La cartographie conceptuelle et l’organisation des connaissances peuvent être théoriquement des approches efficaces. Cependant, les approches incluant leur génération par les élèves eux-mêmes risquent d’entrainer une charge cognitive excessive. De même, imparfaites dans leur conception, elles peuvent mener à des résultats inefficaces peu propices à une utilisation ultérieure en tant qu’outils de récupération ou supports d’auto-explication.

C’est la manière dont les élèves traitent l’information plus que la mesure dans laquelle ils génèrent et organisent eux-mêmes l’information qui importe. C’est moins un format, une cartographie ou une organisation particulière de l’information. 

Les enseignants doivent se demander pourquoi ils utilisent des tâches de cartographie et s’assurer que l’attention des élèves se concentre sur les éléments les plus utiles de l’activité. Un guidage et un étayage s’imposent. Apprendre à réaliser une carte mentale n’est pas une garantie d’apprentissage des contenus manipulés.



Usages pratiques des organisateurs graphiques et cartes conceptuelles


Sherrington et Caviglioli (2020) proposent différentes pistes liées à l’usage ou à la conception pratique des organisateurs graphiques.

L’objectif d’un organisateur de connaissances est de fournir aux élèves des conseils accessibles sur les connaissances qu’ils peuvent étudier par eux-mêmes afin de se construire plus facilement un schéma pertinent en mémoire à long terme.

Les organisateurs graphiques doivent être un résumé des points essentiels et des liens qui les unissent. Ils ne sont pas une liste complète et exhaustive de tout ce qui pourrait être connu. 

Cependant, si les élèves se contentent de regarder et de lire ces organisateurs graphiques ou ces cartes conceptuelles, ils n’auront que peu d’utilité. 

Nous devons concevoir une exploitation efficace, en lien avec une pratique de récupération. Nous devons concevoir les organisateurs graphiques et les cartes conceptuelles pour qu’ils aient un format qui permet l’autoquestionnement. 
  • Au fur et à mesure que nous avançons dans un thème, nous demandons aux élèves d’explorer l’organisateur graphique et nous leur posons des questions ciblées sur des éléments qu’ils doivent repérer au sein de celui-ci. Nous pouvons leur demander de le faire seul ou par deux, afin qu’ils ne se contentent pas de fixer l’information. Ils doivent se concentrer sur le sens et le contenu, au-delà de toute représentation visuelle. Ils doivent verbaliser leur compréhension.
  • Nous pouvons concevoir des tableaux avec zones contenant des informations qui peuvent être masquées ou être distribuées dans une version incomplète également pour donner lieu à une pratique de récupération.
  • Nous pouvons présenter des listes d’idées clés sous forme de puces numérotées ou de nombre d’étapes à énoncer et expliquer. Ces éléments peuvent mener à une récupération ciblée.
  • Nous pouvons proposer des versions légendées, non légendées et à compléter de ces organisateurs graphiques, lignes du temps ou cartes conceptuelles.
  • Progressivement, l’organisateur graphique peut être mis de côté et les élèves peuvent s’entrainer à récupérer en mémoire à long terme tout ce qu’il contient. De cette manière, nous les entrainons également à récupérer non seulement l’information, mais également la structure logique de l’information. 

Les organisateurs de connaissances contiennent beaucoup plus d’informations qu’il n’est possible d’en assimiler à un moment donné. Nous pouvons les utiliser, en lien avec des démarches d’élaboration : 
  • Nous demandons à nos élèves d’expliquer certains éléments du contenu d’un organisateur graphique les uns avec les autres en parallèle avec la progression dans un chapitre de manière à favoriser une bonne intégration des connaissances.
  • Les élèves développent la capacité d’explorer les liens entre les différents segments de la matière en cours résumés dans l’organisateur graphique ce qui les aide à développer une vision d’ensemble de la matière.

Tout au long de ce cheminement, nous apprenons à nos élèves une stratégie efficace de mobilisation d’un organisateur graphique comme support d’apprentissage autonome. Nous modélisons le type de questions que les élèves devraient se poser et le type de démarches qu’ils devraient adopter lorsqu’ils s’évaluent.

De cette manière, les élèves parviennent à utiliser les organisateurs graphiques comme un outil de pratique de récupération à mobiliser dans le cadre d’un apprentissage espacé. Nous sommes alors dans une situation de pratique de récupération distribuée. Ils apprennent à s’en servir pour s’évaluer avec vérification de leur réponse, ce qui leur permet de combler les lacunes de connaissances. En travaillant ainsi de manière itérative, ils améliorent progressivement leur fluidité chaque fois en espaçant de plus en plus, jusqu’à atteindre la confiance de pouvoir se rappeler les informations en condition d’évaluation sommative.


Mis à jour le 31/10/2023

Bibliographie


Perry, T., Lea, R., Jørgensen, C. R., Cordingley, P., Shapiro, K., & Youdell, D. (2021). Cognitive Science in the Classroom. London: Education Endowment Foundation (EEF). The report is available from: https://educationendowmentfoundation.org.uk/evidence-summaries/evidence- reviews/cognitive-science-approaches-in-the-classroom/ 

Sherrington, T. and Caviglioli, O. (2020) Teaching Walkthrus: Five-Step Guides to Instructional Coaching, John Catt Educational.

Merchie, E., & Van Keer, H. (2016). Mind mapping as a meta-learning strategy: Stimulating pre-adolescents’ text-learning strategies and performance?. Contemporary Educational Psychology, 46, 128–147.

Ritchie, S. J., Della Sala, S., & McIntosh, R. D. (2013). Retrieval practice, with or without mind mapping, boosts fact learning in primary school children. PloS one, 8(11), e78976. 

Chang, K. E., Sung, Y. T., & Chen, I. D. (2002). The effect of concept mapping to enhance text comprehension and summarization. The Journal of Experimental Education, 71(1), 5–23.

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