mardi 22 novembre 2022

Mise en œuvre de la pratique de récupération en classe

La pratique de récupération fait référence à toute activité qui demande aux élèves de rappeler des informations de mémoire plutôt que de les relire, de les réviser ou de se les faire expliquer.




(Photographie : Adam Neese)




La pratique de récupération peut prendre la forme d’un rappel partiel de l’information soutenu par des indices, un guidage ou un étayage. Elle peut s’accompagner d’une rétroaction ou d’autres informations contextuelles. Elle peut avoir lieu dans le cadre d’une vérification de la compréhension en classe, dans une évaluation formative, un quiz ou lors de l’apprentissage autonome des élèves.

Les principes d’apprentissage issus des sciences cognitives suggèrent que générer activement des réponses à partir de notre mémoire à long terme et recevoir rapidement un retour d’information constitue une approche favorable à un apprentissage efficace. 



Résultats de la recherche sur les facteurs influant sur l’impact de la pratique de récupération


Dans l’ensemble, les preuves issues de la recherche suggèrent que la pratique de récupération a un effet positif modéré par rapport à la réétude, bien que ces résultats soient très variables. Les preuves de l’efficacité de la pratique de récupération par rapport à une non-récupération sont plus sûres. 

Les estimations de la taille d’effet varient de très faibles (d = 0,12) à très fortes (d = 2,87). Il existe de même plusieurs résultats négatifs. Les données disponibles indiquent que des tailles d’effet modérées à importantes sont possibles, mais dans de nombreux cas, les résultats sont neutres, voire parfois négatifs. 

Les preuves portant sur la pratique de récupération sont incertaines quant aux formats d’activités qui sont les plus efficaces pour la pratiquer. Elles le sont également sur le fait de savoir si la pratique de la récupération peut aider les élèves à apprendre des contenus d’apprentissage d’ordre supérieur ou plus élaborés que le simple rappel des connaissances factuelles. 

Dans de nombreuses études, l’effet de la pratique de récupération (généralement une forme de quiz) était comparé à une condition sans quiz. Ces études étaient toutes positives et soutenaient la conclusion selon laquelle le quiz est une approche d’apprentissage efficace pour des informations plutôt factuelles et à plus faible interactivité. 
 
La méta-analyse de Yang et ses collègues (2021) estiment que l’effet global du quiz est moyen (g = 0,50, IC : 0,44 - 0,56). Elle apporte également un soutien à l’utilisation de différents formats de test et de retours correctifs. L’ampleur de l’effet est modulée par une variété de facteurs : 
  • La stratégie d’apprentissage dans la condition de contrôle
  • La cohérence du format du test
  • La correspondance du contenu
  • La fourniture d’une rétroaction corrective
  • Le nombre de répétitions du test, le lieu
  • Le moment d’administration du test
  • La durée du traitement
  • Le plan expérimental

D’autre part, la rétroaction corrective a été identifiée comme un facteur d’amélioration efficace de la pratique de récupération par Yang et ses collègues (2021). Ils estiment un effet global positif pour les tests avec rétroaction corrective par rapport aux tests sans rétroaction (g = 0,54 par rapport à 0,37). 

L’une des conditions limites aux bénéfices de l’effet de test pour un contenu d’apprentissage semble être comme Hanham et ses collègues (2017) l’ont montré, une interactivité élevée des éléments. Hanham et ses collègues (2017) ont examiné la récupération des connaissances à forte et faible interactivité des éléments. La pratique de récupération a un effet de test positif pour les contenus à faible interactivité des éléments. Elle présente un effet de test inverse (pour les tests immédiats, mais moins pour les tests différés) pour les contenus à forte interactivité des éléments. Une hypothèse est, comme ils l’ont théorisée, que l’augmentation de la charge cognitive aurait un impact négatif sur l’efficacité de la pratique de récupération. 

L’interactivité des éléments peut à la fois être liée à la nature de l’information et à l’expertise des apprenants. Si l’expertise des apprenants augmente, l’interactivité des éléments d’une tâche diminue. Selon leurs conclusions, les tests peuvent jouer un rôle important dans la facilitation de l’apprentissage, mais cet effet de facilitation ne se produit que lorsque le contenu à apprendre présente une faible interactivité des éléments. Inversement, si l’interactivité des éléments est élevée, un test peut inhiber l’apprentissage plutôt que le faciliter.

Pour nuancer ce propos, Agarwal (2019) a montré que le renforcement des connaissances factuelles par le biais de la pratique de récupération n’améliorait pas l’apprentissage des compétences d’ordre supérieur sur le même thème chez des étudiants. Néanmoins, elle suggère que la récupération d’éléments d’ordre supérieur était bénéfique. 

Les performances dans les tests sont meilleures lorsque le format de la pratique de récupération correspond au format du test final. Des quiz sur les connaissances factuelles améliorent les performances du test final sur les faits, et les quiz sur les questions d’ordre supérieur ont amélioré les performances du test final sur les questions d’ordre supérieur. Agarwal (2019) a également constaté que les questionnaires mixtes — qui comprenaient à la fois des questions sur les connaissances factuelles et des questions d’ordre supérieur — augmentaient les résultats des tests d’ordre supérieur. Les résultats étaient meilleurs que pour les questionnaires sur les connaissances factuelles et légèrement plus que les questionnaires d’ordre supérieur, ce qui confirme l’utilité des questionnaires mixtes. 

Yang et ses collègues (2021) ont réalisé un examen systématique et une méta-analyse de la pratique de la récupération dans une grande variété d’âges et de contextes. Ils ont conclu que les tests peuvent être bénéfiques pour l’apprentissage conceptuel (g = 0,64). Ils le sont également pour l’application des connaissances pour la résolution de problèmes (g = 0,45) ainsi que pour le rappel de connaissances factuelles (g = 0,52). 

Actuellement, nous ne sommes pas en mesure de tirer des conclusions définitives sur la question de savoir si la pratique de récupération est adaptée à l’apprentissage d’ordre supérieur ou à l’apprentissage d’éléments à interactivité élevée. Nous ne connaissons pas non plus la mesure dans laquelle le contenu de l’apprentissage à différents niveaux peut être transféré à des niveaux supérieurs ou inférieurs. 



La pratique de récupération comme difficulté désirable


L’idée que passer un test puisse être une bonne stratégie d’apprentissage ainsi qu’une évaluation de l’apprentissage n’est pas immédiatement évidente ou intuitive. Nous pourrions penser que soit l’élève connaît la réponse, soit il ne la connaît pas, et que le test permet de l’évaluer sans affecter sa base de connaissances. 

Cependant, les sciences cognitives soulignent que la facilité à retrouver une information en mémoire, correspond une force de récupération qui diminue avec le temps. Il y a également une force de stockage qui assure sa durabilité. Toutes deux sont renforcées, mais différemment, lorsque la mémoire est sollicitée.

Les sciences cognitives nous informent que la mémoire a une force de récupération. Cette dernière fait référence à la facilité avec laquelle nous pouvons nous souvenir de quelque chose. Il existe également une force de stockage, en rapport avec à la durabilité de l’information. Lorsque le contenu est étudié et rappelé, les deux types de force de la mémoire augmentent, ce qui signifie que les informations sont plus facilement accessibles et que cette accessibilité est plus durable. 


Des études fondamentales ont montré que le test peut être plus efficace que la réétude du même contenu. Le fait de réétudier la matière donne l’impression qu’elle est plus familière et les élèves pensent qu’elle a permis d’apprendre ce qui est une illusion. Au contraire, les tests sont plus efficaces parce qu’ils récupèrent les connaissances dans la mémoire à long terme plutôt que de simplement les présenter à nouveau dans la mémoire de travail. 

Ainsi, la pratique de la récupération, comme l’espacement et l’entremêlement, peut être considérée comme une difficulté désirable. Si les élèves trouvent la récupération des informations plus difficile que la simple réétude de ces informations, elle favorise la mémorisation à long terme. 

Les tests à faible enjeu, tels que les questions individuelles ou les quiz sont souvent utilisés comme méthodes de récupération. Ils obligent les élèves à réfléchir sérieusement aux informations qu’ils ont retenues et dont ils peuvent se souvenir. Utilisés de cette manière, les tests peuvent être une stratégie d’apprentissage en plus d’être une évaluation de l’apprentissage. 

En testant la connaissance d’un contenu appris précédemment, la pratique de la récupération encourage les élèves à renforcer leur mémoire sur des concepts ou des informations clés. En outre, le processus de test permet aux élèves de prendre conscience des faiblesses de leur mémoire et des lacunes de leur compréhension. Cela favorise l’autosurveillance de l’apprentissage et peut conduire à l’élaboration de stratégies d’amélioration. 

Un point d’attention est l’importance de bien planifier la difficulté des questions posées. Les élèves doivent être capables de retrouver au moins une partie du contenu sur lequel ils sont testés. 

Si les élèves ne parviennent pas à récupérer les informations, il est peu probable que cela augmente la qualité de leur mémorisation, mais les preuves sont actuellement incertaines quant au niveau optimal de difficulté. S’il n’y a pas de récupération, le bénéfice de l’effet de test n’est pas au rendez-vous. Il peut y avoir une influence néfaste sur la motivation et le sentiment d’efficacité personnelle des élèves. 

Le quiz a d’autres avantages potentiels que d’encourager les élèves à récupérer des informations. Par exemple, les tests peuvent permettre aux élèves d’identifier les lacunes dans leurs connaissances ce qui peut les amener à les comprendre et à les assimiler grâce à une nouvelle étude.



Formats de pratique de récupération


La pratique de récupération pourrait avoir une large applicabilité dans tous les domaines du programme scolaire et pour tous les âges.

La pratique de récupération peut prendre la forme de tests ou des quiz courts et à faible enjeu, sous différentes formes en classe. Ils peuvent être un moyen simple, aisé et facile à mettre en œuvre pour récapituler des informations susceptibles de renforcer la capacité à long terme des élèves à se souvenir de concepts ou d’informations clés. 

Le quiz peut prendre de nombreuses formes, notamment : 
  • Des questions à choix multiples.
  • Des questions factuelles à réponse courte.
  • Des questions courtes de résolution de problèmes ou d’exercices.
  • Des questions de type vrai ou faux
  • D’un schéma à légender
  • De la reconnaissance d’images
  • De la récitation de citations ou de définitions
  • De la création de listes ou de cartes conceptuelles
  • D’un brain dump

La pratique de récupération est souvent opposée à la révision de la matière par l’enseignant. Durant la révision de la matière, l’enseignant rappelle aux élèves les connaissances acquises précédemment plutôt que de demander aux élèves de se les rappeler eux-mêmes. 

Nous allons maintenant passer en revue différents aspects qui ont un impact sur l’effet de la pratique de récupération.



L’usage de la pratique de récupération comme évaluation formative ou révision 


Pour beaucoup d’enseignants, d’élèves et de parents, les tests ont, pour beaucoup, une connotation négative et sont liés à des épreuves sommatives à enjeux élevés.

Mok et Lan Chan (2016) ont constaté que pour les étudiants ayant une forte anxiété liée aux tests, la rédaction de résumés était une approche de pratique de récupération plus efficace que les tests. 

Dès lors, il apparait important, comme le souligne la recherche (Jones, 2019) que les occasions de pratique de récupération soient à faible enjeu ou sans enjeu pour maximiser leur efficacité pour le renforcement de la mémorisation. C’est ce que permet l’usage de la pratique de récupération sous forme d’évaluation formative ou de révision.

La pratique de récupération dans le cadre de l’évaluation formative peut servir à voir si l’élève a appris ce que nous avons enseigné. Elle a également pour fonction de repérer ce que les élèves ne savent pas faire, et donc ce qu’ils doivent encore apprendre. 

Utiliser la pratique de récupération dans le cadre de l’évaluation formative peut permettre d’identifier ce que les élèves ne comprennent pas et leurs conceptions erronées, autant que renforcer ce qu’ils savent. 

Par exemple, les questions à choix multiples doivent s’assurer d’intégrer les conceptions erronées et les erreurs typiques d’un domaine dans l’éventail de choix des réponses afin de les révéler.

La pratique de récupération, en tant que forme de test, peut potentiellement être définie comme :
  • Une approche d’évaluation formative : elle aide les enseignants à identifier et à combler les lacunes dans l’enseignement et l’apprentissage.
  • Une approche centrée sur la révision : la récupération d’informations dans la mémoire à long terme consolide l’apprentissage et le rend plus durable. 



Importance de la rétroaction dans le cadre de la pratique de récupération


Lorsque nous faisons passer un test à un groupe d’élèves, ceux-ci pourront, à des degrés divers : 
  • Trouver certaines réponses avec succès
  • Être incapables d’en trouver d’autres
  • Trouver certaines réponses de manière erronée (c’est-à-dire de faire apparaître des idées fausses)

Cela soulève plusieurs questions : 
  • Comment déterminer la difficulté optimale de la tâche pour bénéficier de la pratique de récupération ? 
  • Est-ce que la récupération des idées fausses peut se révéler nuisible en les renforçant ? 
  • Quel est l’intérêt de fournir un retour d’information pour donner une deuxième opportunité d’apprentissage afin de combler les lacunes et de s’attaquer aux idées fausses ? 

Si les performances des élèves révèlent un taux d’erreur élevé ou un faible taux de réussite, l’enseignant peut décider de réduire la difficulté de l’activité de récupération. Il peut continuer à se concentrer sur le contenu déjà appris avec succès et sur sa consolidation en mémoire. 

Par ailleurs, l’enseignant peut décider d’inclure un retour d’information. Il peut même décider d’enseigner à nouveau ou clarifier l’information de manière opportuniste après la pratique de récupération, afin de consolider l’apprentissage existant et de l’approfondir. 

Chang (2010) a réalisé une étude portant sur 208 élèves des deux dernières années du secondaire à Taïwan constitue une exception. L’étude a examiné l’utilisation de concepts corrects et incorrects dans les énoncés à choix multiples et les vrais ou faux d’un test. Leurs résultats suggèrent le danger d’idées fausses découlant d’éléments de test incorrects et recommandent de fournir aux élèves les bonnes réponses immédiatement après le test. 

Il semblerait plausible que les tests de récupération sont susceptibles de faire apparaître (et potentiellement de renforcer) des idées fausses. La manière de contrer ce risque est de faire bénéficier les élèves d’une rétroaction ou d’un nouvel enseignement. Par la suite, la récupération correcte de ces divers éléments doit être à nouveau vérifiée. 



Tension entre pratique de récupération distribuée et temps d’enseignement disponible


Il est recommandé de combiner la pratique de la récupération avec l’apprentissage espacé. Le fait d’espacer les contenus peut rendre les élèves moins aptes à récupérer les informations, ce qui est susceptible d’être une difficulté désirable. 

Si les enseignants mettent en œuvre les deux approches en même temps, ils peuvent vérifier soigneusement si les approches s’additionnent et si l’espacement ne réduit pas la capacité des élèves à récupérer les informations. La récupération espacée peut également concerner plus spécifiquement le contenu d’apprentissage à privilégier dans un programme scolaire surchargé. Nous pouvons la privilégier pour les points essentiels.

De plus, le fait de revisiter un contenu déjà enseigné dans le cadre de la pratique de la récupération peut également empiéter sur le temps disponible pour enseigner un nouveau matériel. Toutefois, la pratique de récupération est préférable à une nouvelle étude ou à un nouvel enseignement (en supposant que le contenu a été appris initialement avec succès). Le fait de fournir des quiz aux élèves comme des opportunités de récupération lors de leur apprentissage autonome est une manière de contourner la difficulté.


Mis à jour le 23/10/2023

Bibliographie


Perry, T., Lea, R., Jørgensen, C. R., Cordingley, P., Shapiro, K., & Youdell, D. (2021). Cognitive Science in the Classroom. London: Education Endowment Foundation (EEF). The report is available from: https://educationendowmentfoundation.org.uk/evidence-summaries/evidence- reviews/cognitive-science-approaches-in-the-classroom/ 

Hanham, José & Leahy, Wayne & Sweller, John. (2017). Cognitive Load Theory, Element Interactivity, and the Testing and Reverse Testing Effects: Testing and reverse testing effects. Applied Cognitive Psychology. 31. 10.1002/acp.3324.

Yang, C., Luo, L., Vadillo, M. A., Yu, R. and Shanks, D. R. (2021) “Testing (Quizzing) Boosts Classroom Learning: A Systematic and Meta-Analytic Review”, Psychological Bulletin, 147 (4), pp. 399–435. https://doi.org/10.1037/bul0000309 

Agarwal, P. K. and Bain, P. M. (2019) Powerful Teaching: Unleash the Science of Learning, San Francisco: Jossey-Bass. 

Mok, W. S. Y., & Chan, W. W. L. (2016). How do tests and summary writing tasks enhance long-term retention of students with different levels of test anxiety?. Instructional Science, 44(6), 567–581.

Jones, A. C., Wardlow, L., Pan, S. C., Zepeda, C., Heyman, G. D., Dunlosky, J., & Rickard, T. C. (2016). Beyond the rainbow: Retrieval practice leads to better spelling than does rainbow writing. Educational Psychology Review, 28(2), 385–400. 

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