L’approche Load Reduction Instruction (Martin, 2016) combine enseignement explicite et découverte guidée avec un accent sur le développement de la motivation et de l’engagement des élèves. Cet article a pour objet d’aborder l’intégration entre enseignement explicite et découverte guidée dans cette approche.
(Photographie : glassdream)
L’imbrication des connaissances biologiquement primaires et secondaires dans l’apprentissage
Un premier élément à prendre en compte est l’imbrication des connaissances et compétences biologiquement primaires et biologiquement secondaires dans l’apprentissage.
Le fait que l’enseignement concerne à la fois des connaissances biologiquement primaires et biologiquement secondaires a des implications pour la mémoire de travail et la motivation.
Les connaissances biologiquement primaires, par exemple, la communication ou le mouvement, ne sont pas un fardeau pour la mémoire de travail, comment peuvent l’être les connaissances biologiquement secondaires (Paas & Sweller, 2012).
Par conséquent, l’enseignement pourrait mieux exploiter les connaissances et compétences biologiquement primaires pour soulager la mémoire de travail afin que les élèves puissent mieux acquérir les connaissances biologiquement secondaires. Cela pourrait être le cas dans le cadre des cours de mathématiques, de sciences ou d’histoire par exemple.
Les effets potentiels de la cognition incarnée sur l’apprentissage
Selon Macken et Ginns (2014), les effets pédagogiques générés par la théorie de la charge cognitive sont limités au traitement cognitif visuel et auditif. Cependant, les perspectives de la cognition incarnée suggèrent qu’une série de gestes, y compris le pointage, peuvent agir pour soutenir la communication et l’apprentissage.
Le mouvement fait partie des connaissances et compétences biologiquement primaires ce qui en limite la charge pour la mémoire de travail et permet de bénéficier d’un biais favorable de motivation.
Dès lors, la cognition incarnée dans l’apprentissage qui intègre la manipulation physique ou le mouvement dans la réflexion serait susceptible d’améliorer l’apprentissage de contenus.
Selon Ginns et ses collègues (2015), tracer l’index sur la surface des instructions pendant la lecture, une pédagogie incarnée basée sur les lettres de papier de verre de Montessori, pourrait être très prometteur pour l’apprentissage. La démarche permettrait dans certaines conditions de réduire la charge cognitive.
Deux expériences ont permis de vérifier l’usage du pointage du doigt lors de l’étude en géométrie. Des étudiants ont suivi sur papier avec leur index des exemples concernant la géométrie des triangles et l’ordre des opérations. Ils ont obtenu de meilleurs résultats lors d’un test ultérieur que les étudiants qui étudiaient uniquement les documents visuellement sans pointage du doigt. Les élèves de la condition de traçage ont obtenu de meilleurs résultats que ceux de la condition de non-traçage sur les problèmes de transfert.
Selon une recherche de Hu, Ginns & Bobis (2015), des instructions explicites sur le fait de tracer au doigt des exemples résolus en géométrie améliorent les processus d’apprentissage et les résultats. Le groupe ayant recours au traçage a résolu plus de questions que le groupe n’ayant pas recours au traçage. Il les a résolues plus rapidement, a fait moins d’erreurs et a signalé des niveaux inférieurs de difficulté du test.
Plus précisément, il existe même un gradient de performance entre les conditions. Les étudiants qui ont tracé sur le papier avec leur index ont surpassé ceux qui ont tracé au-dessus du papier. Ceux-ci ont à leur tour surpassé ceux qui ont simplement étudié en lisant.
Ces résultats sont cohérents avec l’activation d’un nombre croissant de canaux de la mémoire de travail (visuel, kinesthésique et tactile) pour le traitement lié à l’apprentissage.
Macken et Ginns (2014) ont également étudié les effets cognitifs d’instructions explicites pour faire des gestes sur l’apprentissage.
Quarante-deux adultes ayant suivi une formation universitaire ont été assignés de manière aléatoire à deux conditions. Dans ces conditions, ils ont reçu l’instruction de faire ou de ne pas faire des gestes pendant qu’ils apprenaient, à partir de supports imprimés décrivant la structure et la fonction du cœur humain. Les participants à qui l’on a demandé de faire des gestes ont obtenu de meilleurs résultats lors d’un test de connaissance de la terminologie et d’un test de compréhension. Ce remaniement pédagogique très simple a le potentiel d’améliorer considérablement l’apprentissage des étudiants sur des sujets et des contenus typiques en sciences de la santé et en médecine.
L’importance du mouvement pour le trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH)
Des études dans le cadre du TDAH permettent d’éclairer encore le fait que le mouvement ne présente pas de manière nécessaire une charge cognitive.
L’hyperactivité est un symptôme clé et la manifestation la plus observable du trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH). La suractivité associée au TDAH peut entraîner des difficultés spécifiques dans le cadre scolaire, les activités extrascolaires et les relations sociales. Les problèmes de contrôle cognitif sont également bien établis dans le TDAH.
L’excès d’activité motrice globale (hyperactivité) a été considéré comme une caractéristique diagnostique essentielle du TDAH chez l’enfant, qui entrave l’apprentissage. Ce point de vue a toutefois été remis en question par des modèles qui conceptualisent l’excès d’activité motrice comme un mécanisme compensatoire facilitant le fonctionnement neurocognitif chez les enfants atteints de TDAH.
Hartanto et ses collègues (2016) ont obtenu des résultats intéressants pour les élèves présentant des déficiences connues de la fonction exécutive comme ceux atteints de TDAH. Les mouvements sous forme d’une activité physique et l’autorisation de bouger ou de se tortiller pendant l’apprentissage ont été associés à une meilleure capacité de mémoire de travail. L’activité motrice excessive associée aux symptômes cliniquement significatifs du TDAH peut refléter des efforts compensatoires pour moduler l’attention et la vigilance.
Distinguer découverte pure, enseignement explicite ou découverte guidée
Les approches constructivistes et progressistes de l’enseignement mettent l’accent sur des environnements d’apprentissage riches en possibilités de découverte pure et d’exploration.
Elles donnent la priorité à la construction du sens par les élèves eux-mêmes et mettent l’accent sur l’exploration et le développement des concepts par les élèves eux-mêmes. Les interprétations conduisent à un apprentissage centré sur l’élève en contexte social, à des approches basées sur la découverte (pure), le projet et l’enquête. L’enseignant est davantage considéré comme un facilitateur de l’apprentissage. L’enseignant est à l’écoute de l’élève qui explore les questions et résout les problèmes de manière autonome ou dans un contexte d’apprentissage coopératif.
Les approches instructionnistes, positivistes, explicites, cognitivistes et directes de l’enseignement conduisent à un apprentissage des élèves plus centré, guidé et piloté par l’enseignant. L’instructionnisme est axé sur une pratique structurée et étayée qui va de l’enseignement explicite à la découverte guidée. Le rôle de l’enseignant tend à être davantage celui d’un activateur. Il guide l’élève et stimule son engagement cognitif tout en vérifiant sa compréhension pour générer un retour d’information. Il vise à l’établissement de connaissances durables en mémoire à long terme.
Souvent considérées dans un rapport oppositionnel, voire conflictuel, ces deux approches ne sont pas monolithiques. Certains courants constructivistes, influencés par la psychologie cognitive en sont venus à intégrer plus d’étayage. Pour cette raison, nous en sommes venus à distinguer :
- L’apprentissage par la découverte pure qui présente une pratique autonome prédominante sans soutien ni assistance.
- L’apprentissage par la découverte guidée qui présente une pratique autonome prédominante avec étayage, soutien, suivi et assistance.
Dans un sens, la découverte guidée se trouverait entre découverte pure et enseignement explicite. Mais la réalité est plus complexe comme nous allons le développer. Selon une autre lecture que nous allons développer, la découverte guidée est l’aboutissement d’une démarche d’enseignement explicite.
Spécificités de la découverte guidée
Si les dimensions de la manipulation et de la communication interviennent dans le dynamisme de la découverte guidée, les notions de connaissances préalables et d’expertise sont cruciales pour permettre son efficacité et justifier de son utilisation.
Les effets de l’apprentissage par découverte guidée ont tendance à être positifs lorsque les élèves sont plus compétents et ont plus de connaissances. D’ailleurs avec ce profil d’élèves et de contenus enseignants, un enseignement explicite s’accélère et tend naturellement vers une plus large place laissée à la découverte guidée.
L’apprentissage par découverte guidée repose sur les mêmes fondements que l’enseignement explicite et se distingue de la découverte pure.
L’apprentissage par découverte guidée reconnaît les limites de la mémoire de travail et la nécessité de s’en accommoder pour construire des schémas en mémoire à long terme.
Le rôle du guidage par l’enseignant dans le processus de découverte guidée est particulièrement important. Il s’agit d’un moyen supplémentaire par lequel l’enseignant peut réduire la charge sur la mémoire de travail. Si l’enseignant fournit des principes directeurs, des informations préalables, des organisateurs graphiques, d’indicateurs, de l’étayage et de l’aide au besoin, la mémoire de travail est alors moins sollicitée et plus disponible pour l’apprentissage.
L’apprentissage par découverte guidée rejette la charge substantielle que la découverte pure impose à la mémoire de travail. Si une trop grande partie du processus reste indéfinie et incertaine, une trop grande part des ressources de la mémoire de travail doit alors être dirigée vers des processus potentiellement distrayants et non pertinents. Ceux-ci risquent d’entraîner une mauvaise interprétation, des conclusions inexactes, des ralentissements et un développement inadéquat des compétences.
Avec l’apprentissage par découverte guidée, les élèves ne sont pas privés de la possibilité de découvrir. Ayant acquis les compétences et la connaissance clés de la matière abordée, ces élèves sont bien placés pour s’engager dans le processus de découverte.
L’apprentissage, la motivation et l’engagement des élèves sont optimisés si l’enseignant joue à la fois le rôle d’activateur (par des approches explicites) et de facilitateur (par des approches de découverte guidée).
L’intégration de l’enseignement explicite et de la découverte guidée peut être harmonieux lorsque :
- Nous considérons toutes les étapes d’apprentissage impliquées nécessairement dans le passage du statut de novice à celui d’expert.
- La découverte guidée est un moyen d’aider à gérer la charge cognitive de l’apprenant dans ce processus.
La première étape consiste à développer les connaissances et les compétences requises dans la mémoire à long terme, ce qui permet de réduire la charge de la mémoire de travail. Les apprenants peuvent alors être encouragés à appliquer les connaissances et les compétences acquises de manière indépendante, nouvelle et créative.
La non-prise en compte de ces dimensions explique certaines tailles d’effet, faibles à modérées associées à l’apprentissage axé sur l’exploration et la découverte.
La question de l’expertise et de la maîtrise dans la découverte guidée
Après un modelage suffisant, une pratique guidée et une démonstration autonome de l’apprentissage, l’apprentissage par la découverte guidée joue un rôle essentiel, car il marque l’acquisition de la maîtrise par l’élève.
Ainsi, ayant dépassé le statut de novice, l’apprenant possède désormais les compétences et les connaissances requises pour s’engager dans des approches orientées vers la découverte, typiques de l’expert.
Ayant automatisé ces compétences et connaissances, la mémoire de travail n’est plus aussi sollicitée. La mémoire de travail des apprenants peut alors être utilisée pour appliquer les connaissances et les compétences (c’est-à-dire la mémoire à long terme) de manière potentiellement nouvelle et autodéterminée.
Une fois que les apprenants sont devenus experts, ils bénéficient davantage des approches de résolution de problèmes que des approches structurées et explicites de l’apprentissage :
- Si un élève sait comment résoudre un problème, le fait de lire un exemple résolu augmente la charge de sa mémoire de travail plutôt que de la soulager. C’est le principe d’inversion de l’expertise mis en évidence dans le cadre de la théorie de la charge cognitive. En effet, il est plus facile de résoudre le problème soi-même par la pratique (le mouvement) que de lire l’exemple travaillé.
- Pour les experts et les élèves qui ont maîtrisé la matière de base, les limites de la mémoire de travail sont atteintes moins rapidement que pour les novices et les élèves qui ne maîtrisent pas la matière enseignée. Par exemple, les effets d’attention partagée disparaissent au fur et à mesure que l’expertise et la maîtrise se développent.
- De même, les apprenants experts ne tirent pas profit de la présentation d’informations d’accompagnement en deux modalités. Ils sont capables d’apprendre efficacement par le biais d’une seule modalité. Par exemple, juste un diagramme ou juste une narration peuvent leur suffire (Sweller, 2012).
La question de la motivation et de l’engagement dans la découverte guidée
La découverte guidée est susceptible d’être bénéfique pour la motivation et l’engagement scolaires. L’apprentissage d’une compétence au stade de la maîtrise favorise la motivation et l’engagement ultérieurs (la volonté). L’auto-efficacité est susceptible d’être renforcée ou soutenue par les connaissances et les compétences scolaires développées par l’enseignement explicite suivi par la découverte guidée.
Les élèves qui ont un niveau élevé d’auto-efficacité génèrent des plans d’action alternatifs lorsqu’ils ne réussissent pas, fournissent plus d’efforts et de persévérance et s’adaptent mieux aux situations problématiques. En conséquence, ils ont tendance à obtenir de meilleurs résultats. La découverte guidée leur permet d’explorer ces dimensions.
Il existe une relation réciproque entre la motivation et l’engagement scolaires des élèves, d’une part, et leur apprentissage et leurs résultats scolaires. Une augmentation de la motivation peut accroître les ressources cognitives consacrées à une tâche et les bénéfices obtenus par une découverte guidée qui succède à un enseignement explicite.
L’association de l’enseignement explicite et de la découverte guidée est pertinente pour la réussite, pour la motivation et l’engagement des élèves. Elle constitue une opportunité supplémentaire de promouvoir la relation synergique et le renforcement mutuel entre la réussite et la motivation et l’engagement. Dans l’ensemble, les enseignants gagnent à reconnaître les propriétés motivantes et engageantes d’un enseignement clair, structuré et bien guidé, ainsi que le rôle qu’il joue dans l’apprentissage et la réussite des élèves.
Mis à jour le 22/10/2023
Bibliographie
Martin, A.J. (2016). Using Load Reduction Instruction (LRI) to boost motivation and engagement. Leicester, UK: British Psychological Society.
Paas, F. & Sweller, J. (2012). An evolutionary upgrade of cognitive load theory: Using the human motor system and collaboration to support the learning of complex cognitive tasks. Educational Psychology Review, 24, 27–45. doi.org/10.1007/s10648-011-9179-2
Ginns, Paul & Hu, Fang‐Tzu & Byrne, Erin & Bobis, Janette. (2015). Learning By Tracing Worked Examples. Applied Cognitive Psychology. 30. 10.1002/acp.3171.
Hu, Fang-Tzu & Ginns, Paul & Bobis, Janette. (2015). Getting the point: Tracing worked examples enhances learning. Learning and Instruction. 35. 10.1016/j.learninstruc.2014.10.002.
Macken, Lucy & Ginns, Paul. (2014). Pointing and tracing gestures may enhance anatomy and physiology learning. Medical teacher. 36. 10.3109/0142159X.2014.899684.
Hartanto, Tadeus & Krafft, Cynthia & Iosif, Ana-Maria & Schweitzer, Julie. (2015). A Trial by Trial Analysis Reveals More Intense Physical Activity is Associated with Better Cognitive Control Performance in Attention-Deficit/Hyperactivity Disorder. Child neuropsychology: a journal on normal and abnormal development in childhood and adolescence. 22. 1–9. 10.1080/09297049.2015.1044511.
Sweller, J. (2012). Human cognitive architecture: Why some instructional procedures work and others do not (pp.295—325). In K.R. Harris., S. Graham. & T. Urdan (Eds). APA educational psychology handbook. Washington: American Psychological Association. doi.org/10.1037/13273-011
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