(Photographie : Jordi Huisman)
Les enseignants peuvent être en mesure d’augmenter le niveau de défi présenté par des tâches entremêlées en introduisant davantage d’éléments similaires ce qui améliore l’apprentissage des élèves.
Des données probantes pour l’entremêlement
Les recherches portant sur l’entremêlement se sont principalement concentrées sur des problèmes mathématiques variés que les élèves résolvent de manière autonome en sélectionnant les stratégies de résolution appropriées. Ces problèmes peuvent être présentés aux élèves par le biais de logiciels, de feuilles d’exercices ou d’un enseignant qui suit un script.
Par rapport au bachotage ou au drill, il existe des preuves positives modérées que l’entremêlement peut être une stratégie efficace pour développer la capacité des élèves du deuxième cycle du primaire jusqu’au début du secondaire (8-14 ans). L’entremêlement peut les aider à sélectionner des méthodes appropriées pour résoudre des problèmes mathématiques.
Théoriquement, il n’y a aucune raison de penser que l’approche ne puisse pas être transférable d’une tâche à l’autre ou d’un sujet à l’autre. Cependant, actuellement, il existe peu ou pas de preuves de l’application de l’entremêlement à des matières autres que les mathématiques ou à des élèves plus jeunes ou plus âgés.
Le principe de l’entremêlement pourrait toutefois être utilisé pour l’apprentissage de différents styles artistiques par les élèves, d’éléments de grammaire en langues, ou pour la pratique des équations en physique ou en chimie. De même, l’entremêlement pourrait intervenir dans la préparation aux examens oraux en langues modernes étrangères où les élèves doivent être prêts à parler longuement d’un grand nombre de sujets et pour la langue maternelle.
Mécanisme de l’entremêlement
La pratique de la récupération, la pratique espacée et la pratique de l’entremêlement ont été très souvent utilisées de manière associée auprès des élèves.
L’entremêlement implique de séquencer les tâches de manière à ce que le contenu d’apprentissage soit entrecoupé de contenus ou d’activités légèrement (mais pas complètement) différents. Il s’oppose à la réalisation de tâches selon une approche continue et consécutive. Dans une approche continue, tous les élèves font les exercices de type A, puis ceux de type B et pour finir ceux de type C.
Par exemple : A - A' - A'' - A''' - A’’’’ puis B - B' - B' - B''' - B’’’’ puis C - C’ - C’’ - C’'' - C’’’’’
Au bout de quelques exercices d’un même type, les élèves n’ont plus besoin d’analyser l’énoncé, ils connaissent par défaut la stratégie à appliquer.
Dans une approche entremêlée, après avoir assimilé le principe de chaque type d’exercice, les élèves les réalisent dans un ordre aléatoire ce qui amène à les identifier avant de les résoudre. Ils ne sont plus obligés de lire l’énoncé attentivement.
Par exemple : A - A' - A'' puis B - B' - B'' puis C - C’ - C’’ puis A''' - C’'' - B''' - C’'' - A’’’’ - B’’’’
Lorsqu’ils passent à la partie entremêlée, les élèves ont besoin d’analyser l’énoncé pour déterminer les concepts, stratégies, procédures ou règles à appliquer, ils connaissent par défaut la stratégie à appliquer. Ils sont amenés à lire l’énoncé attentivement et à apprendre à l’analyser.
Tout en étant d’une certaine manière similaire à la pratique espacée, l’entremêlement implique de séquencer des tâches ou de contenu d’apprentissage les uns après les autres, qui partagent une certaine ressemblance de surface. À l’opposé, l’approche de la pratique espacée utilise des intervalles remplis d’activités sans rapport.
En réintroduisant de manière répétée les élèves dans des contenus ou des activités similaires en surface, mais différents en profondeur, l’entremêlement est censé aider à établir des comparaisons entre des éléments d’apprentissage connexes, mais distincts. En réalisant une série d’activités de cette manière, les élèves peuvent affiner leur capacité à sélectionner la méthode la plus appropriée pour répondre à certains types de questions.
L’entremêlement s’appuie sur l’utilisation d’intervalles espacés censés favoriser le stockage en mémoire à long terme, comme dans la pratique espacée. L’entremêlement ajoute surtout les avantages de l’établissement de comparaisons pour développer des schémas plus complexes qui prennent en compte les capacités de discrimination.
L’entremêlement améliore la flexibilité et l’adéquation des stratégies des élèves.
La variation dans les tâches permet de répondre à la nécessité de sélectionner activement les connaissances appropriées au problème ou à la tâche. Les élèves se familiarisent avec les différences entre les stratégies. Ils deviennent plus capables de discerner les subtilités. Ils sont plus confiants dans leur exécution des tâches. Ils font preuve de plus de discernement et de souplesse pour sélectionner et utiliser les stratégies pertinentes.
Plus les tâches sont similaires, plus les différences sont subtiles, plus la discrimination devient difficile. De cette manière, l’entremêlement d’éléments similaires, mais différents peut constituer une difficulté souhaitable.
Il existe un domaine de la littérature de recherche en éducation dans lequel des idées très similaires sont explorées. C’est la théorie de la variation.
L’entremêlement est particulièrement opportun dans des domaines qui demandent de mobiliser des règles ou des formules et d’appliquer des procédures qui changent en fonction du contexte.
Mise en œuvre de l’entremêlement
Par exemple, prenons la situation ou un enseignant modélise le concept de fractions dans une classe. L’enseignant a pour habitude de vérifier régulièrement la compréhension, car cela permet d’identifier les points à améliorer et les lacunes dans la compréhension. Pour s’assurer que ses élèves doivent réfléchir sérieusement à la manière de résoudre les fractions, l’enseignant entremêle les problèmes avec différents numérateurs et dénominateurs. Ces problèmes demandent aux élèves de mobiliser des stratégies adéquates différentes d’une fois à l’autre.
Certaines données de la recherche suggèrent que l’entremêlement est bien adapté aux tâches de résolution de problèmes et aux tâches mathématiques où les élèves sélectionnent des stratégies pour générer des solutions. Mais il y a tout lieu de penser que ces avantages vont au-delà du choix de la stratégie en mathématiques qu’on retrouve d’ailleurs en sciences et en économie.
L’enseignant demande à ses élèves d’identifier les variations subtiles entre différents types de problèmes. Il peut ainsi ancrer l’apprentissage et améliorer la capacité des élèves à choisir des stratégies appropriées pour résoudre des fractions à l’avenir.
Il est possible que plus les éléments entrelacés sont similaires, plus les élèves doivent réfléchir pour les différencier, ce qui augmente le niveau de difficulté. Au fur et à mesure que les élèves deviennent plus capables de discerner les différences entre les tâches et de sélectionner les stratégies appropriées, il peut être judicieux d’entrelacer davantage de problèmes similaires. Cela devrait exiger le développement de capacités de discrimination plus nuancées.
Certains enseignants craignent de perturber les élèves par l’entremêlement de tâches, en particulier ceux dont le niveau est faible. De fait, ils peuvent se sentir plus à l’aise en compartimentant leurs connaissances.
Éliminer l’entremêlement est très risqué. Toutefois, il est possible que certains élèves aient besoin d’une solide connaissance de base du contenu de l’apprentissage avant de pouvoir effectuer des comparaisons efficaces entre des tâches ou des concepts imbriqués. Ce sera particulièrement le cas si ce contenu a été initialement couvert dans une unité de travail antérieure.
Pour favoriser l’apprentissage lié à l’entremêlement, il est utile que l’enseignant vérifie préalablement la capacité des élèves à utiliser les différentes stratégies avant de tester la discrimination.
Éventail d’activités propices à l’entremêlement
Un large éventail d’activités et de stratégies constitue la base de la pratique de l’entremêlement :
- L’enseignant peut disposer d’une banque de questions classées par thème susceptibles d’être mobilisées en classe pour un questionnement aléatoire et qui répondent aux spécifications du programme. L’enseignant peut les mobiliser en choisissant les sujets susceptibles d’être intercalés avec celui en cours.
- L’enseignant peut utiliser la pratique de l’entremêlement dans les quiz d’entrée, les tickets de sortie, durant la pratique autonome, dans les devoirs ou dans les évaluations formatives qu’il soumet à ses élèves.
- L’enseignant peut utiliser l’entremêlement lors des révisions, de la remédiation, lors de toutes les activités de pratique de récupération.
- Les erreurs générées lors de la pratique de l’entremêlement offrent à l’enseignant l’opportunité de fournir une rétroaction ciblée et spécifique. Elle permet de diagnostiquer aisément des confusions ou un manque de profondeur dans la compréhension des élèves.
Mis à jour le 21/10/2023
Bibliographie
Perry, T., Lea, R., Jørgensen, C. R., Cordingley, P., Shapiro, K., & Youdell, D. (2021). Cognitive Science in the Classroom. London: Education Endowment Foundation (EEF). The report is available from: https://educationendowmentfoundation.org.uk/evidence-summaries/evidence- reviews/cognitive-science-approaches-in-the-classroom/
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