mercredi 30 novembre 2022

L’utilisation des problèmes résolus dans la perspective d’un enseignement explicite

Les données relatives de la recherche liées aux stratégies visant à optimiser la charge cognitive sont susceptibles de nous permettre d’améliorer la qualité de l’enseignement de la résolution de problèmes.

(Photographie : Miet Van Hee)


L’étude des problèmes résolus est une stratégie pédagogique qui vise à optimiser la charge de la mémoire de travail dans le cadre de l’apprentissage de la résolution de problèmes.



Modes d’utilisation pédagogique des problèmes résolus


Un facteur clé pour gérer la charge cognitive dans le cadre de l’apprentissage de la résolution de problèmes est l’étude de problèmes résolus. 

La mise en œuvre de l’étude de problèmes résolus peut prendre deux formes :
  • L’enseignement explicite : pilotée par l’enseignant, cette démarche pédagogique inclut modelage, pratique guidée et pratique autonome. Elle est adaptée lorsque les élèves sont novices et lorsque les contenus sont nouveaux et complexes. 
  • La découverte guidée : utilisée d’emblée dans le cadre d’une pratique autonome ou collaborative, elle inclut l’étude de problèmes résolus ou l’utilisation de procédures détaillées, avec l’étayage de l’enseignant. Elle est adaptée lorsque les élèves ont déjà une certaine expertise dans le domaine, ou lorsque les contenus sont déjà connus ou simples.
Typiquement, l’étude de problèmes résolus est utile lorsque nous présentons à des élèves dans la cadre de la résolution de problèmes une grande quantité d’informations complexes. Nous leur demandons de suivre une série d’étapes dans la résolution de problèmes pour optimiser la charge cognitive et faciliter leurs apprentissages. 

Dans tous les cas, l’étude de problèmes résolus consiste à fournir au départ aux élèves la démonstration d’une tâche étape par étape, ou partie par partie. Nous précisions le produit requis (réponses ou résultats) et le processus d’exécution de la tâche. Les problèmes résolus sont souvent accompagnés de notes explicatives, de définitions ou de rappels, et parfois d’incitations à la réflexion ou à l’auto-explication. 

Ces différentes démarches aident les élèves à appliquer et à développer leurs connaissances et compétences en résolution de problèmes. 

Cette démarche est appropriée pour l’apprentissage avec une structure définie, étape par étape. Dans l’enseignement secondaire, les problèmes résolus sont principalement utilisés en sciences et en mathématiques. 

Il est également possible de fournir des exemples de problèmes incomplets ou partiellement incorrects afin d’augmenter le défi et d’atténuer l’aide fournie. 

Dans tous les cas, les élèves gagnent à recevoir des incitations à l’auto-explication sur les problèmes résolus.



Des compétences génériques de résolution de problèmes  


Nous pouvons partir d’une question. La charge cognitive de la résolution de problèmes non guidée pour les novices pourrait-elle être gérée par le développement de compétences de résolution de problèmes génériques ou spécifiques à une matière (par exemple, les mathématiques) ? 

Un obstacle à une réponse affirmative est que les connaissances ou compétences indépendantes du domaine ou du problème ont une valeur limitée. Chaque problème (substantiel) nécessitant de mobiliser des connaissances préalables spécifiques au domaine ou au problème. 

Par conséquent, enseigner aux élèves une stratégie générale de résolution de problèmes est utile, mais n’est pas suffisant pour gérer et optimiser l’apprentissage de tâches complexes. C’est grâce à des schémas mieux établis que les apprenants plus avancés peuvent résoudre des problèmes complexes et en tirer profit. 

La capacité des apprenants avancés à mobiliser des connaissances bien développées et connectées (c’est-à-dire des schémas) dans le cadre de la résolution du problème est primordiale. C’est ce qui permet à leur mémoire à long terme et à leur mémoire de travail d’être utilisées en combinaison pour accomplir la tâche.

En l’absence de schémas établis (chez un novice), l’apprenant ne parviendra pas à s’orienter dans la tâche et une charge cognitive élevée empêchera un apprentissage efficace ou significatif. À mesure que les schémas se développent, le soutien devient de moins en moins nécessaire et de moins en moins souhaitable.



Construction de schémas par l’étude de problèmes résolus


Dans la perspective d’une mémoire de travail limitée pour les informations nouvelles et d’une mémoire à long terme dans laquelle les schémas sont aisément activables, l’étude de problèmes résolus constitue une solution idéale.

Cette approche offre aux élèves un moyen de structurer et de travailler sur des tâches complexes, en s’intéressant à chaque aspect à tour de rôle, sans être submergés. De plus, les problèmes résolus mettent les élèves en position de se familiariser progressivement avec les procédures, les règles et les connaissances spécifiques constitutives, afin de les incorporer au sein de schémas dans leur mémoire à long terme. 

Comme le disent Kirschner et Hendrick (2020), l’objectif de l’enseignement n’est pas de faire en sorte que les apprenants cherchent et découvrent des informations. Il est plutôt de leur apporter un soutien spécifique pour les guider sur la manière de manipuler cognitivement les informations de façon cohérente avec un objectif d’apprentissage, et de stocker le résultat dans leur mémoire à long terme. 



Les contenus de l’espace problème


L’espace problème représente le domaine d’exploration qui s’ouvre au départ d’un énoncé.

Dans l’espace problème, un certain nombre de voies sont explorables, dépendant des représentations de l’élève, de l’état initial et du but ainsi que de ses connaissances. 

Un problème est un défi pour un élève, il doit déterminer :
  • Quelles informations sont pertinentes pour un espace problème et leur pertinence ?
  • Quelles connaissances et compétences sont nécessaires pour manipuler les données de manière cohérente avec un objectif d’apprentissage ?
  • Quelles stratégies de résolution de problèmes mobiliser provenant de domaines connexes, mais non identiques (comme la même matière) ?
  • Quelles compétences de résolution de problèmes génériques et indépendantes du domaine sont nécessaires (même si elles sont non suffisantes) ?

Plutôt qu’une opposition entre compétences spécifiques et compétences générales, il s’agirait plutôt de considérer un degré de spécificité des compétences mobilisées dans une résolution de problèmes. Des compétences au domaine d’application large sont indispensables, mais non suffisantes, des compétences spécifiques au domaine précis sont par contre indispensables.

Il existe cependant un large continuum entre la résolution de problèmes non guidée et la résolution de problèmes guidée. Ce continuum recouvre celui de l’apprentissage, entre des élèves novices complets avec des schémas sous-développés et des élèves plus avancés sur la voie de l’expertise avec des schémas bien développés. Les enseignants doivent naviguer dans cette zone grise et placer intelligemment le curseur dans des classes hétérogènes. Ils doivent également viser à diminuer cette hétérogénéité et éviter son accroissement. 



Données probantes liées à l’étude de problèmes résolus


Un grand nombre d’études montrent que l’utilisation d’exemples concrets et de problèmes résolus peut avoir un impact positif sur les résultats d’apprentissage. Toutefois, ces données présentent d’importantes limites. Aucune étude n’a été trouvée pour tester leur utilisation en dehors des mathématiques et des sciences. Bien que les principes puissent être transférables, nous n’avons aucune preuve de leur application en dehors de ces matières. Les preuves sont également très axées sur les élèves du secondaire. 


Un exemple d’enseignement explicite de la résolution de problèmes en chimie


Lorsqu’il enseigne à sa classe la résolution d’un problème stœchiométrique, un enseignant en chimie montre comment organiser les informations d’une question sous forme d’une structure de tableau. Cette structure systématique permet de décomposer les étapes du calcul global sous forme d’une procédure standard. Il s’assure que ses élèves effectuent chaque étape dans le bon ordre. L’enseignant modélise toujours comment utiliser correctement cette procédure lorsqu’il l’enseigne aux élèves. 

Les exemples de résolution fournissent aux élèves une démonstration étape par étape, ou partie par partie, d’une tâche. Cette démonstration indique clairement le produit requis (c’est-à-dire les réponses ou les résultats) et le processus d’exécution de la tâche. Ils comprennent souvent des diagrammes qui illustrent chaque étape. 

Il leur est ensuite demandé en pratique guidée de résoudre un exercice similaire en appliquant la même procédure. Pour ce faire, une stratégie utilisant des problèmes à compléter est utile. Nous commençons par demander aux élèves de résoudre la dernière étape puis nous ajoutons étape par étape à partir de la fin jusqu’à demander aux élèves de résoudre des problèmes complets.

Ce modelage et cette pratique guidée sont liés à la théorie de la charge cognitive, car il peut aider les élèves à appliquer leur compréhension et leurs connaissances sans surcharger leur mémoire de travail. 

Leur mémoire de travail risquerait probablement d’être surchargée si nous demandions à nos élèves de résoudre des problèmes complets alors qu’ils commencent à comprendre une approche.

Cette approche procédurale, étape par étape et très étayée est appelée à s’alléger et à s’estomper peu à peu. Le niveau d’explication fourni par les exemples est progressivement réduit. Dans certaines circonstances, les élèves reçoivent des problèmes résolus incorrects et sont invités à identifier les erreurs dans le processus.


Un exemple en géométrie de résolution de problèmes par découverte guidée


Un cas classique d’utilisation des problèmes résolus a été abordé par Youssef-Shalala et ses collègues (2014) en géométrie. Ils ont fourni des problèmes par paires avec une approche qui demandait aux élèves d’en étudier un puis d’en résoudre un. Le premier problème de chaque paire était un exemple résolu, avec solution et instructions, et la résolution complète du second était laissée à la charge de l’élève. 

Lorsque l’expertise des élèves augmente, l’étayage fourni par les problèmes résolus peut être peu à peu retiré.



Renversement de l’expertise


La structure et le soutien fournis par les problèmes résolus et leur modelage, qui semblent profiter aux élèves dans un domaine peu familier et complexe, peuvent devenir superflus, voire nuisibles, à mesure qu’ils se familiarisent avec le problème. 

Il est important de prêter une attention particulière à la compréhension préalable de l’élève et aux progrès qu’il réalise. 

Lorsque l’expertise des élèves augmente, il est intéressant de passer d’un enseignement explicite à une découverte guidée.




Adéquation des problèmes résolus avec l’objectif d’apprentissage


Un autre défi identifié autour de la gestion de la charge cognitive est lié aux nombreux contenus existants, dans les manuels scolaires habituels. Ils adoptent régulièrement des formats de présentation susceptibles de diviser l’attention et de surcharger la mémoire de travail des élèves. 

Il faut trouver un équilibre entre la décomposition de l’information en étapes ou en morceaux gérables et le regroupement du contenu connexe au même endroit pour éviter de diviser l’attention. 

Lorsque les supports pédagogiques sont médiocres, il peut être difficile pour les enseignants d’avoir la capacité de concevoir des problèmes résolus qui n’introduisent pas de conceptions erronées ou qui sont bien adaptés au contenu. Ils ne doivent pas contenir d’éléments de conception superflus qui surchargent inutilement la mémoire de travail.

L’un des principaux défis identifiés dans le cadre de l’utilisation d’exemples concrets est de s’assurer que l’exemple lui-même est de haute qualité. Il ne peut introduire de nouvelles conceptions erronées, à moins qu’il ne soit spécifiquement conçu pour faciliter leur identification et leur prévention. 



Problèmes incorrects et conceptions erronées


La théorie générale liée à l’étude de problèmes résolus suggère que lorsque les apprenants commencent à développer des connaissances dans un domaine, les exemples de problèmes incomplets et erronés peuvent augmenter en difficulté et améliorer l’apprentissage. Les résultats de la recherche sont largement en faveur de ce principe en mathématiques et en sciences dans le secondaire.

Il est prouvé que le fait d’utiliser des exemples de résolution incorrects et de demander aux élèves d’identifier et de corriger les erreurs peut avoir un impact positif sur la progression de l’apprentissage. 

Cependant, un facteur clé identifié est l’adéquation entre les niveaux d’apprentissage antérieur et la stratégie. 

Les stratégies consistant à demander aux élèves d’identifier les problèmes à partir d’exemples incorrects doivent être soigneusement adaptées aux connaissances préalables des élèves. Plusieurs études ont montré que ces approches avaient des effets positifs pour les élèves avancés, mais des résultats mitigés pour les élèves ayant un faible niveau d’acquisition de connaissances préalables. Ils sont susceptibles d’apprendre des erreurs à ces derniers.


Mis à jour le 27/10/2023

Bibliographie


Perry, T., Lea, R., Jørgensen, C. R., Cordingley, P., Shapiro, K., & Youdell, D. (2021). Cognitive Science in the Classroom. London: Education Endowment Foundation (EEF). The report is available from: https://educationendowmentfoundation.org.uk/evidence-summaries/evidence- reviews/cognitive-science-approaches-in-the-classroom/ 

Youssef-Shalala, A., Ayres, P., Schubert, C., & Sweller, J. (2014). Using a general problem-solving strategy to promote transfer. Journal of Experimental Psychology: Applied, 20(3), 215.

Kirschner, P. A. and Hendrick, C. (2020) How Learning Happens: Seminal Works in Educational Psychology and What They Mean in Practice, Routledge.

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