Comment l’enseignement explicite permet d'augmenter le sentiment de contrôle des élèves par le modelage et la rétroaction

Nous avons présenté dans deux articles l’approche LRI qui combine enseignement explicite et découverte guidée, et la roue de la motivation et de l’engagement qui propose un modèle de synthèse de théories majeures concernant la motivation. Tous deux ont été élaborés par Andrew J Martin.

(Photographie : Eirik Johnson)

L’objet de cet article est de continuer à explorer ses travaux en rapportant son analyse nuancée de la manière dont les deux sont liés. Nous prenons chaque fois un facteur clé de la motivation ou de l’engagement inadaptés et analysons comment il est lié à l’enseignement explicite ou à la découverte guidée.

Ces liens proposés par Andrew J Martin sont indicatifs et suggestifs, et non prescriptifs ou définitifs. 

Nous allons maintenant explorer les facteurs liés au sentiment de contrôle.

Le sentiment de contrôle

Le sentiment de contrôle (Oubrayrie et coll., 1996) représente chez un individu, la propension à :

• Exercer un contrôle effectif sur son environnement
• Contrôler les résultats de ses actions
• Éprouver comme illusion nécessaire un sentiment de contrôle (comme illusion nécessaire) sur son environnement et les événements.

Le sentiment de contrôle permet de vaincre un sentiment de doute, d’impuissance ou d’insécurité. Il s’oppose à ce qu’on appelle le contrôle incertain.

Le contrôle incertain reflète l’incertitude des élèves quant à :

• La bonne manière d’effectuer une tâche.
• L’incertitude quant à la réussite et à la portée de leurs efforts.
• Le manque d’autonomie perçue face à la réalisation des tâches.
• Le sentiment d’impuissance qui peut résulter de l’incertitude et du manque d’autonomie.

Une intervention motivationnelle visant à promouvoir un sentiment de contrôle implique d’encourager les élèves à voir le lien entre leurs résultats scolaires et deux éléments contrôlables de leur travail scolaire que sont :

• Leurs efforts déployés.
• Leurs stratégies mobilisées.

Le sentiment de contrôle peut être renforcé en fournissant une rétroaction de manière efficace et cohérente. Il s’agit souvent d’une rétroaction sur le travail des élèves, basé sur les tâches, qui indique clairement comment ils peuvent s’améliorer.

Différentes stratégies liées à l’enseignement explicite et à la découverte guidée dans le cadre du modèle LRI sont efficaces pour :

• Donner aux élèves une meilleure idée de la manière d’accomplir les tâches.
• Soutenir l’autonomie des élèves.
• Délivrer une rétroaction visant à améliorer la clarté et les performances. 

Les deux approches abordées plus spécifiquement ici sont la présentation de productions exemplaires et la rétroaction.

L’exemple de l’enseignement explicite de la prise de notes

Par exemple, DeRuvo (2009) suggère un enseignement explicite pour apprendre aux élèves à prendre des notes en classe par le modelage suivant :

1. L’enseignant donne une instruction de cinq minutes sur un concept tandis que les élèves écoutent sans prendre de notes.
2. Il distribue alors un exemple de page de notes qui montre quelles informations ont été notées. Il explique également comment des élèves dans une situation similaire à la leur ont pu les encoder rapidement et avec précision. 
3. L’enseignant présente ensuite à nouveau l’enseignement de cinq minutes, mais plus lentement. Pendant ce temps, les élèves observent, suivent et analysent les notes sur la page. Au cours de cet enseignement, les élèves peuvent également observer comment utiliser des symboles et des raccourcis pour certains mots courants.
4. Une liste de vérification peut être donnée aux élèves incluant un tableau reprenant les raccourcis liés à des mots clés.

Les élèves s’engagent alors dans une pratique guidée avec des exercices assignés, suivie d’une pratique autonome ou coopérative. 

L’enjeu est que les élèves s’exercent, mémorisent et automatisent dans leur mémoire à long terme les règles et procédures associées à une prise de notes efficace.

La présentation de productions exemplaires pour soutenir le sentiment de contrôle des élèves

L’enseignement explicite vise à lever le mystère sur ce qu’est une bonne production, et sur la manière dont elle peut être réalisée. 

Les enseignants ont de nombreuses occasions d’illustrer des exemples de bonnes pratiques et de présenter des productions exemplaires issues d’élèves antérieurs. Ces démarches peuvent apporter de la clarté aux élèves et renforcer leur sentiment de contrôle sur une tâche. 

Ce processus d’enseignement qui inclut l’usage de productions exemplaires permet d’accroitre le sentiment de contrôle des élèves.

Par ce processus, nous leur montrons comment mobiliser une stratégie scolaire de base (par exemple ici la prise de notes) en l’automatisant pour une application future. 

Cette approche d’acquisition de stratégies de contrôle n’est pas incompatible avec les suggestions de la théorie de l’autodétermination. La théorie de l’autodétermination identifie l’importance de la structure d’assistance dans la promotion d’environnements favorables à l’autonomie qui, à leur tour, favorisent le sentiment d’autonomie des élèves et un indicateur du contrôle perçu.

Sierens et ses collègues (2009) ont constaté que l’interaction entre la structure et le soutien à l’autonomie (structure élevée, soutien à l’autonomie élevé) entraîne un engagement accru. Cela suggère une importante synergie entre la structure, la motivation et l’engagement. 

La mise en valeur de production exemplaire peut également impliquer que les élèves les étudient de près.

Concrètement, les enseignants peuvent fournir à tous les élèves une copie d’un excellent travail (anonymisé) de l’année précédente. L’enseignant consacre ensuite du temps à l’analyse de chaque section, en identifiant pourquoi et comment la production observée a été réalisée de manière exemplaire. 

L’enseignant peut ensuite présenter un exemple de production partiellement réalisée et demander aux élèves de le compléter pour mettre en pratique les éléments clés. Le sentiment de contrôle est renforcé par la présentation d’un bon travail et par le retrait progressif de l’étayage. Cela passe également par l’identification des éléments clés d’un bon travail et l’engagement des élèves dans une pratique délibérée qui aide à automatiser les compétences impliquées. 

Le rôle de la rétroaction dans le soutien du sentiment de contrôle des élèves

La rétroaction représente une part importante du modèle de l’enseignement explicite ou de la découverte guidée. Elle représente un moyen important de soutenir le développement du sentiment de contrôle des élèves. 

Le retour d’information (ou rétroaction) conduit à une meilleure performance et une meilleure motivation s’il s’emploie à :

• Délivrer des informations diagnostiques sur l’exactitude d’une réponse.
• Indiquer clairement les éléments dont il faut maintenir et renforcer la maîtrise pour la suite et ce que l’élève devra améliorer lors des tâches ultérieures similaires.

Les résultats sont encore optimisés lorsque la fourniture d’un retour d’information correspond à la volonté et à la capacité de l’apprenant à recevoir et à agir en fonction de ce retour d’information (Algiraigri, 2014). La rétroaction doit correspondre au niveau de l’élève et doit être mobilisée par celui-ci.

Nous pouvons considérer le lien positif entre la rétroaction et le sentiment d’autonomie des élèves comme un indicateur du contrôle perçu. Sierens et ses collègues (2007) ont suggéré que le retour d’information peut être un autre moyen de promouvoir l’autonomie des élèves. 

Les enseignants qui intègrent une structure de rétroaction appropriée dans leurs cours ont tendance à le faire de deux manières :

• Premièrement, ils s’assurent que leur rétroaction est pertinente en fonction des intentions d’apprentissage et des critères de réussite visés dans leur matière. 
• Deuxièmement, leur retour d’information communique une confiance dans la capacité des élèves à réaliser des tâches et des activités d’apprentissage ultérieures. 

Ces deux manières illustrent comment la rétroaction possède également une dimension prospective essentielle.

De multiples usages de la rétroaction en fonction des apprenants pour soutenir leur sentiment de contrôle

Le retour d’information immédiat est idéal durant les premières phases d’enseignement. Le retour d’information différées devient intéressant dans les dernières phases de l’enseignement. Nous devons immédiatement nous assurer de la compréhension des élèves. Le développement d’une maîtrise durable implique souvent des actions différées et distribuées dans le temps. L’élève poursuit son apprentissage autonome en dehors de l’école en fonction de ses besoins et reçoit des opportunités de récupération de ses connaissances en classe.

L’objectif est de créer une plus grande clarté sur la performance de l’apprenant dans une tâche et de fournir une plus grande clarté sur la façon d’exécuter des tâches ultérieures similaires. Ce faisant, les apprenants développent un sentiment de contrôle accru sur leurs apprentissages.

 

Différents types d’apprenants demandent différentes manières d’administrer le retour d’information comme l’a montré l’étude de Schute (2008) : 

• Pour les apprenants très performants, un retour différé, un retour facilitateur (et non directif) ou un retour de vérification (c’est-à-dire pour savoir s’ils sont sur la bonne voie) peuvent être appropriés. 
• Pour les apprenants peu performants : un retour immédiat, un retour spécifique, un retour directif ou correctif, un retour étayé par du soutien, et un retour élaboré (c’est-à-dire, exprimant pourquoi ils sont corrects) sont plus appropriés. 

Rosenshine (2009) a également suggéré comment la rétroaction peut être utile pour la différenciation en classe :

• Si un élève est correct et confiant, l’enseignant peut répondre « très bien » et passer à autre chose pour maintenir l’élan de la pratique et le développement de l’automaticité. 
• Si l’élève est correct, mais hésitant, ou s’il a des antécédents de difficultés, l’enseignant peut confirmer que la réponse est correcte. Il peut aussi fournir un retour sur le processus qui explique comment ou pourquoi la réponse est correcte. 
• Pour les élèves qui ont fait une erreur ou qui ont continuellement des difficultés, l’enseignant peut non seulement fournir un retour d’information, mais aussi simplifier la question, donner des conseils et des astuces, ou réapprendre la matière.

En somme, la rétroaction fournit aux élèves des informations diagnostiques importantes sur ce qu’ils ont fait. Elle met en évidence les connaissances et les compétences à maintenir pour l’avenir, et ce qui doit être amélioré dans les tâches suivantes. Ce faisant, elle apporte aux élèves une clarté et une orientation qui sont importantes pour promouvoir le contrôle perçu.

Mis à jour le 18/10/2023

Bibliographie

Martin, A.J. (2016). Using Load Reduction Instruction (LRI) to boost motivation and engagement. Leicester, UK: British Psychological Society. 

Oubrayrie N., Lescarret O., De Léonardis M. Le contrôle psychologique et l'évaluation de soi de l'enfance à l'adolescence. In: Enfance, n°3, 1996. pp. 383-403. DOI : https://doi.org/10.3406/enfan.1996.3033

DeRuvo, S.L. (2009). Strategies for teaching adolescents with ADHD: Effective classroom techniques across the content areas. San Francisco: Jossey-Bass. 

Algiraigri, A.H. (2014). Ten tips for receiving feedback effectively in clinical practice. Medical Education Online, 19. doi.org/10.3402/meo.v19.25141 

Sierens, E., Vansteenkiste, M., Goossens, L., Soenens, B. & Dochy, F. (2009). The synergistic relationship of perceived autonomy support and structure in the prediction of self‐regulated learning. British Journal of Educational Psychology, 79, 57–68. doi.org/10.1348/000709908X304398 

Rosenshine, B.V. (2009). The empirical support for direct instruction. In S. Tobias & T.M. Duffy (Eds). Constructivist instruction: Success or failure? New York: Routledge. 

Schute, V.J. (2008). Focus on formative feedback. Review of Educational Research, 78, 153–189. doi.org/10.3102/0034654307313795