lundi 31 octobre 2022

Liens entre l’enseignement explicite, la découverte guidée et l’autonomie des élèves

Comment l’enseignement peut-il soutenir les compétences en matière d’autonomie des élèves ?

(Photographie : Jordan Small)




Nous avons présenté dans deux articles l’approche LRI qui combine enseignement explicite et découverte guidée, et la roue de la motivation et de l’engagement qui propose un modèle de synthèse des théories majeures concernant la motivation. Tous deux sont le fruit de la réflexion d’Andrew J Martin.

L’objet de cet article est de continuer à explorer ses travaux en rapportant son analyse nuancée de la manière dont les facteurs de la motivation et de l’enseignement sont liés. Nous prenons chaque fois un facteur clé de la motivation ou de l’engagement et observons comment il est lié à des éléments de l’approche LRI.

Ces liens proposés par Andrew Martin sont indicatifs et suggestifs, et non prescriptifs ou définitifs. 

Le quatrième facteur traité est lié à l’engagement adaptatif des élèves et plus précisément aux compétences en matière de planification et de gestion des tâches. 



Importance des compétences en planification et gestion des tâches pour les élèves


La planification des tâches scolaire et la gestion qui l’accompagne sont étroitement liées aux compétences d’apprentissage autorégulé des élèves, autrement dit à leur autonomie.

Différentes compétences liées à la planification et à la gestion des tâches scolaires, qui relèvent de l’autorégulation, reposent sur la capacité des élèves à :
  • Organiser leur travail scolaire en fonction des échéances
  • Distribuer leur apprentissage dans le temps de manière appropriée
  • Identifier et suivre les étapes de l’apprentissage telles que planifiées
  • Contrôler la qualité de son travail
  • S’adapter en fonction des besoins identifiés

La pratique mentale, la pratique guidée et l’étude des problèmes résolus sont prises en compte pour leur soutien au développement de ces compétences. Ce sont des éléments de l’enseignement explicite ou de la découverte guidée (dans le cadre de l’approche Load Reduction Instruction) susceptibles d’améliorer la planification et la gestion des tâches par les élèves. 



L’importance du soutien à la pratique mentale pour le développement de l’autonomie


Le processus de pratique mentale correspond à ce qui a été défini comme effet d’imagination dans le cadre de la théorie de la charge cognitive. Il est lié de même à l’exercice d’une pratique délibérée. 

Dans le cadre d’une pratique mentale, nous demandons demande aux élèves, qu’ils s’imaginent, s’expliquent ou se répètent mentalement un concept ou une procédure. 

La répétition mentale se déroule dans la mémoire de travail. Ce processus facilite le transfert des informations vers la mémoire à long terme. Il contribue à construire et à automatiser les schémas de la mémoire à long terme.

Dans une étude (Sweller, 2012), des chercheurs ont demandé à deux groupes d’étudiants d’étudier un exemple concret. Puis ils leur ont demandé à un des deux groupes de se détourner de cet exemple et de le répéter dans leur esprit. Le processus a révélé que ces étudiants obtenaient de meilleurs résultats que ceux qui étudiaient des exemples concrets sans être invités à réfléchir mentalement aux concepts et processus. 

La capacité de planification et de gestion des tâches repose sur la capacité de l’élève à se représenter mentalement les différentes demandes qui lui sont faites. Cette représentation mentale peut impliquer les composants d’une tâche particulière ou les parties clés d’un programme d’activités.

La mesure dans laquelle les apprenants sont capables de suivre leurs progrès dépendra en grande partie de la façon dont les représentations qui y correspondent sont stockées dans leur mémoire à long terme. 

Le soutien à l’exercice de la pratique mentale des élèves par l’enseignant peut être un moyen idéal de les aider à mieux se représenter mentalement ce qu’ils doivent faire et les étapes pour y parvenir. Ces démarches sont essentielles pour la planification et le suivi du point de vue de la motivation et de l’engagement. Si les élèves développent ces connaissances et ces compétences lors d’une pratique mentale réalisée en classe, ils deviennent plus susceptibles de la mobiliser durant leur apprentissage autonome par la suite.



L’apport de l’étude de problèmes résolus pour le développement de l’autonomie


L’étude de problèmes résolus consiste à présenter une nouvelle matière à des élèves à l’aide d’exemples de travaux réalisés qui montrent comment un problème particulier peut être résolu ou comment une tâche complexe peut être accomplie. 

Dans le cadre d’un enseignement explicite, les enseignants ne demandent pas à leurs élèves de résoudre des problèmes nouveaux d’emblée. Au contraire, les enseignants demandent aux élèves d’étudier de nombreux exemples concrets montrant comment résoudre les différents types de problèmes. 

Les recherches montrent que l’étude de problèmes résolus aide les apprenants à acquérir des schémas. Ils peuvent ensuite mobiliser et appliquer ces schémas pour résoudre des problèmes rapidement et efficacement.

Les problèmes résolus peuvent inclure :
  • Des tâches mathématiques entièrement résolues et explicitées
  • Des tâches complexes dans des cours littéraires dont les démarches sont décomposées
  • Des rapports de laboratoire en sciences où les exigences de chaque étape sont détaillées
  • Etc.

Au fur et à mesure que l’apprentissage se développe, l’apprenant se voit présenter des problèmes partiellement résolus (de la fin vers le début) qu’il doit compléter de manière autonome. Cela correspond à l’effet d’achèvement du problème dans le cadre de la théorie de la charge cognitive.

Au terme de l’apprentissage, des problèmes résolus ne sont plus proposés et les apprenants sont prêts pour des tâches et des résolutions de problèmes complètes, ce qui est en soi une opportunité de découverte guidée. Ils disposent à ce stade de toutes les connaissances et de toutes les procédures nécessaires pour résoudre des problèmes dans le domaine considéré.

Il est également possible que les apprenants plus avancés (experts) n’aient pas besoin d’une confrontation aussi développée avec des problèmes résolus. Ils peuvent étudier un seul exemple de problème résolu avant de passer à un exemple partiellement résolu ou à un énoncé problème seul. Cela correspond à ce que la théorie de la charge cognitive décrit comme étant l’effet d’inversion de l’expertise.

L’effet d’évanouissement de l’étayage (guidance fading effect) est apparent lorsque nous passons progressivement de problèmes résolus, à des problèmes à compléter pour aboutir à des problèmes à résoudre. Nous retirons progressivement l’étayage au fur et à mesure que les apprenants développent les connaissances nécessaires. Ce retrait progressif amène les apprenants à réaliser eux-mêmes une plus grande partie du problème pour prolonger leur apprentissage. Ils prennent de plus en plus la responsabilité de résoudre des problèmes de manière autonome dans un domaine spécifique. 

La recherche a également mis en évidence l’efficacité de demander aux élèves de s’expliquer ce qu’ils font ou les raisons pour lesquelles ils ont choisi une réponse particulière dans la cadre de problèmes partiellement résolus.

Demander des auto-explications lors d’un problème à compléter permet de tirer parti de la charge cognitive réduite et de la capacité cognitive libérée et créée par le problème partiellement résolu.

C’est ce que nous appelons l’auto-explication ou le principe de réflexion. L’adoption de cette démarche aide les apprenants à relier le nouvel apprentissage aux connaissances antérieures dans la mémoire à long terme.

Les problèmes résolus sont efficaces pour améliorer la mémoire à long terme et alléger la charge de la mémoire de travail lors de l’apprentissage de nouvelles informations ou tâches. Ils apparaissent également efficaces pour promouvoir la planification, le suivi et la gestion des tâches.

Plus précisément, les problèmes résolus permettent :
  • D’identifier explicitement les composantes d’une tâche complexe ou d’un problème que l’élève devra planifier dans son accomplissement autonome au terme des apprentissages.
  • De mettre l’accent sur les éléments qu’il est important de contrôler afin de rester dans le cadre d’une résolution réussie de la tâche complexe ou du problème.
  • De donner une idée plus claire des composantes et des processus impliqués afin de gérer efficacement les exigences d’un problème ou d’une tâche complexe. 



La contribution de la pratique guidée au développement de l’autonomie


Dans le cadre de la pratique guidée, les élèves sont systématiquement accompagnés et guidés par l’enseignant à travers les étapes de l’apprentissage de processus, de la résolution de problèmes ou de la réalisation d’une tâche complexe. 

Pour l’enseignant, il peut s’agir d’inciter ses élèves à résoudre une exercice, à réaliser une tâche et à réfléchir à ce qu’ils font et à pourquoi ils le font. Cela se produit étape par étape, dans le but d’aboutir à un ensemble des connaissances intégrées. 

Par exemple, nous leur fournissons un problème résolu complet à titre d'exemple avec un problème équivalent à résoudre. Nous pouvons leur donner également une résolution partielle à compléter. Nous contrôlons leurs réponses et leur réflexion, étape après étape. Nous sommes disponibles pour répondre à leurs questions, pour résoudre leurs difficultés de compréhension et les guider à chaque étape.

Il est important de noter que les enseignants doivent s’efforcer d’atteindre un taux de réussite raisonnablement élevé au terme de ce processus. Le taux de réussite optimal pour les tâches ou activités assignées est généralement estimé à environ 80 % à la fin de la pratique guidée.

A priori, cela ne ressemble pas à de l’autonomie de la part de l’élève. Cependant, cela lui apprend à devenir autonome par la suite pour ce qui a été travaillé en pratique guidée.

La tâche de l’enseignant est de combiner le succès dans la résolution par les élèves avec un défi de niveau raisonnable. Ce faisant, l’élève progresse dans la maitrise des objectifs d’apprentissage à un rythme raisonnable, mais optimal pour ses ressources cognitives. L’élève fait preuve d’efficacité à mesure qu’il progresse. Il commet suffisamment d’erreurs pour permettre un retour correctif et améliorer ses apprentissages. L’absence totale d’erreurs signifierait que le défi d’apprentissage est trop peu ambitieux pour lui. 

Comme pour l’étude de problèmes résolus dont elle est une version menée par l’enseignant, la pratique guidée rend explicites les composantes et les raisonnements mobilisés lors d’une tâche à accomplir ou d’un apprentissage à réaliser. La connaissance de ces composantes est importante pour l’élève. Elle soutient la capacité de l’élève à planifier ce qu’il doit accomplir dans le cadre de la tâche, à suivre et à rythmer la tâche, et à gérer le processus jusqu’à son achèvement. 

Là encore, il s’agit de fondements essentiels à la planification, au suivi et à la gestion des tâches dont il aura besoin directement lorsqu’il abordera le même genre de défis de manière autonome.


Mis à jour le 12/10/2023

Bibliographie 


Andre J. Martin, Using load reduction instruction (LRI) to boost motivation and engagement. Leicester: British Psychological Society, 2016

Sweller, J. (2012). Human cognitive architecture: Why some instructional procedures work and others do not (pp.295—325). In K.R. Harris., S. Graham. & T. Urdan (Eds). APA educational psychology handbook. Washington: American Psychological Association. doi.org/10.1037/13273-011

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