jeudi 13 octobre 2022

Développer de bonnes habitudes attentionnelles en classe

L’attention est un facteur important de compréhension et d’apprentissage en classe. Le fait de focaliser et de maintenir l’attention des élèves en classe est une dimension fondamentale de l’efficacité de l’enseignement. Certaines routines que nous pouvons enseigner vont favoriser ce processus et permettre d’installer de bonnes habitudes d’attention en classe pour les élèves.

(Photographie : Sebastien Tixier)


« Ce à quoi nous prêtons attention est en fin de compte ce que nous apprenons »
Peps Mccrea (2020)



L’importance de la maitrise de l’attention pour l’apprentissage


La capacité à rester attentif et à maintenir son attention durant des périodes prolongées est un facteur de réussite important pour de nombreux élèves. L’incapacité à se concentrer est la cause de difficultés pour d’autres.

Avant même d’être motivés à apprendre ce qui leur est enseigné et de développer un intérêt, les élèves doivent y consacrer leur attention. Construire de bonnes habitudes attentionnelles, c’est permettre aux élèves de prendre les rênes de leur propre réflexion en classe et de l’utiliser à bon escient. 

Parmi les différentes dimensions de l’attention, l’attention sélective représente la capacité à choisir ce à quoi nous allons consacrer nos ressources en mémoire de travail. Cette sélection d’informations pertinentes pour notre mémoire de travail nous permet de réfléchir, de comprendre et d’apprendre en classe. C’est en outre, ce qui nous permet de résister aux distractions et de nous concentrer sur la tâche à accomplir. Développer et acquérir cette capacité se traduit en des impacts croissants sur la réussite scolaire. 

L’idée d’introduire des routines liées à l’attention a pour objet de soutenir chez les élèves le développement de bonnes habitudes liées à l’apprentissage. Celles-ci vont leur permettre de mieux gérer leur attention pendant les cours, de mieux s’y engager collectivement et de développer de meilleures stratégies attentionnelles qu’ils pourront transférer en dehors de la classe.

Développer des habitudes attentionnelles en classe facilite l’action de l’attention sélective. Elles diminuent la potentialité de distractions sans que cela nécessite un exercice constant au niveau de la volonté des élèves. 

De plus, ces routines attentionnelles vont mobiliser et activer l’utilisation de signaux non verbaux qui envoient des signes constants d’attention mutuelle. La perception d’une attention mutuelle bienveillante et constante des pairs va favoriser la construction d’une communauté d’apprentissage plus forte, avec un sentiment d’appartenance accru en classe.



Fondements comportementaux de la routine attentionnelle


Les fondements comportementaux de la routine attentionnelle se concentrent sur trois éléments que les élèves doivent apprendre à adopter systématiquement :
  • C’est le suivi des yeux de la personne lorsqu’elle intervient, que ce soit l’enseignant qui donne une explication ou un élève qui pose une question ou donne une réponse.
  • C’est le langage corporel prosocial communiquant le soutien et la reconnaissance de l’appartenance des interlocuteurs. C’est le fait de montrer que nous sommes en situation d’écoute active :
    • Nous affichons notre suivi avec notre regard, tout en nous engageant dans un traitement interne qui permet notre compréhension.
    • Nous réagissons par la suite en posant une question si une incompréhension manifeste s’installe en nous.
  • C’est le fait de s’exprimer distinctement et de s’adresser à toute la classe dans ses interactions. Cela peut avoir lieu pour l’enseignant lors d’un échange avec un élève ou lorsqu’un élève pose une question ou donne une réponse. Tous les élèves de la classe doivent bien se percevoir comme destinataire de chacun de ces échanges sur le contenu du cours. 

Dans la démarche, il est important que les élèves regardent ceux qui s’adressent à eux et que ces derniers visent toute la classe quand ils s’expriment dans le cadre du cours. 

Leur langage corporel non verbal montre à leurs camarades de classe qu’ils sont à leur place, sont les destinataires et que leurs idées en retour sont les bienvenues. Leur langage verbal indique que l’échange dans lequel ils s’investissent au sujet du cours est pertinent pour l’apprentissage de tous.

L’attention s’associe à la communication dans un climat de confiance partagée. Ce climat a un effet positif sur l’engagement, le sentiment d’efficacité, la coopération et la productivité.

Un facteur clé de la démarche fonctionne sur l’idée que l’endroit où nous regardons façonne notre attention plus que n’importe quel autre facteur. L’enseignant doit être un moteur de ce fonctionnement en l’appliquant lui-même et en promenant son regard vers l’ensemble des élèves. Ils ne se focalisent pas sur des échanges avec un élève singulier à la fois. 

Il existe un conseil souvent donné lors d’une interaction d’apprentissage en groupe durant le modelage ou la pratique guidée en enseignement explicite. L’enseignant gagne à s’éloigner de l’élève qui répond. Cela incite l’élève qui répond à bien s’adresser à l’ensemble de la classe. Une technique annexe peut être de demander à un élève de se lever pour répondre à l’ensemble de la classe. Il s’assure mieux de cette façon qu’à la fois il s’adresse à tous et s’exprime plus intelligemment tout en attirant leur attention.



Une routine pour la maitrise intentionnelle de l’attention et la mise en phase des élèves


Par la nature des processus qui gèrent l’attention, nous ne sommes souvent pas totalement intentionnels ou même conscients de l’endroit vers lequel nous regardons ni de la raison pour laquelle nous le faisons. Le fonctionnement de notre attention fait que par défaut, nous allons avoir un comportement pour une part aléatoire. 

Cependant, des habitudes peuvent nous aider à piloter notre attention et le fait d’être dans un environnement où les différents intervenants manifestent les mêmes routines facilite leur adoption et leur maintien.

L’enjeu est d’enseigner, de faire pratiquer et de renforcer une routine attentionnelle et de façonner de bonnes attitudes d’orientation du regard et de la communication en classe. Cela permet d’installer des habitudes qui peuvent amener à des changements bénéfiques et notables. Cette influence apparait chez l’élève qui adopte ces attitudes qui orientent ses actions et sa cognition, mais également réciproquement d’élève à élève et collectivement. Il y a un effet sur la culture de l’apprentissage en classe et sur le sentiment d’appartenance.

Par exemple, nous pouvons adopter des comportements qui montrent à notre interlocuteur que nous l’écoutons attentivement, éventuellement avec une forme d’acquiescement. Cela envoie un message d’intérêt qui est souvent un moyen de donner à l’élève qui répond de la confiance et l’envie de s’engager plus. Cela retire de l’anxiété. Ces comportements apprennent aux élèves à être plus attentifs. Ils font que l’interlocuteur, c’est-à-dire l’élève qui pose une question ou apporte ne réponse, ressent également un fort sentiment d’affirmation et d’appartenance. 



Construire une communauté coopérative


L’adoption de comportements d’attention positive et d’écoute active par les élèves en classe favorise notre capacité d’enseignant à construire une communauté coopérative dédiée à l’apprentissage en classe, tout en soutenant le sentiment d’appartenance.

L’appartenance est un facteur de motivation primordial. Lorsqu’un élève ne se sent pas en phase et ne se sent pas à sa place en classe, il est probable qu’il ressentira de l’anxiété. Il sera plus facilement distrait. Il aura tendance à se mettre en retrait et interprétera négativement certaines interactions. De fait, il limitera ses investissements et apprendra moins.

Nous appartenons à une espèce sociale. Comme l’écrit Daniel Coyle (The Culture Code, 2019), notre cerveau ressent le besoin inné d’être continuellement alimenté par des signaux de sécurité. La posture et l’expression qu’adoptent les personnes autour de nous sont importantes. C’est grâce à cette manière répétée d’interagir, que nous pouvons nous sentir en phase avec quelqu’un, avec un groupe et nous sentir y appartenir.

Lorsque cette démarche d’attention est pleinement développée en classe, elle peut mettre les élèves en confiance. Lorsqu’ils interviennent pour répondre à une question de l’enseignant, les élèves voient constamment leurs condisciples manifester leur appartenance. Ils se tournent et se font face. Ils sont connectés, réagissent et marquent leur soutien. Ce signal est encourageant lorsque les élèves prennent un risque, car ce risque est reconnu, l’apprentissage étant un défi commun. Prendre la parole pour poser une question ou répondre à une question c’est toujours un risque pris. S’exprimer devant un groupe de pairs, c’est pouvoir échouer ou, pire, d’être jugé négativement. Lorsque les élèves offrent leur attention et témoignent de leur intérêt, ils manifestent leur soutien. Sans doute qu’eux aussi pourraient poser la même question, ou auraient pu se retrouver à devoir répondre à cette question face à la classe.

Lorsque les élèves témoignent positivement de leur attention, ils reconnaissent le défi et la contribution de l’élève concerné avec bienveillance, ils le reconnaissent comme un des leurs également. 

La réponse de l’élève concerné pourrait être fausse. La question qu’il poserait à l’enseignant peut être hors contexte ou révéler une confusion dans sa pensée. Les autres élèves pourraient renvoyer un regard ironique, leur réponse non verbale pourrait être absente. Elle pourrait signaler qu’ils ne se soucient pas de ce que leur camarade de classe vient de répondre. De telles réactions ou leur absence peuvent créer de la réticence à participer activement au cours, à répondre ou à poser des questions.

Dans de telles situations, peu importe la conviction et le discours d’encouragement de l’enseignant pour la participation en classe. Comme l’écrit Peps Mccrea (Motivated Teaching, 2020), dans cette situation, peu d’élèves poseront davantage de questions en classe s’ils sentent qu’ils risquent de subir les moqueries de leurs camarades.

Développer une routine de l’attention bienveillante favorise au contraire l’installation d’une culture de l’apprentissage en classe. En amenant les élèves à être attentif aux contributions des autres élèves, nous les rendons plus conscients de leur propre apprentissage et de cette manière, ils expriment de l’empathie.

Nous les aidons à prendre des habitudes qui les aident à se concentrer. Nous les aidons à mieux exploiter par la suite leur plein potentiel d’autonomie et à se sentir à leur place en classe, soutenus par les autres. Ils acceptent plus facilement de prendre des risques au bénéfice de leurs propres progrès et de celui des autres. 

Apprendre aux élèves à exprimer ces signaux non verbaux, c’est leur donner le pouvoir de prendre leur place dans une communauté. Ils s’associent aux autres, tout en échappant à l’isolement et à l’anxiété liée au risque d’être défaillant. Le contact visuel et le langage corporel sont les meilleurs moyens que nous avons pour montrer à quelqu’un qu’il compte en classe et qu’il est bien à sa place. 



Composantes de la routine d’attention en classe


Différents comportements, attitudes et signaux d’appartenance et d’attention vont constituer la routine que les élèves utilisent lorsqu’ils sont en classe. Il n’y a pas de modèle complètement défini, mais une série d’éléments à associer, en fonction des besoins des élèves, de l’enseignant et du contexte de l’école.

Un point d’attention est que chaque comportement choisi doit avoir une utilité et un objectif clair et précisément mesuré. Des comportements ne doivent pas être renforcés et imposés pour eux-mêmes, ni être inutilement rigides.

Des variantes peuvent exister, mais les ingrédients principaux répondent souvent à la même logique :
  • Les élèves adoptent une attitude d’écoute active qui montre leur ouverture et leur engagement en classe.
  • Les élèves adoptent une posture d’écoute et orientent leur regard vers la personne qui parle, que ce soit l’enseignant ou un élève de manière à montrer que leur contribution compte. 
  • Les élèves adoptent un non verbal approbateur qui signifie qu’ils suivent activement et comprennent le contenu énoncé par l’orateur.
  • Les élèves lèvent le doigt s’ils ont des questions sur le sujet en cours et qu’ils ne comprennent pas.
  • Les élèves sont capables de reformuler ce qu’un intervenant a dit précédemment 

Une manière utile de compléter le dispositif si la situation s’y prête peut être de demander dans certaines situations aux élèves de se mettre debout pour répondre. Cela facilite le regard des autres élèves et laisse un temps à ceux-ci pour se mettre en phase.

Des contre-exemples sont aisés à présenter pour montrer l’intérêt du suivi du regard et de la position alerte d’écoute active : 
  • Nous perdons facilement le fil des explications quand nous ne regardons pas la personne qui parle, car n’importe quel élément annexe devient susceptible de détourner notre attention. 
  • Il est difficile pour un élève de s’engager dans une réflexion de fond lorsqu’il est avachi, rêveur, somnolant ou s’il a la tête baissée vers son bureau. L’état de relaxation physique accompagne souvent le correspondant mental. 

De plus, installer cette norme facilite l’exercice de la vigilance de l’enseignant. En balayant l’espace de la classe lorsque ces comportements sont attendus, distinguer des élèves inattentifs est immédiat et le continuum d’interventions peut être activé. Nous pouvons capturer leur attention à nouveau aisément sans interrompre le fil du cours.



Enjeux de la routine d’attention en classe


Nous partons du principe que nous avons des attentes élevées pour nos élèves et envers nous-mêmes. Nous pensons que leur attention en classe est importante pour leur réussite. Dès lors, nous ne voulons pas leur permettre de ne pas consacrer leur temps en classe positivement à l’apprentissage.

L’important est de se concentrer sur le comportement voulu dans la logique de l’atteinte d’un climat de coopération et d’apprentissage. C’est l’obtention du climat de coopération qui guide l’établissement et le renforcement des routines d’attention en classe. Elles ne sont pas utiles en dehors d’un contexte d’apprentissage et présupposent l’utilisation en parallèle de stratégies d’enseignement efficace.

La routine même établie n’est pas figée et peut connaître des exceptions ou des adaptations en fonction du contexte. Il se peut à certains moments que les élèves aient besoin de détourner le regard de l’interlocuteur pour prendre note ou vérifier leurs propres réponses en rapport.

Les habitudes d’attention impliquent également de demander aux élèves de nous suivre en tant qu’enseignants à certains moments. La routine est particulièrement utile après un temps de pratique autonome, pour une remise en phase. C’est lorsque tout le monde doit recentrer l’attention sur ce que va dire l’enseignant ou sur le début de la réponse d’un élève. 

Par la suite, l’élève peut prendre note ou se corriger sur papier tout en continuant à suivre ce qui se dit. Mais il doit de nouveau regarder l’enseignant qui reprend la suite ou diriger son attention lorsqu’un élève répond à une autre question. Les questions de rebond peuvent prendre le relais pour renforcer le comportement, lorsque l’enseignant demande à un élève de reformuler, de développer ou de justifier une réponse ou une explication qui vient d’être donnée.

Pour l’enseignant qui donne une consigne ou une nouvelle explication, il est important de pouvoir croiser le regard de ses élèves. Cela lui permet de savoir que chaque élève aura entendu le message et sera capable d’accomplir la tâche d’apprentissage. Si l’élève n’a pas saisi la demande, il peut poser une question de suite en cas doute. Il y a à ce titre une dimension d’équité. Nous attirons l’attention des élèves pour leur donner toutes les chances de réussir une tâche. Cela permet d’éviter que quelques minutes plus tard l’un ou l’autre élève demande que la consigne ou l’explication soit donnée à nouveau.



Renforcer et installer des habitudes d’attention


La routine doit être pensée puis être enseignée explicitement.

Les routines d’attention ne deviennent de bonnes habitudes que si elles sont utilisées de manière répétée et renforcée par l’enseignant qui la soutient et la manifeste elle-même. Cela impose pour l’enseignant de l’encourager, de la façonner, de la renforcer, de l’évaluer et d’offrir une rétroaction tout au long de l’année. 

Nous devons expliquer et rappeler chaque fois que nous le percevons comme pertinent combien le contact visuel valide un interlocuteur et facilite l’adoption d’une écoute active par celui qui le manifeste. Cette dimension doit être maintenue. Les différentes techniques liées à la vérification de la compréhension aident à ce propos.

Mis à jour le 03/10/2023

Bibliographie


Doug Lemov, Teach like a champion 3.0, Joey-Bass, 2021

Peps Mccrea, Motivated Teaching, 2020.

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