mardi 13 septembre 2022

Planifier l’enseignement pour aboutir à des apprentissages durables

Si nous voulons aboutir à des apprentissages durables, nous devons concevoir notre planification en prenant en compte le fonctionnement de la mémoire. Si cela semble aller de soi, la mise en pratique n’est pas aussi évidente.

(Photographie : Holly Stanton)





Privilégier la profondeur de la réflexion en tenant compte de nos limites


L’apprentissage se produit grâce à notre pensée. La difficulté est que notre cerveau dispose d’une largeur de bande passante limitée pour penser (parfois appelée mémoire de travail ou charge cognitive). Nous ne pouvons penser qu’à un certain nombre limité d’éléments nouveaux à un moment donné.

Plus nous essayons de penser à un grand nombre d’éléments nouveaux ou disparates en même temps, plus la qualité de notre pensée se dégrade. De plus, une pensée de mauvaise qualité laissera moins de traces connectées en mémoire et réduira dès lors nos chances de faire durer l’apprentissage.

À la fois, la surcharge cognitive et le mode multitâche sont de mauvaises options pour apprendre à acquérir des connaissances ou à réfléchir en profondeur.

Notre cerveau est limité par le nombre d’éléments nouveaux auxquels nous pouvons utilement penser en même temps. Il subit également un retard et une perte de rendement chaque fois que nous passons d’une tâche à l’autre.

En maintenant la complexité des nouveaux contenus dans les limites de la mémoire de travail et en éliminant les changements distractifs inutiles, nous perdrons moins de temps de réflexion et d’apprentissages à long terme.

Lorsque nous planifions un cours ou une activité, nous devons nous poser les questions suivantes : 
  • À quels éléments dois-je m’assurer que mes élèves réfléchiront ?
  • Quelles activités peuvent guider en toute certitude mes élèves vers la réflexion attendue ?  
  • Comment m’assurer que la réflexion de mes élèves ne se disperse pas dans plusieurs directions, certaines inutiles ?
  • Comment m’assurer que mes élèves pourront mener à bien leur réflexion dans les limites de leur mémoire de travail ?

Une première condition pour influencer positivement l’apprentissage est de partir de ce que les élèves connaissent. Cela nous permettra de gérer plus aisément la charge cognitive.

Notre cerveau est une machine à fabriquer du sens, et les informations qui n’ont pas de sens pour nous et ne se raccrochent pas à nos connaissances antérieures seront rapidement abandonnées et oubliées.

Par conséquent, nous pouvons mieux ancrer la pensée de nos élèves en : 
  • Explorant ce que nos élèves connaissent déjà sur le thème abordé.
  • Utilisant leurs connaissances préalables comme point de départ pour concevoir le modelage et sélectionner les activités.
  • Découvrant ce qui les intéresse dans la matière à voir et en l’utilisant pour créer un contexte significatif pour eux.
  • Les aidant à identifier les liens entre ce qu’ils apprennent de nouveau et ce qu’ils connaissent déjà.

La cartographie conceptuelle et les organisateurs graphiques peuvent être des outils précieux pour faciliter ces résultats.



Privilégier la durabilité de la réflexion


Nos nouveaux souvenirs et les nouvelles connaissances que nous avons stockées en mémoire à long terme se dégradent progressivement avec le temps plus ou moins rapidement. Leur vitesse de dégradation dépend des conditions dans lesquelles ces souvenirs ont été forgés.

Deux facteurs sont essentiels :
  • Leur intégration et leurs liens significatifs avec de multiples éléments de connaissance préalables. 
  • La fréquence et la distribution et la forme de récupération à partir de la mémoire à long terme.

La plupart des nouvelles connaissances apprises à l’école ont une durée de vie particulièrement limitée si elles ne sont pas récupérées et réinvesties régulièrement. Les récupérer périodiquement les renforce et prolonge leur durée de vie.

En choisissant le bon moment et la bonne forme de ces occasions de récupération, nous pouvons construire un apprentissage qui durera longtemps.

Comme le temps scolaire est par définition limité, nous devons déterminer le rythme le plus adapté à votre situation.

Nous pouvons tâcher de respecter les rythmes décroissants des courbes de l’oubli de Ebbinghaus. L’idée est qu’après un premier apprentissage de la matière par les élèves, nous devons leur donner des occasions de récupération dans un premier temps rapproché (un jour, deux jours, etc.). Par la suite, nous pouvons espacer de plus en plus (une semaine, deux semaines, plusieurs semaines…). 

Dans l’ensemble, il faut créer le besoin épisodique, significatif et contextualisé de réutiliser certaines connaissances précédemment apprises. D’une visite, il est important de modifier légèrement la forme, le contexte et l’élaboration autour de l’expérience d’apprentissage.

Nous ajoutons des éléments ou changeons le contexte, mais nous devons veiller à ce que le lien avec la rencontre précédente soit toujours aisément reconnaissable. Nous ne devons encore une fois pas oublier de partir de là où ils en sont les élèves. Pour cela, nous leur demandons de quoi ils se souviennent concernant la fois précédente où nous avons exploré ce sujet. Les expériences de récupération espacées doivent avoir des liens entre elles.



Privilégier la pratique délibérée.


L’enjeu est de rendre chez les élèves les connaissances fluides, aisément accessibles et automatisées. Cela implique que les élèves intègrent la responsabilité de ces apprentissages dans une pratique délibérée qu’ils mettent en œuvre. 

Cet approfondissement est également nécessaire pour aborder avec succès des apprentissages plus complexes.

Pour aider nos élèves à se souvenir avec aisance, nous devons prévoir des occasions régulières de pratique délibérée :
  • Les élèves doivent avant tout pratiquer l’essentiel, c’est-à-dire les concepts et les procédures les plus importantes, de manière plus approfondie de manière à développer une connaissance sur le bout des doigts.
  • Les élèves pratiquent jusqu’à l’apprentissage et la fluidité. Ensuite, ils reçoivent régulièrement des occasions de consolider et de reconsolider ces contenus de manière autonome.
  • Nous offrons à nos élèves une rétroaction ciblée et de haute qualité qui vise à les responsabiliser au fur et à mesure sur leurs propres apprentissages.
  • Nous augmentons graduellement le niveau de défi pour que l’apprentissage soit toujours motivant et engageant pour nos élèves?



Implication et limites


Si nous voulons soutenir un apprentissage profond et durable, les enjeux sont simples. Il nous faut : 
  • Privilégier la précision de la réflexion.
  • Fournir des occasions de récupération espacée.
  • Stimuler l’engagement dans la pratique délibérée.
  • Aider les élèves à développer leurs capacités d’autorégulation.

Une évidence est que ces processus sont consommateurs en temps, ce qui peut être un obstacle à plus d’un titre.

Souvent, en tant qu’enseignants, nous reconnaissons la pertinence de ces idées. Nous posons le double constat que bien que nous aimerions en faire plus, mais que nous n’en avons pas l’opportunité. Nous avons tellement de contenus à couvrir dans nos programmes que nous n’en avons tout simplement pas le temps.

Cependant, cet argument peut être vu comme une impasse. S’échiner à s’épuiser dans des pratiques à l’efficience limitée ne signifie pas que les abandonner pour changer de paradigme est peine perdue. 

Ne pas planifier et investir de manière tranchée sur la mémoire et l’apprentissage à long terme des élèves, risque de nous coûter et surtout de leur coûter plus cher en temps ou en lacunes à long terme. 

Certes, nos élèves finiront par revenir sur des sujets encore et encore, nous pouvons estimer que les programmes scolaires sont conçus de manière spiralaire à cet effet. La grande difficulté est que ces laps de temps trop importants. Ils font que l’oubli sera trop important pour réellement installer une durabilité la plupart du temps.

Le danger pour les élèves est plus important que pour l’enseignant, car les conséquences s’accumulent tout au long de la scolarité. 

Un manque de maîtrise en début de scolarité ne va généralement que s’amplifier au fil des années s’il ne fait pas l’objet de démarches spécifiques. Il peut finalement entraver peu à peu la capacité de ces élèves à apprendre des concepts et des processus plus ambitieux et exigeants dans la suite de la scolarité.

À l’opposé, prendre le pli de soutenir une bonne maîtrise des notions de base et des essentiels permettra à nos élèves de mieux consacrer les limites étroites de cognition à l’apprentissage des contenus plus ambitieux. Qui va lentement va sûrement, et qui va sûrement va loin.



Bibliographie


Peps Mccrea, Lean Lesson Planning, 2015

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