(Photographie : Valerio Boncompagni)
Tout cela demande généralement beaucoup de travail et d’organisation, consomme du temps en classe et ne fonctionne pas toujours comme nous l’espérions, malgré toute notre préparation et notre enthousiasme. Souvent, même si tout se passe bien, les apprentissages escomptés ne sont pas au rendez-vous.
Lorsqu’il s’agit de planifier l’apprentissage par un enseignement, moins est souvent mieux.
Moins c’est souvent mieux pour planifier l’apprentissage par un enseignement
Une planification allégée et pragmatique d’un cours consiste à éliminer toute information ou tâche parasites et non directement utiles et nécessaires à la compréhension et à l’apprentissage des élèves.
Le principe est de respecter l’alignement curriculaire. Tout contenu et toute tâche est en lien avec la réalisation d’un objectif d’apprentissage.
Nous éliminons tout élément assimilable à la charge extrinsèque dans la théorie de la charge cognitive, car cela constitue un bruit pour l’apprentissage. La charge extrinsèque comprend toute les informations qui ne sont pas directement utiles à l’apprentissage des élèves.
En revanche, nous amplifions tout ce qui est assimilable à la charge intrinsèque et nous le délivrons étape par étape pour respecter les limites de notre mémoire de travail. L’enjeu est de réduire le bruit, tout en amplifiant le signal. La charge intrinsèque comprend toute les informations qui sont directement utiles à l’apprentissage des élèves.
En œuvrant de la sorte, nous pouvons concentrer l’attention de nos élèves sur ce qui est important et éviter qu’elle soit détournée ou gaspillée. Nous éliminer les facteurs de désordre et de distraction, tout en augmentant l’engagement dans l’apprentissage.
Tout élément qui n’ajoute pas de la valeur pour favoriser l’apprentissage escompté enlève de la valeur en matière d’impact pour l’enseignement.
La loi d’Occam suggère qu’entre plusieurs solutions qui s’offrent à nous, entre différentes alternatives, la meilleure est souvent la solution la plus simple, la plus immédiate ou la plus évidente. Elle est également appelée principe de simplicité, d’économie ou de parcimonie.
Lorsque nous élaborons des activités allégées (explications et modélisation), nous devons nous demander quel est le contenu minimum d’enseignement qui doit être délivré. Notre objectif est que nos élèves progressent de manière optimale à travers leur pratique vers la prochaine étape d’apprentissage.
Toutefois, il ne s’agit pas ici de prendre des raccourcis ou d’édulcorer l’apprentissage ou de limiter le nombre d’exemples ou de contre-exemples. Nous ne devons pas non plus éliminer des éléments comme la créativité, la manipulation ou la collaboration.
Il s’agit de sélectionner, de rationaliser et, le cas échéant, d’éliminer des activités afin que nos élèves puissent aborder leurs étapes d’apprentissage aussi directement et efficacement que possible.
Planifier l'enseignement pour attirer l’attention et engager les élèves dans l’apprentissage
Les enseignants efficaces considèrent l’attention des élèves comme une denrée rare et prennent en compte les éléments suivants dans la planification de leurs cours :
- Limiter les interventions de l’enseignant lors du modelage et de la pratique guidée à des salves de 5 à 10 minutes entrecoupées de temps de vérification de la compréhension.
- Limiter la plupart des activités liées à une pratique autonome à environ 15 minutes, en tenant compte des coûts liés au changement de tâche. Les activités peuvent se succéder, mais une activité singulière trop longue peut désengager une partie des élèves.
- Éviter les tâches ou les supports pédagogiques qui obligent les élèves à se concentrer sur plusieurs choses à la fois, c’est-à-dire à être en mode multitâche.
- Utiliser la structure de l’activité au lieu de l’instruction lorsque cela est possible pour guider les élèves. C’est-à-dire que nous visons à engager les élèves rapidement :
- Dans des temps de pratique guidée en intégrant rapidement des temps de modelage et de pratique guidée.
- Dans des temps de pratique autonome où la structure des tâches permet aux élèves et à leurs enseignants de visualiser l’avancement. Il s’agit de procéder par des questions et sous-questions, et de privilégier des supports à compléter directement.
- D’introduire des temps de pratique de récupération courts et ciblés comme des quiz de cinq minutes systématiques en début de cours qui porte sur une large gamme de matières déjà enseignées précédemment.
Nous devons nous poser les questions suivantes :
- Quelle est la plus petite quantité d’explications dont mes élèves ont besoin avant d’être autonomes et de pouvoir passer à un segment de matière suivant ?
- Quelle est la plus petite quantité de pratique délibérée dont ils ont besoin pour faire des progrès ?
- Quels sont les contenus qui bénéficieraient d’être actuellement récupérés pour soutenir leur consolidation ?
Le plaisir comme dérivé moteur d’un enseignement qui privilégie l’apprentissage
La crainte de certains enseignants face à cette injonction au minimalisme est que leurs élèves se désintéressent, se démotivent et cessent de s’engager dans les apprentissages. Le cours deviendrait fonctionnel et uniquement centré sur l’apprentissage au risque de négliger l’intérêt des élèves.
Cependant, si la curiosité peut entrainer un intérêt situationnel, celui-ci sera surtout temporaire. Un facteur nettement plus utile est d’offrir aux élèves des occasions de rencontrer le succès dans des défis à leur portée, qui contribuent à leurs apprentissages.
Plus surement que la curiosité, c’est le succès qui engendre le plus de plaisir et entretient la motivation et la satisfaction à apprendre.
Si nous nous efforçons d’aider nos élèves à réussir, non seulement ils y prendront goût, mais ils développeront également de meilleures attitudes à l’égard de l’apprentissage.
Le plaisir est important, nous le voyons comme un dérivé moteur de l’adhésion aux défis d’apprentissage que nous soumettons à nos élèves.
L’objectif de toute activité centrée sur l’essentiel est d’aider le plus grand nombre d’élèves possible à ressentir le succès. Le succès survient lorsque les défis sont bien calibrés pour la grande majorité des élèves, ni trop difficiles pour qu’ils ne soient pas impossibles, ni trop faciles pour qu’ils ne soient pas sans enjeux.
Pistes de conception des activités en pratique autonome
Différentes séquences d’activités peuvent être préparées dans le cadre d’une pratique autonome. Elles permettent d’atteindre un objectif d’apprentissage qui correspondra à un maximum d’élèves sans préparation excessive :
- Une piste est de penser les activités à plusieurs niveaux lors de la pratique autonome.
- Le premier niveau est accessible à tous et permet d’atteindre les apprentissages attendus. Nous nous assurons que les élèves auront dans leur grande majorité le temps de le parcourir.
- Le second niveau permet aux élèves d’être poussés aussi loin que chaque élève en est capable. C’est une forme de dépassement, il s’agit souvent d’une tâche ouverte, d’une activité de recherche ou de problèmes. Il faut veiller à ce que les élèves disposent des ressources nécessaires pour s’y engager avec une certaine autonomie. De cette manière, nous pouvons nous concentrer sur l’étayage à apporter aux élèves qui sont encore au premier niveau.
- Une alternative est de proposer une série de questions dont la difficulté est graduée de sorte que tous les élèves puissent répondre à la première, mais personne ne peut répondre à la dernière. Dans ce cadre, nous devons nous assurer que tous les élèves vont assez loin pour développer les apprentissages escomptés.
Il est également important d’être prêt à ajuster le niveau de difficulté si nécessaire au cours d’une activité. Une façon simple de le faire est d’ajouter ou de supprimer des supports. Cela peut prendre la forme d’organisateurs graphiques, de procédures de références étape par étape, de solutionnaires intermédiaires et d’exemples de tâches résolues. Nous pouvons également activer une forme de tutorat par les pairs.
Une stratégie à utiliser avec précaution est de laisser les élèves plus avancer à passer plus tôt, en autonomie à la suite de la matière. Le risque est d’accroitre les écarts ou de développer des conceptions erronées qu’il faudra ensuite rectifier. Cette stratégie peut parfois créer plus de problèmes qu’elle n’en résout. Une alternative est de proposer aux élèves d’approfondir en autonomie leurs connaissances sur la matière en cours plutôt que de les accélérer à passer à la suite.
La planification est indépendante de la préparation des contenus et activités
La planification est indépendante de la préparation des contenus et activités dans le sens où elle est une stratégie qui s’adapte au fur et à mesure au contexte et à l’avancement de l’apprentissage des élèves. Pour ces raisons, elle ne doit pas être rigide.
La planification se veut efficace, réutilisable et distincte de la création de supports pédagogique.
Pour y parvenir, nous pouvons énoncer quelques principes :
- La planification doit se concentrer d’abord sur les éléments cruciaux et, si le temps le permet, sur les éléments secondaires
- La planification doit être un schéma de réflexion réutilisable qui peut s’adapter chaque fois aux conditions du contexte. Elle est une trame que l’enseignant peut concevoir puis qu’il utilise de manière judicieuse.
- La planification doit anticiper le fait qu’un jour, des changements drastiques peuvent arriver, comme des changements de programme, de manuel ou de cadre d’enseignement. Par conséquent, elle doit minimiser les formats trop spécifiques et contextualisés. Les ressources et les activités existent indépendamment de la planification. En ce sens, la planification correspond à une série de pointeurs vers des éléments de ressource qui constitue une forme de banque de données. Si le cours change en partie, les pointeurs changent, mais la banque de données constituée reste intacte et continue à s’enrichir au fil du temps.
La planification de cours implique une hiérarchie d’activités
La planification d’une heure de cours est une tâche qui vient au bas de la hiérarchie des priorités. Elle vient après les démarches diverses de l’évaluation formative qui nous permettent de déterminer là où en sont nos élèves et nous amène à réfléchir à la meilleure façon d’envisager la suite. Elle passe également après la conception pédagogique et la sélection d’activités pour la pratique, de tâche ou de contenus pour le modelage.
La planification du cours porte sur ce que nous allons faire contextuellement au cours suivant. Elle se fait par conséquent en dernier lieu même si elle est essentielle et indispensable à la réussite du cours. Le principal problème de cette dimension est qu’elle ne permet pas facilement la production de ressources réutilisables. Ce qui est particulier et spécifique à un cours n’est pas facilement transposable dans un autre cours. D’où l’intérêt de la construire à partir de ressources conçues dès le départ pour être réutilisables. Par exemple, les questions d’un quiz d’entrée sont une part prévisible, mais pour une autre part directement liée à là où en sont les élèves. Par conséquent, il est plus intéressant d’aller puiser dans une banque de questions que nous maintenons en annexe que de créer des questions uniquement pour cette occurrence.
Le retour d’informations de l’évaluation formative nous indique là où nous en sommes et nous guide vers notre prochaine étape. Nous planifions cette prochaine étape à partir d’une sélection d’actions, de tâches ou d’explications que nous avons en réserve et qui peuvent elles-mêmes être dans un manuel.
Un autre élément de réflexion pour la planification comprend les difficultés potentielles que nous présentons dans la suite du cours en fonction des élèves. Nous planifions la meilleure manière d’y répondre et de les anticiper. De cette manière, chaque cours est singularisé et peu importe qu’il soit parfait, ce qui importe est qu’il colle aux besoins des élèves en matière d’apprentissage.
Mis à jour le 16/09/2023
Bibliographie
Michael Pershan, How I Plan: The Triage, 2012, http://rationalexpressions.blogspot.com/2012/02/how-i-plan-triage.html
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