jeudi 7 juillet 2022

Des stratégies antécédentes à l’échelle individuelle en gestion de classe

Les stratégies d’intervention à l’échelle individuelle sont susceptibles d’être coûteuses en matière de ressources humaines, c’est pourquoi elles sont généralement pensées au niveau 3 de la réponse à l’intervention. Elles font suite à des pratiques universelles efficaces (niveau 1) et à des interventions plus intensives par groupes de besoin (niveau 2).   

(Photographie : Pascal Amoyel)



Des interventions antécédentes de niveau 3


Les interventions à l’échelle de la classe ont généralement un effet puissant, et répondent souvent aux besoins de la plupart des élèves d’une classe donnée. Cependant, il reste un petit nombre d’élèves qui, pour diverses raisons, ne répondent pas à ces efforts plus larges. Dans ces cas, une intervention individualisée est nécessaire. 

Les interventions universelles s’étant révélées inefficaces, les efforts d’intervention individualisée doivent être spécifiquement adaptés afin de répondre aux besoins particuliers et idiosyncrasiques de chaque élève. 

De telles interventions nécessitent des informations d’évaluation qui expliquent le rôle des variables individuelles et environnementales liées aux difficultés scolaires d’apprentissage ou comportementales. Le processus d’évaluation comportementale fonctionnelle est conçu de manière unique pour recueillir ce type d’informations pertinentes. 

Un résultat particulier du processus d’évaluation fonctionnelle du comportement est l’isolement des variables qui précèdent immédiatement le comportement problématique. Une fois ces variables identifiées, des interventions antécédentes peuvent être développées afin de modifier ces variables d’une manière ou d’une autre pour qu’elles n’évoquent plus un comportement problématique. 

Le processus d’évaluation fonctionnelle du comportement a été détaillé dans de nombreux articles de ce blog vers lesquels nous vous renvoyons. 



Adapter la difficulté de travail au niveau de l’élève


La journée d’un élève dans son établissement est en grande partie constituée d’exigences liées à des apprentissages scolaires faits d’attention, d’engagement, de respect des consignes et de traitements cognitifs. 

Parfois, ces exigences peuvent paraitre trop élevées pour certains élèves ou entrent en concurrence avec d’autres évènements et pensées, ce qui peut donner lieu à des comportements problématiques. 

Un signe à ne pas rater pour un élève est lorsque les données d’évaluation indiquent que les comportements problématiques se produisent principalement en présence d’activités scolaires. À ce moment-là, il est important d’impliquer et d’analyser l’aspect spécifique de la tâche qui pose problème à l’élève. Souvent, le travail est trop difficile ou dépasse le répertoire de compétences de l’élève. Le travail demandé sature sa mémoire de travail par sa complexité inhérence, il y a surcharge cognitive. Celle-ci peut également être due à un manque de connaissances préalables.

De fait, la difficulté ou l’inadéquation du travail peut être un antécédent du comportement problématique en classe. Si cela est avéré, lorsque des changements ont été apportés au déroulé du cours afin d’éliminer les tâches scolaires difficiles en apportant le soutien nécessaire de manière concomitante ou annexe, le comportement problématique peut diminuer et se résoudre.

Dans d’autres situations, les informations issues de l’analyse appliquée du comportement peuvent révéler que les tâches scolaires correspondent exactement aux compétences et au niveau de l’élève. La difficulté se situe au niveau de la longueur ou de la durée du travail dépasse les capacités de persévérance de l’élève. 

Des recherches ont montré l’intérêt de diminuer la durée totale de la tâche, de proposer des pauses périodiques, d’offrir des choix, en d’utiliser l’élan comportemental ou l’intercalage de tâches plus simples. Nous pouvons ainsi réussir à réduire le comportement problématique dans ces conditions.



Présenter des modes alternatifs d’exécution des tâches


Il a également été démontré que le mode d’exécution d’une tâche particulière a potentiellement un rapport avec le comportement problématique exprimé par un élève.

Plusieurs études ont montré que des travaux exigeant une grande quantité d’écrits peuvent causer des difficultés aux élèves. 

Le fait de proposer un autre mode d’exécution du travail, incluant du multimédia ou un support informatique (pour la mise en page ou l’exécution de tâches répétitives sans valeur ajoutée) est utile. Cela peut réduire les comportements problématiques, comme l’illustre une étude de Kern, Childs, Dunlap, Clarke et Falk (1994). 

Dans cette étude, une évaluation fonctionnelle a indiqué que le participant, un garçon de 11 ans souffrant de troubles émotionnels profonds, présentait des déficits de motricité fine. Les auteurs ont émis l’hypothèse que ces déficits étaient à l’origine de difficultés dans la réalisation de travaux écrits. Le fait de proposer des modes alternatifs non écrits d’exécution des tâches qui contournaient ses difficultés de motricité fine a entraîné une augmentation des performances et une diminution des comportements problématiques. 

C’est l’enjeu de nombreux aménagements raisonnables proposés en situation de troubles avérés de l’apprentissage.



Prendre en compte les intérêts et les connaissances préalables de l’élève


Régulièrement, l’apprentissage est facilité lorsqu’il part :
  1. Des connaissances préalables de l’élève dont l’activation va faciliter l’apprentissage de nouveaux contenus en lien.
  2. De connaissances et de compétences biologiques primaires pour lesquelles existent des biais motivationnels favorables.
  3. Des intérêts et des expériences personnelles de l’élève auxquelles il peut se rattacher.

Si les deux premières gagnent à être au centre des préoccupations des enseignants, la troisième est plus difficile à mettre en œuvre à l’échelle de la classe, car tous les élèves sont différents à ce point de vue. Néanmoins, au niveau 3 de la réponse à l’intervention, cette piste vaut souvent la peine d’être explorée. 

De nombreuses tâches demandées aux élèves tout au long de la journée scolaire sont considérées par eux comme banales ou non pertinentes, ce qui entraîne un désengagement et d’autres comportements problématiques. Il est possible d’adapter les types traditionnels de devoirs scolaires de manière à renforcer leur intérêt intrinsèque. 

Par exemple, les devoirs classiques sous forme de feuilles de travail et de cahiers d’exercices peuvent être modifiés. L’enjeu est de produire des résultats fonctionnels ou significatifs en prenant en compte les trois dimensions précitées. 

Clarke et coll. (1995) ont mis en œuvre ce type d’intervention antécédente avec un élève du primaire au comportement perturbateur en classe. Le comportement problématique se produisait fréquemment pendant les activités d’écriture manuscrite, lorsqu’il copiait des passages de son cahier d’écriture. L’activité d’écriture a été modifiée de façon à ce qu’il copie les instructions de ses jeux vidéo préférés plutôt que des passages qui n’avaient aucun sens pour lui. La modification de la tâche a entraîné une diminution du comportement problématique et une augmentation de la productivité au travail. 



Offrir des possibilités de choix


La littérature décrit de nombreux exemples de choix mis en œuvre au niveau individuel pour traiter les comportements problématiques, en particulier dans le contexte des exigences de la tâche. Si cette piste peut s’organiser à l’échelle de la classe, elle est également pertinente à l’échelle d’un individu.

Le fait de proposer un choix peut réduire efficacement les comportements problématiques de deux manières (Kern et coll., 1998) :
  • Premièrement, le fait de proposer un choix de tâches permet à l’élève de sélectionner celle qu’il préfère. 
  • Deuxièmement, permettre aux élèves d’exercer des choix semble avoir une valeur de renforcement indépendante de la sélection effectuée, peut-être pour des raisons biologiques.

L’efficacité appliquée du choix en tant qu’intervention antécédente a été démontrée empiriquement dans de nombreuses variations :
  • Le choix de la tâche spécifique à accomplir (Dunlap et coll., 1994)
  • Le choix des moyens utilisés pour accomplir une tâche (Kern et coll., 1994). 
  • Le choix de l’ordre dans lequel les séquences de tâches sont accomplies (Kern, Mantegna, Vorndran, Bailin, & Hilt, 2001). 

L’impact souvent large de cette approche simple la rend opportune dans de nombreuses situations. 



Délivrer une attention programmée


En plus d’être une volonté de fuir les exigences scolaires, les comportements problématiques sont parfois un moyen pour un élève d’obtenir de l’attention de ses pairs ou de l’enseignant.

Une intervention antécédente qui traite les comportements problématiques de recherche d’attention consiste à organiser périodiquement l’attention de l’enseignant. C’est un processus appelé attention programmée dont le but est de réduire le besoin des élèves de s’engager dans un comportement de recherche d’attention.

Par exemple, les procédures qui permettent à un élève de prendre occasionnellement contact avec un adulte de référence à l’école peuvent également réduire les comportements problématiques liés à la recherche d’attention (Bambara & Kern, 2005). 

Lorsqu’un élève recherche plutôt l’attention de ses pairs, des dispositions peuvent être prises. Il peut participer à un tutorat entre pairs ou être jumelé avec un pair lors d’activités tout au long de la journée. 

Dans ce dernier domaine, il convient de mentionner que les comportements inappropriés de recherche d’attention apparaissent souvent lorsqu’un élève ne dispose pas des compétences sociales nécessaires pour attirer l’attention de manière appropriée. Il peut donc être nécessaire d’enseigner simultanément les interactions appropriées avec les pairs ou avec l’enseignant. 



Établir un horaire clair et prévisible


Le comportement problématique d’un élève peut servir à obtenir ou à prolonger son engagement dans une activité. 

Plusieurs interventions antécédentes efficaces peuvent être utilisées lorsque les informations de l’évaluation fonctionnelle indiquent qu’un comportement a une fonction tangible. Des horaires clairs et une prévisibilité accrue aident l’élève à comprendre le temps qui lui est alloué (Kern et coll., 2006). 

En outre, le fait de donner des avertissements sur une transition à venir aide à préparer les élèves à la fin prochaine d’une activité. Dans certains cas, plusieurs avertissements peuvent être plus efficaces qu’un seul (Mace et coll., 1998). 



Bibliographie


Kern, L., & Clemens, N. H. (2007). Antecedent strategies to promote appropriate classroom behavior. Psychology in the Schools, 44(1), 65–75. https://doi.org/10.1002/pits.20206 

Kern, L., Childs, K., Dunlap, G., Clarke, S., & Falk, G. (1994). Using an assessment-based curricular intervention to improve the classroom behavior of a student with emotional and behavioral challenges. Journal of Applied Behavior Analysis, 27, 7–19. 

Kern, L., Vorndran, C., Hilt, A., Ringdahl, J., Adelman, B., & Dunlap, G. (1998). Choice as an intervention to improve behavior: A review of the literature. Journal of Behavioral Education, 8, 151–169. 

Clarke, S., Dunlap, G., Foster-Johnson, L., Childs, K., Wilson, D., White, R., et al. (1995). Improving the conduct of students with behavioral disorders by incorporating student interests into curricular activities. Behavioral Disorders, 20, 221–227. 

Dunlap, G., dePerczel, M., Clarke, S., Wilson, D., Wright, S., White, R., et al. (1994). Choice making to promote adaptive behavior for students with emotional and behavioral challenges. Journal of Applied Behavior Analysis, 27, 505–518. 

Kern, L., Childs, K., Dunlap, G., Clarke, S., & Falk, G. (1994). Using an assessment-based curricular intervention to improve the classroom behavior of a student with emotional and behavioral challenges. Journal of Applied Behavior Analysis, 27, 7–19. 

Kern, L., Mantegna, M.E., Vorndran, C.M., Bailin, D., & Hilt, A. (2001). Choice of task sequence to reduce problem behaviors. Journal of Positive Behavior Interventions, 3, 3–10. 

Bambara, L.M., & Kern, L. (2005). Individualized supports for students with problem behaviors. New York: Guilford Press. 

Kern, L., Gallagher, P., Starosta, K., Hickman, W., & George, M.L. (2006). Longitudinal outcomes of functional behav- ioral assessment-based intervention. Journal of Positive Behavior Interventions, 8, 67–78. 

Mace, A.B., Shapiro, E.S., & Mace, F.C. (1998). Effects of warning stimuli for reinforcer withdrawal and task onset on self-injury. Journal of Applied Behavior Analysis, 31, 679–682. 

0 comments:

Enregistrer un commentaire