mercredi 13 juillet 2022

Décourager les comportements perturbateurs en contexte scolaire

Peu importe l’accent mis sur l’enseignement explicite du comportement, sur le renforcement positif et sur le développement de compétences sociales et émotionnelles, il reste des moments où des comportements perturbateurs se manifestent en contexte scolaire. Il faut y faire face.

(Photographie : Lionel Alèze)




« Lorsqu’il s’agit de discipline, il n’est pas logique que les éducateurs utilisent d’abord le modèle de justice pénale, avant d’employer ce pour quoi ils ont été professionnellement préparés — des approches d’enseignement et de mentorat. » 
Forest Gathercoal, 2004 

« Lorsque tout le monde traite les infractions avec des procédures de correction pédagogique, les élèves apprennent que ce qui se passe lorsqu’ils se comportent mal est procédural et non personnel. » 
Bob Algozzine, Chuang Wang & Amy S. Violette, 2011 



Agir face à un premier diagnostic de déficit lié à une perturbation mineure


Dans la logique d’une gestion de classe, les élèves ont pu bénéficier d’un enseignement explicite des attentes comportementales et par la suite, l’enseignant exerce sa vigilance. Il offre une rétroaction positive spécifique pour renforcer l’acquisition des comportements attendus et leur transformation en habitudes. Il offre également une rétroaction corrective en cas de manquements constatés.

Même avec la mise en œuvre la plus cohérente et la plus optimisée de pratiques préventives à l’échelle de l’école, certains élèves feront toujours des erreurs d’apprentissage en matière de comportement social. 

En général, lorsque des élèves n’expriment pas les comportements attendus, deux raisons dominent et sont interprétables dans le cadre de la théorie de l’autodétermination :
  • Un déficit d’habilité : 
    • Il y a une absence de connaissances ou une compréhension insuffisante du moment où il faut utiliser le comportement attendu.
    • Il y a un besoin de compétence de l’élève afin d’être motivé intérieurement à déployer l’habileté ou la connaissance.
  • Un déficit de performance : 
    • Les compétences sociales sont connues, mais il y a un échec à exécuter le comportement attendu à des niveaux acceptables ou dans les bonnes circonstances.
    • Si l’élève n’est pas suffisamment motivé ou investi dans l’utilisation du comportement approprié, cela correspond à un besoin d’appartenance ou d’autonomie pour être motivé intérieurement.
Pour résoudre l’un ou l’autre de ces déficits, il faut davantage d’enseignement, de pratique et de rétroaction. Avant d’aller plus loin et d’aboutir à des conséquences,  il faut garder en tête la logique. de l’enseignement explicite du comportement pour amener l’élève à améliorer son comportement et à ne pas répéter cette perturbation à l’avenir.



Une définition de la punition en tant que conséquence


Dans le conditionnement opérant, la punition est par définition une conséquence qui diminue la probabilité que le comportement problématique se reproduise (Skinner, 1938). La punition décrit un événement de conséquence qui est aversif et diminue la fréquence du comportement qu’il cible.

Il est en effet prudent de mettre en œuvre, de manière limitée et selon les besoins, une intervention de conséquence pour diminuer la probabilité de récurrence des problèmes, ou de mettre en œuvre une punition. 

Il est essentiel d’équilibrer :
  • Le type
  • La sévérité
  • Le niveau de la conséquence
  • Le moment de son attribution.

Nous devons nous assurer que la punition remplit la fonction prévue de réduction du comportement problématique. Elle doit le faire d’une manière qui n’engendre pas une simple conformité, mais qui mène plutôt à l’autorégulation de l’élève (Ryan & Deci, 2000).



Limites aux approches punitives


Paradoxalement, les punitions touchent à leurs limites lorsqu’elles accentuent leur dimension purement punitive.

Les écoles ont une longue tradition d’utilisation de stratégies punitives en lien avec de mauvais comportements. Celles-ci se traduisent généralement par un retrait de l’élève de l’environnement de la classe ou lui imposent des punitions et sanctions. Sanctions et punitions ne lui apprennent rien en tant que telles. Elles ne lui enseignent pas le comportement attendu ou ne lui apportent que peu de soutien en matière d’autorégulation.

Le constat de la recherche sur les approches d’exclusion ou la punition est qu’elles se révèlent inefficaces pour aboutir à une réduction à long terme du comportement problématique (Costenbader & Markson, 1998).

Il a été démontré que punir le comportement problématique d’un élève sans l’associer à une approche positive, proactive et éducative peut être contreproductif. Cela peut augmenter les risques liens à l’agressivité, au vandalisme, à l’absentéisme et au décrochage scolaire (Skiba, Peterson, & Williams, 1997).

Le principal danger est que ce qui est censé servir de conséquence punitive pour diminuer un ou plusieurs comportements problématiques spécifiques fonctionne en fait souvent comme une conséquence renforçatrice qui augmente ou aggrave le comportement problématique de manière générale. 



Prendre conscience des points de décision vulnérables en gestion de classe


Au cours d’une journée scolaire typique, les enseignants prennent des centaines de décisions en une fraction de seconde. 

Une prise de conscience à un moment donné peut être conceptualisée comme un point de décision. Lorsqu’il porte sur un comportement problématique qui vient de se produire et auquel l’enseignant va réagir, il peut être considéré comme un point de décision vulnérable.

Les points de décision vulnérables sont des situations susceptibles d’entraîner une disproportionnalité dans les actions de l'enseignant. Ce sont des moments où les préjugés ou le manque de recul sont plus susceptibles d’affecter négativement les décisions de sanction concernant l’élève.

Lorsqu’un comportement problématique se produit, le point de décision vulnérable est un moment où l’enseignant réalise qu’il peut être vulnérable en délivrant une réponse biaisée qui ne sera pas la plus adéquate possible. 

Ce biais implicite est une association inconsciente de l’enseignant avec certains profils d’élèves sur la base de stéréotypes qui sont activés involontairement. À ce moment-là, l’enseignant n’est pas conscient de son biais d’attribution et ne peut le contrôler. Pris de cours, l’enseignant réagit à chaud et s’engage dans une prise de décision non murement réfléchie.

Certaines décisions peuvent avoir des conséquences durables et néfastes pour l'élève et pour la relation avec l'élève. 

Les enseignants doivent apprendre à être conscients des implications de leurs choix et de la fragilité de certains modes de réaction à chaud. Ils doivent avoir la capacité de prendre du recul et de temporiser leur prise de décisions pour s’assurer qu’ils s’inscrivent bien dans la logique du système de gestion du comportement, tel que défini à l’échelle de l’école.

En résumé, les enseignants se heurtent potentiellement à des points de décision vulnérables tout au long de la journée scolaire en réponse aux comportements problématiques de certains de leurs élèves.

Lors des points de décision vulnérables, alors que des enseignants décident de la réponse à apporter à un comportement perturbateur, les préjugés implicites sont susceptibles d’influencer leur prise de décision plus qu’à n’importe quel moment.

Une manière d'éviter les erreurs est de temporiser la prise de décision, de prendre du recul et de réfléchir à la politique générale de l'école face au type de comportement perturbateur concerné.



Atténuer les risques liés aux points de décision vulnérables


Nous devons agir pour atténuer les risques liés aux points de décision vulnérables. Ces préjugés implicites peuvent être aggravés par l’ambiguïté des définitions des comportements problématiques et des procédures de réponse. Par conséquent, il est essentiel de définir ces deux aspects clairement à l’échelle de l’école.

Des variables contextuelles telles que le moment de la journée (par exemple, la faim avant le temps de midi ou la fatigue en fin de journée) ont également un impact sur la prise de décision rapide des enseignants. 

Dans ces situations, l’établissement et l’utilisation d’une routine d’autoexamen juste avant de prendre une décision disciplinaire peut être utile. Lorsque l’enseignant s’y engage juste avant de prendre une décision disciplinaire, il peut neutraliser les effets des préjugés implicites. C’est en particulier le cas dans les situations chaotiques et ambiguës, qui semblent engendrer des jugements et des décisions rapides, elles-mêmes chaotiques et ambiguës.

À ce point de décision vulnérable, l’enseignant doit faire une pause, temporiser et considérer le comportement et les réponses possibles de manière objective, puis répondre. 

Il peut être efficace de dispenser une formation au personnel de l’école pour identifier les situations dans lesquelles leurs décisions peuvent être vulnérables aux préjugés, au contexte ou à des antécédents annexes. 

Des règles courtes de type « si… alors… » sont susceptibles d’être efficaces pour guider le comportement (par exemple, « Si un élève est irrespectueux, postposer le traitement de l’infraction après la fin du cours »).



Le développement d’un continuum pour décourager les comportements inappropriés


Lors de la mise en œuvre du SCP, nous partons généralement d’une situation où l’école possède une politique de discipline qui prévoit diverses conséquences pour une variété de comportements inappropriés.

À partir de là, nous devons développer un continuum de procédures pour décourager les comportements inappropriés. Les procédures et stratégies privilégiées comportent des démarches d’enseignement. Elles visent à aider les élèves à apprendre les comportements souhaités et à savoir quand les utiliser de manière appropriée.

La prévention à visée ultérieure reste la clé dans le cadre d’une intervention face à une perturbation. Lorsque des comportements inappropriés se produisent, les enseignants et éducateurs doivent d’abord évaluer le cadre ou les événements antécédents qui pourraient être ajustés et se poser les questions suivantes : 
  • Avons-nous exprimé et communiqué des attentes claires face aux comportements souhaités ?
  • Ces comportements souhaités ont-ils été enseignés de manière approfondie ?
  • Utilisons-nous systématiquement des stratégies pour encourager les comportements souhaités ?

L’une des approches les plus efficaces consiste à considérer les comportements inappropriés comme une opportunité d’enseignement pour clarifier et enseigner à nouveau les attentes. 

Les mêmes approches pédagogiques calmes utilisées lorsque les élèves font des erreurs scolaires devraient être utilisées en premier lieu pour corriger les erreurs de comportement social.

Nous signalons le problème par une rétroaction spécifique, en enseignant à nouveau et fournissant une pratique guidée puis autonome et en assurant un suivi pour indiquer les progrès. 

Plus la planification de la réponse à l’échelle de l’école sera claire et cohérente, moins les préjugés implicites risqueront d’influencer la prise de décision pendant les points de décision vulnérables. 

La quantité de correction d’erreurs, de conséquences correctives ou de découragements nécessaires pour atteindre l’objectif final d’autorégulation dépendra de l’âge, du développement et des caractéristiques personnelles des élèves. 

Il sera fonction de leurs connaissances antérieures et de leur expérience des comportements souhaités. Il dépendra du contexte. Il prendra en compte la compréhension par les élèves que les compétences procédurales souhaitées par les adultes augmenteront leur réussite globale en classe, dans l’ensemble de l’école et finalement dans la vie en dehors de l’école. 



Les enjeux de la correction des erreurs sociales par l’enseignement


Nous pouvons envisager les enjeux de la correction des erreurs sociales face aux perturbations comportementales en incluant ces dimensions dans la réponse apportée :
  • Confirmer et démontrer l’importance des attentes. 
  • Rétablir l’ordre dans l’environnement d’apprentissage. 
  • Interrompre le comportement inapproprié et empêcher la pratique de ce comportement. 
  • Tirer profit du moment propice à l’apprentissage : l’apprenant est actif, l’apprentissage est pertinent (l’élève doit être un état d’esprit propice pour s’entraîner à pratiquer le comportement attendu). 
  • Donner à l’élève une chance d’apprendre à réussir, d’acquérir des compétences sociales précieuses (en accompagnant cet apprentissage d’un renforcement et d’une rétroaction spécifique positive). 
  • Augmenter la probabilité d’un futur comportement correct. 
  • Diminuer le temps passé hors de l’apprentissage et de l’enseignement. 
  • Construire des relations avec les élèves. 
  • Maintenir un climat d’apprentissage positif. 

Cette perspective n’exclut pas la punition, mais elle vise à l’intégrer stratégiquement dans le but d’améliorer l’élève. Elle agit de la même manière que la rétroaction scolaire lorsqu’elle vise à améliorer l’apprentissage de l’élève de manière durable et non seulement la performance de sa production actuelle. Lorsqu’un élève rate un test de mathématiques, nous visons à le mettre dans les conditions qui vont lui permettre de réussir les suivants et ça incluant forcément plus de soutien aux apprentissages et à la motivation.


Mis à jour le 18/08/2023

Bibliographie


Missouri Schoolwide Positive Behavior Support, Tier 1, Team Workbook, 2018–2019

Gathercoal, F. (2004). Judicious Discipline (6th edition). San Francisco, CA: Caddo Gap Press. 

Algozzine, B., Wang, C., & Violette, A.S. (2011). Reexamining the relationship between academic achievement and social behavior. Journal of Positive Behavior Interventions 13(1), 3-16. 

Skinner, B. F. (1938). The Behavior of organisms: An experimental analysis. New York: Appleton-Century. 

Ryan, R. M., & Deci, E. L. (2000). Intrinsic and extrinsic motivations: Classic definitions and new directions. Contemporary Educational Psychology, 25(1), 54-67. 

Costenbader, V., & Markson, S. (1998). School suspension: A study with secondary school students. Journal of School Psychology, 36, 59–82. 

Skiba, R.J., Peterson, R.L., & Williams, T. (1997). Office referrals and suspension: Disciplinary intervention in middle schools. Education & Treatment of Children, 20(3), pp 295-316. 

0 comments:

Enregistrer un commentaire