vendredi 29 juillet 2022

Comprendre la dynamique de l’échec en contexte scolaire et son lien avec le passage à l’acte

La réussite ou l’échec des élèves dans n’importe quel domaine — scolaire ou social — est le meilleur indicateur de leur réussite future. Il incombe à l’école et aux enseignants de mettre en place des dispositions, des routines, un enseignement, des stratégies et un retour d’information efficaces pour favoriser davantage les opportunités de succès et réduire celles des échecs.

(Photographie : Christopher Nunn)





Mais même le meilleur système connaitra des exceptions. Dans la mesure où il s’avère inefficace pour un élève donné, il incombe à l’école et aux enseignants concernés de poursuivre l’évaluation des approches mise en œuvre. Nous devons réfléchir à des adaptations systématiques dans une quête permanente de la bonne recette du succès. 



Développer une approche proactive et sensible face aux élèves difficiles


Les enseignants peuvent avoir un impact considérable sur le comportement de leurs élèves. 

Cependant, il y aura toujours des élèves qui se comporteront mal, quelle que soit la pratique de l’enseignant. Ces problèmes isolés ne doivent pas être considérés comme la faute ou le manque de compétence des enseignants concernés.

Toutefois, les comportements de passage à l’acte de certains élèves, à l’origine de perturbations majeures, restent une responsabilité des enseignants. Ces comportements répondent eux-mêmes à une certaine logique.

Plus les enseignants deviennent conscients de la prévisibilité du cycle d’escalade du comportement, plus ils peuvent se concentrer sur des stratégies proactives qui minimisent les comportements problématiques en maximisant la réussite de ces élèves.



La métaphore de la boule de neige à l’échelle d’un élève qui pose des problèmes de comportement et de réussite scolaire


Certains élèves peuvent agir à certains moments comme des détonateurs émotionnels à retardement. Nous pouvons les imaginer comme une boule de neige en équilibre précaire au sommet d’une colline escarpée.

Invariablement, la boule de neige va finir par rouler vers le bas de la vallée au gré des changements de temps et de conditions environnementales. Elle peut rouler vers la gauche ou vers la droite.




Dans un cas comme dans l’autre, lorsque la boule de neige commence à dévaler la pente, nous savons deux choses : 
  • Elle aura tendance à augmenter sa vitesse et elle deviendra plus massive.
  • Au fur et à mesure qu’elle descend la pente, il devient de plus en plus difficile de l’arrêter, et encore plus difficile de la repousser en haut de la colline ou d’inverser sa trajectoire. 

Imaginons que cette boule de neige représente un élève potentiellement difficile :
  • Le fait de rouler vers la droite représente la course vers la réussite.
  • Le fait de rouler vers la gauche représente la trajectoire de l’échec. 

Au fur et à mesure que l’élève connait des succès, une dynamique se précise et devient apparente. Ses chances de succès ultérieurs augmentent. L’élève accumule les réussites.

De même, plus l’élève connait des échecs, plus les chances d’en connaitre d’autres sont grandes. Le poids que représentent ces échecs s’intensifie. 

Dans les deux cas, la dynamique et la taille de la boule de neige interviennent. La boule de neige est construite par l’accumulation de succès ou d’échecs rencontrés par l’élève. Ceux-ci s’agglomèrent et finissent par se manifester en une inertie telle que l’arrêter ou la changer de direction devient de plus en plus difficile.



Comprendre la dynamique de l’échec à l’échelle d’une classe


Prenons l’exemple de deux classes d’élèves du même âge. 

Le premier groupe travaille en classe : 
  • Les élèves font de leur mieux et font leurs devoirs selon les normes exprimées par l’équipe enseignante. 
  • Leurs parents et leurs enseignants sont satisfaits de leur travail, de leur comportement et de leur implication. 
  • Les interactions entre les élèves et les différents adultes sont positives. 
  • Les élèves obtiennent de bonnes notes et bénéficient de privilèges à l’école et à la maison. 
  • Un processus cyclique vertueux est manifestement à l’œuvre. 
  • Ces élèves sont sur la bonne voie et connaissent le succès. 
  • Le succès engendre le succès.

Le second groupe parle beaucoup en classe : 
  • Les élèves ne font pas leur travail avec tout l’engagement souhaité et ne terminent pas leurs devoirs ou les bâclent.
  • Les enseignants et les parents s’inquiètent des résultats et du sous-investissement des élèves.
  • Les interactions entre les élèves et les adultes deviennent plus négatives. 
  • Ces élèves obtiennent des notes faibles ou insuffisantes et commencent à perdre leurs privilèges, ce qui les met plus facilement sur la défensive ou dans une posture d’opposition en classe et à la maison. 
  • Ces élèves ne sont pas sur la bonne voie et commencent à connaitre de plus en plus d’échecs. 
  • L’échec engendre l’échec.

L’implication est claire :
  • Nous devons être proactifs et trouver des moyens de permettre à la boule de neige de rouler vers le côté de la réussite plutôt que vers celui de l’échec.
  • Nous devons d’empêcher la boule de neige de commencer à dévaler la pente du côté de l’échec. 



Agir sur la dynamique du succès et de l’échec à l’échelle d’une classe


Quelques questions s’imposent :
  • Que puis-je faire pour assurer la réussite de mes élèves aujourd’hui et demain ? 
  • Que puis-je faire pour prévenir l’échec ou le détecter très tôt, de sorte que la boule de neige ait à peine commencé à rouler ? 
Constater que la situation se dégrade sans agir de suite est une stratégie très improductive et futile. Nous ne pouvons tout simplement constater passivement que les élèves échouent et nous en lamenter. Nous devons agir. 

Comme l’échec engendre l’échec, une prise de conscience s’impose. À un moment, nous pouvons devenir réellement incapables d’arrêter une dynamique négative. De plus, au plus tard nous allons intervenir, au plus élevé sera le niveau d’effort nécessaire pour faire rouler la boule de neige vers le haut de la colline et repartir dans le sens contraire. L’issue de notre démarche devient parallèlement plus incertaine. 

La meilleure chance que nous ayons de prédire le succès est d’être proactif en favorisant par défaut le succès et en minimisant l’échec.

Cela passe par un enseignement efficace qui minimise les erreurs et prépare l’élève à prendre confiance en lui et à devenir autonome. Quelle que soit la qualité de l’enseignement, les erreurs font toujours partie de l’apprentissage. Ainsi, pendant que l’élève est calme et connait le succès, nous avons l’occasion de lui apprendre à gérer les inévitables échecs. 

Au fur et à mesure que les élèves subissent des échecs, ils perdent confiance en eux et sont de plus en plus susceptibles de se retirer, de tenter de fuir la situation, voire de devenir agressifs. 

Tout cela rend le travail de l’enseignant plus difficile en fonction du passif de leurs élèves. Les élèves sont réticents à s’engager dans des activités qui se sont historiquement soldées par des échecs. Nous devons prendre en compte leurs antécédents.

Les échecs répétés sont un prédicteur majeur du comportement de passage à l’acte et doivent être considérés comme une clé dans les efforts de prévention. 

L’objectif de chaque parent et enseignant est de promouvoir la maîtrise de soi et l’autonomie chez l’enfant. Si l’enfant ne gère pas son autonomie, l’adulte doit prendre la responsabilité de faire quelque chose. 

Se contenter de supposer que l’élève est en faute ou manifeste des faiblesses n’augmentera pas ses chances de réussite à l’avenir. 

L’échec nous indique, en tant qu’enseignant ou parent, que ce que nous faisons ne fonctionne pas et que nous devons nous engager à essayer quelque chose de différent.



L’importance de la réponse à l’intervention face à la probabilité de l’échec scolaire


Tous les élèves ne sont pas dans la même dynamique de l’échec ou de la réussite. Les classes sont toujours hétérogènes. Un élève qui a réussi brillamment dix évaluations d’affilée, aura une forte probabilité de continuer sur sa lancée. L’inverse est également vrai pour l’échec. 

Par conséquent, tous les élèves n’ont pas besoin du même niveau d’intervention pour rencontrer la réussite. Il y a des élèves qui maintiennent un haut niveau de réussite avec très peu d’efforts de la part des enseignants. 

Ces élèves ont pris l’habitude du succès et ont une dynamique et une inertie telle qu’ils consentiront aux efforts nécessaires pour rencontrer des conditions de réussite. Ils sont autonomes et ont les capacités pour s’autoréguler.

D’autres élèves auraient besoin d’un soutien supplémentaire par groupes de besoins pour assurer leur réussite. Certains élèves nécessiteront des interventions plutôt intensives et individualisées. 

C’est le principe de la réponse à l’intervention, un modèle dans lequel s’inscrit notamment le soutien au comportement positif :
  • Niveau 1 ou universel : 
    • Ce type d’approche assure un enseignement et un soutien pour promouvoir la réussite dans l’ensemble de l’école. 
    • Un suivi continu est mis en œuvre pour identifier les élèves qui ne répondent pas avec succès à ces interventions. 
  • Niveau 2 ou intensif : 
    • Les élèves qui ne répondent pas au niveau 1 risquent d’entrer dans une dynamique de l’échec. 
    • Une fois identifiés, ces élèves ont besoin d’un enseignement supplémentaire plus intensif et en petits groupes, et de stratégies de soutien pour maintenir leur réussite.
  • Niveau 3 ou individuel : 
    • Le suivi continu de niveau 2 révèle finalement les élèves qui ne répondent pas à tous les efforts précédents.
    • Ces élèves nécessitent des interventions intensives et individualisées pour éviter qu’ils ne se retrouvent dans une dynamique de l’échec. 

Plus une école réussit à mettre en œuvre un niveau universel de qualité, moins la probabilité d’échec des élèves est élevée. 

Plus une école réussit à mettre en œuvre le programme au niveau intensif, moins les élèves sont susceptibles d’être identifiés comme nécessitant les interventions les plus intensives et les plus individualisées.

Il est fondamental de miser sur le suivi et la prévention pour agir à moindre coût et favoriser la réussite des élèves avant que la dynamique et l’inertie de l’échec s’installent.

Un enseignement efficace et une détection des élèves susceptibles de rencontrer des problèmes dès le début de l’année scolaire représentent les meilleures stratégies pour réduire le nombre d’élèves accumulant les échecs.



Comment agir face à la dynamique et à l’inertie de l’échec


Deux éléments sont fondamentaux. Nous devons miser sur la prévention et la proactivité pour diminuer la probabilité de l’échec. L’enjeu est d’identifier assez tôt les élèves qui risquent de développer une dynamique et une inertie de l’échec pour agir avec eux avant que leurs besoins ne se décuplent.

Nous devons œuvrer à enseigner un comportement approprié et à soutenir un engagement scolaire lorsque les élèves sont calmes et positifs. Dès lors, il devient moins probable que les élèves aient besoin des interventions les plus importantes, les plus complexes et les plus intensives. 

Au plus tôt, nous identifions les élèves qui intensifient leur dynamique d’échec, au mieux nous pouvons tenter un niveau d’intervention plus intensif pour minimiser la probabilité d’une escalade. 

La prévention et la proactivité peuvent minimiser les risques lis à certains élèves, mais jamais les exclure. À un moment donné, cependant, nos stratégies peuvent passer de la simple prévention à la sécurité et à la minimisation de comportements les plus dangereux. 

Au-delà de toutes les composantes proactives du soutien au comportement positif, il restera des situations où un petit pourcentage d’élèves manifestera des comportements perturbateurs et potentiellement dangereux. La même logique peut se mener au niveau des apprentissages scolaires.

L’élément à prendre en considération est que la logique de la prévention, de l’intervention précoce et des niveaux d’intervention étagés reste la même. Elle va s’appliquer aux comportements qui s’intensifient et aux difficultés scolaires qui s’accroissent de la même manière.

Même parmi les pratiques fondées sur des preuves, il y a celles qui offrent simplement de meilleures chances de succès que les autres. Il n’y a pas de solutions sûres, pas d’interventions dont l’efficacité est toujours garantie. La prise en compte du contexte est essentielle.

Pour un élève, un comportement, des circonstances d’apprentissages et un contexte donnés, il existe des probabilités claires de réussite associées à différentes interventions. Les interventions à forte probabilité d’impact devraient toujours précéder les interventions à faible probabilité. La question qui se pose est de savoir dans quelle mesure une intervention a une probabilité d’avoir un effet positif.



Définir le comportement de passage à l’acte


Les comportements de passage à l’acte peuvent se manifester de différentes manières en classe et à l’école : 
  • L’élève prend la fuite par une sortie de classe soudaine sans l’autorisation de l’enseignant.
  • L’élève rentre dans une confrontation, profère des menaces graves, ou manifeste un comportement agressif envers une personne.
  • L’élève profère des violences verbales ou manifeste de la défiance envers l’enseignant.
  • L’élève manifeste du vandalisme envers le mobilier ou une non-conformité inflexible.
  • L’élève entre dans une crise de colère.

Ces comportements peuvent différer dans leur forme, leur contexte et leurs résultats. 

Toutefois, il existe plusieurs facteurs communs entre ces diverses situations qui font qu’elles peuvent être regroupées sous la définition d’un passage à l’acte.

Par exemple, des élèves différents qui sont en colère contre leurs parents ou certains enseignants peuvent aboutir à l’un ou l’autre de ces passages à l’acte. Bien que chacun des comportements terminaux puisse être différent, ils sont tous motivés par la même colère initiale.

D’autres élèves peuvent perdre leur confiance en eux, subir les soubresauts de la puberté, s’isoler socialement, devenir anorexiques ou boulimiques, se scarifier, ne plus se sentir à leur place ou décrocher scolairement. Ces réactions sont très différentes, mais chaque élève tente de faire face à une dépression, même si c’est par des moyens essentiellement autodestructeurs et contre-productifs.

Dans le cadre de cet article, c’est le premier type de passage à l’acte qui nous intéressera. Il décrit des élèves présentant des problèmes graves de comportement, en particulier un comportement explosif et progressif qui a un impact profond et immédiat sur la classe. 

Parmi les autres descripteurs parfois appliqués aux élèves présentant ces problèmes, nous pouvons citer les suivants : antisocial, trouble du comportement, perturbé sur le plan émotionnel, trouble émotionnel et comportemental, inadapté social, élève à besoins élevés, ou simplement élève à problèmes. 

Indépendamment de ces étiquettes, le comportement de passage à l’acte peut être grave et demande une résolution et une prise de décision. Il doit être traité de manière réfléchie et ciblée en mettant l’accent sur les comportements manifestés et sur le contexte et les conditions dans lesquels ils se produisent.



Miser sur la réponse à l’intervention de niveau 2 ou 3 face au passage à l’acte


Face à ces risques, nous devons miser sur la stratégie qui a la plus grande probabilité de fonctionner. En pensant en matière de probabilité, l’enseignement est la stratégie la plus logique au niveau 2. 

Dire à l’élève ce que nous attendons de lui, le modéliser et le démontrer, lui fournir un éventail d’exemples efficaces et de contre-exemples est utile. Le guider ensuite dans sa pratique et lui fournir un retour sur ses performances avant le moment et le contexte est précieux. Ce sont ces démarches qui ont le plus de chances de faciliter la réussite de l’élève, de générer du renforcement et d’améliorer le comportement. 

L’élève qui n’a pas d’expérience de réussite dans un comportement donné a moins de chances de le réussir du premier coup. L’enseignement constitue la base de la plus grande probabilité de réussite possible.

L’enseignement des alternatives spécifiques souhaitées au comportement problématique offre la plus grande probabilité de prévenir et de remédier à ce comportement. 

Après l’enseignement, des rappels, des arrangements environnementaux et une variété de routines initiées par l’enseignant peuvent être utilisés pour augmenter la probabilité que les élèves utilisent ce qui a été enseigné. 

Pour certains élèves, même le meilleur enseignement sera utile, mais insuffisant. Pour certains élèves, une approche de type Check In Check Out sera nécessaire. 

Si elle n’est pas non plus suffisante, nous pouvons passer au niveau 3 avec à une analyse fonctionnelle du comportement. Ce processus qui permet d’identifier comment les comportements sont liés à l’environnement dans lequel ils se produisent. Les informations tirées de l’analyse fonctionnelle du comportement sont utilisées pour individualiser les conditions environnementales, l’enseignement et les conséquences du comportement. 


Mis à jour le 26/08/2023

Bibliographie


Colvin, Geoff & Scott, Terrance. (2015). Managing the Cycle of Acting Out Behavior in the Classroom.

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