samedi 25 juin 2022

Créer un environnement propice à l’apprentissage

Dans le cadre du Great Teaching Toolkit, Rob Coe et ses collègues (2020) ont identifié quatre priorités pour les enseignants qui veulent aider leurs élèves à apprendre davantage :

  1. Comprendre le contenu qu’ils enseignent et la manière dont il est appris
  2. Créer un environnement favorable à l’apprentissage
  3. Gérer la classe pour maximiser les possibilités d’apprentissage
  4. Présenter des contenus, des activités et des interactions qui activent la pensée de leurs élèves. 


(Photographie : Kai Yokoyama)



Dans cet article, nous allons explorer la deuxième priorité.

Un environnement favorable est caractérisé par des relations de confiance qui témoignent du respect existant entre les élèves et leurs enseignants, et entre les élèves eux-mêmes. 

La concrétisation de ces valeurs de confiance et de respect soutient un environnement dans lequel les élèves sont motivés, où ils se sentent soutenus et stimulés dans leurs apprentissages. Dans un tel cadre, ils développent des attitudes positives et un sentiment d’appartenance vis-à-vis de l’école.



Promouvoir des interactions et des relations positives avec tous les élèves


Le premier élément concerne les interactions et relations que développent et maintiennent les enseignants avec tous leurs élèves. Elles sont fondées sur le respect mutuel, l’attention, l’empathie ou la chaleur humaine.

Nous sommes sensibles aux besoins individuels, aux émotions, à la culture et aux croyances de nos élèves.

Nous évitons les comportements émotionnels négatifs, tels que le sarcasme, les énervements ou l’humiliation dans nos interactions avec les élèves. 

Ce respect se veut également réciproque. Les enseignants se comportent de manière à promouvoir le respect des élèves, ce qui en retour conforte leur posture d’intégrité d’autorité. 

L’exigence de respect et la manifestation d’une sensibilité à l’égard des besoins individuels des élèves sont amplifiées, tant en importance qu’en difficulté, lorsque ces besoins sont plus divers ou extrêmes. 

Les enseignants efficaces connaissent bien leurs élèves en tant qu’individus. Ils sont bien informés de la nature et des exigences liées aux besoins spécifiques de leurs élèves. Ils disposent de stratégies adéquates pour y répondre.

Deux aspects particuliers des relations entre enseignants et élèves méritent une attention particulière : 
  • Les relations avec les élèves ayant des besoins éducatifs spéciaux, présentant une forme de neurodiversité ou un handicap particuliers, nécessitent souvent des connaissances spécifiques et une capacité d’adaptation de la part de l’enseignant.
  • Un autre élément clé de cet élément est la nécessité d’un enseignement culturellement pertinent en fonction des personnes : 
    • Les enseignants efficaces sont conscients des identités culturelles de leurs élèves, les respectent et y répondent. 
    • Cette dimension est d’autant plus importante lorsque la culture des élèves diffère de celle de l’enseignant ou de l’école, et peut entrer en conflit avec elle. 
    • Les enseignants doivent veiller à ce que les bonnes relations et la réussite scolaire qu’ils visent soient compatibles avec le respect par les élèves de leurs valeurs et identités culturelles.



Promouvoir un climat positif dans les relations entre élèves


Le deuxième élément est que les relations entre élèves se caractérisent par le respect, la confiance, la coopération et l’attention.

Les classes où les élèves se respectent et prêtent attention aux pensées des autres, et où ils se sentent en sécurité pour exprimer leurs propres pensées, sont plus productives pour l’apprentissage. 

Lorsque les élèves coopèrent efficacement les uns avec les autres, ils sont en mesure de tirer profit des interactions d’apprentissage avec leurs pairs. 

Dans les classes où les relations entre élèves sont caractérisées par l’agressivité, l’hostilité, la dévalorisation ou le manque de respect, l’apprentissage est entravé. 

L’enseignant joue un rôle dans la promotion de ces relations et interactions positives entre élèves. 



Promouvoir la motivation de l’apprenant


Le troisième élément se concentre directement sur la motivation des élèves. Les élèves qui manifestent de la motivation pour étudier, apprendre, s’engager et réussir sont plus susceptibles de le faire. 

Dans le langage courant, la motivation fait simplement référence à la raison d’être du comportement d’un individu. Dans le domaine de l’éducation, elle désigne également tout un champ de recherche axé sur les facteurs complexes qui influent sur la motivation des élèves. Il existe de multiples façons de classer la motivation et de multiples théories qui s’y rapportent.

Un modèle important de la motivation est celui de la théorie de l’autodétermination (de Deci et Ryan [2008]) et, en particulier, de son application à l’éducation [Guay et coll., 2008]. 

Dans ce cadre, nous stimulons la motivation des élèves en agissant sur leurs sentiments de compétence, d’autonomie et d’appartenance. 

La théorie de l’autodétermination donne la priorité aux types de motivation qui favorisent le bien-être et le développement de l’individu autant que l’exécution de sa tâche.

Dans le cadre de la théorie de l’autodétermination, Guay et ses collègues [2008] distinguent deux types de motivation : 
  • La motivation autonome : elle se caractérise par un sentiment de volition, bien qu’elle puisse avoir une valeur intrinsèque ou extrinsèque qui est devenue partie intégrante de l’identité de l’individu.
  • La motivation contrôlée : elle se caractérise par un sentiment de pression pour penser, ressentir ou se comporter d’une manière particulière par deux biais possibles :
    • Une récompense ou une punition explicite et contingente
    • Une régulation introjectée, alimentée de sentiments tels que la culpabilité, la honte ou une approbation contingente. 

La motivation autonome est favorisée lorsque les individus ont le sentiment que trois besoins fondamentaux sont satisfaits : 
  • L’autonomie : le sentiment de pouvoir choisir son comportement et de s’assurer que celui-ci est conforme à ses valeurs et à ses intérêts
  • La compétence : se sentir capable de produire les résultats souhaités et d’éviter les résultats indésirables
  • La relation ou parenté : se sentir lié à d’autres personnes et bénéficier de leur soutien mutuel.



Créer un climat d’attentes élevées


Le quatrième élément concerne les attentes et les attributions des enseignants :
  • Les enseignants doivent exiger des normes élevées de travail et de comportement de la part de tous les élèves. 
  • Les enseignants doivent veiller à ne pas exprimer des attentes moins élevées pour un sous-groupe, en particulier s’il rassemble des élèves dont le stéréotype commun peut être négatif.

L’enseignant efficace met en œuvre un climat d’attentes élevées pour tous ses élèves. Il pose des défis exigeants à ses élèves, tout en manifestant une grande confiance dans leur capacité à les relever. Il leur fournit tout le soutien nécessaire.

Les élèves sentent qu’ils peuvent tenter leur chance. L’enseignant efficace encourage ses élèves à attribuer leur succès ou leur échec à des facteurs qu’ils peuvent changer.

Un risque est que parfois des attentes moins élevées peuvent être indirectement transmises avec de bonnes intentions de la part d’un enseignant. 

Par exemple :
  • L’enseignant peut féliciter ses élèves pour un travail médiocre afin de les encourager.
  • Il peut éviter de poser des questions difficiles aux élèves qui semblent moins confiants ou en les aidant plus tôt lorsqu’ils sont bloqués.

Ce type de démarches qui peuvent se vouloir bienveillantes sont susceptibles de nuire à leur apprentissage. 

Les attentes élevées peuvent être perçues comme une forme d’amour vache :
  • Exiger des normes élevées peut signifier vouloir obtenir quelque chose que les enseignants ne croient pas vraiment probable. 
  • Lorsque les objectifs sont ambitieux et les exigences élevées, les élèves doivent se sentir en sécurité pour tenter leur chance et prendre des risques. Les enseignants ne doivent pas se trouver dans une position où ils mettent la pression ou exercent un contrôle renforcé. 

Nous devons établir un environnement de confiance et un équilibre complexe entre le fait de demander beaucoup et celui d’accepter de n’obtenir qu’une partie de ce que nous voulons. De plus, nous devons être prêts à fournir le soutien dont les élèves auront besoin pour se dépasser. 

De plus, que leurs élèves réussissent ou échouent, la manière dont les enseignants vont en rendre compte est également importante : 
  • Attribuer la réussite ou l’échec à des éléments que les élèves peuvent changer, comme l’intensité de leur travail ou les stratégies qu’ils ont utilisées, permet de mieux s’adapter et envisager de futurs succès.
  • Attribuer les résultats à des éléments qui échappent au contrôle des élèves, comme la chance, les capacités, un manque de maturité ou une paresse innée, amènent plutôt à la démotivation et à relâcher ses efforts. 



Marge d’action des facteurs de motivation pour un environnement propice à l'apprentissage


Un environnement propice est plus important dans certains types de classes que d’autres. Ce sera le cas avec des élèves plus jeunes ou plus à risque sur le plan éducatif, ou ceux pour qui la scolarité est généralement une expérience moins positive.

Vansteenkiste et ses collègues (2004) ont montré que les formes autonomes de motivation sont plus propices à la réussite, à la persistance et à la profondeur de la réflexion des élèves. Cependant, d’autres études ont trouvé des résultats mitigés. De plus, il peut y avoir une certaine confusion dans la littérature sur les types de comportements de l’enseignant pouvant être classés comme favorisant l’autonomie.

Dans le cadre du modèle allemand de Praetorius [et coll., 2018] :
  • Soutenir l’autonomie signifie :
    • Rendre le travail intéressant et pertinent.
    • Éviter la compétitivité ou la pression externe. 
    • Permettre aux élèves de choisir de manière autonome leur méthode de travail.
  • Soutenir la compétence signifie :
    • Différencier le niveau de difficulté du travail.
    • Adapter le niveau de soutien.
    • Donner aux élèves suffisamment de temps pour réfléchir.
    • Suivre, et répondre de manière positive et constructive aux erreurs
  • Soutenir l’appartenance sociale en ce qui concerne les relations entre enseignant-élève et élève-élève. 

Praetorius et ses collègues [2018] ont trouvé une petite association positive globale [0,12] entre ces comportements observés et les résultats des élèves. 



Marge d’action des attentes élevées pour un environnement propice 


La relation entre les attentes élevées des enseignants et la réussite des élèves est un pilier de la recherche sur l’efficacité de l’éducation depuis ses débuts. Cependant, une grande partie des recherches n’ont pas réussi à établir la direction de la causalité, à conceptualiser correctement les attentes ou à démontrer que nous savons comment changer les attentes des enseignants. 

Cependant, il existe probablement suffisamment de preuves que les attentes subliminales et explicites des enseignants peuvent influencer le niveau des élèves et devenir, au moins dans une certaine mesure, des prophéties autoréalisatrices [Muijs et coll., 2014]. 

Une caractéristique des interventions efficaces telles que l’apprentissage par la maîtrise est que les enseignants exigent la maîtrise de tous les élèves [Creemers et coll., 2013]. 

Une autre source de soutien théorique aux attentes élevées provient de la théorie de la fixation des objectifs [Locke & Latham, 2002]. Elle constate que, toutes choses égales par ailleurs [les objectifs doivent être spécifiques, acceptés, possibles et non contradictoires], plus l’objectif est ambitieux, plus le niveau de performance effectivement atteint est élevé.
 
Les recherches sur l’importance des attributions des élèves sont également nombreuses. Une série d’interventions visant à aider les élèves à s’attendre à des difficultés précoces a mis en évidence des pistes concrètes. Il s’agit par exemple de considérer les capacités comme susceptibles d’évoluer plutôt que fixes, ou d’attribuer les résultats à l’utilisation de stratégies. Les attentes, la persistance et les performances futures peuvent être améliorées en encourageant les attributions adaptatives [Yeager & Walton, 2011]. 



Créer un environnement propice à l’apprentissage, une compétence avancée pour les enseignants


Il se peut que les compétences et les comportements d’enseignement qui favorisent un environnement propice à l’apprentissage appartiennent à l’extrémité plus avancée du programme de formation des enseignants. 

Il est possible que des enseignants compétents soient devenus tout à fait efficaces pour promouvoir l’apprentissage de la plupart des élèves sans vraiment prêter attention à cette dimension.

Peut-être que l’environnement de la classe ne devient important pour déterminer l’apprentissage que lorsque d’autres éléments sont bien établis, ou qu’il n’a une importance significative que pour certains élèves. 

Dans le cadre du développement professionnel, il semble peu probable que consacrer des efforts à l’amélioration de cette dimension soit une stratégie à fort effet de levier pour améliorer les résultats de la plupart des enseignants. 

Toutefois, cette dimension n’est pour autant pas à négliger :
  • Il existe de bonnes preuves qu’elle peut avoir au moins un petit impact sur l’apprentissage en général dans les classes générales.
  • Il peut y avoir certains contextes ou individus pour lesquels l’impact est beaucoup plus important ?
  • Il existe de bonnes preuves de son impact sur des résultats plus larges, tels que le bien-être et les attitudes des élèves [Pianta et coll., 2012].

Mis à jour lle 11/08/2023

Bibliographie


Coe, R., Rauch, C. J., Kime, S., & Singleton, D. (2020). Great Teaching Toolkit: Evidence Review. Evidence Based Education. 

Guay, F., Ratelle, C. F., & Chanal, J. (2008). Optimal learning in optimal contexts: The role of self-determination in education. Canadian Psychology/Psychologie Canadienne, 49 (3), 233 – 240. https://doi.org/10.1037/a0012758

Deci, E. L., & Ryan, R. M. (2008). Self-determination theory: A macrotheory of human motivation, development, and health. Canadian Psychology, 49(3), 182–185. https://doi.org/10.1037/ a0012801

Vansteenkiste, M., Simons, J., Lens, W., Sheldon, K. M., & Deci, E. L. (2004). Motivating learning, performance, and persistence: The synergistic effects of intrinsic goal contents and autonomy-supportive contexts. Journal of Personality and Social Psychology, 87(2), 246–260. https:// doi.org/10.1037/0022-3514.87.2.246

Praetorius, A. K., Klieme, E., Herbert, B., & Pinger, P. (2018). Generic dimensions of teaching quality: the German framework of Three Basic Dimensions. ZDM—Mathematics Education, 50(3), 407–426. https://doi.org/10.1007/s11858-018-0918-4 

Muijs, D., Reynolds, D., Sammons, P., Kyriakides, L., Creemers, B. P. M., & Teddlie, C. (2018). Assessing individual lessons using a generic teacher observation instrument: How useful is the International System for Teacher Observation and Feedback (ISTOF)? ZDM—Mathematics Education, 50(3), 395–406. https://doi.org/10.1007/s11858-018-0921-9 

Creemers, B., Kyriakides, L., & Antoniou, P. (2013). Teacher professional development for improving quality of teaching. Springer. https://doi.org/10.1007/978-94-007-5207-8 

Locke, E. A., & Latham, G. P. (2002). Building a practically useful theory of goal setting and task motivation: A 35-year odyssey. American Psychologist, 57(9), 705–717. https://doi. org/10.1037/0003-066X.57.9.705 

Yeager, D. S., & Walton, G. M. (2011). Social-psychological interventions in education: They’re not magic. Review of Educational Research, 81(2), 267–301. https://doi. org/10.3102/0034654311405999 

Pianta, R. C., Hamre, B. K., & Allen, J. P. (2012). Teacher-student relationships and engagement: Conceptualizing, measuring, and improving the capacity of classroom interactions. In S. L. Christenson, A. L. Reschly, & C. Wylie (Eds.), Handbook of research on student engagement (pp. 365–386). Springer. https://doi.org/10.1007/978-1-4614-2018-7_17 

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