vendredi 20 mai 2022

Qualités et conception des exemples en enseignement explicite

L’enseignement par les exemples repose sur une conception spécifique du fonctionnement de l’apprentissage. L’objectif est de créer des séquences pédagogiques où la communication est claire, explicite et précise. Engelmann et Carnine (1982) ont proposé une analyse intéressante de la question que nous allons synthétiser ici.

(Photographie : Mike Sinclair)



La capacité de perception des qualités liées aux exemples


Les élèves ont la capacité d’apprendre toute qualité qui est illustrée au travers d’exemples. La qualité représente toute caractéristique irréductible d’un exemple. 

Si nous enseignons dans un cours de biologie, ce qu’est une cellule, ce concept contient de nombreuses qualités (taille, forme, fonction, type, etc.) : 
  • La différence entre deux cellules est une différence pour une ou plusieurs de ces qualités. 
  • Un enseignant pourrait montrer des exemples de cellules bactériennes, végétales ou animales, ou différents types de cellules humaines. 
  • Un contre-exemple de cellule peut être un virus.

Chaque changement dans un nouvel exemple ou contre-exemple présenté lors de l’enseignement est lié aux qualités perceptibles par l’élève de l’exemple original. Cette proposition suppose que même si les changements sont subtils, l’élève sera capable d’apprendre ce qui est enseigné.

Dès lors, la responsabilité de l’apprentissage incombe ici au concepteur de l’enseignement et à l’enseignant. Comme le dit Engelmann, « Si l’apprenant n’a pas appris, l’enseignant n’a pas enseigné » (Barbash, S. (2012)).



La capacité de généralisation de l’apprentissage à de nouveaux exemples


Les élèves ont la capacité de généraliser à de nouveaux exemples sur la base de la similitude de qualité.

Si nous présentons à un élève une séquence bien conçue d’exemples concernant un concept, nous supposons qu’il commencera à remarquer ce qui est identique parmi les exemples. Ce processus conduira spontanément chez lui au développement d’une nouvelle règle mentale. 

L’élève s’engage dans un raisonnement inductif. Le fait de noter la similitude partagée entre les exemples peut conduire à une compréhension généralisée du concept enseigné. 

Cette capacité à généraliser peut ensuite être testée en présentant à l’élève de nouveaux exemples liés au concept, mais qu’il n’a pas encore rencontrés. 

Si les nouveaux exemples présentent également la similitude que l’élève a remarquée, nous pouvons supposer qu’il les traitera de la même manière, ce qui démontre la généralisation. 

Imaginons que nous avons présenté à un élève une série d’exemples de cellules végétales et animales. Nous évaluons ensuite sa compréhension avec d’autres exemples de cellules qui présentent une similitude avec un type ou l’autre. L’élève devrait traiter logiquement ces exemples de la même manière et les qualifiera de cellules végétales ou de cellules animales. S’il réussit, il fait preuve de généralisation.



Privilégier les exemples aux simples définitions


Selon Engelmann et Carnine (1982), un concept de base est un concept qui ne peut être entièrement décrit avec d’autres mots (autrement que par des synonymes). Dès lors, pour enseigner correctement un concept de base, nous avons besoin d’exemples concrets. 

Les concepts de base sont divisés en trois groupes principaux :
  1. Les concepts unidimensionnels non comparatifs. Exemple : chaud, trois, vers, sous, convexe, etc. Ces concepts ont une seule caractéristique de définition. Par exemple : chaud est défini uniquement par la chaleur, vers est défini par la direction et trois est défini par la quantité.
  2. Les concepts comparatifs unidimensionnels. Il s’agit de concepts tels que plus chaud, plus grand, moins léger, etc.
  3. Les concepts multidimensionnels, qui possèdent de nombreuses caractéristiques différentes. C’est par exemple une cellule ou une fonction quadratique. 

Nous ne pouvons nous limiter à des mots, à une définition pour décrire ou enseigner un concept nouveau. Les mots sont polysémiques. De plus, ils ont une signification légèrement différente pour chaque personne en fonction de son expérience et des exemples qu’elle a déjà rencontrés. Dès lors, l’étendue et les limites du concept varieront pour chaque élève, à condition qu’il en ait une compréhension.

Introduire un nouveau concept par une définition a toutes les chances d’être déroutant pour un élève. Pour un novice dans un domaine, les termes utilisés dans une définition peuvent être inintelligibles ou complexes. C’est pourquoi les définitions sont souvent peu utiles aux élèves ayant des connaissances limitées. Ils vont tendre à les étudier par cœur sans les comprendre, non pas par choix, mais parce que le sens leur échappe de toute façon. 

Un mot n’est qu’un symbole relatif à un sens sous-jacent. Seuls des exemples permettent véritablement à l’élève de faire l’expérience de la qualité que le mot symbolise.

Sans exemples, la séquence d’enseignement ne délivre pas une base solide pour que l’élève comprenne pleinement quelle qualité le mot décrit. Comme l’écrivent Engelmann et Carnine (1982), le mot n’est pas le concept et n’implique pas le concept pour un novice. 

Comme l’écrit Engelmann (2014), nous voulons que nos élèves puissent faire preuve d’une performance généralisée au départ d’un éventail le plus large possible d’exemples et de situations

Trois processus spécifiques accompagnent l’enseignement grâce aux exemples et aux contre-exemples.


L’interpolation des exemples


L’interpolation consiste à traiter de la même manière les exemples d’un concept qui se situent le long d’un continuum. 

Imaginez que nous enseignions le sens premier du terme grisaille à un élève.

Si nous nous limitons à la définition, « ensemble de couleurs grisâtres, ternes », elle est peu susceptible d’éclairer tous les élèves. Nous pourrions également nous contenter d’un seul exemple de couleur grise, mais de nouveau l’étendue du sens leur échappera.
 
Une alternative qui se base sur l’interpolation consiste à présenter divers exemples éparpillés sur un continuum entre noir et blanc, comme celui-ci :


La première couleur est le noir, la dernière est le blanc. La grisailler représente toutes les situations intermédiaires.

Si les exemples recouvrent les extrêmes du continuum et que par la suite nous présentons à l’élève une nuance située au milieu de l’échelle, il l’identifierait logiquement et naturellement comme étant grise.

En classe, imaginons que nous enseignons le concept de molécule. Nous présentons aux élèves deux exemples étiquetés. L’un comporte deux atomes chimiquement liés et l’autre vingt, un élève traitera logiquement comme une molécule un troisième exemple comportant dix atomes chimiquement liés.



L’extrapolation des exemples


L’extrapolation consiste à traiter les petites différences comme étant aussi importantes que les grandes. 

Si un petit changement fait qu’un exemple devient un contre-exemple, alors par extrapolation, tout changement plus important fera que l’élément sera également considéré comme un contre-exemple.




Imaginez que les plus petits papillons de cette collection soient tous des exemples du concept « Min » et que les papillons de taille moyenne soient « non Min ». Par extrapolation, l’apprenant arriverait probablement à la conclusion que les plus grands papillons ne sont pas non plus « Min ».

Comment cela s’applique-t-il à la salle de classe ?

Imaginons que nous présentons une molécule avec deux atomes identiques. Nous la classons parmi les corps simples. Ensuite, nous amenons une molécule avec deux atomes différents et la qualifions de corps composé. Par la suite, un élève traitera logiquement un troisième exemple qui a trois atomes différents également comme un corps composé.



La stipulation des exemples


Ce processus consiste à présenter de manière répétée de nombreux exemples très similaires et à les traiter de la même manière. 

Si les exemples sont trop limités, l’apprenant en viendra à penser que la plupart ou toutes leurs qualités sont essentielles. 

Cela signifie que lorsqu’un exemple ultérieur est présenté et qu’il se situe en dehors de cette gamme, l’élève — par le processus de stipulation — le traitera comme un non-exemple. 




Prenons un exemple. Imaginons que les 21 feuilles de cette figure soient présentées une par une, de gauche à droite et de haut en bas. Considérons que les 20 premières feuilles ont été toutes traitées de la même manière, par exemple par l’enseignant qui désignerait chacune d’entre elles comme étant unie feuille de chêne. L’apprenant pourrait répondre que pour lui la feuille 21 n’est pas une feuille de chêne par le processus de stipulation.

Vingt et une feuilles sont disposées en carré, vingt sont rouges et une est verte.

La stipulation nous permet de montrer une série d’exemples positifs d’un concept, et d’introduire des non-exemples avec une tendance accrue pour que l’apprenant reconnaisse correctement la limite du concept.


Mis à jour le 24/07/2023

Bibliographie


Athabasca University, Siegfried Engelmann and Direct Instruction, 2021
https://psych.athabascau.ca/open/engelmann/generalize.php

Engelmann and Carnine (1982) Theory of instruction: principles and applications. Eugene, OR : NIFDI Press.

Barbash, S. (2012). Clear teaching: With Direct Instruction, Siegfried Engelmann discovered a better way of teaching. Education Consumers Foundation.  

Tom Needham, Teaching through examples, in Explicit & Direct Instruction, 2019, John Catt

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