Pouvoir répondre efficacement dans la mesure des ressources disponibles face aux difficultés des élèves demande un pilotage. Il impose également un diagnostic qui a tout intérêt à être réalisé le plus tôt possible, car les actions préventives permettent souvent d’agir avant que la situation ne s’accentue.
(Photographie : Justin James Reed)
Prendre en compte, anticiper et analyser les causes primaires et secondaires des difficultés scolaires
Pour certains élèves, la difficulté scolaire est liée à un trouble de l’apprentissage ou du comportement, à pathologie ou un contexte familial, social ou affectif difficile.
Pour d’autres élèves, la difficulté scolaire n’est pas directement liée à une cause clairement identifiée. Globalement tout semble aller bien sur le plan de la santé et des conditions de vie. Les différences de capacités intellectuelles et de ressources mobilisables ne suffisent plus à expliquer leurs difficultés.
Souvent, les causes sont composites. Certaines causes primaires (par exemple un trouble de l’apprentissage) peuvent en entrainer des causes secondaires (comme une auto-efficacité faible et des lacunes) ce qui rend certaines situations complexes à démêler. Au plus tard une difficulté scolaire est prise en considération au plus complexe elle devient.
Dans tous les cas, le diagnostic qui permet d’identifier la nature du soutien à apporter peut se révéler un défi à lui tout seul. Nos ressources en tant qu’enseignant étant limitées, il s’agit de les utiliser à bon escient.
La première exigence est d'adopter des pratiques universelles, c'est-à-dire de privilégier des stratégies d'apprentissage efficaces à l'ensemble des élèves associées à des attentes élevées. Ces démarche permettent déjà une certaine prévention face à l'apparition de difficultés. Au-delà, des démarches d'évaluation diagnostique, formative, ainsi qu'un enseignement adaptatif vont permettre de mettre en évidence et d'identifier certains besoins spécifiques.
Certaines difficultés liés à l'apprentissage peuvent avoir déjà été mises en évidence et justifier des aménagement scolaires dans une perspectiv d'inclusion.
L'élaboration d'une politique de gestion des ressources et des soutiens basée sur la réponse à l'intervention permet également une bonne mobilisation des moyens toujours limités.
Le manque de connaissances préalables comme cause primaire de difficultés scolaires
Une cause primaire de difficulté vient du fait que certains élèves peuvent avoir accumulé des lacunes en matière de connaissances au fil du temps dans une ou plusieurs matière. Ils pouvaient se montrer volontaires et positifs, étaient victimes d'un contexte défavorable ou semblaient fournir de réels efforts. Sur cette base, les équipes éducatives ont pu les laisser passer quelques fois vers l'année supérieure malgré des lacunes et sans prévoir un programme de remédiation ou de récupération.
Toutefois, ce genre de situation pardonne rarement. Moins un élève a de connaissances préalables dans un domaine de matière, plus il deviendra difficile pour lui :
- De s'investir dans la réalisation des tâches demandées dans la matière concernée. Elles vont entrainer une charge cognitive excédentaire. Il manque à l’élève certaines informations pertinentes pour comprendre et traiter les informations auxquelles il est confronté.
- D’élaborer au sujet des nouvelles connaissances et de faire des liens avec des connaissances préalables qu’il ne possède pas. L’élève peut se résoudre à mémoriser littéralement les nouveaux contenus. La plupart de ses nouvelles connaissances seront approximatives, incomplètes et sensibles à l'oubli.
Pour ces élèves, la compréhension et la conceptualisation de nouveaux contenus seront plus faibles par manque de liens pertinents avec des connaissances existantes en mémoire à long terme. Du coup, ces connaissances sont moins flexibles, moins transférables et moins applicables.
Lorsque pour un élève, un noyau de lacunes portant sur des connaissances essentielles existe dans un domaine enseigné, celui-ci devrait faire l’objet d’un programme de remédiation ciblé. Sans cela, le processus de difficultés scolaires tend à s’intensifier avec des conséquences néfastes sur la motivation ce qui accentue encore les difficultés.
Dès lors, face aux difficultés que rencontre un élève dans un cours, la première question à se poser est la qualité des prérequis. Possède-t-il les connaissances préalables nécessaires ? Sans cela la compréhension et l'apprentissage de nouveaux contenus sera compromis.
Examiner les racines potentielles du manque de motivation ou d’intérêt des élèves en difficulté
Le manque de motivation et d’intérêt des élèves en ce qui concerne l’école, les apprentissages et les tâches proposées peut être une source de difficulté.
Il déclenche un désengagement des élèves qui se traduit très directement par un désinvestissement dans le travail scolaire, des stratégies d’évitement, de procrastination et peut mener au décrochage.
Naturellement, ce processus se traduit par des opportunités d’apprentissage plus faible, ce qui accentue le phénomène.
Le manque de motivation ou d’intérêt peut être attribuable à des causes :
- Objectivables et d’ordre cognitif :
- Un trouble de l’apprentissage non complètement adressé
- La présente de lacunes qui se traduit par un manque de connaissances préalables dans différentes matières.
- Ces deux situations augmentent la probabilité de se retrouver en situation de surcharge cognitive, laquelle limite également la construction de nouvelles connaissances et renforce le risque de désengagement.
- Un niveau de l’enseignement qui ne correspond pas à celui de l’élève peut également accentuer la surcharge cognitive.
- Sans réponse pédagogique adéquate et sans soutien, ces écarts sur les apprentissages ont tendance à s’accroitre au fil du temps.
- Subjectives et d’ordre motivationnel :
- De mauvaises expériences en classe, des situations d’échec à des évaluations, ou le manque d’opportunités de réussite, de reconnaissance ou d’appartenance, peuvent influer négativement sur le sentiment d’efficacité personnelle des élèves.
- Moins ces élèves réussissent de tâches d’apprentissage, moins ils vont s’estimer capables d’apprendre, moins ils vont s’investir.
- Cela peut avoir d’autres conséquences comme le fait d’attribuer moins de valeur aux apprentissages scolaires et détourner son attention et intérêt vers des activités périscolaires et extrascolaires.
- Un décalage, des erreurs d’attribution et des malentendus peuvent s’installer :
- Ils séparent le sens que les enseignants donnent à l’école et aux apprentissages qui y sont réalisés et ce qu’en attendent les enfants et les adolescents, parfois même leurs parents.
- Il peut y avoir confusion entre performance et apprentissage. Tout miser sur la performance, par exemple sur des points à court terme, peut se traduire par un manque de durabilité des apprentissages.
- Un autre phénomène possible est l’adoption d’un état d’esprit fixe (avec un sentiment d’impuissance et des comparaisons négatives avec des pairs plus doués). Celui-ci se fait aux dépens d’un état d’esprit de développement (centré sur les progrès et les investissements personnels). Un élève qui adopte un état d’esprit fixe peut ne pas voir l’intérêt de fournir des efforts et d’écouter les conseils stratégiques qui lui sont donnés, car il ne se sent pas suffisamment capable.
Face à un élève en difficultés scolaires, ces différentes pistes méritent d’être explorées et en fonction du diagnostic, certaines pistes de solution peuvent être privilégiées.
Difficultés scolaires et manque de culture de l’apprentissage
Un manque de connaissances des élèves à propos de la culture de l’école et des stratégies cognitives et métacognitives à mettre en œuvre pour progresser peut être manifeste.
Dans de nombreux cas, ce n’est pas tant l’apprentissage lui-même qui est difficile, mais :
- La persistance dans la réalisation de la tâche :
- Ces élèves ne fournissent pas les efforts nécessaires.
- La mobilisation des stratégies cognitives et métacognitives pertinentes :
- Ces élèves ne connaissent pas les stratégies nécessaires ou ne suivent pas les conseils qui leur sont prodigués à leur sujet.
Le vecteur ou le procédé que nous avons conçu pour que les élèves apprennent et la façon dont ils l’abordent personnellement peuvent poser problème. Les élèves peuvent ne pas percevoir de manière pertinente :
- Les objectifs d’apprentissage prévus.
- La manière de développer les compétences attendues.
Les élèves en difficulté peuvent manifester une tendance à :
- Ne pas réserver suffisamment de temps de qualité et d’attention consacrés à la compréhension des objectifs d’apprentissage ou au développement des apprentissages correspondants
- Manquer de persévérance et tendre à l’abandon rapide de la tâche en cas de difficulté
- Procrastiner et ne pas faire de planification cohérente du travail fournir
- Mobiliser des stratégies cognitives ou métacognitives inadaptées ou non maitrisées
- Persister dans la poursuite de la mobilisation de stratégies qui leur sont soulignées comme étant inefficaces dans l’emploi qu’ils en font
- Fonctionner par analogie avec une situation précédemment connue plutôt que de s’engager dans une démarche métacognitive qui permet la réflexivité, le progrès et la remise en question.
- Ne pas vérifier la qualité et la pertinence de leurs réponses.
Ces difficultés s’accumulent du développement de lacunes qui peuvent contribuer elles-mêmes à accentuer ces tendances qui peuvent devenir inextricables sans la mise en place d’un accompagnement personnalisé.
Répondre aux difficultés rencontrées par des élèves
De manière générale, hormis la présence de déficits cognitifs clairs, répondre d’emblée à des difficultés scolaires par des approches spécifiques et individualisées n’est que rarement la meilleure approche. Premièrement, la démarche est coûteuse en matière de ressources. Deuxièmement, certains soutiens apportés peuvent ne pas être justifiés de prime abord, ce qui peut se traduire par l’expression d’attentes moins élevées auprès des élèves concernés.
Les approches les plus efficaces de l’aide aux élèves en difficulté ont la particularité d’être universelles et non spécifiques. Elles correspondent au niveau 1 de la réponse à l’intervention. L’idée est de proposer à tous les élèves les approches les plus efficaces pour prévenir autant que possible les difficultés.
Ce n’est que dans un second temps, si les élèves n’y répondent pas à ces pratiques de premier niveau que des interventions ciblées de niveau 2 peuvent être mises en routes par groupes de besoin. Les élèves qui ne répondent pas non plus à ces interventions peuvent alors bénéficier d’une aide individualisée.
La plus grande chance d’un élève en difficulté ordinaire, ce n’est pas, par exemple, d’être dans une classe spéciale, une école à pédagogie active ou avec un curriculum adapté. Ce n’est même pas d’être pris en charge individuellement dans sa classe. Sa plus grande chance c’est d’avoir un enseignant qui met en œuvre des pratiques universelles efficaces pour tous ses élèves.
Les dispositifs de prise en charge individuelle des élèves en difficulté, délivrés par défaut, ne sont pas toujours efficaces. En moyenne, ils sont inefficaces.
Premièrement, ils ne peuvent remplacer une pratique d’enseignement efficace générale donnée par défaut aux élèves.
Deuxièmement, si dans certains cas ils sont très efficaces, dans certains cas ils sont inefficaces, et dans certains cas ils sont même délétères. Un élève démotivé ne bénéficiera pas d’un enseignement supplémentaire, mais d’un accompagnement sur la question de la motivation et de l’engagement. L’inverse est vrai pour un élève manifestant des lacunes.
Pour que les dispositifs de prise en charge individuelle soient efficaces, il faut qu’ils interviennent à un niveau 3, après des pratiques universelles et des pratiques plus intensives en petits groupes de niveau 2.
Au niveau 3, les interventions individualisées devraient répondre aux critères suivants. Elles sont :
- Ponctuelles : elles recouvrent un temps réduit par semaine, avec une durée limitée à quelques semaines, en ciblant des objectifs d’apprentissage précis et clairement limités.
- Fondées sur une évaluation diagnostique approfondie des besoins avant la prise en charge et des progrès à la fin de la prise en charge ;
- Pédagogiquement différentes de l’approche qui n’a pas fonctionné en classe : des tâches différentes, des situations différentes, des explications différentes, etc.
- Acceptées par l’élève qui manifeste son adhésion et non vécues comme une stigmatisation ou une punition.
Mis à jour le 30/06/2023
Bibliographie
Manuel Musial, Fabienne Pradère, André Tricot, Comment concevoir un enseignement ? De Boeck Supérieur, 2012
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