samedi 2 avril 2022

Pourquoi certains élèves rencontrent-ils des difficultés à l’école et comment y répondre ?

Pouvoir répondre efficacement dans la mesure des ressources disponibles face aux difficultés des élèves demande un pilotage. Il impose également un diagnostic qui a tout intérêt à être réalisé le plus tôt possible, car les actions préventives permettent souvent d’agir avant que la situation ne s’accentue.

(Photographie : Justin James Reed)



Prendre en compte, anticiper et analyser les causes primaires et secondaires des difficultés scolaires


Pour certains élèves, la difficulté scolaire est liée à un trouble de l’apprentissage ou du comportement, à pathologie ou un contexte familial, social ou affectif difficile.

Pour d’autres élèves, la difficulté scolaire n’est pas directement liée à une cause clairement identifiée. Globalement tout semble aller bien sur le plan de la santé et des conditions de vie. Les différences de capacités intellectuelles et de ressources mobilisables ne suffisent plus à expliquer leurs difficultés. 

Souvent, les causes sont composites. Certaines causes primaires (par exemple un trouble de l’apprentissage) peuvent en entrainer des causes secondaires (comme une auto-efficacité faible et des lacunes) ce qui rend certaines situations complexes à démêler. Au plus tard une difficulté scolaire est prise en considération au plus complexe elle devient.

Dans tous les cas, le diagnostic qui permet d’identifier la nature du soutien à apporter peut se révéler un défi à lui tout seul. Nos ressources en tant qu’enseignant étant limitées, il s’agit de les utiliser à bon escient.

La première exigence est d'adopter des pratiques universelles, c'est-à-dire de privilégier des stratégies d'apprentissage efficaces à l'ensemble des élèves associées à des attentes élevées. Ces démarche permettent déjà une certaine prévention face à l'apparition de difficultés. Au-delà, des démarches d'évaluation diagnostique, formative, ainsi qu'un enseignement adaptatif vont permettre de mettre en évidence et d'identifier certains besoins spécifiques. 

Certaines difficultés liés à l'apprentissage peuvent avoir déjà été mises en évidence et justifier des aménagement scolaires dans une perspectiv d'inclusion.

L'élaboration d'une politique de gestion des ressources et des soutiens basée sur la réponse à l'intervention permet également une bonne mobilisation des moyens toujours limités. 



Le manque de connaissances préalables


Une source primaire de difficulté est que les élèves peuvent avoir accumulé des lacunes en matière de connaissances au fil du temps dans une matière. 

Moins un élève a de connaissances préalables dans un domaine de matière, plus il est difficile pour lui :
  • De réaliser les tâches demandées dans cette matière, car elles entrainent une charge cognitive excédentaire. Il manque à l’élève certaines informations pertinentes pour comprendre et traiter les informations auxquelles il est confronté.
  • D’élaborer au sujet des nouvelles connaissances et de faire des liens avec des connaissances préalables qu’il ne possède pas. L’élève peut se résoudre à mémoriser littéralement les nouveaux contenus. 

La compréhension et la conceptualisation seront plus faibles par manque de liens pertinents avec des connaissances existantes en mémoire à long terme. Du coup, ces connaissances sont moins flexibles, moins transférables et moins applicables.

Lorsque pour un élève, un noyau de lacunes portant sur des connaissances essentielles existe dans un domaine enseigné, celui-ci devrait faire l’objet d’un programme de remédiation ciblé. Sans cela, le processus de difficultés scolaires tend à s’intensifier avec des conséquences néfastes sur la motivation ce qui accentue encore les difficultés.



Le manque de motivation ou d’intérêt


Le manque de motivation et d’intérêt des élèves en ce qui concerne l’école, les apprentissages et les tâches proposées peut être une source de difficulté. Il déclenche un désengagement des élèves qui se traduit très directement par un apprentissage plus faible qui accentue le phénomène. 
Le manque de motivation ou d’intérêt peut être : 
  • Une conséquence de lacunes et difficultés préalables qui influent négativement sur le sentiment d’efficacité personnelle des élèves. Moins ces élèves réussissent de tâches d’apprentissage, moins ils vont s’estimer capables d’apprendre. Cela peut avoir d’autres conséquences comme le fait d’attribuer moins de valeur aux apprentissages scolaires et détourner son attention et intérêt vers des activités périscolaires et extrascolaires. 
  • Un décalage, des erreurs d’attribution et des malentendus peuvent s’installer. Ils séparent le sens que les enseignants donnent à l’école et aux apprentissages qui y sont réalisés et ce qu’en attendent les enfants et les adolescents, parfois même leurs parents. Nous pouvons citer :
    • La confusion entre performance et apprentissage. Tout miser sur la performance, par exemple sur des points à court terme, peut se traduire par un manque de durabilité des apprentissages.
    • La différence entre un état d’esprit fixe (avec un sentiment d’impuissance et des comparaisons négatives avec des pairs plus doués) et un état d’esprit de développement (centré sur les progrès et les investissements personnels).



Le manque de culture de l’apprentissage


Un manque de connaissances des élèves à propos de la culture de l’école et des stratégies cognitives et métacognitives à mettre en œuvre pour progresser. 

Dans de nombreux cas, ce n’est pas tant l’apprentissage lui-même qui est difficile, mais la persistance dans la réalisation de la tâche et la mobilisation des stratégies cognitives et métacognitives pertinentes. 

Le vecteur ou le procédé que nous avons conçu pour que les élèves apprennent et la façon dont ils l’abordent personnellement peuvent poser problème. Les élèves peuvent ne pas percevoir de manière pertinence les objectifs d’apprentissage prévus ni la manière de développer les compétences attendues.

Les élèves en difficulté peuvent : 
  • Ne pas prendre assez de temps pour comprendre les objectifs d’apprentissage ni ne fournir assez d’efforts pour arriver à apprendre.
  • Le manque de persévérance et un abandon rapide de la tâche en cas de difficulté.
  • Procrastiner et ne pas faire de planification.
  • Mobiliser une stratégie cognitive inadaptée ou non maitrisée.
  • Persister dans une stratégie inefficace,
  • Fonctionner par analogie avec une situation connue plutôt que de s’engager dans une démarche métacognitive.
  • Ne pas vérifier la qualité et la pertinence de ses réponses.



Agir sur les difficultés des élèves


Les approches les plus efficaces de l’aide aux élèves en difficulté ont la particularité d’être universelles et non spécifiques comme le soutient l’approche de réponse à l’intervention. L’idée est de proposer à tous les élèves les approches les plus efficaces pour prévenir autant que possible les difficultés. 

Ce n’est que dans un second temps, si les élèves n’y répondent pas à ces pratiques de premier niveau que des interventions ciblées de niveau 2 peuvent être mises en routes par groupes de besoin. Les élèves qui ne répondent pas non plus à ces interventions peuvent alors bénéficier d’une aide individualisée.

La plus grande chance d’un élève en difficulté ordinaire, ce n’est pas, par exemple, d’être dans une classe spéciale, une école à pédagogie active ou avec un curriculum adapté. Ce n’est même pas d’être pris en charge individuellement dans sa classe. Sa plus grande chance c’est d’avoir un enseignant qui met en œuvre des pratiques efficaces pour tous ses élèves.

Les dispositifs de prise en charge individuelle des élèves en difficulté, délivrés par défaut ne sont pas toujours efficaces. En moyenne, ils sont inefficaces.

Premièrement, ils ne peuvent remplacer une pratique d’enseignement efficace générale donnée par défaut aux élèves.

Deuxièmement, si dans certains cas ils sont très efficaces, dans certains cas ils sont inefficaces, et dans certains cas ils sont même délétères. Un élève démotivé ne bénéficiera pas d’un enseignement supplémentaire, mais d’un accompagnement sur la question de la motivation et de l’engagement. L’inverse est vrai pour un élève manifestant des lacunes. 

Pour que les dispositifs de prise en charge individuelle soient efficaces, il faudrait qu’ils soient notamment : 
  • Ponctuels : un temps réduit par semaine, avec une durée limitée à quelques semaines, en ciblant des objectifs d’apprentissage précis et clairement limités.
  • Fondés sur une évaluation diagnostique approfondie des besoins avant la prise en charge et des progrès à la fin de la prise en charge ; 
  • Pédagogiquement différents de l’approche qui n’a pas fonctionné en classe : des tâches différentes, des situations différentes, des explications différentes, etc. 
  • Acceptés par l’élève qui manifeste son adhésion et non vécus comme une stigmatisation ou une punition.


Mis à jour le 30/06/2023

Bibliographie


Manuel Musial, Fabienne Pradère, André Tricot, Comment concevoir un enseignement ? De Boeck Supérieur, 2012

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