jeudi 31 mars 2022

Acquérir une compétence

Musial et Tricot (2020) s’intéressent à ce que signifie acquérir une compétence.

(Photographie : Mitsutaka Tajiri)




Il est utile pour cela de repartir de la définition (minimaliste) que donne André Tricot (2017) de la compétence : 

Une compétence est l’association d’une tâche et d’au moins une connaissance. 

De la même manière, Musial et Tricot (2020) nous laissent comprendre qu’améliorer une compétence ou l’élargir est un processus susceptible de s’étendre sur de longues périodes. Les connaissances en sont un ingrédient fondamental et non suffisant.



L’origine de l’approche par compétences


L’approche par compétences trouve son origine dans le monde professionnel.

Reconnaitre une compétence témoigne qu’un salarié est capable de bien faire ce qu’il est censé faire dans le cadre de ses responsabilités professionnelles. L’idée d’avoir une compétence au travail va plus loin que simplement avoir le diplôme qui qualifie pour une fonction donnée ou que le fait d’avoir ce poste. 

Transférer l’idée de compétences dans le domaine de la formation, de l’enseignement et de l’éducation amène à caractériser ce que les apprenants formés sauront faire à l’issue de ceux-ci.



Notions de tâches réalisées ou de compétences démontrées et acquises


La notion de compétence peut être définie comme la capacité des apprenants à réaliser un type de tâche donnée. Derrière celle-ci, sont impliqués voir nécessaires à la réalisation : 
  • Un savoir-faire
  • Des connaissances notionnelles
  • Un savoir-être 

Une tâche donnée peut inclure une succession de sous-tâches. Le savoir-faire mis en œuvre de la tâche peut être analysé comme une succession d’étapes. Les élèves s’entraineront à réaliser l’une après l’autre, puis, progressivement toutes ensemble.

Nous pouvons par conséquent regarder l’apprentissage sous l’angle de la tâche réalisée ou de la compétence mobilisée. 

Lorsqu’une des deux approches est strictement privilégiée aux dépens de l’autre, les dégâts sont inévitables :
  • L’approche centrée sur la tâche se centre sur des connaissances spécifiques.
  • L’approche par compétence considère les connaissances dans leur dimension générale.

Les deux approches sont complémentaires et ne fonctionnent pas seules. 

Utiliser l’approche par compétences pour évacuer les connaissances spécifiques est un non-sens. N’enseigner que dans un cadre spécifique évacue la nécessité de la flexibilité et du transfert proche.

Dès que nous enseignons, nous enseignons des compétences et des connaissances. Les deux sont strictement dépendantes l’une de l’autre :
  • Sans tâche à mettre en œuvre, les connaissances ne sont rien. 
  • Sans connaissance, les tâches ne peuvent pas être mises en œuvre. 



Formes de mémoires et gains d’apprentissage


La mémoire de travail fait figure de goulet d’étranglement pour l’apprentissage. Elle ne peut être augmentée par un entrainement. 

Les connaissances spécifiques apprises et consolidées en mémoire à long terme dans des schémas cognitifs permettent de contourner en partie ses limitations, et de progresser. 

En ce sens, l’accumulation de connaissances et compétences pertinentes en mémoire à long terme favorise la réussite scolaire ultérieure. 



D’une tâche à un ensemble de tâches


Un élève peut maîtriser la connaissance nécessaire et suffisante à la réalisation d’une certaine tâche précédemment nouvelle pour lui. Nous pouvons constater sa capacité à la résoudre.

Néanmoins, si nous nous arrêtons — là, il est fréquent d’observer que cet élève ne parviendra pas à mobiliser cette connaissance pour une ou plusieurs variantes de cette tâche. 

La seule façon de faire reculer cette limite est de proposer à cet élève un plus large temps de pratique diversifiée et distribuée. 

Il ne suffit pas de posséder des connaissances. Nous n’échappons pas à une concurrence entre notre connaissance intuitive (économe en énergie et utilisée par défaut) et notre connaissance rationnelle (coûteuse en énergie, qui doit être mobilisée ou indicée). Il nous faut pouvoir les mobiliser ces connaissances à bon escient. 

Souvent, la maîtrise de la connaissance nécessaire et suffisante à la réalisation d’une tâche ne suffit pas à prédire la réalisation effective de cette dernière. La maîtrise de la connaissance doit passer par la réalisation de tâches qui matérialisent la compétence.



Une approche spécifique de la compétence


L’approche par compétence peut contribuer à un réel apprentissage fonctionnel si elle se fonde sur des connaissances spécifiques. 

Ce qui nous intéresse dans la compétence, c’est simplement d’identifier les connaissances pertinentes pour la résolution d’une tâche à partir de connaissances.

Une compétence ne correspond pas à un format spécifique de connaissance. C’est une façon de spécifier, non pas une connaissance, mais la réalisation d’une tâche.

Une compétence caractérise la capacité pour un individu de réaliser une tâche dans un certain contexte avec un certain niveau de performance. 

Une même connaissance peut être mobilisée dans la mise en œuvre de différentes compétences. Une compétence peut être analysée comme mettant en œuvre différentes connaissances de différents formats.

Acquérir une compétence, c’est devenir expert d’une tâche. Cela implique d’élaborer la connaissance, de l’associer à la tâche, de renforcer cette association par la pratique de la tâche, voire de l’automatiser.

Apprendre une compétence implique la modification de nos connaissances dans le sens que nous devons les posséder et les rendre mobilisables. Apprendre une compétence ne se réduit pas à la réalisation de la tâche.



L’établissement du domaine d’utilisation de la connaissance


L’acquisition d’une compétence est l’établissement d’une (au moins) association de la connaissance à la tâche.

Nous devenons capables de répondre par élaboration aux questions suivantes :
  • Pour quelles tâches cette connaissance est-elle pertinente ? 
  • Pourquoi cette connaissance est-elle pertinente pour ces tâches ? Et sous quelles conditions ? 

Cette phase d’association correspond à l’établissement du domaine d’utilisation de la connaissance. 

Cette phase de l’apprentissage est potentiellement très étendue dans le temps :
  • Nous pouvons passer plusieurs années à ajouter des tâches au domaine d’utilisation de la connaissance. 
  • Réciproquement, nous pouvons ajouter énormément de connaissances à une tâche et même y consacrer une vie entière. 

Élaborer une compétence, c’est aussi renforcer l’association existante de la connaissance à la tâche. Petit à petit, nous passons moins de temps à nous poser les questions : 
  • Quelle connaissance est pertinente pour réaliser cette tâche ? 
  • Est-ce que les conditions justifiant l’utilisation de la connaissance sont bien réunies ? 
  • Est-ce qu’une autre connaissance ne serait pas plus pertinente ? 

La pratique de la tâche, et particulièrement l’analyse des erreurs de réalisation de la tâche, permet ce renforcement de l’association de la connaissance à la tâche. 

La présence de l’enseignant et sa rétroaction aide souvent les élèves à mieux comprendre les erreurs de réalisation de la tâche, et à mieux identifier les utilisations pertinentes ou non de la connaissance.



Mis à jour le 29/06/2023

Bibliographie


Manuel Musial et André Tricot, Précis d’ingénierie pédagogique, 2020, De Boeck

André Tricot, L’innovation pédagogique, 2017, Retz

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