Le temps de travail du personnel enseignant est une ressource limitée compte tenu de la succession des tâches qui s’enchaînent selon un calendrier précis.
(Photographie : Ryan Lafferty)
Dans ce contexte, la disponibilité de temps par les enseignants en exercice pour du travail collaboratif portant sur des projets d’amélioration est encore plus rare, précieuse et nécessaire.
Doug Lemov le décrit comme l’eau dans le désert. C’est la ressource la plus précieuse d’un enseignant : il faut la garder et l’utiliser intelligemment.
Dans cette logique, le temps doit être vu comme une ressource et non une contrainte. Il est possible d’en mobiliser et de rentabiliser celui dont on dispose.
Le temps, un facteur limitant
En tant qu’enseignants et éducateurs, nous sommes régulièrement la cible et également la source de nombreuses idées, pistes, innovations et initiatives stimulantes. Il y a invariablement un trop-plein d’idées.
Le temps est limité, le coût d’opportunité de s’ouvrir à de nombreuses pistes devient rapidement trop élevé. Des projets avortent, n’atteignent jamais l’impact espéré, la lassitude, l’impression de dispersion et d’épuisement s’installe. Si tout est prioritaire, rien en réalité ne l’est.
Par conséquent, nous devons nous concentrer uniquement sur ce qui permet avec une haute probabilité d’avoir un impact plus levé et de se traduire en une durabilité élevée sans surcharge.
Nous voulons :
- Assurer que les enseignants puissent y dédier suffisamment d’attention en libérant du temps et de l’espace.
- Améliorer la réflexion, la planification et la prise de décision dans le pilotage du projet.
- Améliorer la pratique délibérée et la mise en œuvre de l’amélioration.
- Améliorer le suivi, l’évaluation, le retour d’information et l’accompagnement.
L’enjeu est de limiter la lourdeur du changement et d’améliorer l’efficience et l’adhésion pour plus d’améliorations en profondeur.
Dans la mesure du possible, si une initiative a un faible impact sur les élèves et demande beaucoup d’efforts aux enseignants, elle doit être éliminée ou remplacée par une intervention à impact plus élevé nécessitant moins d’investissements.
Être sélectif dans le choix des interventions en école en fonction des ressources en temps
Nous devons sélectionner la meilleure intervention parmi d’autres. Nous justifions en utilisant des données probantes, des objectifs, des caractéristiques contextuelles et une cohérence avec nos valeurs et notre culture.
Limiter et sélectionner efficacement stimule la motivation, le sentiment d’efficacité et le bien-être des enseignants à long terme
Devant l’affluence de pistes, projets et approches, nous devons communiquer aimablement assertivement et raisonnablement un refus à de nombreuses idées émises par des collègues ou des intervenants extérieurs bien intentionnés.
Cela suppose d’être honnête et franc et d’énoncer les raisons en matière de disponibilité des ressources, d’objectifs et de pilotage à long terme.
Cela suppose également une réflexion en profondeur, une responsabilité et une évaluation des différentes options et de leur cohérence avec l’existant. Celles-ci viennent étayer la justification de la décision. Chaque option présente un coût d’opportunité dans un contexte aux ressources limitées avec un impact sur différentes dimensions. Dans ce cadre, la pérennité est importante, car la mise en œuvre demande des efforts supplémentaires qu’un maintien durable permet de rentabiliser.
Il importe également de focaliser l’équipe enseignante sur un nombre minimal de priorités partagées et collectives et s’assurer que chaque nouvelle initiative proposée s’inscrit dans ce cadre et y contribue.
Nous devons limiter l’accumulation d’initiatives qui se déforcent. Toute nouvelle approche a comme enjeu d’en remplacer une autre et d’en renforcer d’autres. Nous devons tenir compte de l’équilibre des ressources disponibles.
Nous pouvons prendre en compte la loi de Hofstadter qui est un adage autoréférentiel, inventé par Douglas Hofstadter dans son livre Gödel, Escher, Bach : An Eternal Golden Braid (1979). Il décrit la difficulté largement éprouvée de planifier avec précision le temps qu’il faudra pour accomplir des tâches d’une complexité substantielle. Elle s’énonce simplement de la façon suivante : « Il faut toujours plus de temps que prévu, même en tenant compte de la loi de Hofstadter. »
Conditions favorables à un bon usage collectif du temps en école
Connaître et comprendre le fonctionnement d’une école, sa culture organisationnelle, ses croyances et ses valeurs afin de poser les meilleurs gestes. Les moyens ou les pistes peuvent se ressembler d’une école à l’autre, mais ils peuvent ne pas se déployer de la même façon.
Partager une vision commune de la réussite éducative au sein de l’équipe enseignante.
Reconnaître l’expertise des enseignants, la mobiliser et la soutenir. L’apprentissage par les pairs dans le cadre de communautés d’apprentissage professionnelles et du travail collaboratif est positif.
Prévoir l’apport d’une expertise extérieure occasionnelle et se fonder sur des données probantes, sans se retrouver en situation de dépendance face à une ressource qui peut disparaitre.
Harmoniser les besoins des élèves et des enseignants, les actions du plan de pilotage et les contenus de formation en conséquence.
Prendre soin du climat qui s’installe dans ces espaces de collaborations éphémères. La direction d’école a le rôle d’instaurer ces espaces éphémères et d’y cultiver un climat d’entraide et de partage, de co-développement et de collaboration entre les personnes de son équipe-école. Une manière de le faire est notamment d’accompagner l’intégration des nouveaux enseignants.
Stratégies de soutien pour un bon usage collectif du temps en école
Créer une planification : qu’est-ce qu’on fait cette année ? Et pour y arriver, qu’est-ce qu’on planifie ?
Organiser un espace temporel collaboratif, structuré et animé dans le milieu-école pour la réflexion et le partage sur les pratiques et la collaboration dans la réponse aux besoins
Planifier des temps de rencontre sur une base régulière avec un contenu organisé : quoi, qui, pourquoi (intention), mise en œuvre et suivi. La raison d’être de ces espaces temporels doit être en lien avec des besoins clairement formulés et avec le plan de pilotage.
Promouvoir une participation volontaire dans ces espaces scolaires temporaires, dans ces groupes de travail éphémères qui se créent autour d’une problématique, développent une solution, la mettent en œuvre et se clôturent.
Les enseignants sont partie prenante de ces espaces éphémères et de ce qui y est fait. Ils doivent croire en leur nécessité, en voir les bénéfices rapidement afin que ce ne soit pas une perte de temps. Les rassembler sans s’être préoccupé du pourquoi, du qui et du quoi, risque le fait qu’ils n’en veuillent plus.
Cela implique :
- De planifier de parler des pratiques déployées dans le milieu scolaire fondées sur des connaissances issues de la recherche lors des rencontres formelles avec l’ensemble du personnel.
- De faire participer les enseignants et leur demander de réinvestir les connaissances issues de la recherche et de venir en témoigner par la suite.
- De revenir sur les enjeux d’une rencontre à l’autre.
- De ne pas négliger l’importance des suivis et de la rétroaction.
- De protéger et de nourrir ces groupes de travail éphémères.
- De planifier et conserver du temps pour l’accompagnement pédagogique
La présence de la direction ou de la direction adjointe de l’établissement dans ces espaces temporels est nécessaire.
Revisiter les modes de fonctionnement. À travers ces processus, des comités sont créés pour répondre à des missions. Un comité doit avoir une personne responsable pour les structurer : animation, ordre du jour, compte-rendu, suivi et nature du mandat. Le lien entre ces comités et leurs missions doit être interrogé pour vérifier en quoi ils servent l’enseignant en classe et la réussite éducative. Si le mandat n’est pas clair, le comité est probablement inutile.
Mis à jour le 01/07/2023
Bibliographie
Joe Kirby, 2021, Overstretch: how and why to say no, https://pragmaticreform.wordpress.com/2021/09/04/how-and-why-to-say-no/
CTREQ, Un référentiel d’agir compétent à l’intégration des connaissances favorables à la réussite éducative des jeunes du Québec, 2017
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