Le concept d’appartenance scolaire
Dans un sens général, l’appartenance est, pour un individu, la perception d’être accepté, valorisé et inclus au sein d'un groupe.
Dans un contexte scolaire, le sentiment d'appartenance de l'élève à l'école favorise l’apprentissage :
- Il tend à augmenter le niveau d’effort, d’attention et de persévérance qu’il peut fournir.
- Il tend à diminuer la fréquence et l’intensité de pensées négatives distrayantes.
Le concept d’appartenance gagne à être pris en compte en contexte scolaire si nous voulons augmenter l’implication et l’engagement de nos élèves, anticiper et à l'opposé, amoindrir leurs risques de décrochage.
Le manque d’appartenance
En contexte scolaire, le manque d’appartenance à l’école chez un élève peut se manifester de deux manières différentes :
- Un élève en manque d’appartenance peut progressivement s’isoler ou adopter une position de retrait et de fermeture en classe face aux apprentissages en classe. Il est susceptible d’adopter une attitude lymphatique ou passive. De même, il est plus probable qu’il fasse preuve d’épisodes marqués par l’absentéisme. Il manifeste des sentiments et des attitudes telles qu’une perte d’engagement, de l’anxiété et de l’évitement.
- Un autre élève peut commencer à manifester plus fréquemment des épisodes de perturbation en classe. Il peut adopter une attitude oppositionnelle ou refuser de se mettre au travail de temps à autre après une demande de l’enseignant. Tout au plus ensuite, il peut maintenir les apparences et feindre de s’engager sans le faire pleinement après une intervention de l’enseignant.
Un danger fréquent est qu’un enseignant, s’il ne prend pas conscience des phénomènes en cours, est susceptible d’interpréter négativement ces phénomènes. Il peut estimer faire face à des manifestations de paresse, de démotivation de la part de l’élève, d’un manque de capacités ou encore de troubles du comportement. Cette erreur d’interprétation des antécédents peut avoir comme conséquence de renforcer le manque d’appartenance des élèves par les conséquences attribuées.
À l’opposé, l’enseignant peut également s’investir dans une recherche de la fonction du comportement pour déterminer quels sont les antécédents qui font obstacle à l’élève. Dès lors, il est possible que la mise en évidence de l’antécédent aille révéler que l’élève a le sentiment de ne pas être à sa place, qu’il ne se sent pas appartenir à l’école :
- L’élève peut avoir l’impression de ne pas avoir le niveau pour réussir et d’être condamné à échouer, même si ça n’en est pas le cas. Tous ses efforts lui paraissent vains.
- L’élève peut considérer que ses caractéristiques, sa nature ou son identité propre pour une raison ou une autre ne correspondent pas à l’environnement scolaire où il évolue.
- L’élève peut ne pas se trouver en phase avec la culture de son établissement scolaire ou avec les attentes exprimées par ses enseignants envers lui.
- L’élève peut avoir d’autres projets personnels, d’autres intérêts qui concurrencent son investissement scolaire.
Ces situations ont en commun que l’élève peut manquer d’un sentiment d’appartenance. C’est pourquoi, ultimement, il se désinvestit.
Le fait de se penser ou de se sentir à l’écart d’un groupe dont nous pouvions espérer initialement devenir un membre effectif à part entière, occasionne de réels désagréments. Le manque d’intégration est très susceptible d’avoir de très réels effets négatifs sur l’apprentissage.
Si nous voulons améliorer la situation de l’élève, ce sera au niveau de l’appartenance qu’il nous faudra agir.
L’école comme cadre social d’appartenance
Un élève peut ressentir une appartenance plus ou moins développée au groupe social dans lequel il évolue. L’élève a des relations avec les membres de ce groupe. Il peut alors se reconnaitre comme membre de ce groupe et être reconnu comme membre de ce groupe.
Le cadre social de l’éducation
L’apprentissage possède une composante sociale importante pour un élève. Il se déroule dans le contexte social d’une classe, par le biais de rapports sociaux avec l’enseignant et avec les autres élèves.
De même, les supports d’apprentissage scolaires sont eux-mêmes intrinsèquement sociaux. Ils ont été écrits par quelqu’un. Ils véhiculent une vision du monde. Un manuel d’histoire est écrit par un historien, un manuel de mathématiques par un mathématicien. Leurs auteurs ont chacun leur parcours personnel.
De plus, l’enseignement se déroule dans une école. L’établissement possède une valeur institutionnelle et une culture propre.
Les pratiques enseignantes visent des apprentissages scolaires. Ces apprentissages sont sanctionnés à terme selon les performances obtenues lors d’une évaluation. La réussite scolaire qui peut en ressortir a avant tout également une valeur sociale, elle vise une intégration de l’individu au sein de la société. L’objectif mis en avant est un épanouissement personnel qui peut se retrouver en tension avec les apprentissages scolaires.
N’importe quel cours, n’importe quelle situation de classe peuvent contribuer à construire ou à faire évoluer positivement ou négativement le sentiment d’appartenance d’un individu à un groupe social.
Le cadre social de la communauté scolaire
Au-delà du cadre de l’établissement, les classes constituent des groupes sociaux. Pour l’élève se pose la question de l’appartenance ou non à un groupe de pairs.
L’appartenance à un groupe est une construction sociale, elle dépend donc souvent de deux facteurs pour un élève selon :
- Ses croyances et expériences personnelles liées à l’appartenance à un groupe.
- Ses attributions sous forme d’identification comme appartenant à un groupe :
- Par l’auto-identification que se crée un individu
- À travers les attributions que d’autres personnes expriment à propos de son identité.
De possibles difficultés d’appartenance
Parfois, les individus peinent et n’arrivent pas s’identifier à un groupe d’apprentissage formé de pairs.
Par exemple, un élève peut croire qu’il n’a pas sa place dans telle ou telle filière de l’enseignement secondaire. Un étudiant peut peiner à s’identifier à ses condisciples à l’université ou dans l’enseignement supérieur, bien qu’il y soit légitimement inscrit.
Nous pouvons imaginer un scénario dans lequel cette croyance initiale se retrouve renforcée et accentuée par des interactions avec d’autres personnes. Un enseignant peut n’apporter ni le soutien ni la reconnaissance nécessaire. Le manque de relations positives avec d’autres élèves peut favoriser un sentiment de malaise.
En tant qu’enseignants, nous avons tout intérêt à éviter d’agir d’une façon qui puisse miner involontairement le sentiment d’appartenance de nos élèves dans leur diversité. À l’opposé, nous devons plutôt nous employer à créer les conditions qui favorisent la coopération et les interactions positives entre tous les élèves et nous-mêmes.
L’idée, en tant qu’enseignant, est de bien prendre conscience de l’existence potentielle de phénomènes délétères pour l’identité de certains de nos élèves. Nous devons agir à la fois pour les prévenir et y remédier. Agir préventivement et par défaut pourrait permettre aux élèves concernés par cette situation ou son risque, de progresser de manière productive et se sentir mieux, de se prémunir d’une perte d’appartenance.
Il est réaliste d’imaginer un scénario dans lequel un élève plus fragile dans ce registre est entouré d’enseignants qui ne le soutiennent pas assez. Ses enseignants peuvent tout simplement ne pas reconnaitre que l’appartenance pourrait être un problème pour cet élève.
Durant leur propre parcours d’élève, et souvent d’élève brillant en phase avec leur milieu scolaire, de nombreux enseignants peuvent n’avoir jamais rencontré eux-mêmes de situations équivalentes de non-appartenance en contexte scolaire. Sans repères, ils peuvent ne pas comprendre la source de l’anxiété de l’élève et se tromper eux-mêmes d’attribution concernant l’élève.
En dépit de leur volonté de bien faire, leur réaction dès lors risque d’être contre-productive.
L’absence d’appartenance peut être un processus conscient pour un élève. Elle peut également complètement lui échapper d’autant, car elle a toujours été présente et il n’imagine pas qu’il puisse en être autrement.
L’anxiété liée au manque d’appartenance que peut ressentir un élève peut être consciente, ou elle peut complètement lui échapper, être diffuse et non explicitement reconnue.
Que l’élève puisse mettre des mots dessus ou qu’elle lui échappe complètement, le résultat est le même. Dans les deux cas, elle peut être distrayante et siphonner les ressources cognitives, ce qui entraîne une baisse progressive et durable de ses performances et de son apprentissage.
Sans l’anxiété liée au déficit d’appartenance, dans de nombreuses situations, un élève s’en sortirait très bien. L’attribution sociale négative peut parfois être l’origine de mauvaises performances, et non un déficit de capacités. L’élève a les capacités, mais n’arrive pas à les mobiliser, car une bonne part est détournée par l’anxiété liée à un manque d’appartenance.
L’effet négatif des stéréotypes
Un enseignant peut indirectement miner le sentiment d’appartenance en évoquant, en négligeant, ou en ne contrant pas des stéréotypes liés au sexe, aux caractéristiques physiques ou à l’origine ethnique ou socio-économique de l’élève.
Cet usage de stéréotypes est susceptible d’accroître l’anxiété et de déprimer l’apprentissage et les performances aux tests des élèves qui en sont victimes.
Le danger des stéréotypes est la manière dont l’appartenance à un groupe tend à exclure un individu de l’appartenance à un autre groupe. Un stéréotype commun serait que les filles sont moins douées en mathématiques. Même si le stéréotype n’est pas fondé sur des faits, il peut amener une élève à se demander si elle appartient au groupe d’élèves qui réussissent bien en mathématiques.
Les menaces liées aux stéréotypes sont omniprésentes et souvent difficiles à identifier, il peut être difficile de supprimer tous les éléments déclencheurs qui peuvent être à l’origine de ces menaces. Les élèves peuvent nous arriver déjà porteurs de tels stéréotypes qu’ils ont internalisés.
Nous pouvons les alimenter indirectement sans en prendre conscience. Dans cette situation, il peut être utile de travailler préventivement au niveau des croyances, à la fois des enseignants et en classes, celles des élèves au sujet des stéréotypes.
Améliorer le sentiment d’appartenance scolaire
Le défi pour l’enseignant, à la fois d’admettre, de diagnostiquer et parfois de reconnaitre que le sentiment d’appartenance est le problème.
Le renforcement du sentiment d’appartenance parmi les élèves constituant une classe, par exemple dans un cours de mathématiques, peut augmenter leur motivation et leur engagement, ainsi que leur persistance face aux difficultés et dès lors leurs résultats.
Nous pouvons agir selon deux directions dans un cadre d’apprentissage :
- Accroître le sentiment d’appartenance des élèves
- Atténuer leurs croyances délétères.
Ces interventions sont opportunes et utiles lorsque les élèves visés sont confrontés à des conditions difficiles. Ces conditions correspondent au cadre de résolution de problèmes et de la réalisation de tâches complexes, à la préparation des évaluations à enjeux élevés ou à la nécessité de se conformer à des attentes élevées en matière d’apprentissage.
Il est important de noter que les interventions axées sur l’appartenance supposent que nous puissions en tant qu’individus à appartenir à plusieurs groupes. Il n’y a pas d’élève type brillant dans une matière pas plus qu’il n’y a d’élève type médiocre.
Aucune intervention, aucun discours ne demande aux individus de renoncer à leur appartenance à un groupe pour en appartenir à un autre. Par exemple, un élève ne devrait pas avoir à renoncer à des activités sportives où il excelle pour obtenir de bons résultats scolaires.
Mis à jour le 10/07/2023
Bibliographie
Daniel L Schwartz, Jessica M Tsang and Kristen P Blair, The ABCs of how we learn, 2016, Norton
0 comments:
Enregistrer un commentaire