mardi 12 avril 2022

Gestion de classe : contester plutôt que se confronter

Régulièrement, certains incidents les plus significatifs en matière de mauvais comportement à l’école sont en fait causés par des élèves qui réagissent mal et contestent vivement les conséquences d’une perturbation initiale. La perturbation au départ somme toute mineure devient rapidement plus importante, voire majeure.

(Photographie : Chelsee Ivan)



Ne pas jouer avec des allumettes en gestion de classe


Des expressions comme « partir en vrille » ou « la goutte d’eau qui fait déborder le vase » semblent appropriées. Mais est-ce bien nécessaire ou inévitable ? 

Nous pouvons tous imaginer la scène : un élève à l’arrivée en classe est réprimandé pour avoir fait du bruit dans un couloir, ou pour l’un ou l’autre comportement mineur en classe.

À ce moment-là, plutôt que d’obtempérer face à la demande de l’enseignant, il se met à argumenter, à contester ou à afficher clairement son agacement ou son énervement. 

L’élève peut avoir perdu le contrôle de la situation. La remarque de l’enseignant lui a servi de détonateur plus ou moins conscient. Elle a révélé des antécédents sous-jacents, déclenché une réaction non complètement maîtrisée. C’est la surprise pour l’enseignant et en partie pour l’élève également qui risque de payer doublement le prix de son manque d’autorégulation. 

Ces situations sont à l’origine de problèmes de comportement dans les écoles et mettent en lumière des comportements de coercition. Nous pouvons nous demander dans quelles mesures elles peuvent être évitées, anticipées et comment nous pouvons en tant qu’enseignants jouer notre rôle d’éducateur plutôt que de détonateur. 

Dans quelle mesure ne jouons-nous pas parfois avec des allumettes dans des endroits explosifs, face à des adolescentes qui doivent apprendre à mieux gérer leurs frustrations et leurs émotions ? Comment diminuer la probabilité de telles explosions négatives ?



Contester plutôt que confronter


Imaginons la situation où un élève est à l’origine d’une perturbation mineure en classe. En adoptant une progressivité de nos interventions, nous en arrivons au stade d’une intervention directe auprès de l’élève. 

Nous pouvons évaluer notre communication envers le comportement manifesté comme se trouvant sur un continuum : 
  • D’un côté, nous pouvons contester le comportement d’un élève face à une norme établie et collective au sein de la place. 
  • De l’autre côté, nous pouvons nous confronter personnellement à l’élève en raison de son comportement qui nous dérange.

La différence entre une contestation et une confrontation n’est pas neutre : 
  • La contestation est une expression assertive face à la non-conformité constatée en rapport avec une norme préétablie. La contestation vise à obtenir l’expression du comportement normalement attendu de l’élève dans de pareilles conditions. 
  • La confrontation directe à l’élève peut posséder une dimension plus offensive. Elle court le risque d’être interprétée comme une provocation par l’élève qui se comporte mal, même si dans le fond, elle ne l’est pas pour l’enseignant. La confrontation n’offre que deux options : 
    • Soit l’élève se la joue profil bas, il adopte alors un comportement de fuite ou d’esquive. 
    • Soit l’élève réagit en retour ce qui peut provoquer une escalade. L’élève manifeste de la colère et une dégradation plus accentuée de son comportement. 

La confrontation anime ou réveille des réactions réflexes sous-jacentes de contre-attaque ou de fuite profondément ancrées en nous. Cela peut expliquer pourquoi les élèves essaient de disparaître en se la jouant profil bas ou cherchent à se défendre. La seconde option peut voir sa probabilité augmenter lorsque l’intervention de l’enseignant est publique et que la présence d’une audience de pairs met en danger la face de l’élève.

Contester un comportement non conforme à la norme peut revenir à poser un défi à un élève face à un écart constaté face à une norme collective. La démarche est plus neutre et positive, car elle pointe vers un mieux à venir. Nous montrons à l’élève que nous attendons qu’il relève le défi du bon comportement. Un défi est une déclaration d’attentes plus élevées, et une invitation à les atteindre.

Dans un sens, contester pointe vers le comportement valorisé tandis que confronter se centre vers le comportement problématique. En contestant un comportement plutôt qu’en se confrontant à un élève, il est probable que nous pouvons réduire considérablement le nombre d’incidents de comportement dans nos écoles.



La contestation est dirigée vers le problème


Si la contestation est dirigée vers le problème, la confrontation est dirigée vers la personne.

Lorsque nous contestons, nous posons un défi clair à l’élève. Nous énonçons le problème de manière précise et concise. Nous ne laissons aucune place à l’incompréhension sur notre message et sur nos intentions. 

Exemple : « Thibault, tu es occupé à te déplacer dans la classe en plein cours, est-ce que tu peux me dire ce que tu es censé faire actuellement et me le montrer ? ». Cette déclaration ne vise qu’une chose, un retour à la conformité, un rappel à la norme avec une recherche de confirmation que l’élève est bien conscient des attentes. Il n’y a pas de présupposé, l’enseignant reste neutre face à l’élève et ne vise que le comportement.

Par contre, la confrontation est souvent vague ou remue des émotions personnelles négatives. 

Exemple « Thibault, qu’est-ce que tu es encore occupé de faire en plein milieu du cours ? Mais qu’est-ce qui se passe encore avec toi ? Maintenant, tu vas à ta place ! »
 
Ce genre de commentaire est dangereux dans la mesure où il laisse la porte ouverte à toutes les attributions par l’élève. Un élève peut percevoir ces mots comme une attaque personnelle contre sa personne, face à laquelle il doit se défendre ou s’écraser. Il est susceptible de trouver cette déclaration injuste — l’enseignant lui en veut et ne le comprend pas — et chercher à la corriger. L’élève a plus de chances de ressentir l’envie qui peut lui sembler légitime de se justifier.



La contestation se veut respectueuse de l’élève


La contestation de la conformité du comportement se veut respectueuse de l’élève. Le comportement problématique y est vu comme une erreur ou une incongruité temporaire. La confrontation à l’élève en non-conformité peut être déshumanisante. Le « mauvais » comportement y est pointé comme une faute.

Le ton d’une contestation est calme, assertif et respectueux. Il se soucie de la personne mise au défi, mais ne transige pas sur ses attentes en matière de bon comportement. 

Le ton d’une confrontation est coloré d’agacement, d’ironie, voire de coercition.

Choisir d’adopter systématiquement un ton respectueux est un prérequis fondamental pour s’assurer que nous sommes dans un rapport bienveillant de contestation d’un comportement. Cela aide à dissiper le risque de confrontation avec l’élève. Nous avons une tendance naturelle à acquiescer lorsque quelque chose de légitime nous est demandé poliment dans le cadre d’un choix.

Un critère décisif dans notre posture d’enseignant est de nous poser la question suivante. Est-ce que nous nous adresserions à un pair adulte que nous estimons de cette manière s’il avait un comportement équivalent ? Si ce n’est pas le cas, nous tendons vers la confrontation. Si c’est le cas, nous sommes dans la contestation.



La contestation vise la conformité


Si la contestation vise l’obtention de la conformité dans le comportement, la confrontation est une forme de jugement ou de condamnation. La confrontation vise d’avoir le dessus sur la personne de l’élève.

L’essence du défi, de l’option et du message posés par la contestation du comportement est que nous attendons mieux. La contestation ne se contente pas de souligner un comportement inadéquat, elle aide à ramener l’attention sur le comportement attendu. Contester clairement le comportement et montrer la voie du comportement attendu à un élève montre que nous croyons qu’il le fera.

La confrontation est plus statique, elle reste calée sur l’infraction. Se contenter de réprimander un élève pour son mauvais comportement laisse entendre que nous sous-entendons qu’il est une caractéristique intrinsèque de l’élève qui peut présupposer des conséquences défavorables. 

Lorsque nous surprenons un élève qui se comporte mal, nous avons le choix entre la contestation du comportement et la confrontation avec l’élève en défaut. Si nous nous confrontons à l’élève, cela revient à jouer avec des allumettes dans un contexte potentiellement explosif. Nous risquons la surenchère dans la tension. La confrontation peut trahir l’expression de faibles attentes en matière de comportement. Elle peut donner à l’élève le sentiment d’être rejeté ou stigmatisé, d’où le sentiment d’injustice. 

Si nous lançons un défi à l’élève en contestant la conformité de son comportement, nous l’invitons à réagir positivement dans le sens que nous souhaitons. Notre ton respectueux et nos directions vers le comportement explicitement attendu lui montrent que nous attendons de hautes attentes à son égard et il se sent valorisé plus que stigmatisé.

Influencer le comportement avec un ton respectueux augmente la probabilité de l’adoption du comportement attendu. Mais nous pouvons doubler cet effet. Lorsque nous nous trouvons dans un état d’esprit de contestation plutôt que de confrontations, il devient également plus aisé de distribuer du renforcement positif une fois le comportement attendu adopté et constaté par la suite. 

Nous devons développer en tant qu’enseignants cette capacité à être en désaccord de manière assertive, mais polie. Dans la même logique, le temps en classe ne doit pas être détourné par une interaction prolongée entre un enseignant et un élève. Celle-ci gagne à être postposée en fin de cours et c’est pour nous également en tant qu’enseignants de montrer que la parole des élèves compte, mais au bon endroit et au bon moment. Cela permet également de laisser du temps à la réflexion, de permettre aux émotions de retomber et de rendre les échanges privés plutôt que publics. 

En agissant de cette façon avec nos élèves, nous leur apprenons à faire de même : 
  • Temporiser
  • Préparer ses arguments
  • Réfléchir avant de parler
  • Ne pas s’exprimer sur le coup des émotions
  • Rester poli et convivial dans ses échanges. 



Mis à jour le 05/07/2023


Bibliographie


David Thomas, Oi ! What’s wrong with you?!, 2014, http://davidthomasblog.com/2014/05/oi-whats-wrong/

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