mercredi 23 mars 2022

Pratique du résumé dans la perspective d’un soutien à l’apprentissage autorégulé

Comment concevoir l’enseignement explicite du résumé et de la synthèse dans la perspective d’un soutien à l’apprentissage autorégulé d’élèves ?

(Photographie : Jackson Eaton)


 


Le résumé comme pratique d’apprentissage génératif


Le résumé consiste à condenser et à rendre explicites les idées clés d’un document. La synthèse consiste à procéder de la même manière en associant plusieurs documents sources. Dans le cadre de cet article, l’accent est mis sur le résumé, mais les contenus peuvent tout autant porter. 

Le résumé en tant que stratégie d’apprentissage génératif consiste à prendre les informations clés d’une source et à les reformuler dans nos propres mots. Nous pouvons appliquer cette stratégie de différentes manières (oralement ou par écrit). Elle peut se faire à différents moments du processus d’apprentissage (par exemple, après la lecture d’un court paragraphe, à la fin d’un chapitre plus important, ou comme stratégie de prise de note pendant un cours).

Le résumé est un processus cognitif actif qui aide les apprenants à mieux comprendre le sujet, dans lequel :
  1. Ils doivent d’abord sélectionner le « message » principal d’une source. 
  2. Ils recherchent des liens entre les différents nouveaux sujets qu’ils viennent d’aborder.
  3. Ils essaient de faire des liens avec leurs connaissances antérieures et d’en faire émerger du sens.
  4. Ils éditent, raccourcissent, adaptent, reformulent et paraphrasent les contenus afin d’arriver à une représentation concise, qui consiste en une production, le résumé.
  5. Par la suite, les résumés peuvent être utilisés utilement comme un outil de révision dans le cadre d’une pratique de récupération.



Les enjeux liés à la compétence du résumé


Dès lors, dès que pour un cours le résumé correspond à un enjeu en tant que tel ou au service de l’apprentissage, il est utile de prévoir du temps pour enseigner cette stratégie. Elle gagne à être pratiquée en laissant les élèves comparer et discuter leurs résumés entre eux. Nous voulons les amener à réfléchir à la fois sur le processus de résumé (c’est-à-dire leur propre façon de résumer) et sur le processus d’apprentissage. Nous voulons qu’ils travaillent leurs compétences métacognitives et de résumé. 

Au-delà des caractéristiques et principes généraux du résumé, il existe le cadre très spécifique de la matière concernée et également le développement de capacités d’autorégulation. La pratique du résumé est particulièrement utile dans le cadre d’un apprentissage autonome. 

Soutenir les élèves dans la réalisation d’un résumé se fait aussi en les aidant à devenir des apprenants autorégulés. La dimension de la métacognition dans la pratique du résumé est également très importante.



Enseigner explicitement la pratique du résumé


Résumer efficacement est une compétence qui recouvre la maitrise d’une stratégie dont l’acquisition bénéficie d’un enseignement explicite avec modelage, pratique guidée et pratique autonome.

Nous devons enseigner explicitement à nos élèves comment pratique le résumé dans le cadre spécifique de notre matière. Au départ, tout commence dans le cadre du cours en classe. 

L’acquisition de cette compétence nécessite des occasions de pratique, avec rétroaction et renforcement. Nos élèves doivent apprendre à bien le faire. Cela leur demande de le pratiquer régulièrement et dans différentes situations. 

L’enseignant se doit de fournir des instructions explicites sur la manière de rédiger des résumés efficace, en modélisant la stratégie pendant le cours et en expliquant quand et pourquoi elle fonctionne. Dans cette perspective, la pratique du résumé doit avoir lieu dans toutes les matières, jusqu’à développer les automatismes attendus.

Une piste intéressante pour la pratique du résumé est de demander aux élèves de prendre des notes en classe, en utilisant la méthode Cornell pendant le cours. Dans cette façon particulière de résumer, les apprenants combinent les avantages de deux stratégies productives efficaces, à savoir le résumé et l’auto-évaluation.

Cependant, les résumés peuvent également être beaucoup plus courts. Par exemple, les élèves peuvent expliquer brièvement l’idée principale d’une vidéo ou, lorsqu’ils lisent un texte plus long, résumer chaque paragraphe en une phrase en limitant le nombre de mots. De cette manière, les apprenants sont contraints de se limiter à l’essentiel du document.

L’enseignement doit également consister à guider les apprenants dans la pratique et, bien entendu, à fournir un retour d’information.

Un des enjeux de la rétroaction portant sur le résumé est que son efficacité dépend de la qualité de la production.  :
  • Le résumé contient-il les idées principales ?
  • Les liens pertinents entre éléments sont-ils explicités



Limites à la pratique du résumé


Si la capacité à résumer et à synthétiser est une compétence précieuse à développer, réaliser une synthèse ne permet pas nécessairement d’apprendre efficacement. 

Cette stratégie ne peut pas être appliquée avec succès à n’importe quel sujet, à n’importe quel type de matière et à n’importe quel élève et assurer le succès de l’apprentissage. Elle permet avant tout le traitement de l’information, mais pas un apprentissage complet et durable.

Dans un cade d’apprentissage, savoir réaliser des synthèses est plus pertinent pour des étudiants de l’enseignement supérieur et pour la fin du secondaire. Elle l’est moins pour des élèves plus jeunes.

La mener efficacement demande de l’expérience pour tirer tout le bénéfice de cette stratégie de traitement de l’information. 

Dans des matières telles que la chimie, la physique ou les mathématiques, la matière est souvent présentée d’emblée dans un diagramme ou un tableau. Comme elle est déjà résumée, les enseignants et les élèves peuvent avoir intérêt à choisir une autre stratégie.

Le processus de synthèse peut prendre beaucoup de temps et, par conséquent, il est parfois préférable de choisir une autre stratégie comme la réalisation de flashcards.

Un risque courant lié à la pratique du résumé est que les apprenants copient littéralement les informations et qu’ils ne les raccourcissent pas ou ne les paraphrasent pas. En d’autres termes, ils se contentent de couper-coller. Ils ne sont pas actifs sur le plan cognitif pour traiter le nouveau contenu d’apprentissage et construire de nouveaux schémas de connaissances dans la mémoire à long terme. Lorsque la pratique du résumé s’apparente à du recopiage, elle devient inefficace et ne correspond plus à un apprentissage génératif.



Le résumé dans le cadre de l’apprentissage autorégulé


Si un élève acquiert la compétence liée au résumé et à la synthèse, encore faut-il qu’il l’utilise, au bon moment et à bon escient ?  

Quand résumer ? Que résumer et combien de temps étudier ? Comment mobiliser et appliquer cette stratégie à une matière donnée ?

Pour devenir pleinement efficace et autonome face à l’usage du résumé, un élève devrait répondre à ces questions et prendre les décisions judicieuses au fil du temps. Malheureusement, de nombreux élèves ne sont pas organisés de manière optimale et maitrisent peu les stratégies cognitives et métacognitives associées. 

Si l’élève se contente de faire des résumés en dernière minute et de les relire pour se préparer à l’évaluation du lendemain, il est peu probable qu’il en tire de grands bénéfices en matière d’apprentissage. 

Le résumé est une stratégie de traitement initial des informations qui ne rencontre son plein potentiel qu’intégré dans un écosystème autorégulé de stratégies d’apprentissage.

Les élèves doivent également comprendre l’intérêt et être capables de mettre en pratiques d’autres stratégies cognitives et métacognitives efficaces telles que :
  • Le fait d’espacer les sessions d’étude plus courtes au lieu de les regrouper en un seul temps prolongé d’étude, car la pratique espacée améliore la consolidation.
  • Le fait de se tester pour récupérer et mobiliser les connaissances et compétences en mémoire à long terme au lieu de simplement les relire ou recopier, car la pratique de récupération augmente la durabilité des apprentissages. 
  • Le fait de rechercher et de tenir compte de tout retour d’information pertinent en procédant à des ajustements pour les sessions d’étude actuelles et futures.

Le résultat obtenu et la qualité des décisions sont influencés par la mesure dans laquelle :
  • Les élèves savent et comprennent quelles stratégies ils utilisent lorsqu’ils étudient, lesquelles sont les plus efficaces et pourquoi.
  • Les élèves sont capables de planifier, de contrôler et d’évaluer leur apprentissage.



Former explicitement ou laisser découvrir pour l’apprentissage des stratégies d’apprentissage


Globalement, les élèves acquièrent des connaissances et des compétences métacognitives grâce aux interactions qu’ils développent avec leurs parents, leurs pairs et leurs enseignants. Ces interactions vont alimenter leur processus de réflexion. 

Le problème est que ce mode d’apprentissage par essai/erreur et par observation est inégalitaire. Tous les élèves ne vont pas avoir le même tutorat, la même motivation, la même capacité d’attention ou la même facilité d’apprentissage.

Le résultat est que les compétences des élèves en matière de stratégies cognitives et métacognitives des élèves peuvent être incorrectes, incomplètes et sous-optimales. 

Les élèves ne sont souvent pas conscients des avantages que leur procurent les stratégies fondées sur des données probantes, telles que l’auto-évaluation, l’espacement, l’entremêlement ou l’élaboration. Ces approches sont souvent rejetées, car elles imposent des difficultés pourtant désirables. Elles ne paressent que peu efficaces à court terme, leur bénéfice ne se révélant qu’à long terme.

Par conséquent, l’enseignement explicite de l’utilisation des stratégies est essentiel pour tous les élèves et en particulier pour ceux qui n’ont peut-être pas entendu parler ou appris ces stratégies ailleurs. Les élèves ont besoin de soutien pour devenir des apprenants efficaces et autorégulés, et c’est là que l’enseignant intervient. Cet enseignement doit être distribué dans le temps pour que les élèves puissent développer de bonnes habitudes d’apprentissage.


La clé du développement professionnel des enseignants


Pour arriver pleinement à former nos élèves à l’apprentissage autonome, les enseignants ont besoin de soutien, de formation et surtout de temps pour pratiquer et mettre en œuvre des stratégies visant à soutenir la métacognition de leurs élèves.

L’enjeu est bien réel. Il est largement prouvé que les compétences métacognitives contribuent de manière distincte à l’apprentissage, au-delà de l’impact des capacités intellectuelles (Veenman et coll., 2006). 





Processus d’enseignement explicite de stratégies d’apprentissage


L’enseignement des stratégies implique généralement un processus en cinq étapes qui doit se dérouler dans le cadre d’une situation concrète et réelle d’apprentissage ou d’évaluation. Les actions menées au cours des différentes étapes doivent être contextualisées dans des activités en classe. 

Étape 1 : Nous sensibilisons nos élèves en expliquant pourquoi le choix d’une stratégie est important et quels sont les avantages de la stratégie choisie. Nous expliquons pourquoi elle fonctionne à l'aide d'un modèle simple de l'apprentissage. Nous pouvons le faire en cultivant le discours métacognitif dans la classe. Nous posons aux élèves des questions ciblées sur la stratégie qu’ils pensent être la plus appropriée pour une certaine tâche et pourquoi, sur les stratégies qu’ils ont utilisées auparavant et sur leur efficacité. 

Étape 2 : Nous modélisons la stratégie appropriée. Nous expliquons ce que nous faisons et pourquoi. Les enseignants, qui sont des experts, mettent en œuvre ces stratégies de manière inconsciente et automatique. Pour nos élèves, qui sont des novices, il est utile de les rendre explicites et de verbaliser étape par étape le cheminement de pensée de l’expert. 

Étape 3 : Nous mettons en pratique la stratégie. Nous fournissons un étayage qui est ensuite progressivement retiré. Cela aide les élèves à passer de la pratique guidée à la pratique indépendante. 

Étape 4 : Nous encourageons les élèves à réfléchir à l’efficacité de la stratégie. Nous continuons à leur donner des occasions de pratiques distribuées dans le temps et nous leur fournissons un retour d’information afin qu’ils puissent adapter au fur et à mesure leurs connaissances et compétences métacognitives.  

Étape 5 : Nous nous inscrivons dans le temps long. Il a été constaté que l’autorégulation et la métacognition dépendent du contexte, de sorte que le transfert entre les matières et dans le temps ne se fait pas automatiquement. Si nous voulons être efficaces globalement à l’échelle d’un système éducatif, l’enseignement de ces stratégies doit s’intégrer à l’enseignement de toutes les matières et chez tous les enseignants.



Mis à jour le 25/06/2023

Bibliographie


Mirjam Neelen and Paul A. Kirschner, 2021, Let’s get to work with productive learning strategies: summarising https://3starlearningexperiences.wordpress.com/2021/03/23/lets-get-to-work-with-productive-learning-strategies-summarising/

Tine Hoof, Tim Surma, Daniel Muijs and Paul A Kirschner, 2021, Supporting students to become self-regulated learners: Teaching metacognition matters, https://my.chartered.college/research-hub/supporting-students-to-become-self-regulated-learners-teaching-metacognition-matters/

Dunlosky, J. (2013). Strengthening the student toolbox. American Educator, 37(3), 12–21. Retrieved from www.bit.ly/2YpLDeC

Enser, Z. & Enser, M. (2020). Fiorella & Mayer’s Generative Learning in Action. Woodbridge, United Kingdom: John Catt Educational Ltd.

Fiorella, L., & Mayer, R. E. (2016). Learning as a generative activity: eight learning strategies that promote understanding. New York, NY: Cambridge University Press.

Veenman MVJ, Van Hout-Wolters HAM and Afflerbach P (2006) Metacognition and learning: Conceptual and methodological considerations. Metacognition and Learning 1(1): 3–14.

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