lundi 21 mars 2022

Optimiser les objectifs d’apprentissage

La diffusion et l’usage des objectifs d’apprentissage se traduisent-ils toujours par des gains d’apprentissage pour nos élèves ? De quelle manière ?

Différentes recherches ont été menées pour savoir comment, les objectifs d’apprentissage fonctionnent. 

(Photographie : Andrew JW Mackenzie)



L’influence positive des objectifs d’apprentissage sur l’attention


Rothkopf et Billington (1979) ont fait étudier à des élèves de fin du secondaire et à des étudiants universitaires un passage de 1 481 mots.

Lorsqu’ils ne leur ont pas délivré des objectifs d’apprentissage, les informations ciblées par les objectifs d’apprentissage [apprentissage intentionnel] et les informations non ciblées par les objectifs d’apprentissage [apprentissage fortuit] ont été apprises de la même manière. 

Cependant, lorsqu’ils délivraient des objectifs d’apprentissage, les informations non ciblées étaient moins bien apprises que les informations ciblées. 

Élément notable, les informations non ciblées ont également été moins bien apprises que lorsque les informations non ciblées n’avaient pas été présentées avec des objectifs d’apprentissage.

L’apprentissage intentionnel est meilleur que l’apprentissage fortuit lorsque le traitement du stimulus n’est pas mis sur un pied d’égalité. Cette observation a été mise en lien avec les temps d’inspection et les mouvements oculaires qui ont été enregistrés dans des zones de texte pertinentes et non pertinentes. 

Ces recherches ont mis en évidence deux modes d’inspection du texte : 
  • Une inspection relativement rapide du texte accessoire
  • Un traitement lent du texte en lien avec les objectifs. 

Les observations du temps d’inspection et des mouvements oculaires fournissent des informations sur la réponse du lecteur moyen aux exigences des objectifs d’apprentissage. 

Après avoir lu les deux tiers de la phrase pertinente pour l’objectif, les sujets détectent les informations pertinentes pour l’objectif. Ils passent à un style d’inspection qui implique plus de lignes rescannées, plus de fixations de l’attention et des fixations plus longues.

La lecture guidée par les objectifs est efficace en matière de temps lorsque la densité d’informations pertinentes pour les objectifs dans le texte est faible. L’utilisation d’objectifs explicites exigera moins de temps total pour l’apprentissage. Lorsque la majorité du texte correspond à l’objectif, l’intérêt devient plus limité.

La formulation des objectifs d’apprentissage est importante. Ils doivent être suffisamment spécifiques pour permettre le repérage dans les supports d’apprentissage des contenus pertinents et entraîner un moindre focus sur les éléments secondaires. 

Comme Rothkopf et Billington (1979) l’ont montré, les élèves prêtent moins d’attention aux informations qui ne sont pas directement ciblées par les objectifs d’apprentissage. 



L’influence du placement des objectifs d’apprentissage dans la séquence d'enseignement


Faria Sana et ses collègues (2020) ont mené différentes expériences pour mieux comprendre comment les objectifs d’apprentissage fonctionnent et comment les améliorer.

Les participants à chaque expérience ont lu cinq passages sur un sujet lié aux neurosciences et ont passé un test final qui mesurait leur capacité à retenir l’information

Deux démarches ont été suivies par Faria Sana et ses collègues (2020) :
  • Comparer l’effet sur l’apprentissage de la présence d’objectifs d’apprentissage face à leur absence.
  • Comparer le fait de présenter les objectifs d’apprentissage au début d’une unité d’enseignement ou interpolés au fur et à mesure de sa progression. 

Premièrement, ils ont montré que l’absence d’objectifs d’apprentissage diminue les performances de manière significative.  

Deuxièmement, ils ont montré qu’il y a un léger avantage à interpoler les objectifs d’apprentissages plutôt qu’à les rassembler au début, mais il n’est pas statistiquement significatif. 

Dans une approche standard, les objectifs d’apprentissage sont traditionnellement regroupés et présentés avant la présentation des contenus. Cependant, le support de cours est généralement regroupé par modules, unités ou thèmes. 

La présentation interpolée des objectifs d’apprentissage est susceptible d’être plus bénéfique que la mise en masse pour plusieurs raisons :
  • Le principe de l’attention partagée : 
    • Lorsque les objectifs d’apprentissage sont éloignés des contenus d’apprentissage, cela se traduit par une attention partagée. 
    • L’augmentation de l’attention partagée peut potentiellement augmenter la charge cognitive et rendre plus difficiles la sélection attentive et l’intégration des informations importantes.
  • Le principe de la charge cognitive : 
    • Les élèves doivent traiter et retenir de grandes quantités d’informations en une seule session d’apprentissage. 
    • Le fait d’interpoler les objectifs d’apprentissage peut réduire davantage la charge cognitive en dirigeant l’attention vers de plus petits morceaux de contenus à apprendre, ce qui peut faciliter une meilleure association et une plus large intégration.



Privilégier les objectifs d’apprentissage sous forme de question pour activer l’effet de prétest et celui de test


Les objectifs d’apprentissage peuvent être présentés sous forme d’énoncés déclaratifs ou de questions. 

À la fois les questions et les énoncés d’objectifs d’apprentissage peuvent attirer l’attention des élèves vers les informations importantes à retenir pour la suite du cours et les évaluations à venir.

Lorsque les objectifs d’apprentissage sont présentés sous forme de questions plutôt que sous forme d’énoncés, ils présentent l’avantage de pouvoir activer l’effet de prétest. Ces objectifs peuvent également servir de questions de récupération et activer l’effet de test dans une seconde phase. Seule la dimension du prétest sera explorée ici.

Lors d’un prétest, les élèves répondent à des questions sur le contenu qui leur sera enseigné et qu’ils devront apprendre ensuite. Traditionnellement, ce genre de démarche est souvent utilisée pour évaluer les connaissances préalables, mais il apparaît qu’elle peut améliorer l’apprentissage ultérieur.

Un résultat typique d’un prétest est l’échec des tentatives de récupération, étant donné que les élèves ne sont pas encore familiers avec le contenu testé. Cependant, le fait même d’essayer de générer une réponse semble activer les connaissances antérieures pertinentes, ce qui conduit à un encodage plus élaboré des informations apprises ultérieurement. L’échec au niveau du prétest ne diminue pas son effet positif ultérieur.

Contrairement aux énoncés déclaratifs d’objectifs d’apprentissage, les questions du prétest peuvent avoir l’avantage supplémentaire d’informer les élèves sur les types de questions sommatives auxquelles ils peuvent s’attendre. Cela pourrait encourager des comportements d’apprentissage plus actifs. 

Les questions de prétest pourraient faciliter une forme d’étayage métacognitif. Par exemple, des tentatives incorrectes de réponse aux questions du prétest pourraient favoriser la prise de conscience de lacunes dans les connaissances et la curiosité de rechercher un retour sur soi lors de l’apprentissage ultérieur.

Faria Sana et ses collègues (2020) ont cherché à savoir si l’apprentissage augmenterait lorsque nous présentons les objectifs d’apprentissage sous forme de questions (dans leur cas à choix multiples) dans le prétest. L’idée était d’utiliser cette forme plutôt que celle d’un énoncé qui laisse l’élève passif. Selon leur hypothèse, la présentation active des objectifs d’apprentissage devrait augmenter leur valeur pédagogique. 

Faria Sana et ses collègues (2020) l’ont confirmée. Ils ont constaté que, même si les réponses à la plupart des questions du prétest étaient incorrectes (35 % de réponses correctes), le fait de répondre à ces questions était bénéfique. Cela entraînait une performance significativement plus élevée que la lecture d’énoncés déclaratifs d’objectifs d’apprentissage ou également d’énoncés comprenant les réponses correctes.

Leur conclusion est que des questions du prétest peuvent être une méthode potentiellement efficace pour présenter les objectifs d’apprentissage. La démarche se traduit par un meilleur apprentissage ultérieur que leur simple énoncé déclaratif. 

De plus, le fait de ne pas trouver une réponse correcte aux questions du prétest donne aux élèves l’occasion d’identifier et de réfléchir à leurs lacunes en matière de connaissances. Cela facilite les comportements de recherche de rétroaction pendant l’enseignement ultérieur.

Tenter de répondre aux questions du prétest (ce qui a entraîné des erreurs) était plus efficace que lire des énoncés qui comprenaient les réponses correctes aux questions du prétest. Le fait de tenter de répondre à une question favorise un niveau de traitement plus profond.

Ces comportements d’autorégulation sont particulièrement importants, car les élèves ont tendance à surestimer leurs connaissances, surtout en ce qui concerne les concepts complexes, comme ceux des cours de sciences, de technologie, d’ingénierie et de mathématiques (STEM).

Faria Sana et ses collègues (2020) ont examiné les facteurs susceptibles d’accroître les gains d’apprentissage liés à la présentation active des objectifs pédagogiques sous forme de questions préalables.



Effet de prétest lié à l'absence de rétroaction immédiate


Le fait de poser des questions auxquelles les élèves ne peuvent répondre efficacement et de suivre dans la foulée un enseignement sur ces mêmes contenus a des effets positifs qui peuvent être contre-intuitifs. Cependant, l’ampleur de l’effet de test est susceptible d’être dépendante d’une autre condition contre-intuitive. 

Le fait de fournir un retour explicite immédiatement après le prétest peut réduire les gains d’apprentissage ultérieurs. Cependant, les élèves préfèrent généralement recevoir un retour immédiat. 

Lorsque les élèves sont incertains de leurs réponses aux questions d’un test, ils peuvent chercher à obtenir une rétroaction immédiate, ce qui peut ensuite améliorer leur apprentissage. Cependant, certaines recherches suggèrent que la génération d’erreurs peut favoriser l’apprentissage même lorsque la rétroaction sur les réponses est différée.

Dans le cas des prétests, le retour d’information est non seulement légèrement retardé, mais aussi activement recherché. Les élèves vont découvrir les réponses eux-mêmes dans le cours qui suit immédiatement et y être spécifiquement attentifs. Cela peut favoriser un traitement plus approfondi des informations contenues dans le cours.

À l’inverse, le fait de fournir une rétroaction corrective immédiatement après les questions du prétest peut annuler les gains d’apprentissage en favorisant une approche passive, dans laquelle les étudiants pourraient potentiellement attendre et mémoriser la rétroaction corrective. Cela peut favoriser un traitement superficiel des informations présentées.

Cela fait émerger une question. L’inclusion d’une rétroaction corrective immédiate est-elle défavorable à l’inclusion des objectifs d’apprentissage sous forme de questions ?

Faria Sana et ses collègues (2020) ont testé l’hypothèse que le fait de ne pas donner de rétroaction sur les réponses au prétest améliorerait l’apprentissage par rapport au fait de donner une rétroaction.

Ils ont constaté que lorsque les participants participaient à un prétest sur les objectifs d’apprentissage, l’effet principal de la rétroaction était significatif. La performance au test final était significativement plus faible lorsque les participants recevaient une rétroaction immédiate sur le prétest que lorsqu’ils ne recevaient pas de rétroaction.

Il peut y avoir plusieurs raisons à cet effet négatif du retour d’information sur l’apprentissage :
  • La rétroaction peut avoir réduit la profondeur de traitement et le temps passé sur les passages.
  • Les participants peuvent être devenus trop dépendants de la rétroaction et l’avoir mémorisée, ce qui peut avoir entraîné un sentiment accru de fluidité du contenu et une diminution de l’attention pendant la session d’étude suivante. 

Au moins une partie de l’avantage du prétest pourrait provenir des comportements de recherche de retour d’information qui placent les apprenants dans une démarche un plus grand traitement cognitif significatif.



L’effet du format de questions pour les objectifs d’apprentissage


Faria Sana et ses collègues (2020) se sont demandé quel format de questions, à réponse ouverte ou à choix multiples, était plus utile pour les objectifs d’apprentissage.

Des recherches antérieures ont montré les avantages du prétest pour différents formats de questions : choix multiples, rappel indicé, rappel libre et questions à réponses courtes.

Sur le plan pratique, les tests à choix multiples sont largement utilisés dans les classes du secondaire et de l’enseignement supérieur. Ils sont rentables, car ils prennent moins de temps à administrer et nécessitent un minimum de temps de la part de l’enseignant pour les noter par rapport aux tests à réponse ouverte. 

Certains résultats suggèrent que les questions à choix multiples et celles à réponse ouverte peuvent être également efficaces pour favoriser l’apprentissage. D’autres suggèrent que les questions à réponse ouverte sont plus efficaces que les questions à choix multiples. 

Un parallèle est à faire avec l’effet de test pour lequel une récupération de l’information en mémoire à long terme améliore mieux leur apprentissage que leur simple reconnaissance. 

Les réponses ouvertes favorisent les processus de récupération, alors que les choix multiples peuvent s’appuyer sur des processus de reconnaissance, étant donné que la bonne réponse est présente parmi les alternatives. Les choix multiples peuvent entraîner une récupération plus superficielle de l’épisode de mémoire et un effet d’apprentissage réduit.

La situation est différente dans le cadre de l’effet de prétest, car les élèves n’ont généralement pas de connaissances explicites préalables sur le contenu à apprendre. Ils sont donc incapables de s’appuyer sur les indices supplémentaires fournis par la question et d’en tirer profit pour générer une réponse.

Bjork et ses collègues (2015) ont avancé l’hypothèse que les élèves pourraient apprendre les alternatives d’une question de prétest sous forme de choix multiples. Cela peut renforcer l’attention davantage lorsque les informations liées à ces alternatives sont présentées dans le cours qui suit. 

De fait, Little et Bjork (2016) ont montré que les prétests à choix multiples améliorent davantage l’apprentissage d’informations connexes non prétestées que les prétests à réponses ouvertes. 

Faria Sana et ses collègues (2020) ont cherché à savoir si le format du prétest affecte l’apprentissage en comparant directement l’effet des prétests à réponses ouvertes et à choix multiples sur l’apprentissage ultérieurs des contenus.

Leurs résultats montrent que les deux formats de prétests ont un effet similaire sur l’apprentissage ultérieur. 

Il peut y avoir plusieurs effets concurrents :
  • Une question à choix multiples encourage le traitement à la fois de la réponse correcte et des alternatives plausibles et testables qui sont conceptuellement liées à l’information prétestée.
  • Une question à réponse ouverte, qui n’inclut pas ces alternatives, peut diriger l’attention sur la seule réponse correcte recherchée par la question. 



Activer le dimension de prétest des objectifs d'apprentissage


Lorsque les objectifs d’apprentissage sont délivrés sous forme de questions de prétest, ils peuvent améliorer l’apprentissage des élèves. Le format des questions du prétest ne semble pas avoir d’importance. 

Par contre, le fait de fournir une rétroaction explicite immédiate réduirait l’avantage du prétest par rapport à l’absence de rétroaction. Le fait de ne pas donner de rétroaction sur les prétests améliorait l’apprentissage par rapport au fait de donner une rétroaction. 

Dans le cas des prétests, pour lesquels les participants avaient un taux élevé de tentatives de récupération infructueuses, les participants devenaient plus motivés pour comprendre, déterminer et apprendre ultérieurement les réponses aux questions du prétest. Cela a amélioré le traitement ultérieur des contenus du cours et par-delà leur apprentissage.



Mis à jour le 24/06/2023

Bibliographie


Paul A. Kirschner & Mirjam Neelen, Learning objectives: goal!?!, 2021, https://3starlearningexperiences.wordpress.com/2021/07/20/learning-objectives-goal/

Rothkopf, E. Z., & Billington, M. J. (1979). Goal-guided learning from text: inferring a descriptive processing model from inspection times and eye movements. Journal of educational psychology, 71(3), 310-327.

Sana, F., Forrin, N. D., Sharma, M., Dubljevic, T., Ho, P., Jalil, E., & Kim, J. A. (2020). Optimizing the efficacy of learning objectives through pretests. Cross-disciplinary research in biology education – Life Sciences Education, 19, 43, 1-10.

Little, J. L., & Bjork, E. L. (2016). Multiple-choice pretesting potentiates learning of related information. Memory & Cognition, 44(7), 1085–1101

Bjork, E. L., Soderstrom, N. C., & Little, J. L. (2015). Can multiple-choice testing induce desirable difficulties? Evidence from the laboratory and the classroom. American Journal of Psychology, 128(2), 229–239.

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