Durant la phase de modelage, l’enseignant fournit des explications tout en s’assurant d’un engagement cognitif significatif de la part de ses élèves.
(Photographie : copal-sq)
Le principe est d’introduire le modelage en début d’année scolaire comme une routine d’apprentissage. La manière dont sont associés le modelage et la pratique guidée permet de mettre en œuvre des attentes élevées. Celles-ci veillent à stimuler l’attention et l’engagement des élèves dans un traitement cognitif signifiant tout en stimulant leur prise de responsabilité dans l’apprentissage et leur métacognition.
Démarrer l’année scolaire avec des attentes élevées
Il peut être tentant de commencer en douceur le début de l’année scolaire avec nos élèves. Nous pouvons vouloir démarrer une nouvelle matière avec une approche plus ludique ou des travaux plus simples ou moins exigeants qu’ils ne le seront par la suite.
Il peut y avoir là derrière la tentation de motiver les élèves en leur offrant des occasions de réussite et gonfler par-là, à faible coût, leur auto-efficacité.
Le principal problème est que la démarche n’est pas en phase avec l’intention d’exprimer des attentes élevées. De plus, l’effet risque de ne pas être durable, la supercherie peut être suspectée par les élèves et cela pourrait entraîner un contrecoup lorsque le rythme s’accélère et que l’enseignement atteint sa phase de croisière.
Le problème de cette approche est que nous plaçons un mauvais point de référence, une ancre susceptible de se retourner contre nous par la suite.
En effet, lorsque les élèves arrivent dans notre classe, démarrent une nouvelle matière ou un nouveau trimestre, ils n’ont pas ou peu d’idées préconçues sur ce qui les attend.
Si nous leur facilitons la vie dans un premier temps, ils vont se sentir confortables. C’est ce point de référence, cette ancre, qu’ils vont par la suite toujours essayer de récupérer.
Dès lors, il vaut mieux bien poser un cadre authentique et préciser les attentes d’emblée, de manière claire et transparente auprès des élèves. Nous définissions les attentes dès le départ. Nous enseignons les routines. Nous les leur faisons pratiquer. Nous guidons nos élèves plutôt que de leur faciliter l’entrée en matière puis de les laisser découvrir et s’adapter par eux-mêmes par essais et erreurs.
Nous gagnons à fixer une ancre authentique, c’est-à-dire à préciser le niveau de référence dès le premier cours.
En ce sens, il est préférable d’utiliser les premiers cours pour placer la barre des attentes au niveau souhaité. Il s’agit de leur montrer ce que nous attendons d’eux, ce que nous les croyons capables de réaliser. Nous établissons ainsi d’emblée le niveau de référence, l’ancre en matière de travail, d’engagement et de réussite.
L’idée n’est pour autant pas de confronter nos élèves à des difficultés, mais de leur donner le soutien et l’étayage nécessaire au départ. Ceux-ci seront progressivement retirés une fois que les routines de fonctionnement se mettent en place.
Les attentes élevées sont là pour communiquer et partager nos ambitions communes de réussite et d’apprentissage. Nous voulons leur inculquer des convictions sur ce dont ils sont capables et démontrer avec notre engagement que tout cela est possible et accessible, une fois les efforts fournis et les stratégies adoptées.
Se créer un portfolio d’exemples d’excellence
Nous devons partager l’excellence dans nos matières. Au fil du temps, au fur et à mesure que nous corrigeons des productions d’élèves, il nous arrive de croiser des exemples d’excellence.
Nous devons nous assurer de les conserver et les partager auprès de nos élèves.
Il est important que les élèves comprennent et visualisent des exemples concrets et authentiques du niveau d’exigence que nous attendons d’eux et qu’ils réalisent que ce niveau est atteignable dans le contexte de notre classe.
L’objectif doit être de les immerger dans cette excellence par le biais d’exemples et par l’enseignement explicite des stratégies qui permettent leur réalisation.
Une manière simple de le faciliter est de scanner ou photographier ces meilleurs exemples, puis les classer dans un système de fichiers en fonction de l’âge, du cours, de la matière et du type de production.
Par ce biais, nous nous créons et nous enrichissons une base de données d’exemples des réalisations vers lesquelles nous voulons tendre pour une majorité d’élèves.
Par la suite, ces documents peuvent être utilisés comme exemples de tâches ou de problèmes résolus. Ils sont montrés au moment opportun aux élèves auxquels nous enseignons les contenus en rapport. Nous pouvons les projeter pour expliciter les intentions d’apprentissage et les critères de réussite. De cette manière, les élèves peuvent plus facilement visualiser et relever les défis que nous leur proposons.
Ces exemples peuvent être projetés sur écrans, mis à disposition des élèves comme modèles ou même montrés aux parents lors d’une journée portes ouvertes.
Le risque de la malédiction de la connaissance
Un enjeu du modelage est de rendre le complexe compréhensible. Nous voulons aider nos élèves à voir le but des cours, à saisir la nature et le sens de ce qu’ils devront faire eux-mêmes. Ils se créent des traces en mémoire qu’ils pourront se remémorer et utiliser à l’avenir.
Pour y arriver, nous devons pouvoir interpréter correctement le concept nous-mêmes, nous l’expliquer. C’est un prérequis. Le risque peut être que les stratégies d’enseignement que nous allons mobiliser se concentrent principalement sur le monologue que nous allons apporter à nos élèves. À ce moment-là, il est peu probable que le simple fait de leur expliquer ce que nous comprenons nous-mêmes puisse suffire.
Notre propre parole, notre propre explication ne peut constituer le seul canal de transmission de nouvelles connaissances à nos élèves.
Chaque mot que nous prononçons doit avoir pour but de faciliter la compréhension des contenus enseignés. En tant qu’experts dans la classe, nous en savons plus sur le sujet que nous enseignons que nos élèves.
Une bonne connaissance de la matière nous permet de mettre nos élèves au défi. Toutefois, cela peut entraîner l’effet de malédiction de la connaissance (Elizabeth Newton, 1990). Bien connaître quelque chose peut rendre plus difficile son explication à ceux qui ont moins de connaissances.
Notre propre familiarité avec un sujet peut entraver notre capacité à aider les élèves à le comprendre pleinement. Comme tout nous parait évident, nous oublions de donner des éléments de contexte utile. Les connaissances spécialisées peuvent rendre plus difficile l’explication aux novices que sont nos élèves.
Cependant, une connaissance large de la matière est sans aucun doute essentielle et constitue la pierre angulaire de tous les enseignants. Lorsque son étendue et sa profondeur s’accroissent, la capacité de l’enseignant à expliquer, à modéliser, à poser des questions et à fournir un retour d’information utile augmente également. Ainsi, la connaissance est plus une bénédiction qu’une malédiction à partir du moment où nous réussissons à nous mettre à la place de l’élève également pour l’aider à progresser.
Engager les élèves dans un traitement cognitif significatif
Les élèves se souviennent de ce à quoi ils pensent :
- Nos élèves doivent être attentifs. Nous devons donc nous assurer qu’ils se concentrent sur les contenus enseignés et non sur d’autres pensées.
- Nos élèves doivent être cognitivement actifs sur des contenus significatifs. Nous devons leur donner des opportunités de réfléchir.
Le fait d’effectuer une vérification de la compréhension de manière régulière et aléatoire contribue aux deux niveaux. Nous devons partir de leurs connaissances préalables, les réactiver.
Dans cette optique, des niveaux de détails supplémentaires doivent être ajoutés progressivement aux cadres que nous établissons à travers le modelage. Une partie de ces détails sera complétée par les élèves qui lisent et traitent les informations eux-mêmes. C’est tout l’enjeu des modèles ICAP ou de celui de l’apprentissage génératif, dans la mesure où parallèlement nous tenons compte de la charge cognitive impliquée.
Ces activités dans lesquelles nous engageons nos élèves doivent constituer le prolongement naturel de nos explications. Ces activités n’existent pourtant pas par elles-mêmes. Elles vont réussir ou échouer en fonction de l’explication qui les précède et du retour d’information qui les suit.
Un élément crucial de cette démarche porte sur le choix des activités données aux élèves qui doivent toujours être subordonnées aux objectifs pédagogiques. Chaque activité choisie doit aider les élèves à atteindre l’objectif qui leur a été fixé.
Parallèlement, nous amenons nos élèves réfléchir à leur apprentissage de manière plus explicite, et en prendre la responsabilité par des processus métacognitifs.
Les stratégies métacognitives dans lesquelles nous allons tâcher de les engager visent à améliorer la capacité des élèves à planifier, suivre et évaluer leur apprentissage et à développer les outils dont ils ont besoin pour le faire efficacement.
L’un des éléments du développement de la métacognition consiste à donner aux élèves un aperçu des raisons pour lesquelles ils font ce qu’ils font à tout moment d’une leçon, d’un trimestre ou d’une année. Cela leur permettra de voir comment le travail en cours s’inscrit dans leur apprentissage plus large, puis de le contrôler et de l’évaluer. Lorsque les élèves comprennent les objectifs, les consignes et leur sens, ils s’engageront plus naturellement, plus spontanément et plus profondément dans les tâches demandées.
Mis à jour le 17/06/2023
Bibliographie
Runeckles, Chris. Making every history lesson count: Six principles to support great history teaching (Making Every Lesson Count series) Crown House. 2018
Newton, Elizabeth Louise. 1990. The rocky road from actions to intentions. PhD diss., Stanford University.
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