mardi 15 février 2022

Concevoir des problèmes résolus efficaces

Les problèmes résolus constituent un outil fondamental pour enseigner et apprendre la résolution de problèmes et de tâches complexes. Leur optimisation correspond à certains principes identifiés que nous allons explorer dans cet article. 

(Photographie : Ren Aoi)


Une définition du problème résolu


Jeroen van Merriënboer et Paul Kirschner (2017) définissent un problème résolu (worked example) comme une tâche d’apprentissage décrivant :
  • Un état de départ donné.
  • Un état d’objectif souhaité.
  • Une solution choisie. 

Nous parlerons d’étude de cas s’il reflète une situation problématique réelle. 

En tant que méthode de pratique, les problèmes résolus peuvent rendre l’apprentissage plus efficace en réduisant la charge extrinsèque. Ils permettent aux apprenants d’utiliser plus efficacement leurs ressources cognitives limitées, ce qui permet une meilleure construction et une automatisation des schémas.

Les problèmes résolus se présentent sous de nombreuses formes. Ils sont utiles non seulement pour les tâches ou les problèmes simples et bien structurés, mais aussi pour les tâches ou les problèmes complexes et peu structurés. En d’autres termes, les tâches ou problèmes comportant des éléments inconnus et de multiples solutions acceptables. Ils possèdent également de multiples critères d’évaluation des solutions et demandent souvent aux apprenants de porter toutes sortes de jugements.

Les problèmes résolus sont très efficaces pour l’acquisition de compétences (complexes) et les tâches impliquant la résolution de problèmes,



L’importance des problèmes dans le contexte actuel


Le monde du travail évolue rapidement. Cela a des conséquences sur l’éducation et sur ce que les élèves doivent apprendre et comment. 

L’une des conséquences probables est que les tâches cognitives (de réflexion) qui doivent être accomplies par les personnes lors de leur vie professionnelle deviennent de plus en plus complexes. Parallèlement, de nombreuses tâches répétitives, prévisibles ou simples tendent à être automatisées et à ne plus être directement réalisées par un être humain.

Nous pouvons également nous attendre à ce que ces compétences cognitives complexes axées sur des tâches qui incluent la résolution de problèmes, l’esprit critique et la prise de décision ne deviennent que de plus en plus recherchées.



Apprendre à résoudre des problèmes par la pratique ou par l'étude d'exemples résolus


De manière assez intuitive, il semblerait logique que la meilleure manière d’apprendre à résoudre des problèmes soit en fait de s’entrainer à résoudre des problèmes.

De fait, entre les années 1950 et les années 1980, les chercheurs pensaient résolument que la résolution de problèmes était la meilleure approche pédagogique pour résoudre les problèmes. 

Cependant, les recherches et les développements générés dans le cadre de l’élaboration de la théorie de la charge cognitive à partir de la seconde moitié des années 1980 ont démontré le contraire. Les preuves se sont accumulées contre l’apprentissage de la résolution de problème par la pratique de la résolution de problèmes. 

L’apprentissage de la résolution de problèmes par la pratique de la résolution de problèmes est de loin inférieur à un enseignement qui nous apprend à résoudre des problèmes à partir de l’étude d’exemples de problèmes résolus.

À l’heure actuelle, il est bien établi par la recherche que l’étude de problèmes résolus est, par rapport à la pratique de la résolution de problèmes, à la fois :
  • Plus efficace : 
    • Elle entraine une meilleure performance.
  • Plus efficiente : 
    • Une meilleure performance est souvent atteinte avec un effort égal ou moindre investi durant la phase d’apprentissage.
Toutefois, cette croyance selon laquelle il faut apprendre à résoudre des problèmes par la pratique de problèmes, bien qu’invalidée, reste malheureusement encore assez populaire. Il est courant d’entendre des pédagogues continuer à défendre la croyance que la pratique de la résolution de problèmes (en tant que méthode) peut conduire efficacement à une compétence générale à la résolution de problèmes efficace. Se confronter à la complexité de la pratique de résolution de problèmes rendrait les élèves plus aptes à résoudre des problèmes de manière générale par la suite.

Heureusement, la recherche sur l’apprentissage par les problèmes résolus est féconde et pertinente pour nous éclairer sur l’acquisition de compétences et l’apprentissage de tâches cognitives complexes.

Elle montre que l’apprentissage à partir de l’étude de problèmes résolus est essentiel aux premiers stades de l’apprentissage. À ce stade, les individus ne savent pas encore ce qu’ils doivent apprendre et faire, en d’autres termes, ils sont novices. Or généralement dans un contexte scolaire traditionnel, les élèves sont toujours novices pour une nouvelle matière. 



Principes pédagogiques des problèmes résolus


Atkinson et ses collègues (2000) ont énuméré certains principes pédagogiques associés à l’efficacité des problèmes résolus.

Il s’agit notamment :  
  • Des caractéristiques intra-exemple : la façon dont le problème résolu est conçu, en particulier la manière dont la solution de l’exemple est présentée. 
  • Des caractéristiques inter-exemple : certaines relations entre les multiples problèmes résolus et problèmes pratiques au sein d’un cours.
  • Des différences individuelles dans le traitement des exemples par les élèves, en particulier la façon dont les élèves s’auto-expliquent les problèmes résolus.

Pour l’apprentissage, la partie axée sur le processus est essentielle. Il ne suffit pas de savoir comment faire quelque chose pour le comprendre. Nous devons également savoir pourquoi nous faisons quelque chose. 

Cette compréhension est nécessaire pour tout transfert. Il peut s’agir d’un transfert proche (vers des tâches ou des problèmes d’apparence similaire) ou lointain (apprentissage appliqué à des situations de la vie réelle qui peuvent être différentes du contexte d’apprentissage).

Les problèmes résolus se présentent sous de nombreuses formes. Ils ont tous en commun d’être utilisables non seulement pour des tâches ou des problèmes simples et bien structurés, mais aussi pour des tâches ou des problèmes complexes ou peu structurés. 



Caractéristiques intra-exemples


Il existe trois caractéristiques intra-exemple importantes à prendre en compte lors de la conception de problèmes résolus : 
  • L’intégration du texte et des images 
  • L’intégration des informations visuelles et orales
  • L’intégration des étapes et des sous-objectifs.



L’intégration du texte et des images et des informations visuelles et orales 


Lorsque les élèves doivent intégrer des informations provenant de problèmes schématisés avec des explications textuelles se référant aux mêmes concepts, cela les oblige à diviser leur attention entre plusieurs sources d’information et cela impose une lourde charge cognitive.



L’effet d’attention partagée


La solution à l’effet d’attention partagée, également connu sous le nom de principe de contiguïté spatiale, consiste à s’assurer que les exemples intègrent des explications textuelles dans la représentation auxiliaire qui les accompagne.

Le format intégré, suivant le principe de contiguïté spatiale, empêche l’effet d’attention partagée.

L’effet d’attention partagée ne se produit pas seulement dans l’espace, mais aussi dans le temps. C’est ce qu’on appelle le principe de contiguïté temporelle. Si le matériel pédagogique comprend à la fois des mots et des images, les mots et le(s) visuel(s) nécessaires à la compréhension doivent être présentés ensemble et non dans un ordre consécutif. 

Si, par exemple, une animation est présentée en premier et que la narration expliquant l’animation est présentée avant ou après, l’effet de contiguïté temporelle peut entraver l’apprentissage (Ginns, 2006).





L'effet de modalité


Les éléments visuels et sonores correspondants doivent se produire en même temps.  

Les recherches montrent systématiquement que : 
  • Un mode de présentation double (un format visuel/auditif, où, par exemple, un diagramme est expliqué par un narrateur)
  • Est plus efficace qu’un format visuel/visuel (image combinée à du texte, comme l’exemple du globe oculaire ou le cerveau ci-dessus).



  


 C’est ce qu’on appelle également le principe de modalité. Il représente la recommandation d’utiliser des mots parlés plutôt que du texte écrit lorsque nous présentons des mots et des images simultanément, sur la base de la théorie du double codage de Paivio. 






L’effet de redondance


L’effet de redondance peut sembler initialement lié à l’effet de partage de l’attention, mais il ne l’est pas vraiment. 

Il y a des similitudes, car les deux effets traitent de sources d’informations multiples. Cela peut être des éléments visuels et du texte. Pour les deux effets, nous devons faire attention lorsque nous utilisons des combinaisons d’informations visuelles et verbales. 

L’effet de redondance est très différent de l’effet de fractionnement de l’attention. Il peut se produire lorsque l’apprenant peut comprendre plusieurs sources d’informations verbales et visuelles séparément sans avoir besoin d’intégration mentale. Par exemple, lorsque nous utilisons le même texte écrit et oral pour redécrire un diagramme. 

 


Dans l’exemple évaporation - condensation - précipitation, le format intégré de droite devient redondant, car nous devons intégrer le schéma et le texte et passer de l’un à l’autre. Il serait plus intéressant d’utiliser la narration, tout en synchronisant l’affichage de la flèche, du soleil, de la flèche, du nuage avec l’explication, selon le principe de contiguïté temporelle.

Voir articles : 





L’intégration des étapes et des sous-objectifs


Nous devons savoir comment structurer au mieux les problèmes résolus pour mettre en valeur des parties conceptuellement significatives de la solution d’un problème ou des sous-objectifs (Atkinson et coll., 2000). 

Une mise en évidence claire des sous-objectifs améliore l’apprentissage :
  • Pour être plus précis, nous devons viser à structurer les problèmes résolus de façon à ce qu’ils incluent des indices destinés à mettre en évidence des morceaux d’information significatifs.
  • De cette manière, nous pouvons refléter la signification conceptuelle sous-jacente d’un problème.

Ces démarches peuvent améliorer la capacité de l’apprenant à apprendre à partir de ces exemples. Elles aident les apprenants à mieux réussir à résoudre de nouveaux problèmes (Atkinson et coll., 2000, p 191).

 


Problèmes résolus avec (à gauche) et sans (à droite) mise en évidence de sous-objectifs, d’après Margulieux & Catrambone, 2016.


Mis à jour le 06/06/2023

Bibliographie


Mirjam Neelen & Paul A. Kirschner, 2021, Designing winning worked examples 1—intra example features, https://3starlearningexperiences.wordpress.com/2021/06/29/designing-winning-worked-examples-1-intra-example-features/

Atkinson, R. K., Derry, S. J., Renkl, A., & Wortham, D. (2000). Learning from examples: Instructional principles from the worked examples research. Review of educational research, 70(2), 181–214.

Ginns, P. (2006). Integrating information: A meta-analysis of the spatial contiguity and temporal contiguity effects. Learning and instruction, 16(6), 511–525.

Margulieux, L. E., & Catrambone, R. (2016). Improving problem solving with subgoal labels in expository text and worked examples. Learning and Instruction, 42, 58–71.

Van Merriënboer, J. J., & Kirschner, P. A. (2017). Ten steps to complex learning: A systematic approach to four-component instructional design. New York, NY: Routledge.

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