Qu’est-ce qui explique d’un élève réussisse ou échoue dans une situation d’évaluation incluant un transfert de connaissances ?
Qu’est-ce qui permet à des éléments d’informations présents dans une question ou dans l’énoncé d’un problème de devenir des indices de récupération efficaces ?
Comment les indices de récupération peuvent-ils favoriser chez les élèves le développement de réponses pertinentes au départ de leurs connaissances ?
(Photographie : Isabella Campbell)
Propriétés des indices de récupération
Les indices de récupération sont des informations contextuelles qui permettent d’accéder plus facilement et de façon ciblée à ces connaissances en mémoire à long terme
Il ne suffit pas que des indices de récupération définissent des caractéristiques générales correspondant à des cibles recherchées. Ces caractéristiques doivent être spécifiques et surtout discriminantes envers la cible à récupérer.
Un indice de récupération est efficace lorsqu’il permet d’identifier le lien qui mène de l’information vers la cible. Il contient des caractéristiques qui correspondent à une cible, mais qui ne correspondent pas à de nombreuses autres cibles possibles et permettent de les rejeter.
La disponibilité des indices de récupération et la façon dont les élèves interprètent ces indices sont des éléments essentiels de l’apprentissage.
Toutefois, même lorsque des indices de récupération sont disponibles, les performances des élèves peuvent être très variables.
Les élèves seront dans la meilleure position pour reconstruire et appliquer leurs connaissances lorsqu’ils disposent d’indices de récupération à valeur diagnostique. Ceux-ci spécifient de façon unique les connaissances cibles.
La question cruciale est donc de savoir ce qui rend les indices de récupération efficaces et diagnostiques.
Pourquoi un ensemble d’indices de récupération conduirait-il à une performance médiocre alors qu’un autre ensemble d’indices permettrait d’obtenir un meilleur résultat ?
Le principe de spécificité de l’encodage
Tulving a mené un programme de recherche qui a permis d’établir des connaissances fondamentales sur ce qui rend les indices de récupération efficaces
Dans une expérience, Thomson et Tulving (1970) ont demandé à des personnes d’étudier une liste de mots cibles comme chaise.
Chaque mot était montré individuellement, ou associé à un autre mot (colle — chaise)
Plus tard, Thomson et Tulving (1970) ont demandé aux sujets de se souvenir de ces mots. Dans une condition de récupération, les sujets recevaient des indices qui étaient manifestement liés aux cibles (par exemple, table comme indice pour rappeler chaise).
Comme le montre la partie gauche de la figure, les indices ayant des relations significatives fortes avec les cibles, appelés associés forts, étaient efficaces pour rappeler les mots individuels.
Cependant, la situation a changé radicalement lorsque, au lieu d’étudier des mots individuels, les sujets avaient étudié les cibles associées à des associés faibles. Des mots comme colle qui n’avaient pas de relations sémantiques fortes avec des cibles comme chaise.
Comme le montre la partie droite de la figure, la colle était un indice extrêmement efficace pour se souvenir du mot chaise, même si les mots n’ont pas de relation significative.
L’autre caractéristique frappante de ces résultats était en lien avec les associations fortes (table) qui étaient si efficaces pour se souvenir de mots individuels (chaise). Elles devenaient extrêmement inefficaces lorsque les cibles avaient été associées à un mot différent pendant la phase d’étude (colle-chaise).
Ces résultats sont marquants, car ils montrent que la simple similarité ou la parenté sémantique des indices et des cibles n’est pas un facteur clé de l’efficacité des indices de récupération.
Au contraire, le facteur important pour rendre les repères efficaces était que ces repères aident les gens à réintégrer le contexte d’apprentissage initial.
Bien que le mot « colle » n’ait pas un lien étroit avec le mot « chaise », lorsque ce mot faisait partie de l’expérience d’étude initiale, il est devenu un indice de récupération extrêmement efficace par la suite pour le mot chaise.
Tulving & Thomson (1973) ont appelé cela le principe de spécificité de l’encodage.
Le principe de spécificité de l’encodage stipule qu’une partie de l’efficacité d’un indice réside dans le fait qu’il corresponde de manière spécifique à une expérience d’étude antérieure. Il aide ainsi une personne à la réintégrer.
Le caractère spécifique de l’indice est fondamental. Lorsqu’un indice correspond à de nombreuses cibles possibles, cette situation est appelée surcharge d’indices. Les indices de récupération perdent leur efficacité lorsqu’ils correspondent à de nombreuses cibles possibles.
Par conséquent, les indices de récupération deviennent diagnostiques et efficaces lorsqu’ils correspondent uniquement à la connaissance cible sans correspondre à plusieurs autres possibilités.
Si les résultats de Thomson et de Tulving (1970) illustrent les facteurs qui rendent les indices de récupération efficaces dans un contexte de laboratoire, le diagnostic des indices fonctionne dans toutes les situations d’apprentissage.
L’interaction encodage-récupération
Schwartz, Chase, Oppezzo et Chin (2011) ont travaillé avec des élèves de 13-14 ans qui étudiaient des sujets de physique tels que la densité, la vitesse, la pression de surface et la constante de rappel.
La structure profonde commune à tous ces sujets est le rapport entre les propriétés physiques :
- La densité est la masse par rapport au volume
- La vitesse est la distance par rapport au temps
- La pression de surface est la force par rapport à la surface
- La constante de rappel est la force par rapport au déplacement
Les élèves étaient mis dans deux conditions :
- Dans la première condition, dite de pratique, les élèves ont été formés sur la manière de calculer la densité. Ils se sont ensuite exercés à résoudre des problèmes à l’aide d’une combinaison de problèmes résolus et de problèmes à résoudre. Cette condition visait à refléter les pratiques pédagogiques courantes dans le cours de sciences.
- Dans une deuxième condition, appelée condition d’invention, les élèves ont été formés sur la manière de calculer la densité. Ils ont ensuite reçu un ensemble similaire de problèmes résolus et de problèmes à résoudre. La différence est que lors de la résolution des problèmes, ils ont été invités à inventer un indice dans l’énoncé. Ils devaient trouver un élément d’information en lien avec le rapport, permettant de saisir la relation illustrée dans les problèmes résolus.
Dans le cadre d’un test, les élèves ont été confrontés à des problèmes verbaux. Dans l’enseignement des sciences, un problème verbal est un exercice mathématique dans lequel des informations de base importantes sur le problème sont présentées en langage ordinaire plutôt qu’en notation mathématique.
Ces problèmes les obligeaient à utiliser leurs connaissances sur la façon de calculer la densité.
Dans un second test, appelé ici test de transfert, les élèves devaient déterminer la rigidité du tissu de différents trampolines sur lesquels se trouvait un nombre variable de personnes. Les problèmes relatifs aux trampolines faisaient appel à des connaissances sur la constante de rappel.
Pour répondre à ces problèmes, les élèves devaient faire appel à des connaissances de structure profonde selon lesquelles la rigidité du tissu serait un rapport (nombre de personnes sur le déplacement).
En ce qui concerne les problèmes verbaux, les deux conditions d’enseignement ont obtenu des résultats à peu près identiques. En fait, la condition de pratique a donné des résultats légèrement meilleurs que la condition d’invention (environ 5 %), bien que la différence ne soit pas significative.
Là où une différence nette apparait, c’est au niveau du problème de transfert. La condition d’invention a produit des performances nettement supérieures à celles de la condition de pratique.
La démonstration est magistrale et souligne l’importance essentielle du diagnostic des indices :
- Les problèmes verbaux demandaient aux élèves d’utiliser leurs connaissances sur la résolution de problèmes de densité, et les deux conditions d’enseignement avaient préparé les élèves de manière égale à appliquer leurs connaissances dans ce contexte.
- Les problèmes de transfert exigeaient des élèves qu’ils accèdent à des connaissances de structure profonde sur les rapports. La condition d’enseignement « inventer un indice » a préparé les élèves plus efficacement à ce scénario de récupération.
Le schéma de fonctionnement observé dans les expériences de Thomson et Tulving (1970) et de Schwartz (et coll., 2011) est connu sous le nom d’interaction encodage-récupération.
Familiariser les élèves aux indices de récupération dans le cadre de la préparation à une évaluation
Ce qui doit être déterminant dans la manière d’enseigner aux élèves des contenus et des compétences et fonction de deux choses :
- Les indices contextuels disponibles à apprendre
- La valeur diagnostique de ceux-ci pour la situation de récupération lors de l’évaluation.
Les indices et les contextes de récupération peuvent correspondre à une variété de connaissances.
La meilleure performance sera obtenue lorsque les indices disponibles correspondent uniquement aux connaissances pertinentes dont l’élève a besoin pour répondre aux questions ou résoudre les problèmes.
En règle générale, un schéma de connaissances bien organisé et contenant des informations distinctives est toujours précieux. Il permet de repérer et transformer l’un ou l’autre élément d’informations dans une question ou un énoncé, en un indice de récupération diagnostique.
En mathématiques ou en sciences, les capacités de discrimination qui vont orienter vers la bonne procédure sont essentielles et vont elles-mêmes dépendre d’indices de récupération diagnostique.
Il est crucial d’anticiper l’environnement de récupération — la situation et les conditions dans lesquelles un élève devra utiliser et appliquer ses connaissances. Les stratégies d’apprentissage seront efficaces lorsqu’elles prépareront l’élève à la situation d’évaluation.
Lorsque l’efficacité se manifeste, c’est que deux éléments sont en place :
- Les indices de récupération sont disponibles et ont été appris précédemment
- Les indices de récupération sont diagnostiques et spécifient de manière unique la connaissance ciblée.
Par conséquent dans la sélection et la conception des questions d’évaluation en matière de transfert nous avons deux questions à nous poser :
- Quels sont les indices de récupération diagnostiques que mes élèves doivent repérer dans l’énoncé pour faire le lien avec leurs connaissances ciblées ?
- Est-ce que le cadre de l’enseignement et de la pratique a permis à mes élèves d’apprendre et de pouvoir mobiliser ces indices de récupération diagnostiques ?
Mis à jour le 28/05/2023
Bibliographie
Jeffrey D. Karpicke and Garrett M. O’Day, Elements of Effective Learning, 2019, Chapter for M. J. Kahana & A. D. Wagner (Eds.), Oxford Handbook of Human Memory, Volume II: Applications. Oxford University Press.
Thomson, D. M., & Tulving, E. (1970). Associative encoding and retrieval: Weak and strong cues. Journal of Experimental Psychology, 86(2), 255–262. doi:10.1037/h0029997
Schwartz, D. L., Chase, C. C., Oppezzo, M. A., & Chin, D. B. (2011). Practicing versus inventing with contrasting cases: The effects of telling first on learning and transfer. Journal of Educational Psychology, 103(4), 759–775. https://doi.org/10.1037/a0025140
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