dimanche 16 janvier 2022

Comment la nature de la motivation des élèves influence-t-elle leurs résultats

Howard et ses collègues (2021) ont réalisé une méta-analyse de la théorie de l’autodétermination portant sur la motivation des élèves et leurs résultats associés. En voici une synthèse personnelle.

(Photographie : Lukasz Rusznica)




La question soulevée est de connaître l’importance relative des différents types de motivation sur le fonctionnement des élèves. 



Types de motivation dans la théorie de l’autodétermination


Dans la théorie de l’autodétermination, différents types de motivation sont spécifiés. Chacun a une phénoménologie et une dynamique caractéristiques uniques. 














Les types de motivation et de régulation dans le cadre de la théorie sur l’automotivation (Deci & Ryan, 2008, d’après Jean , 2011)


Voir articles :

Ces types de motivation peuvent être classés de manière prévisible sur un continuum d’autodétermination, allant :
  • De la plus autodéterminée : la motivation intrinsèque
  • À la partiellement autodéterminée, des quatre formes consécutives de motivation extrinsèque
  • À l’absence d’autodétermination, c’est-à-dire l’amotivation.

La motivation intrinsèque est définie comme un désir psychologique d’adopter des comportements pour le plaisir, la satisfaction ou l’excitation associés à l’adoption du comportement lui-même. 

La motivation extrinsèque décrit l’état psychologique des individus lorsqu’ils sont poussés à atteindre des résultats séparables des satisfactions inhérentes au comportement lui-même. 

Dans le cadre de la motivation extrinsèque, le comportement adopté aura des conséquences différentes pour l’individu selon le type de contingence qui le régit. 

Cela conduit à la spécification de quatre sous-types de motivation extrinsèque : 
  • La régulation externe :
    • Elle est l’état psychologique mis en œuvre lorsque les individus recherchent des récompenses contrôlées par l’extérieur lorsqu’ils visent à éviter les punitions administrées par l’extérieur. 
    • Il existe une certaine ambiguïté à son sujet :
      • Bien qu’elle puisse conduire à court terme à un comportement attendu, elle est considérée comme une forme de motivation de faible qualité qui sape souvent des motifs plus autodéterminés.
      • Dans le milieu éducatif, il existe des approches qui adoptent des évaluations et des incitations externes de ce type pour promouvoir l’apprentissage. C’est le cas des politiques de tests à enjeux élevés dans lesquelles des contingences externes tendent à favoriser l’amélioration des résultats des élèves. C’est le cas également de certaines approches traditionnelles de la gestion de la discipline axées sur les punitions.
  • La régulation introjectée : 
    • Elle représente un état motivé par des dynamiques internes liées à l’estime de soi, comme l’évitement de la culpabilité et de la honte, ainsi que la recherche de la fierté.
    • Elle est caractérisée par l’implication de l’ego. L’objectif est de gagner et de maintenir l’approbation de soi et des autres. 
    • La recherche suggère en outre que l’introjection résulte souvent de l’application d’une estime contingente par les parents et les enseignants pour les résultats scolaires qui leur donnent de la valeur.
  • La régulation identifiée
    • Elle représente un état de motivation qui pousse les individus à adopter des comportements basés sur la perception d’une valeur et d’une signification personnelles, que ces comportements soient ou non intrinsèquement agréables. 
    • La régulation identifiée est considérée comme une forme de motivation relativement autodéterminée. Elle est censée favoriser des attitudes et des résultats d’apprentissage positifs. 
    • Cette valorisation personnelle du comportement représente une force de motivation positive dans la réussite des élèves.
  • La régulation intégrée :
    • Elle représente une forme de motivation extrinsèque hautement autodéterminée. 
    • Lorsqu’ils sont motivés par la régulation intégrée, les individus assimilent l’adoption d’un comportement à leur sens du moi, de sorte que ce comportement devient un élément totalement congruent de leur identité. 
    • Cependant, il est communément admis que les élèves sont trop jeunes pour avoir intégré les exigences scolaires dans leur identité. 

L’amotivation :
  • Elle désigne un état dans lequel ni les facteurs intrinsèques ni les facteurs extrinsèques ne stimulent l’action et l’adoption du comportement attendu. 
  • L’amotivation est associée à la faible attente ou valeur, à la faible efficacité personnelle ou à l’impuissance apprise. 
  • Les élèves qui souffrent d’amotivation ne voient pas le lien entre leur comportement et le résultat attendu ou se sentent incapables de faire le travail. Par conséquent, ils fournissent peu ou pas d’efforts ou de persévérance face aux activités scolaires. 



Caractère adaptatif ou inadapté de la motivation en fonction de son degré d’autodétermination


Nous venons de le voir, l’idée de départ dans la théorie de l’autodétermination est que les différents types de motivation sont classés de manière prévisible en fonction de leur degré d’autodétermination selon un continuum unidimensionnel.

Si les types de motivation sont liés aux résultats d’une manière linéaire déterminée par leur place sur le continuum d’autodétermination, cela indiquerait l’importance centrale de l’autodétermination dans la compréhension de la motivation. 

Il est généralement supposé que plus un type de motivation est autodéterminé (ou autonome), plus il sera lié :
  • Positivement à des résultats adaptatifs
  • Négativement à des résultats inadaptés. 

Les types de motivation moins autodéterminés (ou plus contrôlés) seront liés :
  • Positivement à des résultats inadaptés
  • Négativement à des résultats adaptatifs. 

Cependant, la théorie de l’autodétermination spécifie également que chaque type de motivation est défini par des caractéristiques uniques. C’est par exemple le plaisir, le sens, l’implication de l’ego, les pressions externes. Chaque type de motivation aura par conséquent des conséquences spécifiques.



Dimensions de la motivation dans un contexte scolaire


Cette considération pose la question de leurs caractéristiques spécifiques et d’effets différentiels de celles-ci sur différentes dimensions de la motivation. Cela introduit une forme de multidimensionnalité de la motivation. 

Les résultats de la méta-analyse de Howard et ses collègues (2021) soutiennent largement une perspective multidimensionnelle de la motivation. Ils indiquent qu’un seul facteur n’est pas susceptible de capturer toutes les informations pertinentes pour la construction inhérente à la théorie de l’autodétermination.
Les dimensions suivantes ont été étudiées en lien avec les différentes formes de motivation : 
  • La réussite scolaire : 
    • Elle a été mesurée à la fois objectivement et par autoévaluation
  • La persévérance :
    • Elle reflète les intentions de l’élève de participer à des comportements attendus.
    • Elle comprend les variables d’effort, d’intention de poursuite, d’intention de pratique, de la participation, de l’engagement, de l’absentéisme et de l’intention d’abandon
  • Le bien-être :
    • Il comprend les variables suivantes : anxiété, dépression, ennui, affect négatif, affect positif, satisfaction générale de la vie, de la vitalité, du plaisir et du fonctionnement socioaffectif. 
    • Le fonctionnement socioaffectif est défini comme la capacité des élèves à gérer les interactions interpersonnelles de manière positive et satisfaisante.
  • L’orientation des objectifs :
    • Elle comprend des variables décrivant les objectifs de réalisation.
    • Elle correspond à l’approche ou à l’évitement de la performance et à l’approche ou à l’évitement de la maîtrise :
      • Les objectifs de maîtrise se concentrent sur le développement de la compétence et de la maîtrise des activités scolaires. L’approche de la maîtrise décrit un état d’esprit consistant à s’engager dans un comportement avec l’intention de maîtriser ce comportement.
      • L’évitement de la maîtrise décrit le fait d’éviter l’autoperception de l’incompétence, ce qui conduit souvent les individus à choisir des tâches plus faciles plutôt que des tâches plus difficiles.
      • Les objectifs de performance se concentrent sur la façon dont les élèves sont jugés comme ayant été performants, notamment par rapport aux autres. L’approche de la performance décrit les élèves qui visent à démontrer une performance élevée par rapport aux autres.
      • L’évitement de la performance décrit le désir de ne pas échouer dans un comportement donné devant les autres.
  • L’autoévaluation comprend :
    • L’auto-efficacité qui est la croyance en sa capacité d’accomplir un objectif
    • L’estime de soi qui est le respect ou la considération positive que nous avons pour nous-mêmes
    • L’image physique de soi qui se traduit par : l’anxiété ou les impressions positives qu’elle génère.

La théorie de l’autodétermination précise que la représentation de la motivation est universelle et qu’elle ne devrait donc pas varier de façon substantielle en fonction des variables contextuelles ou des différences individuelles. Cette affirmation d’universalité a été également testée par la méta-analyse dans le contexte de l’éducation.


Conformément aux attentes théoriques, Howard et ses collègues (2021) montrent que :
  • Les résultats adaptatifs sont généralement associés à des formes de motivation plus autodéterminées.
  • Les motivations moins autodéterminées sont généralement associées à des indicateurs plus inadaptés.



Importance de la régulation identifiée


Un résultat central est que la régulation identifiée semble détenir certaines caractéristiques uniques et significatives pertinentes pour la motivation, au-delà de tous les autres types de motivation.

La régulation identifiée est une forme autodéterminée de motivation extrinsèque. Elle parait liée à plusieurs résultats plus fortement (ou aussi fortement) que la motivation intrinsèque. 

Ce modèle était particulièrement important en ce qui concerne une série de résultats liés à la persévérance. 

Ce résultat peut être aligné avec la théorie considérant que la motivation intrinsèque dépend d’états émotifs tels que la curiosité et le plaisir. À l’opposé, la régulation identifiée est susceptible d’être plus pertinente pour les tâches intéressantes et inintéressantes, ajoutant ainsi une composante essentielle dans les résultats basés sur la persistance. 

Ces résultats indiquent que la régulation identifiée apporte une certaine quantité d’informations uniques pour expliquer les résultats des élèves, au-dessus des autres types de motivation ou de l’autodétermination générale. 



Effets de la régulation introjectée


Les motivations liées à l’ego qui représentent la régulation introjectée, jouent un double rôle très intéressant :
  • Elles sont liées positivement aux comportements axés sur l’éducation, notamment l’effort, l’engagement et l’exercice physique.
  • La régulation introjectée coïncide avec des effets secondaires négatifs notables, notamment l’anxiété et l’affect négatif. 

Ces résultats sont donc cohérents avec la vision de la théorie de l’autodétermination. Selon cette théorie, l’introjection représente une intériorisation partielle des valeurs. En tant que telle, elle peut conduire à des comportements par le biais de pressions intériorisées et d’implication de l’ego dans une certaine mesure.

Il existe de fortes relations des motifs introjectés avec les objectifs de performance, à la fois d’approche et d’évitement. Cela n’est pas surprenant étant donné que les objectifs de performance sont axés sur les comparaisons sociales, qui peuvent être associées à la dynamique d’approbation de soi et des autres. 

Une autre série de résultats de cette méta-analyse montre que les associations entre la régulation introjectée et de nombreux résultats sont modérées par l’âge. Plus précisément, les résultats indiquent qu’à mesure que les élèves prennent de l’âge, la relation entre l’introjection et les résultats adaptatifs diminue, tandis que la relation entre l’introjection et les résultats inadaptés augmente. Il semble que l’introjection joue un rôle de plus en plus négatif à mesure que les élèves avancent dans leur scolarité. 

Ce résultat implique que le fait de dépasser les régulations introjectées ou de les internaliser pourrait être considéré comme un défi important dans le développement des élèves. 

Le rôle de la honte, de la fierté et de la culpabilité dans le cadre de la régulation introjectée est démontré. Ces sentiments présentent des associations positives avec les résultats scolaires adaptatifs et inadaptés.



Effets de la régulation externe


Les résultats de la méta-analyse montrent également que la régulation externe est associée aux résultats d’une manière très intéressante et quelque peu inattendue.

La régulation externe est 
  • Liée à une série de résultats inadaptés :
    • Une anxiété plus élevée
    • Une réduction du bon fonctionnement socioémotionnel, du bien-être physique et de la vitalité
  • Non liée aux résultats adaptatifs :
    • Cela a à l’encontre des recherches antérieures examinant les effets des incitations, généralement monétaires, sur la performance et la persévérance des élèves, qui ont fait valoir des résultats positifs, ou du moins mitigés.
    • Les résultats actuels indiquent que la motivation des élèves par le biais de tels moyens externes, dans la mesure où cela engendre une régulation externe, peut risquer de réduire le bien-être des élèves. 



Importance du soutien à l’autodétermination pour les finalités éducatives


Les résultats de cette méta-analyse ont des implications importantes pour l’enseignement. En particulier, elle peut conseiller la façon dont les enseignants, les parents et les responsables scolaires tentent d’activer ou d’encourager la participation des élèves à leur éducation. Ils agissent par le biais des pratiques d’enseignement et d’évaluation, de soutiens à l’apprentissage et à l’engagement. 

Des recherches antérieures ont établi l’importance du soutien à l’autonomie pour faciliter la motivation. Les résultats actuels démontrent plus clairement et précisément l’importance de la motivation, complétant ainsi le processus de motivation depuis les comportements des enseignants et des parents jusqu’aux résultats des élèves. 

Une motivation optimale de l’élève est une combinaison :
  • De motivation intrinsèque : le plaisir
  • De la régulation identifiée : le sens

Sa mise en œuvre devrait être centrée sur les pratiques de soutien à l’autonomie par les enseignants et les parents. 

Nous devons considérer l’élève en tant que personne, ce qui signifie que :
  • Ses sentiments et ses préférences doivent être reconnus :
    • Par des interactions empathiques
    • Par l’offre de choix significatifs pour lui
  • Il a droit à des justifications expliquant pourquoi les tâches scolaires qui lui sont proposées sont significatives.
  • Nous devons minimiser l’utilisation d’un langage et d’un comportement de contrôle.

Des gestes interpersonnels positifs permettent d’accroître la signification et la motivation intrinsèque des élèves et mènent à des résultats scolaires adaptatifs de leur part.

Ils sont soutenus par l’efficacité démontrée des interventions conçues pour accroître les pratiques d’enseignement favorables à l’autonomie.

Les résultats actuels soulignent également plus clairement les coûts potentiels de l’utilisation d’incitations et de punitions externes. Par exemple, c’est le cas de parents offrant des récompenses monétaires ou d’enseignants punissant un mauvais comportement. Ces effets de contrôle environnementaux sont susceptibles d’encourager la régulation externe qui, à son tour, est liée négativement au bien-être de l’élève, sans pour autant être associée à la persévérance ou aux performances. 

De plus, les pratiques d’enseignement et de parentage autoritaires ou conditionnelles sont susceptibles d’accroître l’implication de l’élève dans son ego et la régulation introjectée. Les résultats actuels mettent en évidence la nature à double tranchant du regard conditionnel. Il est lié positivement à l’effort et à l’engagement, mais représente aussi des coûts de bien-être négatifs. Le regard conditionnel reste finalement sans rapport avec la réussite scolaire. 

Les résultats actuels amènent également à réfléchir sur le pilotage des tests à enjeux élevés. Lorsque l’accent est mis sur l’obtention de résultats adéquats aux tests standardisés et sur les incitations et les punitions encourues en conséquence, cela favorise le développement d’un environnement éducatif de contrôle. 

Dès lors, le corps enseignant se sentira soumis à une pression externe pour atteindre et dépasser des critères spécifiques. Cela pourrait encourager des pratiques d’enseignement contrôlantes et, par conséquent, étouffer les formes de motivation plus autonomes des élèves, pourtant nécessaires. 

Les résultats actuels mettent en évidence que les approches de type carotte et bâton, dans la mesure où elles tendent à favoriser la régulation externe, sont peu susceptibles d’être corrélées avec les performances. Elles seront plutôt en corrélation avec des indicateurs négatifs du bien-être des élèves. En d’autres termes, la poursuite d’un critère de réussite étroitement défini sous la forme de notes d’examen semble aujourd’hui potentiellement préjudiciable au développement à long terme et à la réussite scolaire des élèves. 

Il y a une absence d’apports positifs en matière de motivation de la part des tests à enjeux élevés. Celle-ci peut être compensée par d’autres démarches telles que la mise en œuvre de pratiques d’enseignement et d’apprentissage efficaces. Cela peut être une formation des élèves à l’apprentissage autonome, un accent mis sur l’évaluation formative ou à la collaboration des enseignants au sein de communautés d’apprentissage professionnelles.



Un cadre éducatif optimum pour le soutien d’une régulation identifiée


Un élément important de la méta-analyse de Howard et ses collègues (2021) est qu’elle démontre l’importance supplémentaire de la régulation identifiée pour favoriser la persistance et les intentions des élèves. 

Elle montre également les effets néfastes sur le bien-être susceptibles de découler des incitations et pressions externes dans la mesure où elles engendrent une régulation externe. Ces environnements sont ceux qui favorisent les tests à enjeux élevés et les punitions et intègrent un climat de contrôle. 

Un cadre éducatif clair propice au développement de la régulation identifiée serait celui qui met l’accent sur : 
  • De la prévention selon une approche de type réponse à l’intervention à la fois au niveau des apprentissages et du comportement
  • Un enseignement explicite des contenus, des stratégies et des comportements
  • L’expression d’attentes élevées accompagnée de démarches d’évaluation laissant une large place :
    • À la rétroaction
    • À la prise d’autonomie et de responsabilité des élèves face à leurs apprentissages
    • À un usage large de tests à enjeux peu élevés et d’occasions de pratique de récupération.



Mis à jour le 22/05/2023


Bibliographie


Howard JL, Bureau J, Guay F, Chong JXY, Ryan RM. Student Motivation and Associated Outcomes: A Meta-Analysis From Self-Determination Theory. Perspectives on Psychological Science. February 2021. doi:10.1177/1745691620966789

Jean Heutte, Théorie de l’intégration organismique : les différents types de motivations (Deci, 1975 ; Ryan & Deci, 2002), 2011, http://jean.heutte.free.fr/spip.php?article159

2 commentaires:

  1. Pour la persévérance - voire aussi le concept de volition chez Mireille Houart(Unamur)

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  2. La prudence s'impose ici! Il s'agit de mesures obtenues avec corrélations, donc sans études expérimentales montrant qu'en travaillant x on peut obtenir y. De plus les corrélations liées avec le rendement scolaire objectif sont plutôt faibles inférieures généralement inférieures à 0,20!

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