samedi 25 décembre 2021

Poser des défis pour stimuler l’apprentissage des élèves

Nous souhaitons tous avoir des élèves engagés qui apprennent. L’enseignement explicite se construit et en fonction des objectifs pédagogiques et les places au centre du processus qui va du modelage à la pratique guidée jusqu’à la pratique autonome. L’évaluation formative détaille les objectifs pédagogiques en objectifs d’apprentissage et en critères de réussite.

(Photographie : Steve Harper)


Ces processus s’accompagnent d’un transfert de la responsabilité des apprentissages de l’enseignant vers ses élèves. Parallèlement, nous avons également comme mission de soutenir et former les élèves dans leurs stratégies liées à un apprentissage autonome. 




La définition du défi dans un contexte pédagogique


L’instrumentalisation des objectifs pédagogiques sous forme de défis permet de stimuler l’engagement, l’apprentissage et l’autonomie des élèves. Par ce biais, nous pouvons agir indirectement sur la motivation des élèves également. 

Le meilleur moyen de motiver les élèves est de la faire à travers le contenu que nous leur enseignons. Toutes les tentatives visant à motiver les élèves indépendamment des contenus sont appelées à échouer. La motivation vient généralement de l’expérience de la compréhension et de la réussite.

La conception des défis par l’enseignant se trouve à la confluence de trois dimensions :

  • Les défis permettent à l’enseignant d’exprimer, de rendre fonctionnelles et de concrétiser des attentes élevées au sein même de la classe.
  • Le calibrage des défis dépend de l’élève différentes manières :
    • Il se fait en fonction des connaissances préalables de l’élève quand il s’engage dans un défi.
    • Il est fonction de la connaissance que l’enseignant a de ses élèves, de la qualité de la relation qu’il installe avec eux.
    • Il est fonction des pratiques d’évaluation formative et de vérification de la compréhension qui offrent à l’enseignant un retour d’information sur là où en sont ses élèves. 
  • La bonne conception des défis dépend de l’expertise que l’enseignant possède sur les contenus qu’il enseigne et sur la pédagogie qui leur est liée. Elle se base sur la manière optimale de les enseigner et de les apprendre. 




Difficultés liées à la pratique des défis


Le langage que nous utilisons communique nos attentes et nos convictions quant au potentiel de nos élèves.

Nous devons véhiculer l’idée qu’il n’y a rien d’inéluctable aux difficultés rencontrées lors de l’apprentissage. Nous le leur démontrons dans le soutien que nous leur apportons et dans les convictions que nous exprimons sur leur capacité à y arriver. 

Être capable de bien juger de la nature et de l’ampleur de la difficulté ne s’improvise pas. Les enseignants expérimentés perçoivent aisément lorsqu’il faut encore laisser un élève se confronter à certaines difficultés, car il possède déjà suffisamment de clés pour comprendre. Ils détectent également lorsqu’il est plus utile d’intervenir pour l’aider, car certaines connaissances lui manquent. 

Quoiqu’il en soit, il existe de nombreuses situations où lorsque nos élèves rencontrent des difficultés à progresser, ils bénéficieront avant tout de notre aide. Il faut distinguer entre la surcharge cognitive, la méconnaissance et la difficulté à récupérer des informations mémorisées.

Lorsqu’un élève est bloqué en pratique autonome, plutôt que de lui donner la réponse immédiatement, nous pouvons lui donner un indice ou une piste qui lui permettra de poursuivre indépendamment sa propre réflexion. Le travail et l’effort nous permettent d’apprendre et nous donnent la possibilité de nous améliorer, ce qui en retour nous rend plus intelligents. Là se trouve le message que nous visons à leur transmettre.

Nous les engageons sur la voie de la réflexion qui les mène vers la résolution. Nous leur enseignons l’élément de stratégie dont ils ont besoin pour progresser. L’enjeu est que cela les amène à un apprentissage. La prochaine fois qu’ils se retrouveront dans un contexte similaire, ils pourraient ne plus être bloqués.

À l’opposé leur donner la réponse finale ou la solution finale les dispense de réfléchir et risque de ne rien leur apprendre en matière de savoir-faire. Dans ce cas, nous les débloquons, mais ils n’auront pas appris grand-chose. 




Viser un apprentissage qui privilégie la profondeur


La dynamique des défis et de leur pilotage pratique renvoie à l’idée d’apprentissage de surface et d’apprentissage profond : 

  • L’apprentissage superficiel consiste à connaître les réponses relatives à des questions
  • L’apprentissage profond concerne la manière dont nous sommes capables de relier, de lier et d’étendre nos réseaux de connaissances. 

Les enseignants efficaces sont capables de juger parfaitement du temps à consacrer et de la manière de procéder pour passer d’un apprentissage de surface à un apprentissage profond.

Maintenir un haut niveau de défi et établir des attentes élevées ne correspond pas à confronter les élèves à des tâches qui vont multiplier les difficultés pour les élèves. 

Au contraire, cela signifie que :

  • Nous devons trouver et adopter les manières les plus simples et les plus efficaces d’apprendre efficacement des contenus complexes et difficiles. 
  • Nous devons procéder à des ajustements subtils, les uns après les autres, par difficulté croissante entre modelage et pratique guidée, et les entretenir par des occasions de pratique de récupération. 
  • L’enjeu est que les élèves ne soient pas seulement exposés à un nouveau contenu, mais qu’ils l’apprennent en toute sécurité et, avec le temps, l’approfondissent également. 
  • Au niveau de l’approfondissement, des temps de pratique autonome et de découverte ont un rôle important à jouer dans la dernière phase de l’enseignement.




Mettre les élèves au défi d'apprendre dès le début de l’année scolaire


Dès le début de l’année scolaire, l’enjeu est de créer avec nos classes une culture où relever les défis devient une norme établie et partagée par tous.

Pour y parvenir, nous commençons en donnant à nos élèves le goût de la réussite et en évitant qu’ils démarrent sur une fausse note avec des tâches pour lesquelles ils ne sont que peu ou pas préparés. Un démarrage en douceur s’impose avec une lente montée en puissance ensuite.

Nous devons essayer d’éviter d’accentuer trop directement leur anxiété et leurs incertitudes quant à leurs attentes face aux résultats à venir. Cela pourrait impacter négativement leur auto-efficacité ou sanctionner un inévitable recul face au manque de pratique liée aux vacances scolaires.

Le danger est que, pour certains élèves, une mauvaise qualité initiale de leur performance devienne une ancre, une norme générale qui se réalise et se perpétue par elle-même, leur colle à la peau.

L’idée est de pouvoir donner quelques coups de pouce minimaux dans la bonne direction à ce moment critique du départ, d’amorcer l’accès à la réussite. De cette manière, nous pouvons aider certains élèves à remodeler l’image qu’ils ont d’eux-mêmes en tant qu’apprenants. Elle peut avoir été détériorée par des expériences négatives antérieures dans notre matière. Nous devons leur montrer qu’ils peuvent dépasser les limites de ce dont ils se croient capables.

Cette mise en œuvre ne doit pas paraitre artificielle, mais doit être préparée et anticipée et déjà transmettre des exigences et des attentes élevées. 

Sa conception nécessite déjà une certaine expérience contextualisée. Nous devons déterminer quelle séquence de cours aidera à tirer le meilleur parti des élèves dans une première approche en début d’année scolaire. 

Nous devons faire en sorte qu’ils s’investissent dans les tâches, relèvent les défis et fournissent des efforts de manière à ce que l’apprentissage suive et que l’évaluation aboutisse à une réussite.




Conseils pratiques liés à la mise en œuvre des défis


Le processus présenté ci-dessous a pour enjeu de constituer une routine générique. Il vient s’associer à divers processus fondamentaux de l’enseignement explicite et de l’évaluation formative :

  • Dans cette démarche, il ne sert pas à grand-chose de sermonner trop longtemps les élèves pour leur dire qu’ils doivent viser l’excellence. Ils ont besoin d’exemples concrets. D’emblée, nous leur montrons des exemples de réussite exemplaires correspondant aux tâches d’aboutissement sur lesquelles ils seront évalués. Commence alors un travail de déconstruction et de mise en évidence des critères de réussite. 
  • Les critères de réussite sont mis en correspondance avec les intentions d’apprentissage qui sont introduites progressivement en parallèle avec l’enseignement. 
  • Nous devons alors assurer qu’un étayage suffisant soit proposé aux élèves. Ils disposent d’une pratique guidée suffisante durant laquelle l’étayage est progressivement retiré, avant que nous les lancions dans une pratique autonome. 
  • Nous nous assurons qu’ils puissent recevoir un retour d’information formatif, oral ou écrit, personnalisé. Cette rétroaction leur propose des pistes concrètes sur lesquelles ils pourront s’appuyer pour améliorer à la fois leurs productions, leurs apprentissages et leurs stratégies. 




Se servir des défis pour promouvoir le développement de l’autorégulation


Si le défi peut venir s’intégrer au niveau de chaque élément de matière significatif, il s’insère également dans des objectifs à plus long terme.

Les séquences de cours doivent être vues non comme des composantes isolées et à court terme, mais comme des blocs de construction intégrés vers des objectifs d’apprentissage à moyen et long terme. 

Une évaluation formative régulière, rigoureuse et intégrée, accompagnée d’une pratique de récupération distribuée dans le temps joue un rôle crucial en fournissant la structure de cette finalité. Nous devons avoir une vision claire, mais réaliste des objectifs globaux à atteindre pour nos élèves dans notre cours, et à les aider à partager cette vision avec nous. Pour y parvenir, nous devons faire preuve de clairvoyance et de persévérance.

Nous devons renforcer positivement les progrès et les réussites de nos élèves.

Nous devons leur poser régulièrement, oralement ou par écrit des questions de réflexion sur la façon dont ils perçoivent leur propre performance et la qualité de leur travail pour renforcer leurs démarches d’autorégulation et de métacognition. 

Ce processus peut aider à remarquer si un élève a de faibles attentes, nous devrons alors intervenir pour l’aider à les relever.

Les enjeux pour l’élève ne sont pas simplement de réussir le prochain test ou même le cours à la fin de l’année scolaire. Ils visent plus largement sa scolarité et le développement d’une capacité à répondre à des défis de plus en plus larges qui allient les aspirations personnelles puis professionnelles. Nous voulons que nos élèves développent des objectifs personnels de maîtrise.

L’engagement scolaire face à des défis successifs se traduit en une progression lente et méthodique vers ces aspirations. Elle est basée sur l’affinement progressif de compétences et sur la connaissance de soi-même. Elle est appuyée par une rétroaction régulière et précise, fournie par l’enseignant, mais idéalement de plus en plus autorégulée.

Nous pouvons demander aux élèves de se fixer des objectifs personnels vérifiables et en garder une trace. La forme la plus efficace de défi est personnalisée et spécifique à chaque élève. 

Nous allons terminer par deux exemples de pratiques qui permettent d’intégrer plus encore les défis et de les individualiser. 




Technique du défi dirigé en pratique autonome


Le défi dirigé se produit lors de la pratique autonome tandis que les élèves résolvent des tâches, soit seuls, soit en coopération. 

Le défi dirigé exige de notre part une compréhension claire de ce que les élèves doivent savoir ou être capables de faire, pour progresser. 

Une fois que nous avons bien compris cela et que les élèves travaillent sur différentes tâches, nous nous déplaçons simplement dans la classe et observons attentivement leurs productions. 

Nous leur posons alors des questions spécifiques qui les feront progresser ou leur apporteront les connaissances supplémentaires nécessaires pour aborder la tâche de manière plus approfondie. Une phrase type « Essaye plutôt maintenant de… » est particulièrement utile, bien plus que de donner une réponse ou corriger une erreur.

C’est une forme de différenciation à l’intérieur de la classe qui n’impose pas une diversification des supports de travail. Il convient toutefois de la rendre gérable. Par conséquent, nous devons par conséquent nous concentrer sur un nombre déterminé d’élèves à chaque cours, en privilégiant ceux que nous savons plus susceptibles de rencontrer des difficultés avec une matière donnée. Nous allons mentalement suivre plus attentivement ce groupe de besoin tout en suivant de manière légèrement moins approfondie les autres élèves lors de la pratique autonome. C’est réaliste et cela garantira qu’au fil du temps, tous les élèves recevront cette attention individuelle à un niveau ciblé et approfondi en fonction de leurs besoins.




Mettre au défi les élèves au niveau de leurs productions écrites


Nous devons également soutenir et développer les capacités d’autorégulation des élèves en les amenant à relire et à jeter un regard critique sur leurs premières versions de leurs résolutions et productions.

La pratique autonome et les productions formatives doivent être suivies durant le processus pour que les élèves apprennent à les améliorer et à s’améliorer.

Il s’agit pour nous de mettre en œuvre des stratégies simples et pratiques pour inciter les élèves à aboutir à de meilleures productions.

Souvent, nous demandons aux élèves de produire une réponse structurée ou une résolution et nous acceptons comme finale la première tentative qu’ils nous soumettent.

Peut-être que les élèves nous donnent un premier jet, peut-être s’y sont-ils pris en plusieurs fois avec des versions différentes. Nous n’en avons pas de preuve et nous ne pouvons pas les renforcer et les aider à adapter leurs démarches aisément. Nous faisons parfois face à une boite noire. 

Pourtant, nous devrions insister pour que, grâce à leurs efforts et à leur détermination, les élèves produisent un travail dont ils peuvent être fiers.

Dans le cadre de la rédaction de textes ou de la structuration de réponses, l’obtention d’un travail de grande qualité nécessite à la fois de la réflexion, de la relecture, de la reformulation et de la restructuration. 

Ce processus de rédaction en étape gagne à être soigneusement structuré, guidé et soutenu par l’enseignant. Il ne s’agit pas simplement de demander à un élève de remanier son texte, mais de lui fournir en rétroaction des conseils clairs qui lui indiquent la marche à suivre.

L’idée est que lorsqu’ils relisent, ajustent et remanient leurs productions, ils ajoutent de la profondeur, de la nuance et de la complexité. 

Cependant, il permet d’éviter que de mauvaises habitudes d’écriture s’enracinent et deviennent presque irréductibles. Les élèves ont rarement le temps de travailler sur leurs erreurs. 

Enseigner un processus de relecture, demander aux élèves de soumettre une version brouillon et une version finale, proposer une liste de vérification, toutes ces différentes pistes valent la peine d’être investies. Notre enjeu est de former nos élèves à ces démarches, les faire pratiques et leur faire acquérir de bonnes habitudes à ce sujet.  


Mis à jour le 11/05/2023


Bibliographie


Shaun Allison and Andy Tharby, Making every lesson count, 2015, Crown House

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