Les principes d’un retour d’information efficace importent plus que les méthodes utilisées pour le délivrer. Il n’existe pas de recette ou de système miracle qui puisse garantir que la rétroaction donnée par les enseignants à leurs élèves sera efficace. L’enseignement est trop complexe pour que cela soit envisageable.
Introduction
Tous les enseignants comprennent l’importance de fournir une rétroaction (feedback, commentaire, retour d'information) significative à leurs élèves. Lorsqu'elle est faite correctement, elle permet :
- De soutenir les progrès des élèves
- De renforcer leurs apprentissages
- De dissiper les malentendus
- De combler l’écart entre le stade où se trouve un élève et celui que l’enseignant souhaite qu’il atteigne.
Ce processus est une composante essentielle d’un enseignement efficace et peut être mis en œuvre dans toutes les classes, peu importe l’âge des élèves ou la matière enseignée.
Cependant, les retours d’information n’ont pas toujours des effets positifs.
Si elle est mal faite, la rétroaction peut même nuire aux progrès des élèves.
De plus, la rétroaction n’est pas sans coûts. De durées de travail conséquentes sont consacrées par les enseignants à fournir un retour d’information à leurs élèves, peut-être pas toujours de manière productive.
Objectifs
L’enjeu de la démarche ici présente, en se fondant sur le rapporte de l'EEF (2021), d’aider une équipe enseignante à prendre des décisions fondées sur des données probantes lors de l’élaboration d'une politique de retour d’information au niveau d’un établissement.
Nous voulons avant tout nous assurer que celle-ci :
- Privilégie et concrétise les principes d’un retour d’information efficace
- Tienne compte des coûts d’opportunité tels que le temps et la charge de travail des enseignants.
Le retour d’information est susceptible d’être plus efficace s’il est abordé de manière systémique. Les écoles devraient disposer d’une politique claire sur l’usage du retour d’information. Celle-ci doit être soigneusement conçue et mise en œuvre de manière réfléchie. Les chefs d’établissement jouent un rôle crucial dans la conduite de ce processus.
Ces politiques doivent préciser que les principes fondés sur des données probantes doivent être au cœur de la pratique. Nous devons les expliciter et donner des exemples, mais les méthodes et le moment où procéder à la rétroaction doivent être laissés à l’appréciation professionnelle des enseignants. C’est à l’enseignant qu’il revient de décider quand et comment offrir un retour d’information, en fonction de sa matière et du contexte d’apprentissage particulier de chaque élève.
Trois principes clés
Principe 1 : Poser les bases d’une rétroaction efficace
- Avant de fournir une rétroaction, les enseignants doivent assurer un enseignement de haute qualité. Notamment, ils utilisent des stratégies d’évaluation formative ou d’enseignement explicite qui réduiront les besoins en rétroaction.
- Les enseignants doivent avoir clairement défini leurs intentions d’apprentissage et les critères de réussite, car c’est vers ceux-ci que la rétroaction doit porter.
- La qualité du retour d’information dépend essentiellement de la qualité des preuves disponibles sur les résultats des élèves qui vont permettre d’évaluer les lacunes d’apprentissage.
- Le risque est qu’un enseignant ne sache pas quoi dire à un élève après avoir évalué son travail. Dans ce cas de figure, il est fort probable que les questions, les tâches ou les activités qui ont été données aux élèves n’ont pas été conçues dans l’optique d’un retour d’information.
Principe 2 : Délivrer une rétroaction au moment opportun, qui vise à faire progresser l’apprentissage
- Il n’existe pas de réponse claire quant au moment où la rétroaction doit être fournie. Les enseignants doivent plutôt déterminer si une rétroaction immédiate ou différée est nécessaire, en tenant compte des caractéristiques de la tâche à accomplir, de l’élève et de la connaissance de la classe. Chaque heure que les enseignants passent à donner de la rétroaction à leurs élèves est une heure qu’ils ne peuvent pas consacrer à autre chose.
- Un retour d’information n’est pas un processus tourné vers le passé, il n’est pas post-mortem donc ne peut se contenter de constats. Il vise à améliorer l’élève et non la production en faisant progresser l’apprentissage.
- Une rétroaction axée sur les caractéristiques personnelles de l’élève, ou une rétroaction qui ne propose que des remarques générales et vagues ont moins de chances d’être efficaces.
- La rétroaction cible les lacunes spécifiques que présentent les élèves au niveau des tâches, du thème évalué ou des stratégies d’autorégulation en offrant de pistes concrètes d’amélioration. L’idée est que, après le retour d’information, les élèves seront en mesure de faire mieux à un moment donné dans le futur sur des tâches qu’ils n’ont pas encore tentées.
Principe 3 : Planifier la manière dont les élèves recevront et utiliseront la rétroaction
- Il convient de réfléchir attentivement à la manière dont les élèves reçoivent la rétroaction. La motivation des élèves, leur confiance en eux, leur confiance dans l’enseignant et leur capacité à recevoir des informations peuvent avoir un impact sur l’efficacité de la rétroaction.
- Les enseignants doivent mettre en œuvre des stratégies qui encouragent les apprenants à tenir compte de la rétroaction et vérifier que les élèves l’utilisent.
- Les enseignants doivent donner aux élèves l’occasion de mettre en œuvre la rétroaction. Si les apprenants n’ont aucun intérêt à s’améliorer, alors il importe peu que le retour d’information soit réfléchi et perspicace. Le temps que les enseignants consacrent à l’élaboration du retour d’information sera probablement gaspillé.
- Ce n’est qu’alors que la boucle de la rétroaction est assurée que l’apprentissage des élèves pourra progresser. La seule chose qui compte dans le retour d’information est ce que les élèves en font.
- Pour que le retour d’information soit efficace, nous devons créer des classes où les élèves accueillent et utilisent le retour d’information. Les décisions les plus importantes prises dans les classes ne sont pas prises par les enseignants, mais plutôt par leurs élèves.
Méthodes
Méthode 1 : Planifier l’utilisation d’une rétroaction écrite efficace et distribuée
- La méthode de transmission et le fait qu’un enseignant choisisse d’utiliser une rétroaction écrite ou verbale sont probablement des facteurs secondaires. Nous devons surtout nous assurer que les principes d’une rétroaction efficace de l’enseignant sont respectés dans chaque cas.
- Les méthodes écrites de rétroaction, y compris les commentaires écrits, les notes et les communications de résultats, peuvent améliorer les résultats des élèves.
- La rétroaction écrite peut être efficace si :
- Elle se fonde sur un contenu de haute qualité
- Elle est programmée de manière appropriée
- Elle se concentre sur la tâche, le sujet ou l’autorégulation
- Elle est ensuite utilisée par les élèves.
- Certaines formes de rétroaction écrite sont associées à un coût d’opportunité important en raison de leur impact sur la charge de travail des enseignants. Cet aspect doit être surveillé par les enseignants et les chefs d’établissement.
Méthode 2 : Réfléchir soigneusement à la manière d’utiliser la rétroaction verbale utile
- Les méthodes verbales de rétroaction peuvent améliorer les résultats des élèves et peuvent être plus efficaces en matière de temps que certaines formes de rétroaction écrite.
- Cependant, comme pour la rétroaction écrite, les effets de la rétroaction verbale peuvent varier et la méthode de transmission est probablement moins importante que le respect des principes d’une rétroaction efficace de l’enseignant.
Pistes
1 ) Poser les bases d’une rétroaction efficace
Une rétroaction exemplaire peut avoir un impact positif sur les résultats des élèves à certaines conditions :
- Les élèves ont-ils une compréhension suffisamment solide des connaissances, des compétences et des concepts avant qu’ils ne reçoivent des commentaires ? Il se peut qu’ils ne comprennent pas les commentaires ou ne possèdent pas les connaissances ou compétences préalables pour agir en fonction. Si c’est le cas, le retour d’information est peut-être trop exigeant pour eux.
- La compréhension des élèves est-elle efficace pour cibler le retour d’information sur leurs lacunes d’apprentissage spécifiques ? Des commentaires généraux n’aident pas les élèves. Les commentaires doivent être spécifiques et offrir des pistes.
2 ) Fournir un retour d’information au moment opportun pour faire avancer l’apprentissage
Le retour d’information peut avoir un impact, mais il dépend également :
- De l’importance d’un enseignement de qualité et efficace
- D’une évaluation formative efficace avant de fournir un retour d’information aux élèves.
Une rétroaction abondante n’est pas une caractéristique d’une rétroaction de qualité.
Une rétroaction sur la performance ou sur les qualités de l’élève n’est pas une rétroaction de qualité.
Le retour d’information ne doit intervenir qu’aux moments les plus appropriés. Il fournit des informations spécifiques permettant de faire progresser l’apprentissage.
3) Planifier la manière dont les élèves recevront et utiliseront le retour d’information
Une rétroaction gagne à être ciblée sur la tâche, sur le sujet (procédures à mettre en œuvre) et l’autorégulation (stratégies métacognitives).
L’enseignant souligne également des éléments spécifiques de haute qualité dans sa rétroaction. Il souligne les aspects positifs et ceux à améliorer.
L’élève doit avoir l’occasion d’être évalué à nouveau sur ce type de tâche pour valider les efforts qu’il accepte de mettre en œuvre. Le processus de la rétroaction formative doit donner à l’élève la possibilité de s’améliorer et le soutenir dans ses objectifs de maitrise afin de maintenir et renforcer son sentiment d’efficacité personnelle.
Il faut s’assurer que l’élève a le temps et l’opportunité d’utiliser la rétroaction proposée. L’enseignant prête une attention particulière à la manière dont les élèves reçoivent le retour d’information, tout en veillant à ce qu’ils aient la possibilité d’agir en fonction du retour d’information fourni.
4) Réfléchir attentivement à la manière d’utiliser un retour d’information écrit utile et efficace en matière de temps
Corriger les productions formatives d’élèves et fournir de la rétroaction est susceptible d’utiliser un temps important le soir et le week-end pour les enseignants.
De plus, les enseignants peuvent ne pas être convaincus que les heures qu’ils y consacrent se traduisent réellement par des progrès pour les élèves, spécifiquement pour ceux qui en auraient le plus besoin. La lourde charge de travail liée au retour d’information peut affecter le bien-être de l'enseignant et son efficacité en général.
Trop de corrections et trop de rétroaction peuvent diminuer leur niveau de qualité et de spécificité et hypothéquer tout suivi de sa mise en œuvre.
La rétroaction doit être économe et ciblée. Elle doit se traduire par plus de travail pour l’élève que pour l’enseignant. La rétroaction en direct, la rétroaction à la classe entière et les systèmes de codes de couleur ou d'abbreviations sont des manières de gagner du temps pour les enseignants.
L’enseignant doit équilibrer le coût d’opportunité du retour d’information écrit, en déployant un répertoire plus large d’approches, tout en s’assurant que le retour d’information donné reflète les principes d'un retour d’information efficace.
5) Concevoir une politique de retour d’information scolaire qui privilégie et illustre les principes du retour d’information efficace
Un retour d’information efficace en classe fait progresser l’apprentissage de tous les élèves. Il doit être suffisamment ciblé sur les lacunes d’apprentissage des élèves.
L'enseignant doit s’assurer que grâce à la rétroaction qu'il leur donne, ses élèves ont effectivement plus de chances de progresser et de répondre de manière adéquate à leurs difficultés.
L’enseignant peut augmenter la fréquence de la rétroaction formative orale en classe :
- Cela nécessite toujours une évaluation formative initiale efficace (pour identifier les lacunes à combler)
- Puis de délivrer un feedback ciblé sur la tâche, la matière et les stratégies d’autorégulation des élèves.
Questions à se poser en école sur le pilotage de la rétroactions
- Quels changements devrions-nous apporter à notre politique de rétroaction ?
- Comment pouvons-nous intégrer des pratiques efficaces dans toute l’école et à tous les niveaux ?
- Comment pouvons-nous nous assurer que les élèves, les parents et les enseignants comprennent les changements et comprennent leur valeur pour l’apprentissage des élèves ?
- La qualité de la mise en œuvre est d’une importance cruciale. Il est fondamental d’accorder une attention particulière au soutien des enseignants en matière de développement professionnel et de soutien global, afin qu’ils puissent modifier durablement leurs habitudes. Assurons-nous ce soutien ?
Mise en œuvre
La mise en œuvre de ces recommandations nécessitera une réflexion approfondie et elle devrait être un processus graduel, et non un seul événement ponctuel comme une journée pédagogique (même si elle peut en être le coup d'envoi).La mise en oeuvre comprendra un développement professionnel efficace et une forme d'accompagnement distribuée dans le temps.
Les écoles doivent concevoir des politiques de rétroaction qui promeuvent et illustrent les principes d’une rétroaction efficace. Les politiques scolaires ne doivent pas trop spécifier les caractéristiques telles que la fréquence ou la méthode de la rétroaction.
Six règles à respecter
A) Évitez de trop spécifier les mauvaises choses
Il nous faut spécifier les trois principes clés d’un retour d’information efficace, former, accompagner rien d'autre.
Il ne faut pas spécifier le moment et la méthode de transmission du retour d’information. Ils doivent rester au choix des équipes d'enseignants.
Ce faisant, nous pouvons obtenir une application cohérente des principes clés, tout en laissant de l’espace et de l’autonomie aux enseignants pour qu’ils puissent exercer leur jugement professionnel sur la manière optimale de procéder.
B) Être clair sur l’objectif
Le retour d’information doit être fourni pour faire avancer l’apprentissage. Il ne doit pas être déployé par les enseignants pour plaire à la direction, aux parents ou à d’autres parties externes ou se donne bonne conscience.
Son objectif premier est d’encourager les progrès des élèves, plutôt que d’être utilisé à des fins de responsabilisation ou de contrôle. Un suivi de ces progrès doit être assuré.
C) Analyser les coûts associés aux pratiques de retour d’information
Les coûts d’opportunité qui accompagnent le retour d’information, en particulier sous sa forme écrite, doivent être reconnus.
Dans la mesure du possible, des méthodes efficaces en matière de temps doivent être proposées afin d’alléger la charge de travail des enseignants, à condition qu’elles ne nuisent pas à l’apprentissage des élèves.
Les méthodes exactes utilisées doivent être décidées par l’enseignant, mais une politique pourrait offrir des suggestions sur la manière de rendre les méthodes plus gérables.
D) Présenter des exemples concrets de pratiques de retour d’information efficaces
Garantir l’autonomie des enseignants pour qu’ils puissent exercer leur jugement professionnel fondé sur des données probantes peut s’avérer utile. Fournir des exemples de pratiques efficaces est par contre crucial, de même qu'accompagner les enseignants dans leur pratique délibérée sur le sujet et leur donner un coaching pédagogique.
E) Gérer les attentes des élèves, des parents et des enseignants
Si nous apportons des changements à la manière dont le retour d’information est fourni dans notre école, nous devons y faire adhérer les élèves, les parents et avant tout les enseignants de prime abord :
- Les élèves apprécient recevoir un retour d’information qui leur est personnalisé. Nous leur communiquons les changements afin qu’ils continuent à l’accueillir et à l’utiliser de manière optimale pour progresser.
- Les parents accordent également de l’importance au retour d’information pour l’apprentissage de leurs enfants. Si nous modifions cette approche, nous devons en faire part aux parents et expliquer-pourquoi nous procédons ainsi. Nous devons préciser le type de suivi que nous attendons de leur part pour contribuer à soutenir leurs enfants.
- De nombreux enseignants alignent également leurs pratiques de retour d’information sur les idéaux mêmes de leur professionnalisme — ils peuvent préférer une approche particulière et l’utiliser depuis longtemps. Lorsque nous intégrons des principes efficaces, nous devons fournir un soutien pratique et les rassurer. Nous devons souligner l’importance du jugement professionnel de l’enseignant. Si l'école pose un cadre, ils seront les principaux acteurs de l'efficacité de celui-ci en conservant une marge de manoeuvre réelle qui leur permettre une optimisation de l'impact.
F) Se concentrer sur les fondements de l’apprentissage
Le retour d’information n’existe pas de manière isolée. Il doit être ancré dans les bases solides d’un enseignement efficace (enseignement explicite) et d’une évaluation formative.
Toute politique de retour d’information d’une école doit donc tenir compte des caractéristiques d’un enseignement efficace et de la manière dont elles peuvent varier selon l'âge des élèves, les filières d'enseignement et les matières.
Parmi les fondamentaux, nous trouvons :
- La définition des objectifs d’apprentissage (intentions d'apprentissage et critères de réussite), vers lesquels le retour d’information doit tendre dans une optique d'alignement constructif.
- Les lacunes de l’apprentissage (actuelles ou antérieures, que le retour d’information visera à combler).
- Les stratégies d’apprentissage (aspects liés à la méthode de travail dont le retour d’information diagnostique les besoins et offre des pistes de soutien)
- Les capacités d’autorégulation des élèves face aux apprentissages (que la rétroaction entend contribuer à développer)
Une liste de contrôle pour les enseignants
- Est-ce que la rétroaction que je fournis actuellement à mes élèves souligne que j’ai des exigences élevées et que je crois fermement que mes élèves peuvent les atteindre, plutôt qu’être une simple critique de leurs production ?
- Quelles procédures et outils est-ce que j’utilise pour modéliser mon retour d’information et le rendre efficace, personnalisé et spécifique sans qu'il devienne trop coûteux en temps de travail ?
- Est-ce que la rédaction de mon retour d’information se traduit toujours par une plus grande quantité de travail pour chacun de mes élèves que pour moi ?
- Est-ce que je fournis un retour d’information clair, concis et ciblé ? Est-ce que je n'en fais pas trop parfois ?
- Est-ce que je m’assure que mes élèves comprennent et peuvent analyser mon retour d’information ?
- Est-ce que je m’assure que mes élèves trouvent l’occasion d’utiliser le retour d’information que je leur donne ?
- Est-ce que j'essaie d'évaluer l'impact de la rétroaction que je propose à mes élèves sur leurs résultats futurs ? Est-ce que je me sers de cette évaluation pour l'améliorer au fil du temps ?
Bibliographie
EEF, Teacher Feedback to Improve Pupil Learning, 2021, https://educationendowmentfoundation.org.uk/tools/guidance-reports/feedback/
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