mercredi 1 décembre 2021

Un enseignement explicite des stratégies cognitives et métacognitives aux élèves

Le défi que doivent relever les enseignants pour aider leurs élèves à apprendre n’est pas mince. Nous attendons de nos élèves qu’ils deviennent progressivement autonomes au fil de leur scolarité et qu’ils étudient et se préparent à des évaluations sommatives de plus en plus par eux-mêmes. Cela représente un certain nombre de défis.

(Photographie : Matthew Schenning)




Pour planifier, étudier, mais également réaliser des productions à domicile, les élèves doivent posséder et acquérir des connaissances sur les contenus de matière. Ils doivent également avoir des connaissances sur la manière de les apprendre et sur eux-mêmes en tant qu’apprenants. Ces connaissances sont cognitives et métacognitives. Elles portent sur les différentes stratégies d’apprentissage et d’autorégulation qu’ils peuvent mobiliser et leurs efficacités respectives en fonction des contextes. Les élèves doivent acquérir des connaissances propres sur ces diverses stratégies et sur la façon de les utiliser, quand, pour quoi et pourquoi, afin de mieux penser, réfléchir, agir et apprendre de manière autonome.




Les compétences liées à l’apprentissage autonome ne sont pas acquises adaptativement


Les connaissances métacognitives ne sont pas acquises adaptativement. Même les tâches de base simples, telles que l’estimation de ses propres performances passées ou la détermination des parties d’un cours qui vont nécessiter un investissement supplémentaire ne sont pas automatiques. Elles ne sont pas naturellement présentes chez les élèves (Fiechter, Benjamin, & Unsworth, 2016).

De nombreux élèves savent qu’ils doivent planifier pour répartir leur travail, mais ils ne parviennent pas toujours à établir un calendrier réaliste et à le respecter (Dunlosky et Ariel, 2011)

Les élèves choisissent souvent des stratégies d’apprentissage qui leur semblent confortables, comme la relecture, le surlignage ou le résumé, car elles leur donnent l’impression d’apprendre (Dirkx, Camp, Kester et Kirschner, 2019). Pourtant, pour de nombreux élèves, aucune de ces stratégies d’apprentissage ne s’avère efficace, car ils sont à la merci d’une variété de conceptions erronées. Un exemple de conception erronée est le préjugé de stabilité. Ce que je sais maintenant, je le saurai encore après-demain. Ce comportement se retrouve encore chez des élèves du secondaire.

Le tableau de départ pour les élèves est peu propice. Nous ne pouvons jamais considérer d’emblée qu’ils vont faire un bon usage de leurs ressources malgré leur bonne volonté. Il leur manque différentes pièces du puzzle nécessaire à un apprentissage autonome efficace.




La notion de traitement actif dans le cadre de l’apprentissage autonome


Les stratégies cognitives et métacognitives efficaces liées à l’apprentissage autonome sont souvent moins connues des élèves, car elles sont plus difficiles à mettre en œuvre. 

Un point commun de ces stratégies d’apprentissage efficaces est qu’elles donnent toujours aux élèves la possibilité de traiter activement la matière ou d’effectuer un retour sur soi réflexif. 

Le traitement actif signifie ici un traitement cognitif actif (manipuler les informations en mémoire) et est parfois confondu avec l’activité physique (lire, écrire, souligner) :

  • Par conséquent, un élève qui est physiquement actif (par exemple, en soulignant diligemment dans un texte avec un marqueur fluorescent) ne pense pas délibérément au contenu d’apprentissage. Il détermine ce qui est important où ne l’est pas sans réellement traiter l’information en profondeur. Il apprend par conséquent très peu ou de manière très aléatoire. 
  • Cela contraste avec un élève qui, par exemple, invente des questions (Qui ? Quoi ? Pourquoi ? Quand ? Où ? Comment ?) pour un texte lu (élaboration, synthèse, carte conceptuelle) ou qui se teste (pratique de récupération). Selon Stanislas Dehaene (2018), la majeure partie de l’activité cérébrale a lieu lorsque les élèves réfléchissent aux réponses et formulent des hypothèses sur ce qui pourrait être juste ou faux. 
  • Les avantages du traitement actif de l’information sont maximisés lorsque les élèves s’exercent de manière itérative sur plusieurs sessions d’étude ou de pratique, idéalement interrompues par le sommeil. La pratique espacée est importante afin de stocker les informations dans notre mémoire à long terme. Ainsi, la combinaison de la pratique de récupération et de l’élaboration, « qu’est-ce que je fais ? », avec l’étude espacée, « quand est-ce que je le fais ? », en fait une stratégie d’apprentissage efficace. Toutefois, ces démarches ne font pas systématiquement partie du répertoire standard de l’élève.

Le traitement métacognitif actif nécessite des compétences en gestion du temps, en détermination d’objectifs adéquats, des choix stratégiques en matière de pilotage et d’approches sélectionnées. De même, il demande une capacité à évaluer la qualité de son travail et à adapter les prochaines étapes en fonction de la progression actuelle.




Former ses élèves à l’apprentissage autonome


Les enseignants peuvent apporter une contribution déterminante à l’acquisition et à l’amélioration des compétences cognitives et métacognitives de leurs élèves. En d’autres mots, ils peuvent leur enseigner et leur faire apprendre comment mieux travailler chez eux de manière autonome. 

Toutefois, il est évident qu’il n’est pas facile d’enseigner ni d’acquérir des stratégies cognitives ou métacognitives efficaces. Dans le cas contraire, nous aurions déjà naturellement une multitude d’élèves autodidactes fonctionnant parfaitement dans nos classes. 

Dès lors, nous pouvons postuler que les élèves ne peuvent pas apprendre à apprendre efficacement de manière autonome. Il est imprudent de les mettre en situation d’apprentissage, en projet, en les laissant travailler de manière totalement indépendante, dans l’espoir qu’ils découvrent ce qui marche ou ce qui ne marche pas. 

Comme certaines techniques efficaces sont naturellement contre-intuitives, il est probable qu’ils ne les découvriront jamais seuls et ne profiteront pas de leur bénéfice s’ils n’y sont pas formés explicitement. 

Un apprentissage efficace de stratégies d’apprentissage autonome par un enseignement explicite est essentiellement un processus dans lequel nous guidons les élèves étape par étape dans un premier temps. Par la suite, nous pouvons réduire l’étayage peu à peu, tandis qu’ils ont des occasions de pratique que nous leur fournissons.

Comme tout enseignement, celui de l’apprentissage autonome comporte deux dimensions : 

  • Il comprend des savoirs et des concepts théoriques généraux à comprendre et assimiler. 
  • Il comprend également un savoir-faire et des procédures à pratiquer et à automatiser dans des contextes spécifiques. 

Par conséquent, il est possible et utile d’enseigner certains aspects de la métacognition, comme l’apprentissage de la planification ou le fonctionnement de la mémoire, de manière générale. 

Essentiellement, nous leur enseignons des concepts, des principes ou des modèles généraux. À ce stade, cela ne signifie pas qu’ils ont la compétence pour exécuter les étapes ou la stratégie visée avec succès, mais ils ont une compréhension des mécanismes sous-jacents.

Toutefois, les stratégies d’apprentissage autonome, qu’elles soient cognitives et métacognitives, gagnent à être enseignées de manière générale au départ. Les élèves doivent pouvoir en maîtriser les principes de base avant de les mettre en œuvre dans des situations d’apprentissage plus complexes et contextualisées. Le but est à terme qu’ils puissent mobiliser les stratégies lors de l’apprentissage autonome. 

Cependant, une fois enseignées de manière générale, ces différentes stratégies doivent ensuite être appliquées à la matière enseignée dans le cadre des différentes matières. Au départ, l’enseignant guide fortement ses élèves. Il assure un modelage des stratégies appliquées à son cours et propose une pratique guidée à ses élèves. 

Au fur et à mesure qu’ils deviennent plus compétents dans la stratégie d’apprentissage, l’enseignant réduit son soutien. Les élèves peuvent en faire un usage autonome. L’enseignant assure alors une rétroaction sur la mobilisation que ses élèves en font, il les encourage, pose un contexte favorable à leur utilisation dans le cadre de son cours. Il les aide et les soutient dans la régulation de leurs apprentissages.  




Processus d’enseignement explicite d’une stratégie cognitive ou métacognitive


Nous allons développer maintenant les étapes nécessaires à un enseignement explicite d’une stratégie cognitive ou métacognitive. 




Activer les connaissances antérieures


Les élèves peuvent déjà avoir des connaissances préalables sur une stratégie d’apprentissage. Pour cela, nous demandons aux élèves comment ils pratiqueraient normalement de nouveaux contenus à maîtriser.

Cette manière de fonctionner peut aider à débusquer les conceptions erronées qu’il faudra contrer et les habitudes inefficaces qu’ils devront perdre.




Rendre la stratégie d’apprentissage explicite pendant l’enseignement


Nous devons rendre la stratégie d’apprentissage explicite pendant l’enseignement. Nous expliquons à nos élèves pourquoi une certaine stratégie d’apprentissage est importante, quels bénéfices ils peuvent obtenir et pourquoi elle fonctionne. Nous la leur modélisons. Ensuite, ils peuvent l’appliquer. 

Assez naturellement, les élèves optent principalement pour des stratégies d’apprentissage passives, elles demandent peu d’investissement, mais sont rassurantes. Elles donnent l’impression fausse de fonctionner et d’apprendre avec un effort moindre. 

Par exemple, il est indispensable de mettre l’accent sur les avantages de la pratique de la récupération. Nous devons leur répéter régulièrement que lorsqu’ils se testent, ils se souviendront mieux des informations que s’ils se contentent de les relire. Mais leur communiquer verbalement l’information ne suffit pas. Nous devons nous assurer que nos élèves comprennent bien ce à quoi ressemble la stratégie enseignée et comment la mettre en œuvre. De plus, nous devons créer dans nos cours les conditions qui vont leur permettre de la tester et de vérifier in situ ses avantages. 

Si l’élève ne comprend pas et ne vérifie pas concrètement que cette stratégie d’apprentissage l’aide à étudier de manière plus efficace et efficiente, il est peu probable qu’il la mette en œuvre spontanément.

De la même manière, nous pouvons accompagner nos élèves dans la réalisation de flashcards ou d’un résumé avec l’approche Cornell. Nous pouvons les accompagner dans des démarches d’interrogation élaborée. 




Modeler la stratégie d’apprentissage


Pour aider les élèves à comprendre et à s’approprier une stratégie, nous devons commencer par la modeler nous-mêmes en expliquant à haute voix comment et pourquoi nous faisons telle ou telle chose. 




Vérifier la compréhension


Nous devons nous assurer que les élèves soient attentifs, engagés et qu’ils réfléchissent à ce que nous leur expliquons. C’est nécessaire pour qu’ils puissent appliquer et apprendre cette stratégie.

Pour nous en assurer, nous leur posons régulièrement des questions. De cette manière, nous pouvons vérifier que les élèves comprennent la stratégie d’apprentissage et peuvent l’appliquer. 

Bien entendu, nous devons donner aux élèves la possibilité de poser leurs propres questions sur l’utilisation de la stratégie d’apprentissage, mais nous devons en poser également.

En fonction de leurs réponses, il convient de leur fournir une rétroaction afin qu’ils puissent faire des ajustements si nécessaire.




Fournir une pratique guidée de l’utilisation de la stratégie


Pour acquérir une stratégie, les élèves doivent la pratiquer ensemble un nombre suffisant de fois. Nous ne devons pas nous attendre à ce qu’un élève applique spontanément une stratégie si nous ne la lui avons montrée qu’une seule fois. Une fois que nous avons modelé la stratégie d’apprentissage, nous devons la leur faire pratiquer en retirant progressivement le soutien et l’étayage.




Mettre en place une pratique autonome


Nous devons encadrer des occasions où les élèves pratiquent la stratégie de manière autonome sans étayage.

La responsabilité de choisir et d’appliquer la stratégie la plus efficace est transférée progressivement de l’enseignant vers l’élève. Cela suppose des rappels, une rétroaction et du renforcement épisodique et périodique de la part des enseignants de manière à assurer la durabilité de la maîtrise de la stratégie.

Tout cela suppose également de faire réfléchir les élèves sur les moments opportuns où organiser et permettre l’usage proactif de la stratégie. Les élèves doivent également analyser la qualité de leur mise en œuvre et les bénéfices engrangés de manière à bien l’intégrer dans leur palette de stratégies. De cette manière, nous aidons les élèves à prendre conscience de la nécessité de poser des choix judicieux. Ils doivent pouvoir estimer quelle stratégie fonctionne le mieux dans quel contexte et pourquoi.

L’important est que les élèves puissent expérimenter le fonctionnement de la stratégie d’apprentissage et qu’ils remarquent qu’ils apprennent et se souviennent mieux des contenus de l’apprentissage en la mobilisant. 




Développer une culture scolaire de l’apprentissage autonome


Dans un scénario idéal, les élèves, les enseignants et les parents sont sur la même longueur d’onde lorsqu’il s’agit d’étudier efficacement.

L’approche idéale semble de former les enseignants à l’échelle d’une école pour qu’ils forment leurs élèves et que leurs parents soient également informés des stratégies enseignées pour en poursuivre le soutien à domicile.

De plus en plus d’écoles s’efforcent consciemment de promouvoir la métacognition en favorisant des démarches permettant d’apprendre à apprendre. Le principal danger est qu’une approche isolée ne va pas suffire. Dans celle-ci, de tels enseignements sont considérés par les élèves comme distincts du contenu des cours et n’y sont pas directement intégrés ou mis en application. Il y a peu de chances qu’ils s’engagent dans une pratique délibérée. 

L’apprentissage d’une stratégie cognitive ou métacognitive doit s’accompagner d’une pratique intégrée concrètement dans différentes matières.

La formation des élèves à un apprentissage autonome se conçoit à trois niveaux dans les écoles : 

  • L’enseignement de stratégies générales
  • L’intégration dans les cours
  • L’information destinée aux parents.




L’enseignement des stratégies générales


La science de l’apprentissage a mis très clairement en évidence l’efficacité d’un certain nombre de stratégies d’apprentissage telles que la pratique de récupération, la pratique espacée ou l’élaboration. 

L’enseignement de la stratégie générale est important, de même que celui des mécanismes sous-jacents, mais il ne faut pas l’exagérer. Dix interventions d’une demi-heure de cours par année scolaire peuvent suffire. En réalité, les élèves apprennent essentiellement en les pratiquant concrètement.

De plus, ces stratégies ont besoin d’un pilotage : quand les utiliser, comment, combien de temps et avec quelle fréquence.




Intégrer la stratégie dans les cours spécifiques à une matière


Les stratégies générales ne peuvent être appliquées de manière significative que si :

  • Les élèves ont effectivement reçu un enseignement explicite à leur sujet.
  • La stratégie est régulièrement mentionnée et mobilisée par les enseignants durant leurs cours, dans le cadre des contenus de sa matière.




L’information destinée aux parents


Les parents d’élèves se posent régulièrement certaines questions :

  • Mon enfant étudie-t-il vraiment de la bonne manière ?
  • Est-ce que je comprends bien les attentes de l’école ?


Il y a une forte probabilité qu’ils n’ont probablement pas appris eux-mêmes la meilleure façon d’étudier et la recherche en sciences cognitives progresse. Les parents sont susceptibles de communiquer des stratégies moins efficaces à leurs enfants.

Les écoles peuvent prendre plus d’initiatives à cet égard. Il est important que les parents, s’ils sont intéressés, reçoivent également des informations correctes, accessibles et scientifiquement fondées. 

Il n’est nullement question que les parents prennent en charge le processus d’apprentissage. Cependant, il convient qu’ils soient impliqués dans l’apprentissage de leurs enfants, qu’ils le soutiennent et qu’ils fixent des attentes élevées, mais réalistes. 



Mis à jour le 10/05/2023


Bibliographie


Tim Surma, Op weg naar zelfstandig leren, 2020, https://excel.thomasmore.be/2020/05/op-weg-naar-zelfstandig-leren/

Fiechter, J. L., Benjamin, A. S., & Unsworth, N. (2016). The metacognitive foundations of effective remembering. In J. Dunlosky & S. K. Tauber (Eds.), Oxford handbook of metamemory. New York, NY: Oxford University Press.

Dunlosky, J., & Ariel, R. (2011). Self-regulated learning and the allocation of study time. Psychology of Learning and Motivation, 103–140.

Dirkx, K. J. H., Camp, G., Kester, L., & Kirschner, P. A. (2019). Do secondary school students make use of effective study strategies when they study on their own?. Applied Cognitive Psychology, 1–6.

Stanislas Dehaene, Apprendre!, 2018, Odile Jacob 

0 comments:

Enregistrer un commentaire