Planifier la pérennisation et la mise à l’échelle d’une innovation dès le départ est un enjeu important, car il implique un changement profond dans l’organisation.
La charge à long terme de la gestion du changement
Selon l’ampleur et la complexité des changements et le degré initial d’alignement sur le climat de l’école, la mise en œuvre peut se révéler suivant les cas épuisante, énergisante, ambiguë, exaltante ou pesante. L’enjeu au terme de la gestion du changement est d’obtenir une amélioration, mais également un nouvel état d’équilibre pérenne.
La préparation et le déroulement de la mise en œuvre sont caractérisés par des facteurs comme la motivation des équipes, la capacité générale de l’organisation et la capacité spécifique des intervenants à soutenir l’innovation. Ces facteurs sont rarement statiques et évoluent au fil du temps. Le dynamisme, l’entrain, la qualité de la gestion peuvent être développés et construits, mais peuvent également diminuer ou s’éteindre ce qui peut mettre en danger la pérennité de l’amélioration.
Le départ de membres du personnel ou de leaders d’opinion, leur lassitude, leur changement de priorités ou leur épuisement peuvent changer fondamentalement la façon dont une intervention est perçue au sein d’une organisation. La réduction des budgets et d’autres ressources peuvent également limiter la facilité de son utilisation.
Ces possibilités ne peuvent pas être abordées que dans les phases finales de la mise en œuvre, elles doivent être anticipées.
Planifier le maintien et l’extension d’une intervention
Les écoles doivent s’efforcer de planifier le maintien et la mise à l’échelle d’une innovation dès les premières phases du processus.
Cela peut impliquer l’élaboration de plans d’urgence en cas de rotation du personnel. Il faut trouver des remplaçants pour les rôles clés et éventuellement prendre en compte de sources de financement supplémentaires pour maintenir l’innovation dans le temps.
De même, nous devons prendre régulièrement le pouls de l’école pour nous assurer que les tensions et les contraintes liées à la mise en œuvre ne nuisent pas à son état actuel.
La pérennisation d’une innovation peut impliquer l’extension de son utilisation à d’autres membres du personnel, à d’autres équipes ou à d’autres établissements à mesure que la confiance dans son utilisation augmente.
Nous devons traiter la mise à l’échelle d’une innovation qui a fait ses preuves comme projet pilote à la manière d’un nouveau processus de mise en œuvre.
Imaginons qu’un processus de mise en œuvre est réussi et atteint la phase de durabilité dans un secteur réduit de l’école. À partir de ce moment, l’école doit se concentrer sur la consolidation du nouveau programme ou de la nouvelle pratique. Elle doit investir sur sa mise à l’échelle et sur l’amélioration de son utilisation par l’ensemble du personnel concerné.
Tout comme le processus de mise en œuvre initial, la décision d’étendre une approche doit également être motivée par les données locales et autres preuves disponibles. Un nouveau diagnostic doit être posé.
Nous devons commencer un processus de mise à l’échelle en effectuant un examen approfondi de l’expérience de mise en œuvre précédente et des résultats obtenus. Le résultat de cet examen est susceptible de suggérer qu’un processus de mise en œuvre entièrement nouveau est nécessaire.
Cela pourrait ramener l’organisation à explorer des pistes alternatives. L’école réévalue les besoins des bénéficiaires visés et sa capacité à fournir l’intervention à l’échelle.
S’assurer que les données liées à la mise en œuvre restent adaptées à une maintenance durable
Lorsque la mise en œuvre a atteint la phase de durabilité, les écoles doivent continuer à suivre la mise en œuvre pour saisir comment l’intervention est adoptée et adaptée au fil du temps.
En même temps, la base et le contexte de la collecte de données peuvent avoir changé :
- De nouvelles cohortes d’élèves peuvent présenter des besoins d’apprentissage différents.
- L’évolution de décisions politiques peut avoir conduit à de nouvelles exigences en matière de rapports.
- La diminution de la capacité au sein de l’école à la suite de départs, des changements de fonction, l’apparition de nouvelles priorités ou des remplacements peut avoir rendu la collecte de données difficile.
En gardant à l’esprit ces changements et d’autres, les écoles devraient examiner leur capacité à collecter et à examiner régulièrement les données de mise en œuvre. L’enjeu est de s’assurer qu’elles sont mesurées avec précision au fil du temps.
Célébrer, soutenir et renforcer régulièrement les bonnes pratiques pour entretenir l’adhésion
Une fois qu’un nouveau programme ou une nouvelle pratique sont intégrés dans les routines habituelles d’une école, tout n’est pour autant pas gagné. Il y a un risque à supposer que le processus de mise en œuvre ne nécessite pas de soutien supplémentaire de la part des membres de la direction.
Au contraire, pour s’assurer que les changements apportés à une école soient durables, les membres de la direction doivent continuellement reconnaître, soutenir et récompenser son utilisation par le personnel.
Pour que la mise en œuvre soit durable, les membres de la direction doivent s’engager en permanence dans les processus de mise en œuvre, fournir un soutien ciblé et joindre le geste à la parole.
La modélisation des comportements attendus et la démonstration de l’utilisation des preuves dans les routines quotidiennes sont les ingrédients clés d’un leadership sain et continu en matière de mise en œuvre.
La pertinence et l’utilité de l’usage régulier de listes de contrôle pour soutenir la durabilité
Dans son livre, The checklist manifesto, Atul Gawande (2009) introduit la liste de contrôle comme un moyen de faire face à la complexité des contextes. Il fait l’analogie avec les unités de soins intensifs. Selon lui, la médecine est devenue extrêmement spécialisée et complexe. Personne, aussi expérimenté et expert soit-il, ne peut espérer anticiper, penser à tous les facteurs, à toutes les décisions, à tous les critères et à tous les points d’attention au bon moment sans faire d’oubli. Si nous nous fions sur la seule expertise, même très crédible, des intervenants, nous finirons par échouer.
Lee S. Shulman décrit l’enseignement en classe comme « peut-être l’activité la plus complexe, la plus difficile et la plus exigeante, la plus subtile, la plus nuancée et la plus effrayante que notre espèce n’ait jamais inventée ».
Les décisions prises par les enseignants et les chefs d’établissement dans le déroulé de l’organisation scolaire peuvent affecter les chances de réussite des élèves. De même, la mise en œuvre de pratiques ou d’interventions à l’échelle d’une classe ou systémiques à l’échelle d’un établissement est également un processus complexe.
Dès listes de contrôle pourraient être conçues pour nous aider à éviter certains oublis et certaines décisions irréfléchies que nous prenons lorsque nous planifions, enseignons, évaluons et mettons en œuvre des interventions
Selon Atul Gawande (2009), une bonne liste de contrôle ne devrait pas comporter plus de sept éléments. Elle devrait être mobilisée à des moments précis, lorsque cela convient et qu’il est logique de procéder à une vérification. Son contenu devrait pouvoir faire l’objet d’un consensus ou d’une validation fondée sur des données probantes.
Questions à se poser dans la perspective de la pérennisation d’une intervention
- Avons-nous une utilisation stable de l’intervention, comme prévu ?
- Atteint-elle les résultats souhaités ?
- Avons-nous créé des plans d’urgence pour tout changement dans l’école qui pourrait perturber la mise en œuvre réussie ?
- Avons-nous pensé à planifier le maintien et la mise à l’échelle d’une intervention dès le début ?
- Fournissons-nous suffisamment de reconnaissance, de soutien et de suivi les bonnes pratiques de mise en œuvre ?
- Est-il approprié d’étendre l’utilisation de l’approche à du personnel supplémentaire ? Que faut-il faire pour y parvenir ?
- Comment les capacités et les ressources existantes peuvent-elles être utilisées au mieux pour soutenir l’extension ?
- Traitons-nous la mise à l’échelle comme un nouveau processus de mise en œuvre ?
- Est-ce que nous nous assurons que les données de mise en œuvre restent adaptées à l’objectif ?
Bibliographie
Education Endowment Foundation, Putting Evidence to Work — A School’s Guide to Implementation, https://d2tic4wvo1iusb.cloudfront.net/guidance-reports/a-schools-guide-to-implementation/EEF_Implementation_Guidance_Report_2019.pdf, 2019
David Didau, What if everything you knew about education was wrong?, 2016, Crown House
Atul Gawande, The checklist manifesto, Metropolitan Books, 2009
Lee S. Shulman, The Wisdom of Practice: Essays on Teaching, Learning, and Learning to Teach (San Francisco, CA : Jossey-Bass, 2004), p. 504.
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