vendredi 24 septembre 2021

Innover sans se perdre

Pour s’améliorer, pour faire face aux évolutions de la société et aux profils changeant des élèves, l’enseignant n’a d’autre choix que d’élargir sa palette de pratiques.

(Photographie : boohwanj)




Nous l’avons vu précédemment, il est difficile pour un enseignant lorsqu’il change et sélectionne sa pratique d’en évaluer concrètement l’effet tant les influences de ses propres croyances et de ses biais cognitifs sont prégnantes. 

Lorsque l’enseignant fait face à une difficulté liée à l’enseignement, à l’apprentissage ou au comportement, que peut-il faire ? Où peut-il aller chercher les connaissances qui vont lui permettre de répondre avec une plus grande efficacité à ses questionnements ? 




Les enseignants face à une multiplicité de sources de qualités inégales


Les enseignants disposent d’une large gamme de sources vers lesquelles se tourner :

  1. Recueillir l’avis de leurs collègues, de formateurs, d’un conseiller pédagogique. 
  2. Se tourner vers un courant de la philosophie de l’éducation ou vers la sociologie.
  3. Se tourner vers les apports de l’éducation fondée sur des données probantes. 

Toutefois, nous sommes tous victimes de biais cognitifs. Nos croyances, nos expériences, les anecdotes que nous échangeons en subissent les impacts. Le problème évident est que ces différentes impressions subjectives peuvent nous induire en erreur.

La psychologie, la sociologie et les sciences de l’éducation sont des domaines de recherche vastes et hétérogènes. Elles produisent des affirmations qui peuvent se révéler contradictoires et dès lors être la source de flou ou de confusion. 

Pour ce qui est des bonnes pratiques pour enseigner, nous entrons dans le champ des sciences de l’éducation. La notion d’efficacité de pratique pédagogique est un paramètre incontournable. Nous devons nous poser la question de savoir quelles sont les pratiques qui traduisent l’effet le plus probant sur l’apprentissage de nos élèves.

Dans la perspective d’une éducation fondée sur des données probantes, la recherche a un rôle à jouer pour aider les enseignants à sélectionner, découvrir, comprendre et apprendre des pratiques efficaces, de manière à les adapter à leurs contextes. 

Si elle prend en compte cette dimension, l’éducation fondée sur des données probantes devient potentiellement susceptible et la mieux à même pour répondre à différents besoins des acteurs de l’éducation. Elle peut alors avoir un impact sur l’amélioration du système.

À moins de voir l’enseignement réduit à un art ou à un artisanat, il y a un réel besoin de sensibilisation des enseignants aux démarches et au potentiel de la recherche et de la pratique délibérée.

L’accès au contenu de la recherche est fondamental pour l’amélioration des pratiques en enseignement. 




La rareté d'un mobilisation de données probantes dans le pilotage de l'amélioration


La recherche translationnelle pourrait être monnaie courante, reconnue et inscrite pleinement dans la logique d’une éducation fondée sur des données probantes. Dans ce cas, elle permettrait d’offrir les pistes dans lesquelles orienter la formation des enseignants et piloter certaines réformes du système éducatif.

Là où le bât blesse, c’est au niveau de l’évaluation de ces innovations. Dans les pays francophones, nous nous limitons souvent au niveau des essais d’un enseignant dans sa classe voire au niveau des études quasi expérimentales. 

Parmi toutes les innovations qui sont proposées ou testées par les enseignants, les moyens sont rarement mis pour pouvoir tirer une conclusion fiable pour savoir quelles sont les directions à promouvoir et celles arrêter. Les choix des pratiques se fondent plus sur des choix idéologiques ou pragmatiques que sur des critères scientifiques ou d’efficacité. 

Si nous voulons progresser et améliorer l’éducation, nous avons besoin d’évaluations rigoureuses et d’un réel pilotage des démarches d’amélioration qui prend pleinement en considération les apports de l’éducation fondée sur des données probantes. 

Le fait est que nous disposons de beaucoup d’études expérimentales en sciences de l’éducation qui ont des choses à nous apprendre. Il y a beaucoup de données, beaucoup de résultats que nous pouvons utiliser. Les méta-analyses nous permettent de faire un premier tri, même s’il est utile de retourner ensuite vers les études d’origine. La position anecdotique de l’enseignement explicite dans la formation des enseignants a de quoi surprendre si elle est mesurée à son efficacité avérée. Le même questionnement peut se poser quant à la diffusion des principes de la théorie de la charge cognitive ou face aux apports de la science de l’apprentissage.




Enseigner est une pratique fondée sur des connaissances scientifiques


Enseigner n’est pas une science ni un art, mais est une pratique qui doit être fondée sur les connaissances scientifiques à la fois :

  • Sur le fonctionnement des élèves comme nous en informe la psychologie. Comme le souligne Daniel T. Willingham, les enseignants ont besoin d’un modèle psychologique de l’élève. 
  • Sur les pratiques pédagogiques efficaces comme nous en informent les sciences de l’éducation.

La plupart des questions que nous pouvons nous poser sur la manière de rendre un enseignement plus efficace disposent d’une réponse fondée sur des données probantes. Si ce n’est pas le cas, cette réponse pourra être déterminée plus tard par une méthodologie expérimentale rigoureuse.

Si la recherche doit progresser, une principale urgence est que ses résultats actuels puissent déjà être mieux diffusés, mieux connus et plus largement mis en application par les systèmes éducatifs.


Mis à jour le 29/03/2023


Bibliographie


Franck Ramus, Qu’est-ce que la recherche scientifique peut apporter aux enseignants ? 2019, https://www.youtube.com/watch?v=FPFwqQ6CfUU

Yann Algan, Stanislas Dehaene, Élise Huillery, Elena Pasquinelli, Franck Ramus, Quels professeurs au XXIe siècle ? Rapport de Synthèse, 2021

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