vendredi 2 juillet 2021

Pour un enseignement explicite de l’apprentissage autonome des élèves

Développer les capacités d’autonomie de nos élèves face à leur apprentissage est fondamental. Toutefois, ce processus n’équivaut pas à leur donner de l’autonomie par défaut. Dans de telles situations, ils seraient réduits à acquérir les stratégies cognitives et métacognitives correspondantes par le tâtonnement de leurs expériences personnelles ou grâce à des soutiens extrascolaires. L’école ne peut être démissionnaire sur ces questions.

(Photographie : Matt Eich)



L’impasse d’une vision romantique du développement de compétences en apprentissage autonome


Une vision romantique de l’autonomie et de l’apprentissage autonome des élèves se traduirait par des mises en situation, avec peu d’intervention de la part de l’enseignant. L’élève découvrirait au fur et à mesure par exploration, intuitivement et à travers des interactions sociales, de meilleures approches.

Dans la pratique, les enseignants devraient, selon cette perspective tâcher de :  

  • Leur donner des occasions de s’engager pleinement dans un travail stimulant.
  • Leur laisser utiliser leurs ressources personnelles avec discernement.
  • Leur laisser s’entraider et coopérer pour approfondir leur compréhension.

Concrètement et d’un point de vue objectif, de telles démarches peuvent rapidement entrainer divers problèmes :

  • La planification et la conception de cours où les élèves travaillent seuls ou par ateliers face à des matières scolaires qui sont dans une large mesure riches en concepts sont un défi. 
    • Celui-ci est d’autant plus important que les contenus sont riches en connaissances complexes et possèdent un haut degré d’interactivité. 
    • La difficulté s’accentue lorsque les élèves ont des lacunes ou souffrent de troubles de l’apprentissage ou de l’attention. 
    • Un autre obstacle est que si l’enseignant souhaite voir ses élèves apprendre à partir de ressources qu’il a soigneusement planifiées, l’inverse n’est pas nécessairement vrai. Mettre les élèves en situation de projet non seulement prend un plus grand temps de préparation qu’un enseignement explicite, mais présente également un risque de non-adhésion des élèves plus important.
  • Les interactions en classe peuvent être complexes à gérer dans un contexte où les élèves sont placés d’emblée en autonomie. 
    • La mise en situation de découverte peut placer les élèves dans différentes situations de difficultés en fonction de leurs profils. Ce sont de situations auxquelles nous devons faire face en tant qu’enseignants.
    • Dès lors, même si nous souhaitons que nos élèves développent leur indépendance, ils peuvent se révéler très dépendants en classe et solliciter l’enseignant avec de nombreuses questions ce qui peut atténuer fortement les défis auxquels ils font face.
    • D’autres élèves peuvent se montrer très indépendants, mais très peu productifs et non dans une démarche de réflexion sur l’évolution de leurs pratiques.
    • Face à ces situations, l’enseignant n’a pas d’autre choix que le leur apporter une aide personnalisée à ce moment-là. Celle-ci peut ne pas être optimale, car beaucoup de facteurs entrent en jeu. De plus, l’enseignant peut se retrouver à empêcher ses élèves de devenir indépendants au lieu de leur apprendre à le devenir.




Prendre conscience que l’enseignement de stratégies d’apprentissage autonome concerne chaque enseignant


Face à l’impasse que constitue l’apprentissage de l’autonomie par l’autonomie dans l’apprentissage, deux questions s’ouvrent à nous :

  1. Comment savoir à quel point nos élèves peuvent travailler de manière autonome face à un contenu spécifique ?
  2. Comment développer leurs compétences en autonomie et en travail collaboratif ?

En tant qu’enseignants, nous enseignons les contenus de nos matières. Nous devons déterminer quelles approches pédagogiques vont faciliter pour nos élèves la compréhension et l’apprentissage. 

Parfois, nous mobilisons des approches qui vont faciliter la compréhension des élèves et leur permettre d’être performants au cours. Cependant, quelque temps plus tard les apprentissages semblent s’évanouir, car ils n’ont pas fait preuve d’autonomie dans leurs apprentissages et ne se sont pas investis dans des stratégies qui permettraient un apprentissage durable.

Dès lors en nous concentrant uniquement sur l’aspect de l’enseignement, nous risquons de manquer notre cible pour bon nombre d’élèves. Nous devons également leur enseigner comment apprendre notre matière efficacement de manière autonome. Toutes les matières n’exigent pas les mêmes types de démarche. On n’apprend pas les mathématiques comme on apprend la biologie ou l’anglais. 

Parallèlement, nous devons leur apprendre à apprendre également dans le contexte des contenus que nous leur enseignons. L’enseignement des stratégies d’apprentissage participe de fait à nos objectifs et missions éducatives si nous voulons les mener au bout et permettre à nos élèves de progresser.

L’ennui est que cette dimension n’est souvent exprimée que de manière implicite, nous n’avons pas toujours les meilleurs outils pour le faire alors que la science de l’apprentissage peut nous les fournir. 

Dès lors, nos élèves apprennent leurs stratégies cognitives ou métacognitives souvent sur le tas ou ne les développent pas suffisamment. Nous devons révéler l’implicite de l’apprentissage de nos matières, le rendre explicite et l’enseigner tel quel à nos élèves. Ainsi outillés, ils rempliront plus facilement eux-mêmes leurs missions d’apprentissage.



 

Un enseignement explicite de l’apprentissage autonome


Si nous souhaitons développer l’autonomie de nos élèves, il est nécessaire d’examiner de manière stratégique et à long terme comment enseigner de manière intégrée et durable les compétences dont nos élèves auront besoin :

Une première étape utile est d’identifier les compétences clés que nous souhaitons que nos élèves développent au cours de l’année scolaire. Il est utile de les échelonner dans le temps. 

Une fois ce programme déterminé, nous devons nous assurer d’enseigner et de faire pratiquer ces compétences assez régulièrement pour qu’elles soient maitrisées et mobilisables spontanément lors d’un apprentissage autonome.

Ces compétences visées peuvent être classées en deux catégories :

  • Des compétences spécifiques à une matière et à un programme donné
  • Des compétences générales nécessaires aux diverses pratiques d’enseignement et d’apprentissage

De plus, ces compétences peuvent être mobilisées avec différents niveaux de maitrise et de complexité. Apprendre à planifier et à espacer efficacement par exemple prend du temps par exemple et s’affine au fur et à mesure.

Cette démarche a rapidement d’autres implications. Nous devons nous assurer que les approches pédagogiques que nous employons pour enseigner le contenu nous permettront de développer et de mobiliser ces différentes compétences chez nos élèves. Nos activités doivent à la fois permettre d’enseigner le contenu souhaité et de développer ces compétences souhaitées. 

Un principe fondamental de la démarche est que nous devons rendre explicite ce qui est implicite. Ce qui est d’une évidence triviale pour nous peut être confus ou inconnu par nos élèves. Nous devons expliquer les stratégies que nous voulons les voir utiliser, nous devons les décomposer en étape, les modeler, les faire pratiques et leur faire comprendre et expérimenter les avantages qu’elles procurent.

L’enseignement explicite est approche la plus appropriée pour l’apprentissage de telles stratégies. Il crée des conditions plus propices pour mener les élèves à leur maitrise. 

Par exemple, si nous souhaitons utiliser de nombreuses activités d’expression orale pour développer les compétences de communication de vos élèves, elles doivent être enseignées préalablement. Nous devons les modéliser, vérifier la compréhension de nos élèves, les maintenir actifs cognitivement, et les accompagner dans leur pratique guidée puis autonome.

En conclusion, à l’échelle d’une unité de matière, comme les mathématiques ou l’histoire par exemple, l’apprentissage autonome ne s’improvise pas non plus. Il vient s’inscrire au terme d’une séquence d’enseignement explicite qui lui est consacrée et correspond alors à ce que nous appelons de la découverte guidée. Les élèves ayant acquis l’essentiel des stratégies escomptées, ils peuvent s’essayer à les mobiliser dans des tâches complexes inédites avec le soutien de l’enseignant, en classe et à domicile.



Mis à jour le 04/02/2024


Bibliographie 


Pritesh Raichura, Developing autonomy: taking a step back, 2016, https://bunsenblue.wordpress.com/2016/04/08/developing-autonomy-taking-a-step-back/

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