samedi 22 mai 2021

Persévérance scolaire et objectifs de réussite des élèves

Les objectifs personnels de l’élève ou les objectifs d’apprentissage qu’il s’attribue peuvent constituer un moteur à la fois pour ses apprentissages scolaires et sa persévérance.

(Photographie : David Inglesfield)



L’intérêt de soutenir des objectifs de maîtrise plutôt que des objectifs de performance pour soutenir la persévérance scolaire


Selon une première dichotomie, les objectifs personnels que se fixent les élèves peuvent être axés :

  • Sur la performance : l’élève perçoit ses résultats comme une estimation de ses capacités personnelles
  • Sur la maîtrise : l’élève perçoit l’apprentissage comme un moyen d’améliorer ses capacités personnelles

Compte tenu de l’intelligence fluide et de l’intelligence cristallisée d’un individu, nous aurons toujours un mélange des deux phénomènes. Cependant, là où l’élève va poser l’accent n’est pas sans conséquences.

Certains problèmes peuvent survenir lorsque le comportement scolaire d’un élève est majoritairement dominé par des objectifs de performance.

Cet état d’esprit est susceptible de s’accompagner de la tentation d’évitement des mauvais résultats : 

  • Un élève peut alors choisir la facilité et éviter les difficultés, ce qui peut parfois nuire à son développement personnel et intellectuel. 
  • Lorsque les élèves s’engagent dans des démarches d’évitement, en fuyant les erreurs et en tournant le dos dans la crainte de revers, ils perdent des occasions d’apprendre. 

Un état d’esprit centré sur la performance peut générer de l’anxiété :

  • Ces élèves peuvent s’inquiéter peu à peu des difficultés rencontrées et du risque de l’échec au point de consacrer plus d’énergie mentale à la gestion des apparences qu’à la réflexion sur leur propre travail. 
  • Ils peuvent perdre une partie de leurs moyens et fuir la confrontation. Il y a dès lors un réel risque d’autosabotage.

Cela peut mener à la situation où un élève ne va plus déployer tous les efforts attendus à partir du moment où il n’a plus la perception d’un impact probable sur ses performances à venir. La difficulté est vue comme un obstacle qui peut nous prendre en défaut, nuire à notre image et mettre en danger notre performance. L’apprentissage n’est plus que secondaire face à la performance. En évitant de s’investir, l’élève ne met pas en danger l’estimation de ses capacités. D’une certaine manière, il croit se préserver. 

À l’opposé lorsque des élèves adhèrent avant tout à des objectifs de maîtrise ou s’approprient personnellement les objectifs d’apprentissage, l’effet est bénéfique. Le déploiement d’efforts face à des contenus scolaires plus difficiles apparait plus naturel et semble aller de soi. Le point clé est la relation avec la conception de l’effort au service de l’apprentissage à long terme plutôt qu’au service unique de la performance à court terme. Dans cette perspective, la performance, même si elle reste présente et d’intérêt, devient un dérivé de l’apprentissage en cours. Elle est une mesure à un instant t. Lorsque les élèves s’approprient les objectifs d’apprentissage, ils font leurs les défis scolaires. Ils persévèrent davantage dans les tâches complexes ou difficiles. Ces démarches leur permettent de développer leurs connaissances et leurs compétences plus sereinement. 

L’accès à des objectifs pédagogiques explicites et partagés assuré par l’enseignant devient une composante essentielle d’un enseignement efficace et de l’apprentissage qui en découle. Les objectifs d’apprentissage peuvent favoriser la persévérance scolaire s’ils sont internalisés.

Une manière de mettre en scène les objectifs d’apprentissage est d’utiliser les démarches propres à l’enseignement explicite et à l’évaluation formative. Leur présentation d’emblée sous forme de défis, leur intelligibilité et l’intégration des objectifs pédagogiques permettent aux élèves d’avoir un mélange de motivations à la fois orientées vers l’apprentissage et vers les performances. Ce mélange est bénéfique dans la mesure où il valorise le défi et diminue la tendance à l’évitement. Les modèles de l’évaluation formative et de l’enseignement explicite amènent les élèves à devenir les garants de leurs propres apprentissages à travers un transfert de responsabilité.




L’intérêt de soutenir des objectifs de coopération plutôt que de compétition pour la persévérance scolaire


Une seconde dichotomie porte sur la différence entre coopération et compétition dans le cadre des objectifs pédagogiques mis en œuvre en classe. 

Il existe un consensus large de la recherche en éducation pour estimer que les élèves sont souvent plus motivés et plus performants lorsque les activités en classe impliquent des objectifs de coopération plutôt que des objectifs de compétition. 

Par exemple, les élèves travaillant ensemble sur une tâche peuvent se sentir plus responsables de faire de leur mieux parce qu’ils ne veulent pas laisser tomber les membres de leur groupe. Il peut se créer un phénomène d’interdépendance positive et d’interaction promotionnelle au bénéfice de l’apprentissage.

À l’opposé, des élèves travaillant dans des environnements compétitifs peuvent s’engager plus facilement dans des activités de l’ordre de l’autosabotage. Ils vont limiter leurs efforts de sorte qu’ils peuvent attribuer les échecs à un manque d’effort, de sens, d’intérêt ou de motivation plutôt qu’à un manque de capacité intrinsèque.

Dans un cadre compétitif, la progression différenciée d’un élève face aux autres se traduit par la régression des autres qu’il dépasse, qui peut être perçue négativement. Le phénomène peut se traduire par une rétention des efforts chez certains élèves. L’engagement peut se réduire à un dénominateur commun plus faible afin d’éviter d’être stigmatisés comme ceux qui cherchent à bien se faire voir de l’enseignant ou à briller au détriment des autres.

Selon Roseth (et coll., 2008), les environnements compétitifs sont associés non seulement à des résultats inférieurs, mais aussi à un manque d’appréciation des élèves entre eux.

Une autre dimension à prendre en compte est que la logique de compétition peut être d’autant plus défavorable qu’elle est en décalage avec la culture et les valeurs propres aux élèves. De nombreux élèves ne vont pas apprécier des pairs qui adhèrent à des valeurs compétitives et font preuve d’individualisme. Ce sera d’autant plus le cas que ces valeurs ne sont pas en phase avec les leurs. 

De fait, si un élève a une sensibilité plus coopérative, le fait d’évoluer dans un environnement scolaire compétitif ou élitiste pourrait affecter son sentiment d’appartenance sociale en classe, ainsi que ses apprentissages et ses résultats.

Les élèves sont plus engagés lorsque les objectifs des activités de la classe correspondent à leurs propres valeurs. Le défi se pose pour les enseignants, de trouver des moyens d’exploiter les effets motivants des activités sociales et coopératives d’une manière compatible avec les objectifs d’apprentissage de tous les élèves. Le sentiment de coopérer avec d’autres aide les élèves à s’engager, à apprécier et valoriser le fait de fournir des efforts sur les tâches réputées difficiles. 




L’intérêt de soutenir le développement d’objectifs personnels et sociaux à long terme pour la persévérance scolaire


Alors même que l’enseignement étaye et met en avant les objectifs d’apprentissage et offre des possibilités de coopération, certains élèves peuvent toujours remettre en question le sens des apprentissages.

Des objectifs à long terme, même s’ils sont encore en développement, peuvent inciter les élèves à adopter et à s’engager à atteindre des objectifs d’apprentissage à l’école. 

Pour ce faire, les apprentissages doivent être idéalement et progressivement perçus par les élèves comme participant à leur développement personnel. L’enseignement à l’école ne peut se résumer à mémoriser des connaissances pour réussir une évaluation et les oublier dans la foulée. 

L’une des composantes de la persévérance scolaire est la présence d’un objectif réaliste à long terme. Il permet à l’élève de trouver un intérêt personnel ou du moins situationnel dans les apprentissages. 

Le fait d’avoir de projets et des objectifs à long terme ne motive pas nécessairement un engagement envers l’école. Encore faut-il que ces objectifs puissent être considérés comme liés au travail scolaire.

Une autre dimension des objectifs à long terme est qu’ils sont plus motivants lorsque les élèves pensent qu’ils sont réalisables, c’est-à-dire lorsqu’ils croient qu’ils sont susceptibles de les atteindre.

Une avant-dernière dimension est qu’un objectif peut également comprendre un engagement qui dépasse l’individu. Lorsque les élèves sont motivés par le désir de contribuer à la société, ils tendent à adopter davantage d’objectifs d’apprentissage et se sont moins centrés sur le simple fait d’éviter l’échec. Par contre, lorsque les élèves sont motivés par des désirs plus personnels, comme gagner de l’argent ou acquérir un statut, la donne semble différente. Ces ambitions s’accompagnent d’un moindre désir d’apprendre et d’une plus grande peur de l’échec en lien avec leurs capacités supposées. 

L’influence des objectifs personnels à long terme peut être suscitée dans le cadre de l’enseignement. Nous pouvons montrer les liens entre ce qu’un élève apprend et un objectif social plus large. 

Hyungshim Jang (2008) a montré que lorsque des étudiants entendaient qu’une activité académique relativement inintéressante leur permettrait d’être de meilleurs enseignants et d’améliorer la vie de leurs élèves, il y avait un bénéfice. Ils travaillaient plus longtemps à l’apprentissage du contenu. Surtout, ils traitaient le cours plus en profondeur que les autres étudiants qui n’avaient pas reçu cette information. Bien que tous les étudiants aient mémorisé les mêmes faits sur les statistiques, seuls ceux qui avaient un objectif plus large en sont venus à mieux comprendre la structure profonde du concept mathématique. Ils ont pu l’appliquer plus tard à de nouveaux problèmes qu’ils n’avaient pas vus auparavant. 

Maarten Vansteenkiste (et coll., 2004) a montré l’intérêt de dire aux élèves que l’apprentissage du recyclage peut les aider à améliorer la société par opposition à simplement leur permettre d’économiser de l’argent. Par la suite, ils ont persisté plus longtemps dans la tâche d’apprentissage, et ils ont mieux réussi un test d’apprentissage conceptuel profond. 

Chris Hulleman et Judith Harackiewicz (2009) ont développé une intervention auprès d’élèves de seconde (lycée — 15 ans) visant à les encourager à voir la pertinence des sciences dans leur vie :

  • Toutes les trois ou quatre semaines, dans le cadre d’un cours de sciences d’un semestre, les élèves étaient invités à rédiger un bref essai. Dans celui-ci, ils décrivaient comment le contenu qu’ils étudiaient cette semaine-là pouvait être appliqué à leur vie. 
  • Les élèves du groupe témoin résumaient simplement le sujet de la semaine. 
  • Les élèves du groupe d’intervention ont exprimé un plus grand intérêt pour les sciences à la fin du trimestre et ont obtenu de meilleures notes en sciences que les élèves du groupe de contrôle. 

Olga Godes et ses collègues (2007) ont étudié des conditions similaires. Ils ont montré que l’amélioration des résultats n’a été constatée que lorsque les élèves eux-mêmes ont donné les raisons pour lesquelles les contenus de l’apprentissage scolaire étaient pertinents. Il n’a pas été constaté lorsque les enseignants ont simplement dit aux élèves pourquoi le contenu devrait être pertinent pour leur vie. 

Une dernière dimension consiste à cibler les convictions des élèves sur ce qu’ils pourraient devenir et sur les moyens d’y aboutir. Pour les élèves qui font face à des obstacles importants pour leur réussite scolaire ou qui appartiennent à des groupes sociaux associés à de mauvais résultats scolaires en général, de tels exercices sont précieux. Ils les aident à préciser les moyens et l’engagement scolaire à mettre en œuvre. 

Daphna Oyserman (et coll., 2006) a testé une telle intervention aux États-Unis, auprès d’élèves afro-américains et hispaniques de 13-14 ans. Face à un groupe de contrôle, les élèves qui ont participé à l’atelier ont eu moins d’absences scolaires, moins de chances de se voir reprocher un comportement perturbateur. Ils ont manifesté une probabilité plus faible de risque de redoubler leur année scolaire et ont obtenu des notes nettement plus élevées l’année suivante. 


Mis à jour le 26/01/2023


Bibliographie


Dweck, C., Walton, G.M., & Cohen, G. (2014). Academic Tenacity : Mindsets and Skills that Promote Long-Term Learning.

Roseth, C. J., Johnson, D. W., & Johnson, R. T. (2008). Promoting early adolescents’ achievement and peer relationships: The effects of cooperative, competitive, and individualistic goal structures. Psychological Bulletin, 134 (2), 223–246 

Jang, H. (2008). Supporting students’ motivation, engagement, and learning during an uninteresting activity. Journal of Educational Psychology, 100, 798. 

Vansteenkiste, M., Simons, J., Lens, W., Sheldon, K. M., & Deci, E. L. (2004). Motivating learning, performance, and persistence: The synergistic role of intrinsic goals and autonomy support. Journal of Personality and Social Psychology, 87, 246–260. 

Hulleman, C. S., & Harackiewicz, J. M. (2009). Promoting interest and performance in high school science classes. Science, 326, 1410–1412. 

Godes, O., Hulleman, C. S., & Harackiewicz, J. M. (2007). Boosting students’ interest in math with utility value: Two experimental tests. Paper presented at the meeting of the American Educational Research Association, Chicago, IL. 

Oyserman, D., Bybee, D., & Terry, K. (2006). Possible selves and academic outcomes: How and when possible selves impel action. Journal of Personality and Social Psychology, 91, 188–204. 

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